diff --git a/base_evaluations_analyseWriter.xml b/base_evaluations_analyseWriter.xml index 296658c..5aa0342 100644 --- a/base_evaluations_analyseWriter.xml +++ b/base_evaluations_analyseWriter.xml @@ -1 +1 @@ - / <>/ Bonaparte Napoléon 2024-01-27T18:23:36.325000000 25 PT4H39M1S LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-29T15:20:50.030000000 Pablo Rodriguez La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain en France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu'à la proclamation de Napoléon III comme empereur le 2 décembre 1852.Les causes de la révolution de 1848 sont multiples. Elles sont d'abord politiques : la monarchie de Juillet est contestée par les républicains, qui souhaitent l'instauration d'une République plus démocratique. Elles sont également économiques : la France connaît une crise économique, avec une forte augmentation du chômage et de la pauvreté.La révolution de 1848 est un moment de grande effervescence politique et sociale. Le suffrage universel masculin est rétabli, l'esclavage est aboli dans les colonies, et des mesures sociales sont prises pour améliorer la condition des ouvriers.Cependant, la Deuxième République est un régime fragile. Les tensions politiques entre les républicains modérés et les républicains radicaux sont fortes. La crise économique continue, et les ouvriers se révoltent.En 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, fait un coup d'État et instaure le Second Empire. La Deuxième République prend fin. informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long TD informatique TD informatique Pablo Rodriguez Mise en forme d'un texte long 25 Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 Mon mémoire de fin d'année Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850 . Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / / / Bonaparte Napoléon 2024-01-27T18:23:36.325000000 25 PT4H39M1S LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-29T15:20:50.030000000 Pablo Rodriguez La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain en France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu'à la proclamation de Napoléon III comme empereur le 2 décembre 1852.Les causes de la révolution de 1848 sont multiples. Elles sont d'abord politiques : la monarchie de Juillet est contestée par les républicains, qui souhaitent l'instauration d'une République plus démocratique. Elles sont également économiques : la France connaît une crise économique, avec une forte augmentation du chômage et de la pauvreté.La révolution de 1848 est un moment de grande effervescence politique et sociale. Le suffrage universel masculin est rétabli, l'esclavage est aboli dans les colonies, et des mesures sociales sont prises pour améliorer la condition des ouvriers.Cependant, la Deuxième République est un régime fragile. Les tensions politiques entre les républicains modérés et les républicains radicaux sont fortes. La crise économique continue, et les ouvriers se révoltent.En 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, fait un coup d'État et instaure le Second Empire. La Deuxième République prend fin. informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long TD informatique TD informatique Pablo Rodriguez Mise en forme d'un texte long 25 Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 Mon mémoire de fin d'année Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850 . Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Caeli dare potuit isti suspicioni locum, fuit primum ipsius pudore, deinde etiam patris diligentia disciplinaque munita. Qui ut huic virilem togam deditšnihil dicam hoc loco de me; tantum sit, quantum vos existimatis; hoc dicam, hunc a patre continuo ad me esse deductum; nemo hunc M. Caelium in illo aetatis flore vidit nisi aut cum patre aut mecum aut in M. Crassi castissima domo, cum artibus honestissimis erudiretur. Nec sane haec sola pernicies orientem diversis cladibus adfligebat. Namque et Isauri, quibus est usitatum saepe pacari saepeque inopinis excursibus cuncta miscere, ex latrociniis occultis et raris, alente inpunitate adulescentem in peius audaciam ad bella gravia proruperunt, diu quidem perduelles spiritus inrequietis motibus erigentes, hac tamen indignitate perciti vehementer, ut iactitabant, quod eorum capiti quidam consortes apud Iconium Pisidiae oppidum in amphitheatrali spectaculo feris praedatricibus obiecti sunt praeter morem. Fieri, inquam, Triari, nullo pacto potest, ut non dicas, quid non probes eius, a quo dissentias. quid enim me prohiberet Epicureum esse, si probarem, quae ille diceret? cum praesertim illa perdiscere ludus esset. Quam ob rem dissentientium inter se reprehensiones non sunt vituperandae, maledicta, contumeliae, tum iracundiae, contentiones concertationesque in disputando pertinaces indignae philosophia mihi videri solent. Quanta autem vis amicitiae sit, ex hoc intellegi maxime potest, quod ex infinita societate generis humani, quam conciliavit ipsa natura, ita contracta res est et adducta in angustum ut omnis caritas aut inter duos aut inter paucos iungeretur. Inter has ruinarum varietates a Nisibi quam tuebatur accitus Vrsicinus, cui nos obsecuturos iunxerat imperiale praeceptum, dispicere litis exitialis certamina cogebatur abnuens et reclamans, adulatorum oblatrantibus turmis, bellicosus sane milesque semper et militum ductor sed forensibus iurgiis longe discretus, qui metu sui discriminis anxius cum accusatores quaesitoresque subditivos sibi consociatos ex isdem foveis cerneret emergentes, quae clam palamve agitabantur, occultis Constantium litteris edocebat inplorans subsidia, quorum metu tumor notissimus Caesaris exhalaret. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Strabon 2024-02-15T10:55:23.993000000 PT28M48S 18 LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-17T17:20:47.416000000 Pablo Rodriguez Très grande étendue de terre qui présente une vaste continuité géographique, et que les océans entourent en quasi-totalité.L'inlandsis du continent groenlandais se déversant lentement mais continuellement dans les fjords par des glaciers importants, vêle des icebergs de tailles variant à l'infini […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928) informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long Evaluation informatique Evaluation informatique En géologie Pablo Rodriguez 35 Evaluation informatique Mise en forme d'un texte long 0 / / Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. Sommaire Sommaire Histoire 2 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Définitions et applications 25 En géologie 33 Table des matières Table des matières Histoire 2 Antiquité et Moyen-Âge 2 Premiers globes encore conservés 4 Globes du XVIIe siècle 6 Les globes du XVIIIe siècle 8 Les globes du XIXe siècle à nos jours 10 Angleterre 10 Allemagne 11 Fabricants de globes 13 Symbolique du globe dans l'histoire 15 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Les premières définitions 19 L'arrivée des Européens aux Amériques 20 Le mot continent 22 Au-delà des quatre continents 23 Définitions et applications 25 Frontières des continents 26 Le statut des îles 29 Modèles de continents 30 Dénomination 30 Comparaisons : aire et population 32 En géologie 33 Caractéristiques 33 Dérive des continents 34 Index des illustrations Index des illustrations Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. 2 Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. 17 Evaluation informatique Mise en forme d'un texte long 17/02/24 Strabon Pablo Rodriguez Sommaire Sommaire Histoire 2 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Définitions et applications 25 En géologie 33 Histoire Antiquité et Moyen-Âge Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. La nature sphérique de la Terre est clairement connue des Grecs dès le IVe siècle av. J.-C. et des Romains comme le montre Pline l'Ancien qui écrivai t : « Parmi les crimes de notre ingratitude je compterai aussi notre ignorance de la nature de la terre. D'abord, quant à sa figure, le consentement unanime en décide : nous disons le globe de la terre, et nous convenons que la circonférence en est limitée par les pôles. Ce n'est pas, il est vrai, une sphère parfaite; il y a trop de montagnes élevées et de plaines étendues; mais si l'on fait passer une courbe par les extrémités des lignes, on décrira de cette façon une surface sphérique régulière. Les lois naturelles veulent qu'elle soit ronde, mais non en vertu des mêmes causes que celles que nous avons rapportées par le ciel. En effet, le ciel est une sphère creuse qui pèse de toutes parts sur son pivot, c'est-à-dire sur la Terre ; celle-ci, solide et condensée, s'arrondit comme par un mouvement de soulèvement, et se développe. Le monde tend vers le centre, la Terre tend hors du centre, et le globe immense qu'elle constitue prend la forme d'une sphère, par l'effet de la révolution perpétuelle du monde autour d'elle » Aristote en fournit des preuve s dans son ouvrage Du ciel et le mentionne dans ses Météorologiques. Les premières mentions d'une représentation de la Terre sous forme d'un globe proviennent de Strabon 1 Strabon, Géographie, livres X et XII. et Ptolémée. Strabon mentionne incidemment l'existence d'un globe terrestre construit par Cratès de Mallos au IIe siècle av. J.-C.3 . Il y découpait le globe en 4 parties dont une représentait l'écoumèn e. Ptolémée, dans son Almageste, indique comment fabriquer un globe terrestr e. On a également mention de globes terrestres construits durant l'âge d'or islamique sans qu'on puisse toutefois y distinguer la réalité de la légend e. David Woodward signale, par exemple, l'existence d'une référence à un globe terrestre construit par Jamal ad-Din et ramené de Perse à Pékin en 1276. En Europe, les mentions attestées de sphères terrestres, qui ne soient pas symboliques mais géographiques, semblent dater du début du XVe siècle, en France avec les globes de Jean Fusori s et Guillaume Hobi t, en Allemagne avec le globe du moine Fridericu s. Puis, dans le dernier tiers du XVe siècle, les témoignages sont de plus indiscutables sur la fabrication de globe s, notamment chez Nicolaus Germanus (en ). Premiers globes encore conservés Le plus ancien globe terrestre parvenu jusqu'à nous est le globe de Martin Behaim, réalisé à Nuremberg en 1492 et appelé Erdapfel. L'Amérique et l'Australie ne figurent logiquement pas sur ce globe de 51 cm de diamètre. Le cartographe Martin Waldseemüller adapte en 1507 l'imprimerie aux besoins des fabricants de globes en créant les fuseaux. Jusque-là, les globes étaient toujours peints et uniques. De plus, les cartes de Waldseemüller publiées à Saint-Dié des Vosges furent les premières à porter l'inscription « America ». Selon Monique Pelletier, il serait l'auteur en 1506 ou 1507 d'un globe manuscrit passé à la postérité sous le nom de Globe vert. Le Globus Jagellonicu s, exposé dans les locaux du Collegium Maius de l'université Jagellonne de Cracovie en Pologne, est daté de 1510 et serait le deuxième plus ancien globe montrant l'Amérique. L'Allemand Johann Schöner publie en 1515 une carte du globe sur douze fuseaux avec un manuel de mode d'emploi pour monter son globe terrestre de 27 cm de diamètre. La demande fut telle que les fabricants de globes avaient du mal à fournir. Malgré le nombre important de globes commercialisés à cette période, surtout aux Pays-Bas, il n'en reste aucun exemplaire aujourd'hui. Les plus anciens globes terrestres imprimés parvenus jusqu'à nous sont les productions du néerlandais Gemma Frisius (vers 1536). Gérard Mercator travailla notamment à la gravure des globes en 1536 et 1537. Ce dernier se mettra ensuite à son compte en produisant notamment un globe de 41 cm de diamètre. Globes du XVIIe siècle Au début du XVIIe siècle, Amsterdam s'impose comme la capitale des globes où travaille notamment Jodocus Hondius. Il ne reste aujourd'hui aucun globe signé Hondius. Seul subsiste de nos jours une copie d'un globe de 21 cm du maître néerlandais réalisé en 1615 par l'Italien Giuseppe de Rossi à partir d'un modèle datant de 1601. Parmi les autres fabricants amsterdamois, citons également Willem Blaeu, qui réalisa des globes de 68 cm de diamètre en 1616. Ils étaient alors les plus volumineux jamais construits. L'école d'Amsterdam essaime en Europe lors de la seconde partie du XVIIe siècle. En Angleterre, c'est Joseph Moxon, formé à Amsterdam chez Blaeuw, qui produit au milieu du siècle des globes de cinq dimensions. En Allemagne, citons Georg Christoph Eimmart (1638-1705). C'est toutefois l'Italie qui abrite le plus prestigieux fabricant de globes du siècle : Vincenzo Coronelli. Coronelli produit les plus spectaculaires globes de l'histoire : les Globes de Marly. Offerte à Louis XIV en 1683, cette paire de globes terrestre et céleste mesurent 3,87 mètres de diamètre sans le mobilier. En ajoutant ce dernier, l'ensemble culmine à huit mètres de hauteur pour près de 5 mètres de diamètre. Les Globes de Marly, parfois également nommés Globes de Coronelli, ne sont pas les seuls produits par le cartographe italien. On citera ainsi pour l'exemple le globe terrestre de 108 cm de diamètre ornant la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. Il existe plusieurs exemplaires de ce type de globes, surnommés les « 110 de Coronelli ». Les globes du XVIIIe siècle Dès les toutes premières années du XVIIIe siècle, le marché anglais des globes se scinde en deux branches : les globes de poche et les globes classiques. Parmi les plus fameux fabricants de globes de poche, citons Charles Price, qui opère au début du siècle, et Nathaniel Hill, actif de 1746 à 1768. La grande mode des globes miniatures culmine toutefois entre la fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle. Les Pays-Bas retrouvent en partie leur dynamisme au début du siècle sous l'impulsion de Gerard et Leonard Valk qui produisent entre 1701 et 1726 sept paires de globes terrestres et célestes de 7,75 cm à 62 cm de diamètre. L'Allemagne produit un globe étonnant et qui fera date : le globe muet. Signé par Franz Ludwig Güssefeld, ce globe de 10,3 cm de diamètre ne comporte aucune légende. Il avait un usage pédagogique, notamment pour interroger les élèves. En France, Guillaume Delisle (1675-1726), ancien élève de Jean-Dominique Cassini, signa un globe terrestre de 31 cm de diamètre vers 1700. Didier Robert de Vaugondy (1723-1786) réalise son premier globe terrestre en 1745. Il reçoit en 1751 une commande royale à destination de la marine avec des globes de 45,5 cm. Ces globes connurent plusieurs rééditions (1764 et 1773). Concernant les mises à jour liées aux nouvelles découvertes, les fabricants de globes assurent depuis l'origine une forme de service après-vente en fournissant à leurs clients des éléments de cartes à coller sur le globe. Les globes du XIXe siècle à nos jours Angleterre Les Anglais conservent toujours une solide école de fabricants de globes. La société Newton, Son & Berry produit ainsi de 1831 à 1841 des globes de poche tandis que James Wyld (1812-1887) fait sensation à l'occasion de l'exposition universelle de Londres en 1851 en construisant un globe unique de 12 mètres de diamètre. Les visiteurs pouvaient même pénétrer à l'intérieur du globe géant. Il s'agit évidemment d'une opération publicitaire pour présenter les produits de la maison Wyld. Aussi à Londres (Angleterre), le constructeur John Mowlem produit en 1887 un grand globe de pierre de Portland qu'il transporta par bateau jusqu'à sa ville natale de Swanage. Mowlem érigea le globe au sud de la ville, à Durlston Head, sur le Jurassic Coast, où il peut être vu aujourd'hui. Son diamètre est 3 mètres. Allemagne L'école de cartographie allemande était très réputée au XIXe siècle. L'Allemand Paul Oestergaard, avec son frère Peter de Columbus Erdglobus à Berlin, sont les inventeurs dès 1909 du premier globe terrestre en verre soufflé revêtu d'une carte en papier marouflé afin de le rendre translucide et de pouvoir l'éclairer par l'intérieur. Deux éditions limitées du globe Columbus furent fabriquées à Berlin au milieu des années 1930, le premier pour le parti et l'autre pour le chancelier allemand Adolf Hitler lui-mêm e. Il avait presque deux mètres de haut avec son socle. Les globes terrestres Columbus sont toujours fabriqués en Allemagne. Räthgloben Verlag est un atelier de fabrication de globes terrestres qui a été fondé en 1917 à Leipzig par Paul Räth et qui revendique d'avoir créé en 1921 le premier globe lumineux dont un exemplaire se trouve au musée des globes à la Bibliothèque nationale de Vienne. Un autre spécime n remarquable de globe de 64 cm de diamètre, fabriqué pour les paquebots de croisière de luxe de Norddeutschen Lloyd, se trouve depuis 1926 au Musée de Munich. Cette entreprise, qui a été reprise en 1999 par son concurrent italien Nova Rico S.p.A. Florence, a construit en 2001 une nouvelle usine qui a été doublée en 2021. France Outre-Manche, le Français Charles François Delamarche (1740-1817) domine le marché, notamment avec ses globes de 32,5 cm de diamètre. Delamarche [archive] avait acheté le fonds documentaire de Rober t de Vaugondy et exploita cette documentation. Ce fut le point de départ d'une dynastie de fabricants de globes de trois générations. Parmi les fabricants de globes français du début du XXe siècle, citons Girard & Barrère et Joseph Forest (1865-19..). Ce dernier a notamment fourni les écoles françaises mais a également proposé à son catalogue un globe briquet. Ce type de globe fantaisie se déclina également dans des versions globe-bar par exemple. Le dernier fabricant français de globes terrestres scolaires et professionel, l'éditeur de cartes et de plans de villes Taride à Paris, a cessé ses fabrications dans les années 1970. Fabricants de globes l n'existe aujourd'hui (2020) qu'une poignée de fabricants de globes à travers l’Europ e, réalisant encore le travail de manière artisanale. Les fabricants de globes sont de deux types : les cartographes qui éditent leurs travaux, et des éditeurs qui exploitent des travaux parfois anciens plus ou moins bien mis à jour. La fabrication de globes donna lieu à la mise en place de dynasties familiales sur plusieurs générations. On citera les Hondius, les Blaeu ou les Delamarche. Les globes terrestres Columbus sont toujours fabriqués depuis 1909 en Allemagne, les plus grands mesurent 1,30 mètres de diamètre, les plus luxueux sont toujours une carte en papier divisée en douze secteurs appliqués sur une sphère en cristal soufflé. Les modèles plus courants sont en plexiglas sérigraphié deux fois, à l'intérieur et à l'extérieur, afin de pouvoir afficher deux cartes politique ou physique selon que l'intérieur est éclairé ou pas. L'entreprise italienne de fabrication de globes terrestres Nova Rico S.p.A. à Florence propose depuis 1955 des beaux globes terrestres éducatifs, scientifiques ou décoratifs avec un diamètre allant jusqu'à 50 cm, certains ont une sphère multidirectionnelle (globe à double axe de rotation). Plusieurs modèles sont la reproduction de globes anciens. En 1999, Nova Rico s'est associé à Tecnodidattica S.p.A. de Gênes pour prendre une perticipation majoritaire dans l'entreprise allemande de globes Räthgloben 1917 Verlag de Leipzig qui a construit en 2001 une nouvelle usine, doublée en 2021. En France, le château royal d'Amboise a récemment acquis un globe fabriqué dans le dernier atelier français du genre, installé à Besançon, reprenant les techniques et la cartographie du XVIe siècl e Symbolique du globe dans l'histoire Dès le Ier siècle av. J.-C. l'empereur Auguste est représenté avec un globe, qui devient un attribut de la symbolique impérial e. Après le Moyen Âge, lorsqu’un roi s'attribue un globe, son image confère une dimension d’apothéose, de délégation sur terre d’un pouvoir divin. Au XVIe siècle, époque où les guerres de religion font rage, le globe est associé à l’instabilité du monde, la boule renvoie à la folie du monde, d'où l’expression « le monde à l’envers ». À la Renaissance, le globe, vecteur et somme des nouvelles connaissances astronomiques et géographiques, devient parallèlement un symbole de savoir érudit. Le globe représente également la vanité du monde et des accomplissements humains, leurs caractères éphémère s. Aujourd'hui, le globe connote l'universalité et la mondialisation, l’expansion mondiale de certaines grandes entreprises et la diffusion planétaire. Les images de la Terre vue de l’espace rendent visible la beauté de la planète, mais aussi sa fragilité par rapport aux pressions écologiques ou politiques. Les continents de la Terr e Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. Le mot continent vient du latin continere pour « tenir ensemble », ou continents terra, les « terres continues ». Au sens propre, ce terme désigne une vaste étendue continue de terre à la surface du globe. Cependant, cette définition strictement géographique est souvent amendée selon des critères historiques et culturels. On retrouve ainsi certains systèmes de continents qui considèrent l'Europe et l'Asie comme deux continents alors que l'Eurasie ne forme qu'une étendue de terre. La définition peu claire d'un continent a abouti à l'existence de plusieurs modèles de continents, qui acceptent actuellement de quatre à sept continents. Mais cela n'a pas toujours été le cas, et ces modèles ont varié au gré de l'Histoire et de la découverte de nouveaux territoires. Dans son acception commune, la zone continentale inclut également les petites îles à très faible distance des côtes, mais non celles séparées par des bras de mer significatifs. Histoire du concep t Les premières définition s La première distinction entre les continents a été faite par les anciens marins grecs qui ont donné les noms d'Europe et d'Asie aux terres des deux côtés du cours d'eau de la mer Égée, le détroit des Dardanelles, la mer de Marmara, le détroit de Bosphore et la mer Noire. Les penseurs de la Grèce antique ont ensuite débattu pour savoir si l'Afrique (alors appelée la Libye) devait être considérée comme faisant partie de l'Asie ou comme une tierce partie du monde. Une division en trois parties s'est finalement imposée. Du point de vue grec, la mer Égée, était le centre du monde, avec l'Asie à l'Est, l'Europe à l'Ouest et au Nord et l'Afrique au Sud. Les limites entre les continents ne sont pas fixes. Dès le début, la frontière de l'Europe avec l'Asie a été prise à partir de la mer Noire, le long de la rivière Rioni (appelée alors le Phasis) en Géorgie. Plus tard, elle était considérée comme allant de la mer Noire par le détroit de Kertch, la mer d'Azov et le long du fleuve Don (appelé alors le Tanais) en Russie. Avec la période romaine et le Moyen Âge, quelques auteurs ont pris l'isthme de Suez comme frontière entre l'Asie et l'Afrique, mais la plupart des auteurs continuent à considérer le Nil ou la frontière occidentale de l'Égypte comme frontière. L'arrivée des Européens aux Amérique s Christophe Colomb a traversé l'océan Atlantique pour atteindre les Antilles en 1492, ouvrant la voie à l'exploration et à la colonisation européenne des Amériques. Mais malgré ses quatre voyages vers l'ouest, Christophe Colomb n'a jamais su qu'il avait atteint un nouveau continent et a persisté à penser qu'il avait atteint l'Asie. En 1501, Amerigo Vespucci était le pilote d'une expédition qui naviguait le long de la côte du Brésil. De retour en Europe, Vespucci a publié un compte rendu de son voyage dans lequel on peut lire : « j'ai découvert un continent dans ces régions du sud qui est habité par plus de personnes et d'animaux qu'en Europe, en Asie ou en Afrique », première identification explicite des Amériques, un continent comme les trois autres. En 1507, Martin Waldseemüller publie une carte du monde, Cosmographia Universalis, qui est la première à montrer l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud distinctes de l'Asie et entourées par de l'eau. Un petit carton au-dessus de la carte principale explique pour la première fois que les Amériques sont à l'est de l'Asie et sont séparées de l'Asie par un océan, car les Amériques sont placées à l'extrémité gauche de la carte et l'Asie à l'extrémité droite, ce qui aurait pu créer une confusion. Waldseemüller a noté que la terre est divisée en quatre parties, l'Europe, l'Asie, l'Afrique et la quatrième partie dont il forge le nom à partir du prénom d'Amerigo Le mot continen t À partir du XVIe siècle, le nom anglais continent émerge. C'est un dérivé du terme continent land, ce qui signifie terre continue et traduit du latin terra continens. Le nom a été utilisé pour désigner « une partie de terre connectée ou continue ». Alors que le mot continent a été utilisé pour les zones relativement petites de la continuité de la terre, les géographes ont de nouveau soulevé la question de Hérodote sur les raisons pour lesquelles une seule grande masse devrait être divisée en deux continents. Dans son atlas de 1752, Emanuel Bowen définit un continent comme « un grand espace de la terre ferme comprenant de nombreux pays, sans séparation par de l'eau. Ainsi, l'Europe, l'Asie et l'Afrique sont un grand continent, l'Amérique en est un autre. ». Toutefois, la vieille idée de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique en tant que « parties » du monde a en fin de compte persisté, celles-ci étant désormais considérés comme des continents. Au-delà des quatre continent s À partir de la fin du XVIIIe siècle, certains géographes ont commencé à considérer l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud comme deux parties du monde, ce qui fait au total cinq parties. Cependant, la division par quatre fut globalement plus répandue au cours du XIXe siècle. Les Européens ont découvert l'Australie en 1606, mais pour un certain temps, elle a été vue comme une partie de l'Asie. À la fin du XVIIIe siècle, certains géographes ont considéré qu'il s'agissait d'un continent à part entière, ce qui en fait le sixième (ou le cinquième pour ceux pour qui l'Amérique est encore un seul et même continent). L'Antarctique a été aperçu en 1820 et est décrit comme un continent par Charles Wilkes sur l'Expédition Wilkes en 1838, c'est le dernier continent à être identifié, même si l'existence d'un grand territoire Antarctique avait été envisagée depuis des millénaires. En 1849, un atlas signale l'Antarctique comme un continent, mais peu d'autres atlas l'ont fait jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Le drapeau olympique, conçu en 1913, a cinq anneaux représentant les cinq terres habitées, traite l'Amérique comme un seul continent et n'inclut pas l'Antarctique. À partir du milieu du XIXe siècle, les atlas des États-Unis ont le plus souvent traité l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud comme deux continents, ce qui est compatible avec la compréhension de la géologie et de la tectonique des plaques. Mais il n'était toujours pas rare que les atlas américains les traitent comme un seul continent, du moins jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. C'est d'ailleurs cette dernière vision qui prévaut encore de nos jours en Europe. Toutefois, au cours des dernières années, il y a eu une poussée pour que l'Europe et l'Asie, traditionnellement considérées comme deux continents, soient considérées comme un seul continent, appelé « Eurasie » — là aussi compatible avec la compréhension de la géologie et de la tectonique des plaques. Dans ce modèle, le monde est divisé en six continents (si l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud sont considérés comme des continents distincts). Définitions et application s Il n'y a pas de définition unique d'un continent. C'est pourquoi les cultures et les sciences ont des listes différentes de continents. En général, un continent doit être une grande étendue, composée de terre ferme avec des limites géologiques significatives. Bien que certains considèrent qu'il n'y ait que quatre ou cinq continents, on considère habituellement qu'il y en a six ou sept. Le critère d'origine pour désigner un continent, le critère géographique, est ignoré au profit de critères plus arbitraires, souvent historiques et culturels. Sur les sept continents les plus couramment retenus, seuls l'Antarctique et l'Océanie sont séparés des autres continents. Frontières des continent s Étant donné que la définition d'un continent est souvent arbitraire, les séparations entre ceux-ci ne sont pas toujours clairement définies. Le détroit de Gibraltar marque conventionnellement la limite entre l'Afrique et l'Europe. La séparation de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud correspond à l'isthme de Panamá, une étroite bande de terre. La frontière entre l'Asie et l'Afrique est généralement fixée à l'isthme de Suez ce qui exclut le Sinaï de l'Afrique. L'Égypte se retrouvant à cheval sur deux continents, certains géographes proposent cependant de déplacer la limite entre ces deux continents à la frontière israélo-égyptienne. Par commodité, la frontière entre l'Asie et l'Amérique est fixée à la frontière russo-américaine, aux alentours du détroit de Béring. Les îles Komandorski sont donc asiatiques tandis que le reste des îles Aléoutiennes sont américaines. La séparatio n entre l'Océanie et l'Asie est encore aujourd'hui très discutée. En 1831, l'explorateur et géographe Jules Dumont d'Urville découpe l'Océanie en quatre régions : la Polynésie, la Micronésie, la Mélanésie et l'Insulinde (alors appelée Malaisie). Cette dernière partie sera ensuite rattachée à l'Asie ce qui explique la frontière actuelle entre Asie et Océanie : l'ensemble des îles indonésiennes est asiatique à l'exception de la Nouvelle-Guinée et des îles toutes proches. Mais le caractère arbitraire de cette limite amène les géographes à repenser cette frontière. Certains pensent qu'il serait plus approprié d'utiliser la ligne Wallace, d'autres voudraient inclure entièrement l'Indonésie en Asie en excluant le Timor oriental. La frontière la plus contestée est sans doute celle entre l'Asie et l'Europe, les limites de l'Europe ayant été déplacés aux cours des siècles et étant peu clairement définies. Au XVIIIe siècle, le Tsar Pierre Ier désire faire de la Russie une puissance européenne. Son géographe Tatitchev propose alors en 1703 que les monts Oural, le fleuve Oural et le Caucase constituent la frontière entre Europe et Asie en lieu et place du Don qui incluait alors la Russie dans l'Asie. Avec l'extension récente de l'Union européenne aux portes de l'Asie tant dans les Balkans qu'en Europe de l'Est se pose une nouvell e fois le problème du tracé exact de la limite entre Europe et Asie. Certains géographes, par commodité, voudraient repousser la limite au-delà du Caucase afin d'inclure notamment l'Arménie et la Géorgie en Europe. D'autres, à l'inverse, voudraient voir cette frontière fixée à la dépression de Kouma-Manytch située au nord du Caucase dans le but d'inclure les peuples turcs du Caucase dans l'Asie. Le statut des île s Les parties du monde sont des continents dans un sens élargi. D'une part, toute île fait partie d'une partie du monde puisque les parties du monde contiennent toutes les terres émergées, mais les îles ne font pas partie des continents (au sens commun, ou au sens scientifique) puisque leur territoire n'est pas continu avec le reste du continent. Elles sont donc habituellement considérées comme appartenant au continent dont elles sont le plus proche. Par exemple, les Canaries — quoique espagnoles — sont rattachées à l'Afrique, les Baléares font partie de l'Europe et les îles du Pacifique appartiennent à l'Océanie. Il en est de même pour l'île de la Réunion ou l'île Maurice qui, malgré la distance qui les sépare de l'Afrique, sont considérées comme des îles africaines. Modèles de continent s Deux des plus grandes oppositions portent sur l'Europe et l'Asie qui pourraient être unifiées (Eurasie) et sur l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud qui formeraient l'Amérique. Quelques géographes proposent de regrouper l'Europe, l'Asie et l'Afrique en une Afro-Eurasie. Le modèle à sept continents est souvent utilisé en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. Le modèle à six continents (Eurasie) est très utilisé en Amérique du Nord, et est le modèle de choix pour la communauté scientifique. Enfin, le modèle unissant l'Amérique est utilisé en Europe de l'Est, en Amérique du Sud et également dans certains endroits de la partie septentrionale de l'Amérique. Dénominatio n Afrique, adopté dès l'Antiquité comme nom de l'actuelle Tunisie. Amérique (du latin America), du nom d'Amerigo Vespucci, sur proposition de Martin Waldseemüller. Antarctique du latin antarcticus, du grec ancien antí, « contre », et arktikos (« Arctique »), ce dernier mot étant formé à partir de arktos (« ours »). L'Arctique a été appelé ainsi car il correspond à la moitié du globe qui est du côté de la constellation de la Grande Ourse. L'Antarctique, qui est à l'opposé, est donc « l'anti-Arctique ». Asie, soit du nom de l'Océanide Asie (plus communément appelée Clymène), soit un dérivé d'Assuwa, un État confédéré situé dans l'Ouest de l'Anatolie et dont le nom proviendrait du hittite assu qui signifie « bon ». Europe, composition des mots grecs eurýs (« large ») et ops (« visage »). Océanie vient du latin oceanus, « océan ». Comparaisons : aire et populatio n Le schéma suivant donne la superficie, la population, la densité de population et le nombre de pays de chaque continent, suivant le modèle à sept continents. La superficie totale des continents est 148 647 000 km², ou approximativement 29 % de la surface de la Terre (510 065 600 km²). En géologi e Caractéristique s Pour les géologues, il existe à la surface de la Terre deux éléments structurels distincts : la croûte continental e, formée pour l'essentiel de granite et de roches associées, et la croûte océanique, de basalte et de gabbro. Aussi, la limite entre domaine continental et domaine océanique se trouve sous la surface de la mer : il est alors question de « plateau continental » qui se prolonge parfois à plusieurs kilomètres au-delà du trait de côte. Lors de la dernière époque glaciaire (à l'apogée de la glaciation de Würm il y a 20 000 ans), en Europe occidentale, le plateau continental s'étendait à plusieurs dizaines de kilomètres à l'ouest du littoral actuel. Dérive des continent s Au début du XXe siècle, Alfred Wegener remarque que par la disposition des continents, la côte est de l'Amérique du Sud semble s'emboiter parfaitement dans la côte ouest de l'Afrique. Il est le premier à alors proposer, à partir de cette observation, la théorie de la dérive des continents : un supercontinent, la Pangée, se serait fragmenté au début de l'ère secondaire et, depuis cette date, les masses continentales issues de cette fragmentation dériveraient à la surface de la Terre. Au cours du XXe siècle, il fut accepté par les géologues que les continents bougent à la surface de la planète, à l'échell e des temps géologiques. Ce processus est connu sous le nom de « dérive des continents » et est expliqué par la tectonique des plaques. La surface de la Terre est constituée de sept plaques tectoniques majeures (ainsi que de nombreuses mineures). Ce sont celles-ci qui dérivèrent, se séparèrent et s'assemblèrent pour former au fil du temps les continents que nous connaissons aujourd'hu i. Par conséquent, il existait d'autres continents dans le passé géologique, les paléocontinents. On a pu déterminer qu'il y a eu des époques de l'histoire de la Terre où il n'y avait qu'un seul grand continent à sa surface. Le plus récent, la Pangée remonte à 180 millions d'années. Le prochain « continent unique » devrait apparaître dans 250 millions d'années par le rapprochement de l'Afrique, de l'Eurasie et des Amériques, il s'agirait de la Pangée ultime Table des matières Table des matières Histoire 2 Antiquité et Moyen-Âge 2 Premiers globes encore conservés 4 Globes du XVIIe siècle 6 Les globes du XVIIIe siècle 8 Les globes du XIXe siècle à nos jours 10 Angleterre 10 Allemagne 11 Fabricants de globes 13 Symbolique du globe dans l'histoire 15 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Les premières définitions 19 L'arrivée des Européens aux Amériques 20 Le mot continent 22 Au-delà des quatre continents 23 Définitions et applications 25 Frontières des continents 26 Le statut des îles 29 Modèles de continents 30 Dénomination 30 Comparaisons : aire et population 32 En géologie 33 Caractéristiques 33 Dérive des continents 34 Index des illustrations Index des illustrations Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. 2 Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. 17 Résumé : Très grande étendue de terre qui présente une vaste continuité géographique, et que les océans entourent en quasi-totalité.L'inlandsis du continent groenlandais se déversant lentement mais continuellement dans les fjords par des glaciers importants, vêle des icebergs de tailles variant à l'infini […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928) choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description ////// / Pablo Rodriguez 2020-07-04T15:15:32.048000000 PT32M50S 7 LibreOffice/6.4.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/a726b36747cf2001e06b58ad5db1aa3a9a1872d6 TD MEPTL Mise en page d’un texte long Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. 2020-09-18T13:21:25.725000000 Pablo Rodriguez 2020-07-02 UFR Histoire TD n°1 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine Mise en page d’un texte long 28/ 39 / / Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. Sommaire Sommaire A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 § C.3 - Déclin et destruction 9 § C.4 - Redécouverte 11 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 § D.2 - Équipements 22 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 § D.4 - Cour et jardin 31 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 § E.2 - Espace de représentation 37 Table des matières Table des matières A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 C.2.a Des origines à l'épanouissement 6 C.2.b Premières occupations dans le secteur 7 C.2.c Maison au petit péristyle 8 C.2.d Maison au grand péristyle 9 § C.3 - Déclin et destruction 9 C.3.a Maison à la mosaïque en damier 9 C.3.b Destruction progressive 10 § C.4 - Redécouverte 11 C.4.a Fouilles 11 C.4.b Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique 12 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 D.1.a Organisation générale 14 D.1.b Organisation du rez-de-chaussée 15 D.1.c Emprise de l'ancienne maison orientale 16 D.1.d Emprise de l'ancienne maison occidentale 18 D.1.e Incertitude sur l'organisation de l'étage 20 D.1.f Aile occidentale 21 D.1.g Aile septentrionale 21 § D.2 - Équipements 22 D.2.a Chauffage 22 D.2.b Eau 22 D.2.c Autres équipements 24 D.2.d Décor 24 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 D.3.a Fresques et stucs 25 D.3.b Mosaïques 29 D.3.c Décor architectural 30 D.3.d Colonnes de la galerie de façade 30 D.3.e Piliers 30 § D.4 - Cour et jardin 31 D.4.a Colonnes du péristyle 31 D.4.b Jardin central 32 D.4.c Colonnes du laraire et du balcon 33 D.4.d Mobilier statuaire 34 D.4.e Statue dite tutela 34 D.4.f Autres éléments 35 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 E.1.a Témoignage de la romanisation 36 E.1.b Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement 36 § E.2 - Espace de représentation 37 E.2.a Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire 37 E.2.b Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux 38 Index des plans Index des plans Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. 4 Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. 8 Index des photographies Index des photographies Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. 9 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine Mise en page d’un texte long Pablo Rodriguez UFR Histoire TD n°1 02/07/2020 Sommaire Sommaire A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 § C.3 - Déclin et destruction 9 § C.4 - Redécouverte 11 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 § D.2 - Équipements 22 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 § D.4 - Cour et jardin 31 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 § E.2 - Espace de représentation 37 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée  domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. La cité est créée au ier siècle et connaît son apogée aux IIe et IIIe siècles. Touchée par les invasions du IIIe siècle, la cité n'est pas pourvue d'une enceinte et ne devient pas le siège d'un évêché. Le territoire des Viducasses dont Aregenua est la capitale, est absorbé par la cité de Bayeux de manière attestée au début du Ve siècle et la cité cesse d'exister comme centre urbain, même si le site reste occupé de façon continue. La maison du bas de Vieux est un édifice particulier dont l'apogée est daté des IIe siècle et IIIe siècle. Du fait de la ruralisation de la cité à partir du Ve siècle, les vestiges de l'ancienne cité sont accessibles à la recherche et font l'objet de fouilles précoces à partir de la fin du XVIIe siècle. Le site de la maison est plus systématiquement fouillé au XIXe siècle puis surtout à la fin des années 1980. La fouille exhaustive a également permis de retracer l'histoire de l' insula sur laquelle elle est située, du ier au Ve siècle apr. J.-C.. L'ampleur des découvertes est à l'origine du projet d'ouverture d'un musée de site, le musée archéologique de Vieux-la-Romaine, inauguré en 2002. Les enduits ont été réétudiés en 2010. Par ses proportions et l'état de conservation de ses éléments de décor, dont un ensemble de colonnes sculptées, la Maison au grand péristyle est unique au nord de la Loire. Édifice non exceptionnel tant dans sa taille que dans son décor, il est cependant un archétype, un « cas sans doute banal » selon Vipard de ce genre de maison appartenant aux élites désireuses de jouer un rôle social et politique, au-delà du rôle d'habitat individuel. La maison témoigne donc à la fois de la diffusion des modèles architecturaux méditerranéens dans les élites gauloises, du processus de romanisation et du rôle de ces édifices dans la vie sociale. Localisation Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. La commune de Vieux-la-Romainese situe à 10 km environ au sud-ouest de Caen et occupe le site de la ville antique d'Aregenua, centre urbain du peuple gaulois des Viducasses qui s'étendait sur une surface de 2 300 km ². La Maison au grand péristyle dont la façade est reliée au cardo se situe sur le coteau de la Guigne dans le quartier des thermes, un quartier dense disposant d'un « système de rues à galerie de façade » et d'un réseau de voies constitué au IIe siècle. 1 Pascal Vipard, La cité d'Aregenua (Vieux, Calvados); chef-lieu des Viducasses. état des connaissances , Château-Gonthier, 2004, p57. Vestiges du forum de Vieux présentés lors des Journées européennes du patrimoine de 2016. À proximité de l'édifice ont été retrouvées des bornes chasse-roues qui laissent supposer qu'une fontaine était présente. À environ 40 m au sud-ouest se trouve un second édifice thermal, fouillé aux XVIIIe et XIXe siècles. Cet édifice d'environ 90 m sur 50 m disposant d'une probable bipartition entre hommes et femmes a été offert à la ville par deux notables gallo-romains du nom de Sollemninus et de Titus Sennius Sollemnis à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle selon l'inscription honorifique gravée sur le piédestal appelé marbre de Thorigny. Dans le voisinage immédiat de la maison se trouvent à l'est des  insulae composées en bois et en torchis ainsi qu'une  domus de taille modeste sur son côté nord et une seconde située à proximité de boutiques, et au nord des thermes datés du milieu du IIe siècle et fouillés au XIXe siècle. Non loin de là se situe également le forum de la cité, qui a fait l'objet de fouilles au XIXe siècle et également à la fin du XXe siècle et début du xxie siècle. Le mur de façade de la Maison au grand péristyle est visible au nord-ouest du site. Les archéologues, n'ayant pas découvert d'autres vestiges au sud de la maison, en déduisent qu'elle correspond à la limite de la cité antique. Histoire Histoire de la cité La cité d'Aregenua, siège de la tribu des Viducasses, est fondée au ier siècle et connait son apogée aux IIe siècle et IIIe siècle sous la dynastie des Sévères. Au cours des troubles qui affectent l'Empire romain au IIIe siècle, la ville est durement touchée mais n'est pas dotée d'une enceinte contrairement à d'autres cités voisines comme Jublains, Lisieux, Bayeux ou encore Évreux. Si le site continue d'être habité, il perd toutefois de son importance au profit de Bayeux qui devient le siège d'un évêché. À la fin du IIIe siècle et au début du ive siècle, le déclin amorcé devient encore plus net : la ville fusionne avec Bayeux au début du ive siècle puis disparaît administrativement avant l'an 400. Une grande partie de la population quitte alors la ville. Histoire de l'édifice Des origines à l'épanouissement Les fouilles ont mis en évidence l'histoire du quartier ; les archéologues ont pu démontrer que les matériaux de construction utilisés pour les maisons du secteur se sont améliorés et qu'un luxe croissant caractérise l'évolution de l'édifice. Premières occupations dans le secteur Les premières occupations du site, datées du ier et IIe siècles apr. J.-C., consistent en constructions légères en bois, torchis et sols en terre battue. Le secteur de la  domus possédait probablement une vocation artisanale comprenant des ateliers de bronziers ou de verriers. Le quartier est quadrillé de voies à partir de 125-150 apr. J.-C.A 1. C'est à cette période que l'utilisation de la pierre dans la construction se généralise à Aragenua. L' insula du milieu du IIe siècle est occupée par deux constructions, la maison orientale (de 751 m2) et la maison occidentale, qui sont davantage connues pour la réutilisation de certains de leurs éléments dans des constructions ultérieures. La maison occidentale est, quant à elle, en partie rasée. Maison au petit péristyle Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. Les maisons du troisième quart du IIe siècle sont déjà des bâtiments de grande taille. L'un d'entre eux est détruit vers 170-180 apr. J.-C. afin de permettre l'extension d'un second bâtiment que les archéologues baptisent Maison au petit péristyle du fait de la présence d'un péristyle de modeste dimension. Outre cette extension, des changements affectent tout l'édifice : une aile est adjointe à la maison, des pièces sont ajoutées côté sud et des restructurations ont lieu dans l'aile ouest. La maison obéit désormais à un plan rectangulaire gréco-italique classique d'environ 50 m sur 30 m. La superficie de l'édifice est augmentée par l'ajout d'un jardin, et il est pourvu dans le même temps d'un décor luxueux. La cour mesure 5,30 m sur 7,90 m avec un bassin en briques fermé par un portique large de 2,70 m et comptant 10 colonnes d'un décor rare. La maison possède également un  tablinum qui constitue un archaïsme pour l'époque, bien qu'une disposition similaire soit attestée dans la maison au Dauphin de Vasio. Maison au grand péristyle Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. À la fin du IIe ou au début du IIIe siècle ont lieu des aménagements importants : un  viridarium vient occuper la cour et le péristyle double de surface, justifiant ainsi l'appellation de Maison au grand péristyle. La maison est occupée jusqu'au dernier quart du IIIe siècle. Déclin et destruction Maison à la mosaïque en damier La bâtisse subit un incendie au cours de la seconde moitié du IIIe siècle mais elle est réparée et reçoit le nom de Maison à la mosaïque en damier du fait de l'apparition de ce nouvel élément de décor. La qualité de vie baisse et des artisans, métallurgistes et bouchers, s'installent dans la maison. Le plan architectural ne change pas et les aménagements témoignent d'une poursuite de l'occupation. Le système d'hypocauste ne semble toutefois plus utilisé, et une mosaïque est restaurée avec du mortier de tuileau, démontrant l'incapacité des occupants à réparer l'œuvre au moyen d'artisans locaux. Le système d'alimentation en eau des bassins est hors service et une évacuation d'eau est créée pour pallier la défaillance d'une canalisation. Destruction progressive Dans le premier tiers du ive siècle, un nouvel incendie ruine l'édifice déjà quasiment abandonné et les récupérations de matériaux débutent. Le  cardo perce les ruines vers 330-340, et génère « des destructions considérables », en particulier dans l'aile ouest puisque ce percement détruit les 3/4 des salles qui la composent. L'occupation du site semble toutefois perdurer comme en témoigne la découverte, dans une fosse remplie de déchets de boucherie, d'« un lot de 38 antoniniens, mais aussi (… d') une monnaie de Gratien frappée entre 368 et 375 », ainsi que celle, ailleurs sur le site, d'« une monnaie très usée de Flavius Arcadius, frappée entre 368 et 375 ». La maison sert par la suite de ressource pour la récupération de matériaux de construction, de manière ponctuelle d'abord, puis à plus grande échelle entre 475 et 550, comme l'atteste la découverte sur le site d'une hache franque de 13,50 cm. Les récupérateurs de matériaux taillent en particulier les colonnes et acheminent de nombreux fragments dans des fours à chaux afin de procéder à « une récupération très poussée » des éléments récupérés, ne laissant que des éléments non réutilisables (torchis, enduits, petites pierres...) qui créent une couche de destruction, mais qui préservent paradoxalement certains fragments permettant de reconstituer aujourd'hui une partie du décor. La maison disparaît physiquement du paysage à cette période. Beaucoup plus tard, sans doute au XVIIIe siècle, de la terre végétale est apportée pour mettre en culture la zone qui gagne alors « une physionomie tout à fait rurale ». Redécouverte Fouilles Les fouilles débutent à Vieux dès 1697, soit près d'un demi-siècle avant celles de Pompéi et plus d'un siècle après la découverte du marbre de Thorigny. En 1812, une partie de la zone méridionale de la maison est explorée par le propriétaire, qui découvre une mosaïque. La société des antiquaires de Normandie procède à une nouvelle fouille en 1826, mais seul un fragment de mosaïque est retrouvé. Les autres fouilles menées à Vieux au XIXe siècle ne concernent pas l'édifice. À partir de 1988, le Conseil général du Calvados lance un programme de fouilles dans la commune en axant prioritairement ses recherches sur l'habitat. La maison est alors fouillée par Pascal Vipard entre 1988 et 1991. Ce dernier parvient à mener efficacement ses travaux du fait de l'absence de toute construction au-dessus du site antique, faisant de ces fouilles les plus importantes menées à Vieux depuis 1864A 7. La maison au grand péristyle constitue d'ailleurs le sujet de thèse de doctorat de Pascal Vipard, soutenue en 1996 à Paris IV sous la direction de François Hinard : « Une  domus du quartier des thermes d'Aregenua (Vieux, Calvados). Contribution à l'histoire de l'habitat urbain en Gaule romaine ». L'étude du site permet de suivre l'évolution de la maison de sa construction à sa destructionA 7 et de mettre en évidence six périodes. 677 pièces de monnaies sont ainsi découvertes, dont aucune comprise entre les règnes de Commode et Gallien, ainsi que 770 kg de céramique réparties en 140 800 tessons, ce qui prouve l'intégration de la cité aux voies commerciales du Haut-Empire. Les tessons de céramiques communes proviennent ainsi essentiellement de l'actuelle Sarthe, de la Picardie et du Dorset, tandis que les céramiques plus luxueuses ont pour origine le centre de la Gaule. Les restes d'amphores correspondent principalement à des amphores du type Dressel 20 destinées au transport d'huile de Bétique, de vin de Gaule narbonnaise ou plus rarement d'Asie mineure, « denrée très coûteuse ». Le site livre également 3 576 tessons de verre ainsi que la statue dite tutela de Vieux-la-Romaine en août 1988. Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique Dès sa découverte, la maison apparaît comme le seul édifice d'époque romaine visitable en Basse-Normandie et la seule maison à péristyle conservée dans le nord de la France. Après avoir été aménagée à l'initiative du Conseil général du Calvados à partir du mois de septembre 1992, la maison fait l'objet d'une présentation au public à partir de juillet 1993. Les choix de restauration sont à mi-chemin entre sauvegarde du site et visées pédagogiques, comme à Saint-Romain-en-Gal ou à Jublains. Les élévations n'ont pas été restituées, mais un hypocauste est remis en place ainsi que des copies d'éléments de décor assurés. La construction présentée au public est celle de la maison au grand péristyle de la fin du IIe siècle - début du IIIe siècle, à l'exception du maintien de la percée dans la construction du ive siècle. Toutefois, la restauration a nécessité des choix qui ont pu être infirmés par des études ultérieures. La partie sud en particulier n'a été étudiée qu'après la mise en valeur du site ayant entraîné une restitution à certains égards non conforme à la réalité. Les enduits peints, étudiés partiellement au début des années 1990, ont été réétudiés en 2010 : cette nouvelle analyse, qui a permis de relever des incohérences dans les restitutions proposées jusqu'alors, a soulevé des questions déontologiques sur l'étude de vestiges non traités « en une seule étude », ainsi que le problème de la réversibilité des restaurations effectuées. 2 Julien Boislève, « La Maison au Grand Péristyle à Aregenua (Vieux -Calvados), une relecture du programme décoratif peint et stuqué » , dans Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’antiquité, Ier-IVe siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique, Actes du colloque de Caen, 7-8 avril 2011 , Chauvigny-Caen, 2011, p. 135-154. Description de l'édifice à l'époque de son apogée Architecture Organisation générale La maison s’étend sur une surface de 1 250−1 500 m2, d'après un plan gréco-italique de 50,80 m sur 30,80 m dont un espace clos de 1 421 m2. Sa superficie la classe « parmi les plus grandes demeures de Gaule ». Le rez-de-chaussée comporte 14 pièces et 5 couloirs, et l'étage n'est pas connu mais estimé par les archéologues à 572 m2. L'édifice comporte en outre une galerie de façade. La maison, localisée dans le centre-ville, était importante et visible sur trois côtés au moins. L'ampleur des destructions rend toutefois difficile de déterminer les fonctions des différentes pièces résidentielles. Les fondations de l'édifice, d'une profondeur allant jusqu'à deux mètres, sont puissantes et constituées de blocs de grès. Les murs sont en opus vittatum ou en petit appareil de calcaire local, mais certains comportent des rangs de briques. Parmi les matériaux utilisés, la pierre de Caen et le travertin ont été identifiés et comportent des traces d'outils. La maison a été bâtie avec des matériaux locaux et à l'aide d'une main d’œuvre locale, ce qui a pu minorer le coût de la construction, même si la fortune du propriétaire devait être conséquente (l'achat de l'emplacement, souvent construit, représentait une part non négligeable de l'opération). Organisation du rez-de-chaussée Le rez-de-chaussée comprenait 14 pièces, plus 12 pièces de service et 5 couloirs et circulations. La maison s'organisait autour d’une cour centrale, ornée d’un bassin et entourée d’un péristyle. Un système d'hypocauste assurait le chauffage de plusieurs pièces. La  domus a conservé aussi une partie de son dallage d’origine en calcaire. La galerie, large d'environ 3,30 m, occupait toute la façade de la maison et protégeait ses occupants de la pluie, du fait de son orientation au nord, tout en permettant de soutenir un étage. Le sol de la galerie était composé de dalles de marbre rose local, fait inhabituel pour cette cité. Des colonnes lisses en façade, attestées par la découverte d'éboulis, supposent l'existence d'un étage. Une baie à deux arcades signalait l'entrée de la maison. Cette entrée monumentale faisait face au  cardo II et était destinée à marquer le rang social de son propriétaire en s’inspirant de l'architecture officielle, notamment des portes des villes d'alors. Emprise de l'ancienne maison orientale L'entrée comportait une porte en chêne à deux battants d'environ un mètre, dont on a retrouvé la serrure dans les couches de destruction faisant suite à un incendie. Cette porte permettait l'accès des clients du maître de la maison. Le vestibule était organisé en deux parties et mesurait 3,60 m sur 2,50 m. Deux pilastres hauts de 4,50 m étaient ornés de figures mythologiques et probablement du portrait des propriétaires. Le second espace correspondait à des  fauces (vestibules) également ornés de piliers. La loge, très grande car mesurant 6 m sur 4,30 m, possédait des murs en  opus vittatum, en torchis et en bois. Le sol était constitué d'un plancher large de 0,21 m et épais de 3 cm. Sa surface semble correspondre à un lieu de stockage ou à une boutique ; par ailleurs les archéologues ont reconnu la trémie d'un escalier d'accès à l'étage. Une cuisine de 4,50 m sur 4,75 m avec un sol en mortier était munie d'un puits. D'autres pièces de service étaient présentes dans le même secteur, dont des latrines — témoignage de la richesse de l'habitation — couvertes de chaux et par lesquelles passait une conduite se dirigeant vers l’égout extérieur. Plusieurs pièces de la maison étaient chauffées par hypocauste et un  praefurnium était situé non loin. Une des pièces chauffées, de 3,20 m sur 4,80 m, contenait un riche décor de divinité orientale. L'hypocauste, bien conservé, a été restauré et peut être aujourd'hui observé en écorché sur praefurnium le site ; il conservait des éléments d’enduit de tuileau ainsi que des  tubuli. La taille de la pièce laisse penser qu'il s'agissait d'un bureau ou d'une chambre. Le  praefurnium était accessible depuis la rue. La chambre ainsi qu’une autre pièce, sûrement une antichambre, communiquaient avec le portique par un vestibule. Certaines pièces assez grandes, dont une de 6 m sur 5,80 m, n’ont pu être identifiées précisément dans la partie sud de l'édifice, même si Vipard suppose que l’une d'entre elles, munie de cloisons de torchis, était un lieu de rassemblement où les occupants avaient pour habitude de boire ensemble. La présence de monnaies datant de Vespasien à Marc Aurèle, ainsi que de nombreux tessons de céramique et de verre allant du IIe siècle au ive siècle, semble étayer cette hypothèse. Une pièce de 6,60 m sur 6 m environ n’a également pas pu être identifiée. Un long couloir de presque 19 m de long sur 3 m de large comportait des murs revêtus d’enduits portant des cercles. Cette coursive disposait d'une porte secondaire ou  posticum donnant sur le  cardo I et sûrement destinée à un usage privé par les occupants de la maison. La partie ouest du couloir ne menait vraisemblablement nulle part. Les vestiges des pièces localisées au sud étaient mal conservés et certaines salles ne sont aujourd'hui connues que par des négatifs de murs. Une loge de portier, au sol en galets, a été identifiée et une pièce à proximité avait probablement une fonction de réserve pour le bois destiné au  praefurnium du secteur. La fouille de 1826 est située à proximité, les vestiges en place ont cependant permis une étude stratigraphique : la pièce était chauffée et la mosaïque possédait un décor géométrique qui a été remplacé à l’époque tardive par une nouvelle mosaïque contemporaine, lorsque cette dernière fut transformée en salle froide. Une cour à ciel ouvert de plus de 50 m2 avait un sol en terre et pierre, et une porte donnant accès vers le sud est supposée. Des traces d'enduit rouge ont été trouvées sur un des murs. Des caves, d'une contenance de 4 m3 à 10 m3 et fermées au moyen d'une serrure et d'une couverture de tuiles, se sont succédé dans le secteur. Un bac à huîtres a été découvert, et outre le stockage alimentaire, le secteur a livré des traces d'artisanat de textile et de travail de bronze. Emprise de l'ancienne maison occidentale Au sud-ouest, les archéologues ont dégagé un  praefurnium et un balnéaire qui appartenaient à la Maison occidentale préexistant à la Maison au petit péristyle. L'alimentation du  praefurnium se faisait par l'extérieur. Le secteur a été endommagé par le passage du  cardo au milieu de l'édifice durant la période du Bas-Empire. Une baignoire était située dans le  caldarium. Du fait de l'état de conservation du secteur, les conduites d'eau et d'évacuation n'ont pu être reconnues. La conservation de ces pièces en dépit des transformations profondes de l'édifice peut s'expliquer par cette installation. La pièce en forme de L qui est contiguë a probablement servi d' apodyterium ou de  frigidarium. Un balnéaire privé était réservé aux demeures les plus riches et témoigne donc ici du haut niveau social des propriétaires. La pièce cesse cependant d'être chauffée alors que la  domus reste occupée : cet abandon est probablement dû à la proximité immédiate d'édifices thermaux très bien équipés et propices à la vie sociale. Une salle de réception située au nord du complexe balnéaire, mesurant environ 8 m sur plus de 6 m, a livré un très riche décor conservé en dépit du percement du  cardo. La pièce était potentiellement ouverte sur le  viridarium et d'un niveau différent de 15 cm par rapport au portique. Elle était destinée aux repas et également à la réception d'invités et de clients du fait de son décor. Les salons étaient en effet des espaces publics ouverts sur le jardin. Au nord de cette pièce se situe la plus grande salle de la maison, de 9,20 m sur 7,80 m. Cet espace de réception a souffert de l'incendie de l'édifice, du percement de la rue et de prédations liées aux récupérations de matériaux. La présence de deux pièces de réception contiguës est connue par la maison de Méléagre de Pompéi ; elles étaient sans doute utilisées en fonction de l'effectif accueilli. La salle n'est toutefois pas un  triclinium puisque les gallo-romains ne mangeaient pas couchés. Elle a conservé des traces d'enduits initialement interprétés comme des indices attestant la présence d'un escalier pour rejoindre l'étage, sur le mur sud ou ouest. Cette interprétation a été battue en brèche par l'analyse de 2010, et le rapprochement avec des éléments similaires retrouvés à Chartres incitent Boislève à interpréter ces enduits comme des encadrements de fenêtres. Une pièce de 7,80 m sur 7,20 m, s'apparentant à une boutique, est présente sur la façade nord de la maison. Elle est décorée simplement, avec un sol en mortier recouvert d'un enduit datant de l'époque de la maison occidentale. La boutique, qui était louée ou tenue par du personnel de maison, a été détruite par le percement du  cardo. Une pièce située à sa gauche, également très simple, conserve un pan de mur de la maison orientale qui est « le plus ancien conservé ». Le péristyle a fait l'objet d'un doublement de sa surface à son apogée monumental et était alors pourvu d'un jardin ou  viridarium. Sa surface était supérieure à 322 m2 dont 130 m2 pour le jardin et 192 m2 pour les portiques. Le lieu s'agrémentait d'un sol en béton de tuileau et d'un décor de qualité. Un laraire était installé dans sa partie nord, relié à un balcon ou à une galerie située à l'étage. Trois côtés du péristyle s'ornaient de colonnes, tandis que le portique en comportait sept sur le long côté et quatre sur les petits. Les fouilles ont révélé de nombreux fragments de verre à vitre. L'accès au péristyle se faisait par une salle de réception. Sur la façade sud de l'édifice, les archéologues ont dégagé peu de choses : des traces d'appentis et des foyers d'un type commun dans les  villae, placés de façon à limiter les risques d'incendies. Cet espace semble avoir également servi de cuisine secondaire, comme en attestent les coquillages, moules, huîtres et bulots qui y ont été retrouvés. Les limites d'autres espaces situés au sud et à l'ouest n'ont pu être définies. Incertitude sur l'organisation de l'étage À l'origine, les maisons à étages étaient principalement destinées aux catégories les plus modestes, mais sous l'Empire les maisons nobles adoptent progressivement cette configuration afin d'obtenir un surcroît de place et de surplomber les autres constructions. Dans la Maison au grand péristyle, la présence d'un étage semble confirmée par le faible nombre de chambres retrouvées — le nombre de pièces d'habitation de cet étage, d'une superficie estimée à 570 m2, reste toutefois à ce jour inconnu. Les archéologues supposent que seules les ailes occidentale et septentrionale comportaient un second niveau, absence vraisemblablement liée à la nécessité de laisser entrer la lumière tout en permettant aux ailes dépourvues d'étage d'avoir des pièces chauffées. Aile occidentale L'épaisseur des murs et les traces d'un enduit impliquant la présence d'un escalier viennent conforter l'existence d'un niveau supérieur pour l'aile occidentale. Un mur éboulé dans le jardin et non détruit lors des récupérations de matériaux constitue également un indice supplémentaire. Les salles de l'étage étaient accessibles par une pièce richement décorée, induisant « l'existence de pièces nobles à l'étage ». Dans le jardin, un massif de maçonnerie a été mis au jour non loin du vestibule, et a pu servir à soutenir un balcon à l'étage pourvu de colonnes à décor bachique et peut-être un laraire au rez-de-chaussée, selon une disposition traditionnelle. Aile septentrionale Les éboulis, présents dans l'aile septentrionale, attestent également la présence d'un étage, tout comme l'espacement des colonnes de la galerie de façade qui évoque un étage surplombant le portique extérieur. Une cage d'escalier a aussi été mise en évidence. Cet étage existait peut-être dès les premiers états de l'édifice. Les fouilles ont découvert des vestiges de torchis, de bois et de clous : ce mode de construction permettait d'avoir une structure plus légère. Équipements Chauffage Le plan méditerranéen de la maison sous ces latitudes septentrionales a nécessité des adaptations au niveau de l'édifice, comme en témoigne l'usage de torchis, la présence d'un système d'obturation du portique et une installation de chauffage. Quatre pièces disposent d'un système d'hypocauste, d'autres devant disposer de braseros. Un foyer construit en tuiles est installé tardivement dans un pièce, du temps de la Maison à la mosaïque en damier. Cet équipement témoigne de la dégradation des conditions de vie des habitants de la maison à basse époque. Eau La cité comportait un réseau d’égouts « peu sophistiqué ». La maison nécessitait un système d'évacuation d'eau, notamment d'eaux de pluie, du fait des 1 300 m2 de toitures et d'eaux usées. Une conduite en briques et béton a ainsi été retrouvée, menant de la maison au  decumanus, à laquelle devaient également s'ajouter d'autres conduites en bois. Les conduites en plomb ont fait l'objet d'une récupération ; la fouille a livré une conduite en chêne assemblée par du fer. La maison possédait deux puits destinés à son approvisionnement en eau, dont l'un, profond de 6,60 m, était situé entre le jardin et le portique. La fouille de ce puits a livré des vestiges du ier siècle au ive siècle. La fouille du second puits, situé dans une pièce en bordure de la colonnade, n'a quant à lui rien donné. La maison était en outre raccordée au système de conduite d'eau publique, les éléments d'agrément du jardin nécessitant pour fonctionner une eau sous pression. L'eau était acheminée vers la salle de bains de l'aile ouest, tandis qu'une autre conduite menait l'eau du bassin du jardin aux latrines et passait dans l'angle nord-est du portique, où elle était divisée en trois sections. L'eau provenant du système public constituait un privilège réservé à quelques-uns, peut-être membres du collège des décurions ; c'est un témoignage de l'adoption d'un mode de vie et « un besoin de représentation sociale », témoin du luxe de l'édifice : la présence de fontaines et de jets d'eau rapprochaient ainsi l'édifice des thermes. Autres équipements Les fouilles ont permis de retrouver des éléments d'éclairage : trois lampes à huile, dont l'une portant le nom de Vibianus, ainsi que des supports pour des chandelles ou des torches. Le seul élément de bronze retrouvé sur le site est d'ailleurs un fragment de candélabre. De nombreuses serrures et clés ont été retrouvées lors des fouilles ; les clés étaient destinées surtout aux différentes pièces et permettaient de réguler l'accès des différents visiteurs. Les fouilles ont livré également des éléments liés à l'écriture, boîtes à sceller, stylets : l'écriture était donc une pratique répandue parmi les occupants de la demeure. Décor Les fouilles ont permis de mettre au jour un décor composé de peintures et de mosaïques relativement commun pour ce type de demeure, ainsi qu'un décor sculpté exceptionnel même s'il est très fragmenté. Un décor de qualité a été mis en évidence pour les espaces officiels de la maison, entrée,  viridarium et salons. Fresques et mosaïques Fresques et stucs Tout l'intérieur de la maison était peint et l'édifice devait donc présenter « un aspect très coloré ». La gamme chromatique utilisée était variée, et comportait du rouge vermillon, coloris très coûteux. 850 caisses de vestiges d'enduits ont ainsi été collectées pendant les fouilles. La maison a conservé cependant peu d'enduits peints identifiables : la chaux et le sable constituant les principaux éléments découverts dans les couches de destruction. Toutefois, cinq pièces ont livré des éléments de décor datés de l'époque de la Maison au petit péristyle. Une des pièces pourvue d'un hypocauste était munie d'un décor complexe, dont « un fronton peint sur champ vermillon ». À cet emplacement devait se trouver une statue de dieu oriental en stuc, coiffée d'un bonnet phrygien et identifié comme Attis bien qu'aucun indice ne prouve la présence d'une niche. Cette divinité a fait l'objet d'un traitement maladroit, tant pour les proportions que pour le visage. L'usage du cinabre et du relief stuqué est un indice des moyens utilisés pour les décors de la maison, qui prend place « parmi les ensembles luxueux connus en Gaule ». Les maisons servaient, outre le laraire, à honorer des divinités diverses selon la préférence des propriétaires. L'étude de 2010 a permis de préciser des éléments : la zone inférieure était pourvue d'un décor d'imitation de marbre vert et jaune, de panneaux rouge vermillon et d'espaces rouge bordeaux, pourvus de frontons et les bordures étaient ornées de scènes dont des Amours. Des stucs étaient disposés dans les bordures et fixés au moyen de clous. Julien Boislève a mis en évidence la présence d'un décor de plafond, peint et également stuqué. Dans la partie sud de la maison, un long couloir comportait un décor de cercles ocres et rouges, sécants et tangents de 0,25 m (ou 0,27 m) de haut, sur fond blanc. La bande fait environ 0,39 m et comporte aux extrémités haute et basse une bande rouge ainsi que des cercles réalisés au compas. La fresque a été retrouvée à plat et le fouilleur en a déduit une localisation dans la partie inférieure des murs. La nouvelle étude des enduits de 2010 a mis en évidence de nouveaux fragments s'imbriquant sur les éléments remontés au musée et pose la question de la réversibilité des restaurations. La comparaison avec les usages connus du motif dans d'autres maisons du IIe siècle et IIIe siècle (Mané-Véchen, Bavay ou Andigny-en-Bassigny) ainsi que l'observation du revers des fragments, plutôt lisse, invite à considérer le décor plutôt comme lié à une bordure de plafond. Le motif convient aux couloirs ou cryptoportiques. Une pièce située au nord de ce couloir comportait une imitation de placage de marbre. De l'autre côté du couloir, une autre salle a révélé un décor d'imitation de marbre de fresques et de stucs. La pièce située à gauche de l'entrée principale de la maison a livré des vestiges de stucs pouvant être considérés comme des éléments de plafond. Une salle de l'ancienne maison occidentale, vaste de 52 m2, a livré, malgré la destruction liée au passage du  cardo, des fragments de fresque dont un panneau de 0,50 m de côté représentant une scène mythologique. Au centre d'un cadre architecturé, un homme est assis sur un siège de bois, un pommeau de glaive à la main ; à sa droite une femme vêtue d'une tunique grecque tient des boucliers ; un autre personnage féminin tend un casque au héros. La scène est peut-être issue de l'Iliade, de l'épisode de la remise d'armes avant la guerre de Troie. Il s'agirait d'une fresque d’Achille et Thétis datée de l'époque de la Maison au petit péristyle : Thétis rapporte au héros les armes forgées par Héphaïstos ; le second personnage féminin serait Briséis. Ce genre de scène correspondait au «  nec plus ultra de la décoration peinte » ; celle-ci est « l'œuvre d'un peintre talentueux » et d'« un atelier particulièrement qualifié ». Ces scènes sont connues surtout pour le troisième et quatrième style pompéien. L'étude réalisée en 2010 a permis de reconnaître deux autres représentations très partiellement conservées : une scène d'extérieur pour l'une, avec un torse masculin et un bras tendu ; des fragments de main ou de patte pour l'autre. Boislève évoque la possibilité d'un décor de tableaux mythologiques, d'un « cycle cohérent », peut-être celui d'Achille. Des tableaux successifs abordant une seule et même thématique sont attestés de manière fréquente dans les salles d'apparat de Pompéi, mais plus rarement dans les demeures en Gaule. La pièce possédait une autre scène ainsi qu'une mosaïque polychrome, et une statue de divinité supposée être la  tutela d'Aregenua. Dans la pièce de 72 m2 contiguë à la salle où a été découvert le tableau de Thétis et Achille, a été retrouvé un décor peint interprété initialement comme appartenant à un escalier. La pièce comportait une scène avec des personnages indéterminés ainsi qu'un plafond peint de motifs géométriques. La nouvelle analyse de 2010 change l'interprétation de ces vestiges : le décor initialement attribué au plafond est finalement à attribuer aux parties basses des murs, formées d'un décor à bases de boucliers. La partie médiane du mur comportait un motif classique d'encadrement et d'inter-panneaux ornés de candélabres végétaux. Un personnage à moitié nu et pourvu d'un drapé bleu a été identifié, et des indices laissent supposer la représentation d'une danseuse. La partie haute du mur comportait probablement une corniche de stuc. La composition de l'ensemble est originale et la partie inférieure est « la véritable originalité de ce décor ». Des éléments de faux marbre et d'architecture, un chapiteau ionique, ont également été identifiés, tout comme des fragments de personnages à l'échelle1/2. La présence de colonnes dans le décor a pour objectif d'ajouter à son prestige tandis que les fragments de scènes peintes avaient peut-être une finalité commémorative. Dans le jardin, parmi de nombreux éléments, seule a pu être identifiée une frise de poissons, dont sept sont conservés. La fresque, de « haute qualité », ornait selon Vipard le bord du bassin périphérique et longeait le stylobate des portiques. Elle se situait selon lui au-dessus d'une toiture, cependant des fragments analysés en 2010 peuvent contredire cette interprétation : des éléments de corps dévêtu semblent pouvoir être rattachés à l'ensemble, et la fresque semble devoir se poursuivre au-dessus de la frise des poissons, ce qui bouleverse la présentation faite au musée et issue des premières recherches. Les poissons, inscrits dans un fond bleu de 0,15 m de haut, ne sont pas réalistes mais avaient pour rôle principal de peupler le bassin. L'association d'une telle peinture avec un bassin constitue selon Alix Barbet « un exemple remarquable ». Mosaïques Il y a peu de mosaïques à Vieux. Sur les dix œuvres découvertes sur le site, cinq sont issues de la Maison au grand péristyle. Les mosaïques géométriques ont été étudiées dans leur contexte archéologique, ce qui diffère de trouvailles anciennes comme la Grande mosaïque de chasse de Lillebonne. Les matériaux étudiés ne sont pas uniquement locaux et laissent envisager la présence d'artisans Éduens. Une des mosaïques a été détruite aux trois quarts lors du percement de la maison par le  cardo III et devait à l'origine mesurer près de 12 m2. Son dessin géométrique comportait des bandes obliques, des carrés droits ainsi que des carrés sur la pointe munis d'un décor floral, avec un fleuron à quatre pétales sur les uns et une croix bulbeuse sur les autres. Ce type de composition a déjà été observé en Germanie supérieure et daterait de la dynastie des Sévères. Une autre pièce située au sud de l'édifice et ayant possédé un hypocauste a livré des fragments d'une mosaïque dont le motif, répandu à Vienna, a pu être en partie reconstitué. Le fond comportait des motifs de nids d'abeille et des hexagones, de petite et grande taille. Les archéologues ont également retrouvé des tesselles en pâte de verre et des fragments de « motifs figurés » qui remplissaient les hexagones. Deux fragments d'une mosaïque ayant succédé à cette œuvre ont été retrouvés lors des fouilles du XIXe siècle et sont conservés au Musée de Normandie. D'autres tesselles ont été exhumées en 1990 et datent probablement de la Maison à la mosaïque en damier. Décor architectural La salle d’apparat, la cour et le jardin étaient richement décorés et toutes les sculptures étaient réalisées en pierre de Caen. Colonnes de la galerie de façade Les colonnes de la galerie de façade étaient lisses et possédaient une base attique, leur taille variant en fonction de l'inclinaison du sol. La galerie avait pour fonction de soutenir un étage et date vraisemblablement de la Maison au petit péristyle. L'entrée de la maison possédait deux colonnes géminées. Piliers L'entrée de la maison s'ornait d'un décor sur piliers partiellement conservés et datant de l'apogée monumental de l'édifice. Le portique, d'une hauteur estimée à 4,50 m, présentait un décor en bas-relief sur deux de ses faces, que les fragments retrouvés ne permettent toutefois pas de reconstituer. Les piliers portaient une cinquantaine de scènes, probablement liés à la mythologie et à l'idéologie impériale. Cependant, les vestiges conservés ne permettent pas de corroborer cette hypothèse. Seuls quelques indices retrouvés au cours des fouilles permettent d'établir des hypothèses quant aux scènes représentés. Ont ainsi été découverts : un fragment avec une fleur et des griffons affrontés, attribut d'Apollon et de Dionysos et « gardiens domestiques », des divinités incertaines (Apollon ou Diane), ainsi que Marsyas, un  putto, etc.. Les propriétaires étaient peut-être également représentés sur les piliers. Une Vénus anadyomène a été identifiée sur un bloc de 600 kg. Un personnage situé à sa gauche a disparu suite à « un prélèvement assez soigneux ». Cour et jardin Colonnes du péristyle Les fouilles ont permis de dégager des éléments de décoration exceptionnels, tels que des colonnes ciselées de motifs végétaux, des piliers ornés de bas-reliefs et des mosaïques. Il existe une continuité entre les piliers sculptés du vestibule et les colonnes du portique, « cœur de la  domus ». Les colonnes du péristyle proviennent de deux étapes de la construction : des fleurs inscrites dans des losanges pour les plus anciennes et imbriquées pour celles de l'extension, les deux types étant alternés. Les colonnes appartiennent à l'ordre toscan provincial et mesurent environ 2,70 m. Les colonnes sont pourvues de motifs habituellement liés, selon les spécialistes, à des bâtiments publics. Certains décors de ciselure et d'imbrication sont répandus surtout dans ce cadre. Les colonnes de la maison ont pu être rapprochés de celles des thermes de la ville. Certaines colonnes possèdent un décor de feuillage stylisé « extrêmement répandu », d'autres un décor de losanges avec des motifs végétaux et des feuilles d'acanthe. Ces dernières sont très rares, seuls quatre cas d'usage de ce décor sont connus en Gaule ou en Germanie, datant de la Maison au petit péristyle : ce décor est originaire d'Orient et se répand en Gaule au IIe siècle et IIIe siècle. L'usage dans des maisons est attesté à Rouen et à Bourges afin de leur « conférer un caractère plus solennel ». Les colonnes possèdent une rainure sur les côtés opposés, identifiée comme étant « un système d'obturation du portique par des panneaux de bois » afin de prendre en compte les contraintes climatiques locales et l'extension de l'ouverture lors de l'élaboration de la maison au grand péristyle. Cet aménagement est attesté également en Italie dès le milieu du ier siècle. Jardin central La fouille n'a pas permis d'identifier les végétaux présents dans le jardin. Un bassin périphérique en brique, mortier et blocage, apparenté aux « modèles italiques tardo-républicains », a été retrouvé et possédait probablement un système de jets d'eau composé de tuyaux de plomb. Une frise à motifs de poissons orne trois des côtés, suscitant « une illusion de faune aquatique ». Une faune de poissons similaire est connue dans la domus des Bouquets-Vesunna de Périgueux, et une fresque ichtyene a également été retrouvée à Lisieux. Un bassin central polylobé, d'environ 2 m sur 3,60 m, a été dégagé et comportait des absides tant sur les longs que sur les petits côtés. Sa hauteur originelle n'est pas connue. Une fontaine alimentée par un conduit placé à l'est se trouvait sans doute à cet endroit, selon un modèle connu dans des maisons de Pompéi (la Maison de la grande fontaine ou celle de Méléagre). L'alimentation en eau était située au nord-est. Des fragments sculptés de  putto et d'animaux étaient alors peut-être reliés à la fontaine sculptée. Colonnes du laraire et du balcon Deux paires de colonnes ont été retrouvées, liées selon les fouilleurs à un balcon ou une galerie de l'étage, une d'environ 3,40 m et l'autre de 2,40 m environ. Les colonnes les plus hautes comportaient des génies végétaux. Ces colonnes sont pourvues d'un riche décor de rinceaux de vigne et d'animaux et personnages dionysiaques : il avait un rôle ornemental et se trouvait aussi dans les édifices publics, temples ou autres. Sur une des colonnes se trouve un visage végétal avec des lièvres et des serpents dans les cheveux, sur un décor de personnages, de feuilles de vigne et de grappes de raisin. Il y a un personnage muni d'une serpe de vigneron, un satyre et un Amour. Les autres colonnes, les moins hautes, sont d'« une qualité nettement supérieure » : on trouve deux boucliers d'Amazones et un motif de vigne sortant d'un canthare, avec des personnages et des oiseaux, ainsi que trois représentations de satyres, mais sous forme humaine, dont l'un sous la forme d'Hercule au jardin des Hespérides, avec le serpent Ladon et un pied de vigne à droite. Mobilier statuaire Le site a livré des reliefs bacchiques mais également une statue exceptionnelle de  tutela, en plus de statuettes en terre-cuite blanche plus communes exhumées lors des fouilles. Statue dite  tutela La statue dite tutela a été découverte au cours des fouilles de la salle d'apparat située au rez-de-chaussée de l'aile occidentale. Six fragments dont cinq identifiables ont ainsi été découverts dans une couche correspondant à l'incendie qui ravagea la maison à la fin du IIIe siècle. L’œuvre, réalisée en calcaire local, de la pierre de Caen devait mesurer 1,10 m et comporte, au niveau de la tête, des traces de polychromie. L’œuvre a peut-être été sculptée par les mêmes artistes qui ont réalisé les piliers d'entrée de la demeure. Le personnage féminin, vêtu d'une tunique et d'un manteau, tient une corne d'abondance de la main gauche et une patère de la main droite. Elle porte sur la tête une couronne pourvue de tourelles et sur la face antérieure une représentation d'arc de triomphe ou de porte de ville. La coiffure correspond à une mode capillaire attestée au cours du règne des Antonins et que l'on peut observer sur les bustes de Faustine la Jeune ou Bruttia Crispina. Les archéologues identifient la statue comme une Fortuna ou Tyché, génie du lieu ou Tutela : la divinité civique est liée au culte impérial. La présence d'une telle représentation dans la maison d'un membre de l'élite locale est « naturelle et plausible », d'autant plus dans un salon officiel ; elle sous-entend une fonction publique au lieu, donnant corps à « l'officialisation du décor ». Autres éléments Les archéologues ont retrouvé des fragments d'éléments de mobilier ayant pu appartenir à un laraire : des statuettes de terre cuite blanche d'un modèle assez commun, une Vénus et une déesse-mère. Interprétation Témoignage de l'acculturation des élites locales Témoignage de la romanisation Ce type de maison à péristyle, peu adapté à certaines contrées, y est rare et lié à la romanisation. La maison témoigne de l'« universalité du type à péristyle en Gaule », même si des adaptations rendues nécessaires par « le climat normand » sont à souligner. Les fouilles ont mis en évidence une demeure typiquement méditerranéenne prouvant l’assimilation de l’architecture romaine par les Gaulois du Nord et leur « intégration à l'élite de la civilisation romaine », qui tend vers « une uniformité de pensée et de comportement ». Elle est un indicateur de la romanisation et de l'« uniformité culturelle » existante à la fin des Antonins, ainsi que de la brève période d'apogée qui s'étend jusqu'aux Sévères. Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement L'édifice est « un cas moyen » des maisons urbaines, « assez représentatif » de ce qu'on pouvait trouver dans l'habitat des élites. Elle est selon le fouilleur « représentative des grandes demeures aristocratiques provinciales […] et présentant un caractère ostentatoire très affirmé ». La maison n'est pas caractéristique des demeures présentes sur le site, où prédomine un habitat plus modeste représenté par la maison à la cour en U, fouillée dans les années 1990 et mise en valeur sous un préau  in situ, à proximité immédiate du musée archéologique de Vieux-la-Romaine. La  domus a été entièrement fouillée, ce qui est exceptionnel pour ce type d'habitat, surtout au nord de la Gaule. La disparition du caractère urbain du site a permis la préservation et l'accès aux vestiges, dont la fouille a apporté beaucoup à la connaissance de l'histoire et de la topographie de la ville. Espace de représentation Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire Les maisons à péristyle sont surtout situées dans les chefs-lieux de cités. Ce type de demeure est le cadre de la vie des élites tant pour l'otium que pour le negotium. Le propriétaire, qui occupait « une place de choix dans la cité », recherchait l'ostentation, et ce dès l'extérieur de la demeure, avec la colonnade et l'entrée aménagée telle une porte de ville. Les décors sculptés, les mosaïques, les marbres et stucs ainsi que les enduits peints vont dans le sens d'une demeure aménagée « sans viser à l'économie ». Le décor est proche de ce qui se trouve en Gaule belgique ou lyonnaise ; cette richesse du décor est peut-être « une particularité des Trois Gaules et non un mode d'expression universel ». Les artisans ne peuvent être connus : seule a pu être déterminée l'origine bourguignonne des auteurs des mosaïques par l'analyse des matériaux utilisés. Quant aux stucs en reliefs, ils sont présents dans les pièces les plus importantes de la demeure ; certaines pièces de moindre importance étaient peu ou pas décorées. Les enduits peints à thème mythologique sont rares en Gaule et les pigments utilisés à Vieux étaient coûteux. Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux La maison joue un rôle dans « l'affirmation d'un statut social, au sein même de la sphère privée » : le propriétaire souhaite ainsi faire passer aux visiteurs « un message politique, culturel ou religieux ». Selon la  Lex Ursonensis, les décurions devaient habiter le chef-lieu, même s'il existait de grandes disparités de richesse dans l'ordre. La possession d'une telle maison correspondait alors à une « manifestation de la  dignitas », « forme consciente d'ostentation », permettant d'accéder aux fonctions publiques, génératrices de dépenses élevées. Le décor mis en scène dans la demeure n'a pas qu'un but esthétique, il est lié à « l'expression et […] l'exercice du pouvoir », d'où une proximité avec ce qu'on trouve dans les bâtiments publics. Cet aspect est commun à tout l'Empire romain, et l'usage dans l'architecture domestique de formes ou décors architecturaux officiels — édifices civils ou religieux, dans les espaces publics — est une manifestation de « puissance politique ». Cependant, le rôle politique des maisons à péristyle est moins bien documenté pour l'Empire que pour la fin de la République romaine ; la manifestation architecturale du pouvoir et du rang social perdure malgré tout sous l'Empire, même si la finalité est un pouvoir régional ou local. La maison à péristyle de Vieux a donc possédé un but politique, même s'il s'agit d'un exemple tardif. Le décor dionysiaque retrouvé est « de très bonne qualité » pour un site du nord de la Loire, même s'il reste inférieur à ce qui se trouve en Italie. Le décor chargé des colonnes est « une caractéristique provinciale », la thématique bacchique ayant surtout un rôle symbolique et iconographique. L'inspiration dionysiaque est peut-être liée à un aspect religieux ou social, ou les deux car le culte dionysiaque est la « religion de la classe possédante » à partir du règne de Trajan. Le thème avec son esthétique connaît alors un grand succès en Gaule Lyonnaise. Les éléments retrouvés à Vieux permettent de considérer le site comme suivant « une mode générale » et la maison présente un décor typique des maisons les plus riches. L'édifice acquiert un « caractère grandiose et officiel », « la maison est […] un instrument de pouvoir et de promotion personnelle permettant d'afficher sa richesse et sa puissance sociale et politique ». La maison de Vieux, tardive car datée de la fin du IIe siècle, représente finalement un exemple du mode de vie des élites provinciales. Table des matières Table des matières A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 C.2.a Des origines à l'épanouissement 6 C.2.b Premières occupations dans le secteur 7 C.2.c Maison au petit péristyle 8 C.2.d Maison au grand péristyle 9 § C.3 - Déclin et destruction 9 C.3.a Maison à la mosaïque en damier 9 C.3.b Destruction progressive 10 § C.4 - Redécouverte 11 C.4.a Fouilles 11 C.4.b Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique 12 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 D.1.a Organisation générale 14 D.1.b Organisation du rez-de-chaussée 15 D.1.c Emprise de l'ancienne maison orientale 16 D.1.d Emprise de l'ancienne maison occidentale 18 D.1.e Incertitude sur l'organisation de l'étage 20 D.1.f Aile occidentale 21 D.1.g Aile septentrionale 21 § D.2 - Équipements 22 D.2.a Chauffage 22 D.2.b Eau 22 D.2.c Autres équipements 24 D.2.d Décor 24 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 D.3.a Fresques et stucs 25 D.3.b Mosaïques 29 D.3.c Décor architectural 30 D.3.d Colonnes de la galerie de façade 30 D.3.e Piliers 30 § D.4 - Cour et jardin 31 D.4.a Colonnes du péristyle 31 D.4.b Jardin central 32 D.4.c Colonnes du laraire et du balcon 33 D.4.d Mobilier statuaire 34 D.4.e Statue dite tutela 34 D.4.f Autres éléments 35 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 E.1.a Témoignage de la romanisation 36 E.1.b Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement 36 § E.2 - Espace de représentation 37 E.2.a Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire 37 E.2.b Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux 38 Index des plans Index des plans Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. 4 Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. 8 Index des photographies Index des photographies Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. 9 La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / 2019-04-05T15:59:47.336000000 PT28M43S 9 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. Mise en page d'un texte long L'aviation et son histoire Pablo Rodriguez 2023-02-09T11:22:10.125000000 Pablo Rodriguez 2019-01-20 Mon département Mon groupe Partie D : Typologie : les différents types d'avions Mise en page d'un texte long 16/ 17 L'aviation et son histoire 17 / 17 Mise en page d'un texte long / / Avion 1: L’avion III de Clément Ader Avion 2: Avion des frères Wright,1903 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Bernard Marck, Histoire de l’aviation, 2: Jean-Jacques Dufour, Une histoire de l’aviation commerciale, Sommaire Sommaire Partie A : Introduction 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 Table des matières Table des matières Partie A : Introduction 2 § A.1 - Étymologie et histoire 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 § B.1 - Morphologie 6 § B.2 - Les précurseurs 6 § B.3 - Premiers planeurs 7 § B.4 - Premier décollage motorisé 8 § B.5 - Premier vol motorisé contrôlé 8 § B.6 - Premiers vols motorisés contrôlés autonomes 9 § B.7 - Le perfectionnement des machines (1906-1914) 9 § B.8 - Le premier vol commercial 10 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 § C.1 - Comment un avion vole-t-il ? 12 § C.2 - La physique du vol 12 § C.3 - La technique du vol : le pilotage 13 § C.4 - Impact sur l'environnement 13 § C.5 - Les émissions de CO2 13 § C.6 - En termes d'écobilan 14 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 § D.1 - Avions civils 16 § D.2 - Avions militaires 16 § D.3 - Concurrence entre Airbus et Boeing 17 § D.4 - Histoire 17 Index des avions Index des avions Avion 1: L’avion III de Clément Ader 2 Avion 2: Avion des frères Wright,1903 9 L'aviation et son histoire Mise en page d'un texte long Mon département Pablo Rodriguez Mon groupe 20/01/2019 Sommaire Sommaire Partie A : Introduction 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 Introduction Avion 1: L’avion III de Clément Ader Un avion, selon la définition officielle de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), est un aéronef plus lourd que l'air, entraîné par un organe moteur (dans le cas d'un engin sans moteur, on parlera de planeur), dont la sustentation en vol est obtenue principalement par des réactions aérodynamiques sur des surfaces qui restent fixes dans des conditions données de vol. Celui ou celle qui le dirige est appelé pilote ou aviateur/aviatrice. Un avion qui est muni d'un dispositif lui permettant de décoller et de se poser sur l'eau (amerrir) est un type d'avion dénommé hydravion. Étymologie et histoire Le mot aviation (du latin avis, oiseau et actio, action) a été employé pour la première fois par Gabriel de La Landelle, en 1863, dans le livre Aviation ou navigation aérienne sans ballon, un ouvrage rendant compte des tentatives d'envol de Jean-Marie Le Bris dans un appareil plus lourd que l'air. Le terme avion sera ensuite créé en 1875 par Clément Ader pour désigner sa série d'appareils volants, puis breveté par lui. C'est ainsi qu'il a appelé l'appareil baptisé Éole, avec lequel il décolle le 9 octobre 1890 puis rase le sol sur 50 mètres à 20 cm au-dessus de la piste. Cet événement ne sera toutefois pas homologué comme étant le premier vol : la hauteur atteinte était insuffisante pour le qualifier de tel. De fait, la performance de cette génération d'engins ne fera pas se bousculer les entrepreneurs car n'ayant pas assez de maîtrise de son domaine. Mais dans les premières années de l'aéronautique, après les exploits des frères Wright à partir du 17 décembre 1903, on ne parle guère d'avion mais d'aéroplane. En 1911, pour honorer la mémoire de Clément Ader, le Général Roques, créateur de l'aviation militaire, a décidé que tous les aéroplanes militaires s'appelleraient des avions. Mais ce n'est qu'avec la Première Guerre mondiale que les mots avion et aviation deviennent communs. Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, les tensions grandissantes en Europe incitent les gouvernements à s'intéresser à l'aviation en tant qu'arme de guerre. D'où l'organisation par la France du fameux concours d’aéroplanes militaires de Reims (octobre et novembre 1911), premier concours de ce type de l'histoire mondiale de l'aviation. Les différents constructeurs, français et britanniques notamment, se livrent à une course contre la montre pour tenter d'obtenir des commandes à l'export. Léopold Trescartes, titulaire du brevet civil de l'Aéroclub de France no 842 délivré le 16 avril 1912, effectue le 7 septembre 1912 le premier vol au-dessus de Porto (Portugal) à bord d'un biplan de type MF-4 fabriqué par Maurice Farman. Cet avion, officiellement acheté par un journal de Porto et dont les exhibitions servent, pour le grand public, à financer la construction d'une crèche, est en réalité un modèle destiné à convaincre le gouvernement portugais d'acheter des avions français dans le cadre de la création d'une force aérienne. Après de nombreuses démonstrations, en présence notamment du ministre de la guerre portugais, le choix des autorités portugaises se portera finalement sur un appareil britannique de marque Avro, type Avro 500. Le MF-4 de démonstration sera ultérieurement offert au gouvernement portugais et sera utilisé au sein du bataillon Aerosteiros puis à l'école militaire d'aéronautique de Vila Nova da Rainha. Avions et pilotes pionniers (volontaires détachés d'autres unités qui gardaient leur uniforme d'origine, surtout recrutés dans la cavalerie) sont réquisitionnés pour des missions de reconnaissance. Cibles des deux camps au sol, ils sont décimés. Les grandes nations se dotent très vite d'une aviation militaire où les avions se spécialisent : reconnaissance, chasseurs, bombardiers. Une course aux records est engagée pour prendre l'avantage sur l'ennemi, l'armement étant amélioré avec l'apparition des premières mitrailleuses synchronisées. Le parachute fait son apparition, mais est seulement utilisé par les pilotes de dirigeables, les avions volant trop bas pour qu'il soit efficace. Au sol, on construit des aérodromes, et l'avion est fabriqué en séries. Le 5 octobre 1914, tout près de Reims, se déroule au-dessus du point de jonction des communes de Jonchery-sur-Vesle, de Prouilly et de Muizon, le premier combat aérien de l’histoire mondiale de l’aviation militaire, avec un avion abattu. Le combat est remporté par le pilote Joseph Frantz et le mécanicien Louis Quenault de l'escadrille V 24 sur un Voisin III, contre le sergent Wilhelm Schlichting (pilote) et l'oberleutnant Fritz von Zagen (observateur) sur un Aviatik allemand. À la suite, les duels aériens se multiplient. Si les premiers combats sont très rares et dangereux (fusils embarqués, qui nécessitent une dextérité extrême), le développement des mitrailleuses synchronisées (faisant suite aux hélices blindées sur le passage des balles, invention de l'aviateur français Roland Garros) améliore l'efficacité des batailles. Notamment parce que ce dispositif permettait de tirer les balles d'une mitraillette à travers les hélices des avions. Contrairement à l'horreur des tranchées (boue, bombardements constants…) la guerre aérienne est vue comme une guerre propre (si tant est que cela soit possible). Dans les représentations des pilotes comme des civils et de l'infanterie, qui suivent avec assiduité la guerre du ciel, l'aviation possède un côté noble, chevaleresque ; Guynemer refusera d'abattre Ernst Udet car sa mitrailleuse s'était enrayée. Il y a une grande compétition entre les « As », tant entre ennemis qu'au sein d'un même camp. Les grandes figures de cette époque sont les Français Guynemer et René Fonck (plus grand As français et de la guerre selon la méthode de calcul), ainsi que les Allemands Manfred von Richthofen (surnommé Le Baron Rouge), et Ernst Udet. Le soir du 10 juin 1916 a lieu le premier combat aéronaval de l’Histoire, en Afrique équatoriale. Un hydravion de fabrication britannique de type Netta, piloté par les lieutenants belges Behaeghe et Collignon, bombarde avec succès la canonnière allemande Graf von Götzen dans le port de Kigoma (actuelle Tanzanie) sur le lac Tanganyika à l’aide d’une de ses deux bombes de 65 livres qui l’atteint au gaillard d'arrière mettant hors d'état sa gouvern. Le navire est ainsi neutralisé ce qui brise le verrou allemand sur le lac, entre le Congo belge et l’Est Africain allemand qui avait été mis en place deux ans plus tôt. Les canonniers allemands n’ont pu riposter contre cette attaque aérienne car leurs pièces d’artillerie, prévues pour des cibles côtières ou navales (nous n'étions qu'au début de l'aviation), ne s’élevaient pas selon un angle suffisant pour menacer des avions (considérés par les Allemands comme inexistants en Afrique équatoriale). L’hydravion rejoignit sa base néanmoins avec 20 atteintes de balles de mitrailleuses tirées de Kigoma et un flotteur percé. À la fin de la guerre, il y a : 4 500 avions français ; 3 500 avions britanniques ; 2 500 avions allemands. Marie Marvingt invente en 1914 l'aviation sanitaire. Histoire de l’aviation et technique Morphologie Un avion est constitué : D'une cellule comprenant le fuselage, les train d'atterrissages, la voilure (aile et empennage) et les éléments mobiles de la voilure (ailerons, gouvernes, volets), y compris éléments aux fonctions combinées (aérofreinset gouvernes de profondeurs) ; D'un ou de plusieurs groupes moteurs et propulseurs à hélice ou à réaction; De commandes de vol capables de transmettre les actions du pilote aux gouvernes; D'instruments de bord d'indications et de contrôle pour informer le pilote sur le déroulement du vol : on parle d'avionique si ces instruments sont électroniques ; De servitudes de bord. Les précurseurs L'homme a probablement très tôt rêvé d'imiter le vol des oiseaux et la légende, telle celle d'Icare, ou de nombreux récits apocryphes revendiquent des tentatives de vol par des hommes harnachés d'ailes et s'élançant à partir d'une tour. Quelle que soit leur identité, ils tentaient d'imiter un mécanisme, celui de l'aile d'oiseau, dont ils n'imaginaient pas la complexité. Les égyptiens déjà fabriquent des jouets ou maquettes en bois de balsa ayant la capacité de s'élever et de planer dans les airs. On attribue à Archytas de Tarente l'invention d'une colombe en bois capable de voler. Vers 1500, Léonard de Vinci a dessiné et proposé plusieurs idées de « machines volantes » mais elles étaient basées, pour la plupart, sur le concept des ailes battantes. En 1655, Robert Hooke, mathématicien, physicien et inventeur anglais, concluait à l'impossibilité du vol humain sans l'assistance d'un moteur « artificiel ». Hezârfen Ahmed Çelebi (1609 — 1640) est un inventeur ottoman considéré comme l'un des premiers pionniers de l'aviation pour avoir plané depuis la Tour de Galata à Istanbul. En 1783, les frères Montgolfier grâce au ballon à air chaud et Jacques Charles grâce au ballon à gaz permettent à l'homme de s'élever dans l'atmosphère mais sans contrôle de la trajectoire. La solution viendra de l'étude d'un jouet, le cerf-volant, connu en Orient depuis l'Antiquité mais qui ne sera introduit en Europe qu'au XIIIe siècle. Le Britannique George Cayley (1773-1857), est le véritable précurseur de l'aviation. Il découvre les principes de base de l'aérodynamique et comprend que le poids et la traînée sont les deux forces qu'il faut vaincre. Il comprend également qu'il est inutile de reproduire le vol battu des oiseaux et que les ailes doivent être fixes ; il prévoit la nécessité d'un empennage pour stabiliser le vol. Il établit ainsi la forme de base de l'avion. S'inspirant des travaux des Français Launoy, il construit un hélicoptère en 1796 puis, en 1808, un « ornithoptère » à l'échelle humaine et, en 1809, un planeur qui volera sans passager. William Samuel Henson et John Stringfellow, reprenant les travaux de Cayley, font voler un modèle réduit d'aéroplane à vapeur. Néanmoins, les moteurs puissants pour les appareils à taille réelle sont beaucoup trop lourds pour leur permettre de décoller. En 1837, Isidore Didion en conclusion d'une étude théorique fine conclut que « La navigation aérienne n'aura de succès que si l'on trouve un moteur capable de produire une force motrice dont le rapport avec le poids de la machine qu'elle exigerait pour être soutenue, soit plus grand que les machines à vapeur actuelles, ou que chez l'homme ou la plupart des animaux ». Les progrès vont donc d'abord passer par les planeurs et par l'étude de l'aérodynamique. Entre 1857 et 1868, le Français Jean-Marie Le Bris essaie successivement deux planeurs de son invention, d'abord depuis les collines de la baie de Douarnenez (Finistère), puis sur la hauteur du Polygone de la Marine, près de Brest (Finistère), reprenant ainsi en France les travaux des pionniers britanniques de la décennie précédente. En 1863, le terme « aviation » est inventé par Gabriel de La Landelle. Le Britannique Francis Herbert Wenham, en 1871, construit ce qui est probablement la première soufflerie, qui va permettre d'expérimenter des maquettes. Le français Louis Mouillard s'inspire de l'aile d'oiseau pour concevoir des planeurs dont la voilure est courbée. Il propose le gauchissement des ailes. Entre 1857 et 1877, les Français Félix et Louis du Temple essaient des modèles réduits à moteur à ressort, en les aidant d'un plan incliné, puis peut-être un engin, muni d'un moteur à vapeur, monté par un matelot. Les essais de planeurs se succèdent, et s'y prêtent tour à tour l'Allemand Otto Lilienthal, le Britannique Percy Pilcher, les Américains John Joseph Montgomery et Maloney, et les Français Ferdinand Ferber, Maurice Colliex ainsi que les frères Voisin. Premiers planeurs Le premier homme ayant volé en contrôlant la trajectoire de sa machine est Otto Lilienthal, qui a effectué entre 1891 et 1896 deux mille vols planés depuis une colline artificielle à proximité de Berlin. Les premiers vols sur une machine volante pilotée par gouvernes agissant sur les trois axes (tangage, roulis, lacet) ont été réalisés par les frères Wright sur leur planeur en 1902. Premier décollage motorisé Le premier homme ayant déclaré avoir volé à l'aide d'un moteur est le Français Clément Ader, aux commandes de son Avion. La réalité de ces vols est discutée, à cause du manque de témoins et par l'absence de contrôle en vol de ses engins. La première tentative a lieu en 1890 aux commandes de l'Éole ; les marques laissées par les roues dans le sol meuble auraient présenté un endroit où elles étaient moins marquées et auraient totalement disparu sur une vingtaine ou une cinquantaine de mètres. Son engin volant aurait ainsi effectué un bond ; il n'y avait pas de témoins autres que des employés d'Ader. La même machine, essayée devant des témoins officiels en 1891, ne donne pas d'autres résultats. Les essais suivants d'Ader furent effectués au camp militaire de Satory, à Versailles, où avait été établie une aire circulaire de 450 mètres de diamètre pour effectuer une démonstration officielle. Le 12 octobre 1897, Ader effectua un premier tour sur ce circuit à bord de son Avion III. Il sentit à plusieurs reprises l'appareil quitter le sol, puis reprendre contact. Deux jours plus tard, alors que le vent est fort, Clément Ader lance sa machine devant deux officiels du ministère de la Guerre qui déclarent : « Il fut cependant facile de constater, d'après le sillage des roues, que l'appareil avait été fréquemment soulevé de l'arrière et que la roue arrière formant le gouvernail n'avait pas porté constamment sur le sol ». Les deux membres de la commission le virent sortir brusquement de la piste, décrire une demi-conversion, s'incliner sur le côté et enfin rester immobile (il semble que, les roues n'ayant plus assez d'adhérence du fait de la sustentation, le pilote ait perdu le contrôle directionnel de sa machine qui est alors sortie de la piste puis s'est renversée sous l'effet du vent). À la question « [...] l'appareil a [-t-il] tendance à se soulever quand il est lancé à une certaine vitesse ? » la réponse est « [...] la démonstration… n'a pas été faite dans les deux expériences qui ont été effectuées sur le terrain ». Devant cet échec, le ministère de la Guerre coupe les crédits à Ader. On peut conclure que, ce 14 octobre 1897, le Français Clément Ader aurait peut-être effectué le premier décollage motorisé – mais non contrôlé – d'un plus lourd que l'air. Premier vol motorisé contrôlé Après la mise au point en vol de leur planeurs entre 1900 et 1903, avec plus de 700 vols en 1902, les frères Wright ont expérimenté leur premier avion, le Flyer, dans les dunes de Kitty Hawk [1] le 17 décembre 1903. Les deux frères pilotent à leur tour ; ils effectuent quatre vols, le dernier étant le plus long : Orville vole sur 284 mètres pendant 59 secondes. Ces vols sont généralement considérés comme les premiers vols motorisés et contrôlés d'un plus lourd que l'air. Leurs détracteurs, notamment les partisans d'Alberto Santos-Dumont et de Gabriel Voisin, leur reprochent d'avoir eu besoin d'un rail fixé au sol et d'une catapulte à contre poids pour le décollage, le Flyer étant dépourvu de roues ; la faible puissance du moteur ne permettait pas non plus le décollage par vent faible. Le souhait des inventeurs de protéger leur invention à partir des vols du Flyer III en 1905, l'absence de démonstrations publiques et le faible nombre de témoins de leurs vols jouèrent un rôle négatif pour leur publicité. La maîtrise de la technique de vol des Wright a été reconnue plus tard lors des différentes démonstrations que les Wright effectuèrent en France, notamment à Auvours dans la Sarthe en 1908. Des recherches historiques révèlent que le premier vol motorisé aurait été réalisé par l'ingénieur américain d'origine allemande Gustav Weißkopf en 1899. La journaliste américaine Stella Randolpha publié un ouvrage sur cet ingénieur en 1930 : Before the Wrights flew (Avant que les Wrigths ne volent) et ses travaux sont en voie d'être confirmés par l'historien de l'aéronautique John Brown. Ferdinand Ferber effectue à Chalais-Meudon le 27 mai 1905 le premier vol d'un avion à moteur en Europe. Le capitaine Ferber, polytechnicien et officier d'artillerie, était en contact avec les frères Wright. Comme eux il avait commencé par apprendre à piloter les planeurs qu'il construisait, puis en 1903 il avait motorisé et testé sous un portique son avion n°6 avant d'effectuer le premier vol libre. Comme le premier Flyer des frères Wright, son moteur n'était pas assez puissant pour assurer un décollage sans l'aide d'un dispositif de lancement. Pionnier oublié de l'histoire de l'aviation, il meurt en septembre 1909. Premiers vols motorisés contrôlés autonomes Avion 2: Avion des frères Wright,1903 Traian Vuia vola à Montesson le 18 mars 1906 avec un appareil plus lourd que l'air autopropulsé (sans mécanisme de lancement) sur une distance d'environ 12 mètres à une altitude d'un mètre. Ce vol se terminant par un accident, Vuia ne reprit ses essais qu'à partir du mois de juillet après avoir réparé et modifié son appareil. Le 19 août 1906 il vola sur une distance de 25 mètres à une altitude de 2,5 mètres à Issy-les-Moulineaux. Le Brésilien Alberto Santos-Dumont vola à Bagatelle le 23 octobre 1906 sur soixante mètres à une altitude de deux à trois mètres. Grâce à ce vol à bord du 14 Bis, il remporta devant un large public le prix Archdeacon décerné par l'Aéro-Club de France pour le vol d'un plus lourd que l'air autopropulsé (sans mécanisme de lancement). Ses détracteurs – entre autres les partisans des frères Wright – lui reprochent de ne pouvoir voler qu'en effet de sol, alors que le Flyer III pouvait déjà prendre de l'altitude lorsqu'il vola sur 39,5 kilomètres le 5 octobre 1905. Le perfectionnement des machines (1906-1914) En 1905, Robert Esnault-Pelterie invente l’aileron en modifiant un avion de sa construction conçu d'après le Flyer des frères Wright. En 1906, il invente le moteur en étoile. En décembre, il dépose le brevet du manche à balai. Le 30 octobre 1908, au Bouy aviation décolle Henri Farman au volant de son Voisin pour la réalisation du premier vol inter-villes, il atteint Reims après un vol de 17 min et a parcouru 27 km. Le 3 juillet 1909, au Champ d'aviation de la Brayelle près de Douai est organisé le premier meeting aérien au monde, Louis Blériot avec son monoplan vole 47 km en 1 h 7, Louis Paulhan avec son biplan, bat le record de hauteur avec 150 mètres. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot traverse la Manche aux commandes de son Blériot XI. L’évènement a un grand retentissement. Le Daily Mail, organisateur du concours, titre : « L'Angleterre n'est plus une île ». Du 22 au 29 août 1909, fut organisé le premier meeting international d'aviation de l'histoire : la prestigieuse « Grande semaine d'aviation de la Champagne » de Reims – qui se déroula très exactement sur la commune de Bétheny, à l'emplacement de l'ancienne Base aérienne 112 Reims-Champagne, fermée le 30 juin 2011 – à laquelle participèrent tous les grands pilotes de l'époque : Louis Blériot, Henri Farman, René Moineau, Louis Paulhan, Hubert Latham, Glenn Curtiss… Près d'un million de spectateurs y assistèrent. En 1909, fut établie à Pau la première école d'aviation organisée au monde par les frères Wright, suivie peu après par celle créée Louis Blériot qu'il put ouvrir grâce à sa traversée réussie de la Manche et dont il confia la direction à Henri Sallenave. Entraînée au pilotage par Léon Delagrange sur son biplan Voisin, Thérèse Peltier effectue son premier vol solo en septembre 1908, devenant de ce fait la première femme pilote. Le 8 Mars 1910, Élise Deroche (1882-1919) se voit décerner par l'Aéro-Club de France le brevet de pilote no 36 et devient la première femme brevetée au monde. Le premier vol autonome d'un hydravion fut réalisé par Henri Fabre, qui décolla le 28 mars 1910 de l'étang de Berre, à Martigues, en France, avec son hydro-aéroplane « Canard ». L'exploit fut constaté par huissier. Le premier vol autonome d'un avion monoplan muni d'un moteur à réaction, conçu et piloté par l'ingénieur roumain Henri Coandă et construit dans l'atelier de carrosserie de Joachim Caproni, eu lieu en octobre 1910 au deuxième Salon international de l'aéronautique et de l'espace de Paris-Le Bourget : l'air était aspiré à l'avant par un compresseur, puis dirigé vers une chambre de combustion (une de chaque côté, à l'avant de l'appareil) qui fournissait la poussée. Le compresseur était mis en mouvement par un moteur à piston classique et non par une turbine comme dans les réacteurs modernes. Le premier vol commercial Les premiers vols sont le fait d'aventuriers, de sportifs et aussi, considérant le coût, le terrain de jeux de quelques riches individus. Les avions étaient petits et peu de gens leur imaginaient un avenir commercial. Pourtant, dès 1914, un entrepreneur américain P.E. Fansler ouvre la première ligne aérienne régulière entre St. Petersburg et Tampa, en Floride, en utilisant un hydravion Benoist capable d'emporter un passager [2]. La compagnie survivra pendant quatre mois et transportera 1 205 passagers avant de cesser ses opérations. La Poste est, elle aussi, intéressée par le transport aérien du courrier mais la Première guerre mondiale interrompt les projets qui ne reprendront qu'en 1918. Le 10 février 1919, Georges Boulard ouvre la première ligne commerciale aérienne régulière à l'international, de capitale à capitale en concluant le Paris – Bruxelles. Fonctionnement : le vol Comment un avion vole-t-il ? Il faut d'abord rappeler qu'un avion vole grâce au vent relatif (l'écoulement d'air que subit l'aéronef s'il a de la vitesse). On peut d'ailleurs simuler ce vent relatif en soufflerie grâce à de puissants ventilateurs. Quand le vent relatif passe au-dessus et au-dessous de l'aile, l'air qui passe sur l'extrados va plus vite que l'air qui passe sur l'intrados, obéissant ainsi à la condition de Kutta. La pression à l'extrados va être plus faible que celle à l'intrados. La dépression sur l'extrados et la pression sur l'intrados engendrent une force sur l'aile appelée portance. Plus l'angle formé entre l'aile et le vent relatif (angle appelé incidence) est important, plus la résultante aérodynamique sera grande. Ceci reste vrai jusqu'au point de décrochage, où la portance commence à décroître à cause de la séparation des flux d'air. La résultante aérodynamique est orientée vers le haut et légèrement vers l'arrière. La résultante aérodynamique Ra est décomposée conventionnellement en deux forces correspondant à ces deux effets : la portance, perpendiculaire au vent relatif, la traînée, parallèle au vent relatif. La physique du vol Un avion subit trois types de forces : la poussée du réacteur ou la traction de l'hélice entraînée par le moteur ; le poids, effet de la gravité terrestre sur la masse de l'appareil ; la résultante des forces aérodynamiques décomposée en portance et en traînée : la portance, créée par le déplacement dans l'air d'une aile profilée, la traînée, somme des résistances aérodynamiques est opposée au mouvement. Ces forces sont représentées par 4 vecteurs : la traction vers l'avant s'oppose à la traînée vers l'arrière, la portance vers le haut s'oppose au poids vers le bas. Quand l'avion vole en palier à vitesse constante le poids est équilibré par la portance, la traînée est compensée par la traction. À partir de cette position d'équilibre, toute modification de l'un des paramètres entraîne une modification de l'équilibre. Si le pilote réduit les gaz, la traction diminue, la traînée devient prépondérante et la vitesse diminue. Étant proportionnelle au carré de la vitesse, la portance diminue avec la vitesse : l'avion s'inscrit dans une trajectoire descendante, entraîné par son poids. En descendant, l'avion accélère à nouveau : la portance croît à nouveau, égale et dépasse le poids : l'avion remonte. En remontant, la vitesse diminue, et ainsi de suite... Lorsque les oscillations s'amortissent du fait de la stabilité en tangage, l'avion se stabilise en un nouveau point d'équilibre : soit en descente à la même vitesse, soit en palier à une vitesse plus faible suivant son attitude de vol. La technique du vol : le pilotage Le pilotage dans le plan vertical (en tangage) consiste à intervenir sur la portance et la traction. Le pilotage dans le plan horizontal (en virage) consiste à intervenir en plus sur le roulis (inclinaison latérale) et le lacet (la direction). Impact sur l'environnement L'avion a, comme d'autres moyens de transport motorisé, un impact sur l'environnement, notamment en contribuant au dérèglement climatique. C'est au décollage, quand les réacteurs fonctionnent à pleine puissance qu'il pollue le plus (CO2, NOx, Métaux lourds contenus dans le kérosène ou provenant de l'usure des tuyères, imbrûlés...). Les avions sont aussi une source de pollution sonore importante aux abords des aéroports et sous les zones d’entraînement d'avions militaires. Les aérosols et la vapeur d'eau émise par les tuyères contribuent aussi à la formation de nuages artificiels (trainées de condensation) qui modifient le système atmosphérique et climatique, avec un effet de refroidissement à court terme, mais de réchauffement à long terme. Les émissions de CO2 Pour l'aviation civile, par passager et par vol, sont bien supérieures à celle du transport ferroviaire, (30 fois plus environ par passager). Par contre, s'il est rempli, et pour les longues distances, un passager n'émet, en moyenne, pas plus de gaz à effet de serre par passager qu'une voiture. Par exemple le nouvel A380 ne consomme que 3 à 4,5 l/100km par passager contre 1.5 à 15 litres pour une automobile (le chiffre varie avec le nombre de passagers, le type de moteur et la taille du véhicule). Les avions émettent aussi d'importantes quantités de NOx (oxydes d'azote, polluant et également contributeur au réchauffement climatique). Ces NOx ne peuvent être traités par des pots catalytiques comme dans les cas des voitures modernes. Globalement, on évalue aujourd'hui à 3% de la libération totale de gaz à effet de serre la part due à l'aviation, mais c'est le secteur, qui avec la marine marchande augmente le plus rapidement, sans être soumis au protocole de Kyoto. En termes d'écobilan La conception des avions fait appel à des matériaux dont la production est également en amont source d'impacts énergétiques écologiques et sanitaires. Et le traitement des avions en fin de vie pose encore problème, avec un nombre d'avions à démanteler de plus en plus élevé (environ 6 000, soit 300 avions/an à traiter, sans compter les épaves déjà stockées à proximité des aéroports dans le monde. Des avions ont été transformés en récifs artificiels, mais avec des controverses sur les impacts de ce type d'opération. Les avions contiennent des matériaux précieux et dont la fabrication a causé l'émission d'importantes quantité de gaz à effet de serre et de métaux lourds, mais les carlingues n'ont pas été conçu pour faciliter la récupération de ces matériaux en fin de vie. Typologie : les différents types d'avions Les deux grandes catégories sont les avions civils (commerciaux ou de tourisme) et les avions militaires (susceptibles de jouer un rôle dans la guerre). Avions civils Les avions civils peuvent être classés comme ; ultra légers ; avions légers ; avions d'affaire ; avions de ligne. Les avions de ligne sont également classés selon leur rayon d'action : court-courrier, moyen-courrier, long-courrier. Cette dénomination date de l'époque où les avions étaient principalement utilisés pour acheminer les lettres et colis postaux, l'Aéropostale. Avions militaires Les avions militaires sont généralement classés selon leur emploi : avion de chasse, ou chasseur, conçu pour l'interception et la destruction d'autres avions (Dassault Mirage III, Lockheed F-22 Raptor). bombardier (tactique, stratégique ou nucléaire), dont la mission est de délivrer une ou plusieurs bombes (Boeing B-17 Flying Fortress, Boeing B-52 Stratofortress). avion d'interception, ou intercepteur, conçu pour abattre les bombardiers ennemis avant que ceux-ci n'atteignent le territoire national (F-106 Delta Dart, Mig-31 Foxhund). avion de transport, chargé de transporter du fret et/ou du personnel (parachutistes par ex.) (A400M, Lockheed C-130 Hercules, C-160 Transall). avion d'entraînement, avion conçu pour l'entraînement initial (Fouga Magister) ou avancé (Alpha Jet) -Aero L-39 Albatros des futurs pilotes militaires. avion de reconnaissance ou de surveillance (U2, Lockheed SR-71 Blackbird), qui doit ramener des informations (électronique, photo, etc.) ou les transmettre en temps réel (Système de détection et de commandement aéroporté (SDCA)). l'avion multirôle (le Rafale par exemple), qui doit cumuler plusieurs de ces missions. l' ASV, avion sans pilote (Dassault nEUROn) Concurrence entre Airbus et Boeing Depuis la fin des années 1990, Boeing, dont l'activité de défense est considérable, et Airbus s'affrontent essentiellement dans le domaine des avions civils. Boeing est également concurrent d'EADS, maison mère d'Airbus, dans d'autres domaines, notamment celui des avions militaires et des lanceurs. Histoire Le duel Boeing/Airbus commence doucement en 1972 quand le nouveau constructeur d'avion dénommé Airbus met sur le marché son premier avion : l'Airbus A300. Il s'agit du premier biréacteur à large fuselage, et qui permit à Airbus de naître ; l'A300 s'est vendu depuis à environ 850 exemplaires toutes versions confondues. Un dérivé suivra dix ans plus tard, également à large fuselage : l'A310 en 1982. En 1988, Airbus met en service l'A320, biréacteur moyen courrier, monocouloir (donc à fuselage plus étroit), et qui intègre des concepts révolutionnaires pour l'époque. Les avions de cette famille (A318, A319, A320, A321) vont se vendre très largement (plus de 3 000 exemplaires livrés jusqu'en janvier 2007), et ce large succès (à hauteur de la réussite commerciale du Boeing 737 concurrent) va aider grandement Airbus à rattraper Boeing. Au début des années 1990, Airbus met en service deux autres long courriers à larges fuselages (même diamètre que l'A300 et l'A310) : l'A330 et l'A340, qui ont beaucoup d'éléments en commun, mais qui diffèrent sur le nombre de réacteurs : l'A330 est un biréacteur, l'A340 un quadriréacteur. À la fin des années 1990, Airbus conçoit son propre "jumbojet", alors nommé l'A3XX, destiné à concurrencer le Boeing 747. L'avion sera lancé quelques années plus tard, sous le nom de "A380", et le premier vol a eu lieu en avril 2005. Le premier exemplaire commercial a été livré à Singapore Airlines le 15 octobre 2007, et mis en service le 25 octobre sur la ligne Singapour-Sidney. Table des matières Table des matières Partie A : Introduction 2 § A.1 - Étymologie et histoire 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 § B.1 - Morphologie 6 § B.2 - Les précurseurs 6 § B.3 - Premiers planeurs 7 § B.4 - Premier décollage motorisé 8 § B.5 - Premier vol motorisé contrôlé 8 § B.6 - Premiers vols motorisés contrôlés autonomes 9 § B.7 - Le perfectionnement des machines (1906-1914) 9 § B.8 - Le premier vol commercial 10 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 § C.1 - Comment un avion vole-t-il ? 12 § C.2 - La physique du vol 12 § C.3 - La technique du vol : le pilotage 13 § C.4 - Impact sur l'environnement 13 § C.5 - Les émissions de CO2 13 § C.6 - En termes d'écobilan 14 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 § D.1 - Avions civils 16 § D.2 - Avions militaires 16 § D.3 - Concurrence entre Airbus et Boeing 17 § D.4 - Histoire 17 Index des avions Index des avions Avion 1: L’avion III de Clément Ader 2 Avion 2: Avion des frères Wright,1903 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Bernard Marck, Histoire de l’aviation, 2: Jean-Jacques Dufour, Une histoire de l’aviation commerciale, Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description null / / Pablo Rodriguez 2018-03-30T12:40:15.812000000 2023-04-03T18:29:22.807000000 Prénom Nom PT9H26M55S 68 LibreOffice/7.5.1.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/fcbaee479e84c6cd81291587d2ee68cba099e129 Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Mise en page d'un texte long Frontière entre l'Espagne et la France Pablo Rodriguez 2019-03-17 Mon département Mon groupe Frontière entre l'Espagne et la France 40 35/ Mise en page d'un texte long 3. Économie frontalière et transfrontalière Mise en page d'un texte long 41 / 35 / / Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Frontière entre l'Espagne et la France Mise en page d'un texte long Mon département Prénom Nom Mon groupe 17/03/2019 Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Frontière entre l'Espagne et la France Propos liminaire Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol Le vocable frontière provient du substantif front ; il induit une notion d’opposition entre deux zones séparées par ce même front, comme une « troupe qui, se mettant en bataille pour combattre, fait frontière […] » [1]. Il apparaît pour la première fois en France au XIVe siècle et demeure réservé, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, aux limites les plus menacées du royaume. Du côté espagnol, le terme frontière semble avoir coexisté avec celui plus général de limites, désignant une zone abstraite entre les royaumes chrétiens d'Espagne ; il décrit également la réalité physique d'une opposition, comme la ligne de forteresses séparant la Castille des provinces musulmanes. L'époque de l'apparition du terme frontière correspond à celle de la constitution des États européens — par confrontations successives, dont les traductions guerrières ont été des facteurs d'indentification, de différenciation et d'unification— et à celle de la distinction entre droit public et droit privé. Jean de Terrevermeille défend en 1418 l'idée que le royaume n'est pas la propriété d'un monarque ; celui-ci n’en serait que le « bénéficier », induisant en cela que le royaume est devenu un territoire géré par un prince. Cette interprétation se trouve renforcée au cours du temps et, au XVIe siècle, du fait de la consolidation de la cohésion politique interne, de militaires les frontières deviennent la traduction politique d'une souveraineté territoriale. Le développement du concept d’État engendre une nouvelle dimension de la notion de frontière : celle-ci dessine dorénavant la limite des compétences juridiques et de police de l’organisation politique au pouvoir. Elle circonscrit, en outre, un espace administratif, enrichi d'une institution fiscale et de sa composante douanière. « […] ces frontières peuvent être dissociées : la frontière militaire est souvent éloignée de la frontière juridique ; la frontière douanière peut ne pas coïncider avec la frontière politique, comme en Espagne où l’Èbre a longtemps été une barrière douanière au sud d'une vaste zone franche ; la frontière ecclésiastique peut ignorer la frontière politique, comme ce fut le cas pour le diocèse de Bayonne qui englobait jusqu’en 1566 le Valcarlos et le bassin de la Bidassoa, avec la vallée du Baztan, qui faisait partie de la Navarre, et le nord du Guipuzcoa jusqu’à Saint-Sébastien, qui était castillan […]. » Maïté Lafourcade, La frontière franco-espagnole : lieu de conflits interétatiques et de collaboration interrégionale, 1998, p. 2. L’analyse de Maïté Lafourcade montre que plusieurs conceptions coexistent et décident du tracé d’une frontière ; ainsi une frontière pourra suivre ou non des éléments naturels —ligne de partage des eaux, ligne de crête, cours d’eau, limite de propriété privée ; elle pourra être définie par une ligne précise ou par une zone No man's land par exemple ; elle pourra encore caractériser un lieu d’échanges, résultant de l’isolement d'une zone montagneuse s’étalant sur plusieurs vallées partageant la même langue, ou une zone d’affrontements politiques ou religieux. La frontière entre l’Espagne et la France ne déroge pas à la logique décrite ci-dessus ; elle est en effet le résultat de l’histoire politique et économique d’une zone qui dépasse celle circonscrite par la barrière physique que constitue la chaîne des Pyrénées. Cette dimension de zone se trouve d'autant plus vérifiée que la construction de l’Espace européen entraîne un réaménagement du concept de frontière, impliquant la disparition des frontières intérieures de la Communauté s’appliquant aux travailleurs, aux marchandises, aux capitaux et aux services. En conséquence, après une longue période durant laquelle elle s’est construit un profil linéaire, en réponse aux pressions militaires, politiques, puis juridiques, la frontière acquiert une dimension supplémentaire, interne à un espace communautaire, au sein d’une construction complexe du principe de territorialité. « [La frontière], expression de l’exclusivisme territorial, est inapte à rendre compte des devoirs qu’entraîne entre États voisins une communauté d’intérêts, qui appelle non l’arrêt des compétences, mais leur collaboration […]. » Charles de Visscher, Problèmes de confins en droit international public, 1969, p. 7. La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 Nombreux sont les peuples qui, du nord au sud et du sud au nord, ont traversé la chaîne des Pyrénées, que ce soit pour des migrations définitives, des conquêtes guerrières ou pour pratiquer des activités d’échanges économiques. Maïté Lafourcade dénombre ainsi les Celtes, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Suèves, les Wisigoths, les Maures, les Francs, les Anglais, les Français et les Espagnols. Les Pyrénées ont, pour la première fois, formalisé une limite sous l’Empire romain, séparant l’Hispanie romaine — province de Tarraconaise — au sud, des Gaules au nord Gaule narbonnaise et Gaule aquitaine. Il s'agit, à cette époque, d’une optimisation administrative visant à une administration territoriale plus efficace. Le royaume wisigoth, de 418 à 711, englobe les Pyrénées, et il faut attendre Clovis, qui repousse les Wisigoths au sud de la chaîne montagneuse, pour voir les Pyrénées commencer à jouer un rôle de frontière naturelle. Il ne s’agit pas encore d’une véritable frontière, mais d’une limite, Clovis étant roi des Francs, mais pas d’un territoire. Charlemagne, à son tour, franchit les Pyrénées, et établit au tournant des VIIIe et IXe siècles, la marche d'Espagne entre le massif montagneux et jusqu’aux rives de l’Èbre. Le démembrement de l’Empire carolingien à partir de 843 laisse à Charles le Chauve la Francia occidentalis, qui sur le versant nord des Pyrénées, s’appuie sur des seigneuries qui regroupent plusieurs vallées, telles Béarn, Bigorre, Nébouzan, Comminges, Couserans, comté de Foix, Roussillon, Cerdagne. Les Vascons occupent alors un territoire à cheval sur les Pyrénées, divisé en deux comtés dont Charles le Chauve reconnaît respectivement en 852 et en 860 les dirigeants. La frontière se caractérise par sa mouvance, du fait de « l’importance donnée aux hommes plutôt qu’aux territoires […] et de l’enchevêtrement des droits et des fiefs ». La lutte contre l’invasion arabe concourt à la formation d’un futur État par la constitution de la Castille, qui s’unit au royaume de León au XIIIe siècle, et des royaumes d’Aragon et de Navarre qui, à eux deux, contrôlent le sud des Pyrénées. En 1035, la mort de Sanche le Grand — sous l’autorité duquel toutes les terres basques sont réunies, y compris ce qui constitue le Pays basque français d’aujourd’hui  engendre le démembrement de la Navarre. Le duché d'Aquitaine absorbe le Labourd et la Soule, avant de passer sous le contrôle du royaume d'Angleterre en 1152, par le mariage d’Aliénor d'Aquitaine avec Henri II d’Angleterre. Le 12 mai 1258, la signature du traité de Corbeil acte l’abandon des prétentions du royaume de France. dont le roi est, à cette époque, Louis IX. sur la Catalogne, en échange de celui du roi d’Aragon. Jacques Ier. sur une partie du Languedoc et la Provence. Le sud du massif des Corbières détermine alors la frontière entre le royaume de France et celui d’Aragon. Alors qu’en 1449, Mauléon est conquise par le royaume de France, et qu’en 1451, la Couronne de France s'empare du Labourd, le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon en 1469 unit les deux royaumes du sud des Pyrénées. Le souverain navarrais, Jean d’Albret, perd à son tour ses possessions espagnoles, après l’invasion des troupes du duc d’Albe, Fadrique Álvarez de Toledo, aux ordres de Ferdinand d’Aragon, dit le Catholique ; il ne conserve que les terres d'ultra-puertos, connues aujourd’hui sous le nom de Basse-Navarre. L’héritier des rois catholiques et de la maison de Habsbourg, Charles Quint se retrouve à la tête d’« une Espagne à la dimension du monde […] ». Commence alors un conflit qui dure près d’un siècle et demi, initié par les deux souverains, François Ier et Charles Quint, alors que jusque-là, la paix avait régné entre les deux royaumes, à l’exception des points sensibles concernant le Roussillon et le val d'Aran, revendiqués par les deux parties. Bien qu’encore imprécis, le tracé d’un front militaire se dessine alors. Sur le flanc nord, le Roussillon et le val d’Aran demeurent espagnols, alors que l’Andorre et la Basse-Navarre jouissent d’une suzeraineté indépendante des deux pays antagonistes. Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé Le pays Quint est de nouveau la proie d’affrontements violents, de 1827 à 1856, qui sont demeurés sous le nom de guerre des limites. Ces conflits n’étant pas isolés le long de la frontière, les souverains Napoléon III et Isabelle II parviennent à s’entendre sur une frontière qui tient compte « des vœux et des besoins des populations frontalières ». Si l’acte final est signé le 26 mai 1866, il fait suite à trois traités préalables paraphés à Bayonne le 2 décembre 1856 pour la section occidentale — de l’embouchure de la Bidassoa jusqu’au point où confinent le département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre —, le 14 avril 1862 pour la portion centrale s’achevant au « val d’Andorre », et le 26 mai 1866 pour la partie orientale, d’Andorre à la mer Méditerranée. La commission internationale des Pyrénées de 1875 La commission internationale des Pyrénées (CIP) est créée en mai 1875, et, malgré la mise en application de l’accord de Schengen signé en 1985 et la création de l’espace homonyme définitivement en vigueur à partir du traité d'Amsterdam en 1999, elle est toujours active au 1er juin 2015, soit 140 ans après sa création. La commission, qu’il ne faut pas confondre avec la commission de délimitation des Pyrénées, responsable de 1853 à 1868 de la définition de la frontière franco-espagnole, est créée à l’initiative de Louis Decazes, ministre des Affaires étrangères français, à la suite de différends frontaliers survenus en 1872, puis le 7 mars 1874 à l’embouchure de la Bidassoa, et ayant provoqué localement une situation de quasi-guerre civile, à un moment où la troisième guerre carliste complique les relations entre la France et l’Espagne. Cette commission mixte, menée à l’origine par le duc Decazes pour la partie française, et par le ministre d’État de Castro, du côté espagnol, n’a pas vocation à survivre au règlement du différend frontalier qui a justifié sa création en 1875, mais dès janvier 1880, un autre conflit se déclare, portant sur les droits de pêche au saumon sur la Bidassoa, repoussant la dissolution annoncée de la commission. Sa compétence est alors élargie à l’élaboration d'un règlement général sur la pêche côtière dans le golfe de Gascogne [2]. En 1885, le différend entre Llívia et le village d’Err, portant sur un canal d’irrigation — quoique réglé directement par les chancelleries — provoque une prise de conscience des deux gouvernements de la nécessité de « […] soumettre dorénavant à l’examen des délégués espagnols et français à la commission internationale de la frontière pyrénéenne les questions litigieuses qui peuvent surgir sur les limites des deux pays ». Cette reconnaissance officielle de la commission, dans ses compétences élargies — qui, au passage, reçoit son nom de baptême — est actée le 12 avril 1888 par une lettre de Segismundo Moret, ministre espagnol, à Paul Cambon, ambassadeur de France à Madrid. Elle siège depuis l’origine à Bayonne. Au début du XXe siècle, les ministères de l’Agriculture, des Travaux publics et de la Guerre rejoignent la commission, qui interrompt ses sessions lors de la Première Guerre mondiale et qui vit au ralenti entre les deux guerres mondiales avec seulement trois réunions (1921, 1927 et 1934). À nouveau, les sessions sont suspendues, en raison de la guerre d'Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. Les décennies qui suivent voient l’intensification des échanges et des réunions — qui deviennent biennales — et le renforcement des structures. Plus d’une centaine d’experts et de fonctionnaires se répartissent entre comités techniques et sous-commissions, qui prennent en compte, de manière élargie, les besoins des populations locales ; les discussions de la commission portent à présent sur les projets de voirie et de travaux publics, d’agriculture et d’économie, d’équipements hydroélectriques et d’environnement. Le traité de Bayonne de 1995 Depuis les années 1980, les régions ou départements français et les communautés autonomes espagnoles ont pris à leur compte l’initiative des contacts et des collaborations, donnant, par exemple, naissance en 1983, à la communauté de travail des Pyrénées, ou à des structures territoriales comme l’Eurocité basque Bayonne - San Sebastián — l’objectif de cette dernière structure est la création d’une métropole européenne, qui, en l’état actuel, regroupe près de 600 000 habitants, par la mise en commun de moyens techniques et politiques concernant « les infrastructures, les services urbains et les instruments de gouvernement »— ou le consorcio Bidasoa-Txingudi. La création de groupements européens de coopération territoriale comme l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi et le GECT Pyrénées-Méditerranée sont à porter à l’actif des efforts de coopération décentralisée. Ces initiatives sont à présent encadrées et facilitées par une base législative nationale et des accords internationaux, dont le traité de Bayonne, signé le 10 mars 1995 et relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales de France et d’Espagne, est une illustration importante ; il est étendu à la principauté d’Andorre le 16 février 2010. « Sous l’emprise de ce texte, les collectivités frontalières pourront enfin traiter dans leur globalité des domaines aussi divers que ceux ayant trait à l’urbanisme, l’environnement, l’utilisation des infrastructures ou la gestion urbaine. Lieu de passage économique et humain, la frontière passe enfin de l’état de limite administrative à celui de point de rencontre […] » Pierre Cambot, La frontière franco-espagnole : commentaire du traité de Bayonne du 10 mars 1995 relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, 1998, p. 129. Histoire militaire et fortifications Plusieurs épisodes politiques ou guerriers ont entraîné la construction de lignes de protection, matérialisées par des châteaux ou des redoutes. Il en est ainsi de la Reconquista, qui correspond à la reconquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. Elle commence en 718 dans les Asturies, et s'achève le 2 janvier 1492 quand Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille chassent le dernier souverain musulman de la péninsule, Boabdil de Grenade. Ainsi, Sanche Ier d’Aragon renforce le château de Loarre et pas moins de dix autres entre Sos et Barbatros, comme le fort d’Alquézar et les tours d’Abizanda et de La Fueva. Le début du conflit entre François Ier et Charles Quint, dès 1520, est également à l’origine de la fortification de la frontière, de Bayonne à Mont-Louis. La fin du XVIIIe siècle et le début du siècle suivant voient des combats violents se dérouler dans la partie occidentale des Pyrénées. La campagne de 1793 - 1795 a lieu en particulier à proximité de la Bidassoa. Les combats commencés tout d’abord au val d’Aran, c’est-à-dire en Catalogne— se concentrent dans les vallées de la Bidassoa et de la Nivelle. En 1793, le Comité de salut public qui, par décret du 1er mai 1793 vient de créer l’armée des Pyrénées occidentales, fait construire une redoute au sommet de la Rhune, sur l’emplacement de l’ermitage préalablement détruit. Celle-ci est rapidement prise par les troupes espagnoles, qui s’y installent le 1er mai. Après la défaite de Vitoria, le 21 juin 1813. qui voit la retraite des troupes françaises escortant Joseph Bonaparte. suivie de celles de Sorauren, le 28 juillet, et de San Marcial, le 31 août, les troupes de Wellington se trouvent sur les rives de la Bidassoa. Wellington déclenche une grande offensive le 10 novembre et lance 40 000 hommes contre les fortifications de la Rhune et dans la vallée de la Nivelle. Malgré une résistance farouche des troupes du maréchal Soult, Wellington s’empare des fortifications, et pénètre dans Saint-Pée-sur-Nivelle dans la journée. De 1941 à 1943, le fort du Portalet, dont la construction débute dans les années 1840 pour contrôler la route du col du Somport, sert de prison politique pour des personnalités de la Troisième République comme Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Georges Mandel ou Maurice Gamelin. Il abrite un temps une garnison allemande avant d’être repris par la Résistance en 1944. Il accueille le maréchal Pétain du 15 août au 16 novembre 1945. L'opération Reconquista de España, lancée pour établir un pouvoir républicain dans le val d'Aran, rassemble 13 000 vétérans de la guerre d'Espagne et de la Résistance française aux points de recrutement de Foix et de Toulouse. De 4 000 à 7 000 hommes se portent volontaires pour participer à l'opération. Le 3 octobre 1944, une première formation franchit la frontière peu avant le col de Roncevaux. Le 5 octobre, une brigade pénètre dans la vallée de Roncal. Les incursions se multiplient alors, avec le versant français comme base de repli, jusqu’au 19 octobre, date de l’invasion principale. Un moment prises par surprise, les troupes espagnoles basées le long de la frontière réagissent et stoppent l’avancée de l’invasion ; le soulèvement populaire espéré ne se produit pas. Le 27 octobre, l’état-major de la guérilla auquel participe Santiago Carrillo décide la retraite. La France, sur décision de son gouvernement, a totalement fermé ses frontières terrestres avec l'Espagne entre le 1er mars 1946 et le 10 février 1948 à la suite des problèmes politiques entre le régime franquiste et le gouvernement provisoire français. Dès les années 1930, l’essor du nationalisme en Pays basque espagnol s’étend à la France, et en 1934 naît le mouvement eskualherriste et son journal Aintzina. À partir du début des années 1970, le conflit basque, qui est jusque-là circonscrit à l’Espagne, se caractérisant par la lutte d'Euskadi ta Askatasuna (ETA) contre le régime franquiste pour la reconnaissance des spécificités politiques et culturelles des Basques et l’indépendance du Pays basque, s’étend au nord de la frontière. Iparretarrak, bientôt rejoint par Euskal Zuzentasuna, milite pour l’autonomie du Pays basque français et multiplie les attentats. La coopération entre les deux États conduit à l’arrestation d’activistes d’ETA tant en France qu’en Espagne — en 2011, 35 etarras sont interpellés en France et 22 sur le territoire espagnol, faisant suite à 138 arrestations en 2010, dont 28 en France. En 1957, un tribunal arbitral tranche un différend entre les deux États, portant sur l'affaire dite du « lac Lanoux ». Ce lac situé en France est alimenté par le Carol, un affluent de la rivière espagnole, le Sègre. Voulant dévier le cours d'eau afin de le faire passer via une usine hydroélectrique, la France se trouve alors confrontée à un véto espagnol persistant ; ce conflit local ne trouve sa résolution que par la décision arbitrale du 16 novembre 1957 qui donne raison à la demande française, qui s'engageait à restituer à volume égal les eaux dérivées, par une galerie sous le col du Puymorens. Caractéristiques géographiques La frontière terrestre au XXIe siècle La frontière terrestre franco-espagnole s'étend sur 623 kilomètres, au sud-ouest de la France et au nord-est de l'Espagne, plus longue frontière terrestre de la France métropolitaine devant celle avec la Belgique (620 km). Elle débute à l'ouest sur le golfe de Gascogne au niveau de la commune française d'Hendaye et de la ville espagnole d'Irun. La frontière suit ensuite une direction générale vers l'est, respectant à peu près la ligne de partage des eaux des Pyrénées jusqu'en Andorre, au pic de Médécourbe. La principauté interrompt la frontière entre l'Espagne et la France sur 33 kilomètres. Elle reprend à l'est de la principauté et se poursuit jusqu'à la Méditerranée, qu'elle atteint au niveau de Cerbère en France et de Portbou en Espagne. Pour l'Espagne, et d'ouest en est, la frontière borde le nord de la province du Guipuscoa (communauté autonome du Pays basque), la Navarre, la province de Huesca (Aragon), la province de Lérida (Catalogne) avec le val d'Aran, et enfin la province de Gérone (Catalogne). En ce qui concerne la France, et toujours d'ouest en est, ce sont les limites sud des Pyrénées-Atlantiques (région Nouvelle-Aquitaine), des Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), de la Haute-Garonne (Midi-Pyrénées), de l'Ariège (Midi-Pyrénées) et des Pyrénées-Orientales (Languedoc-Roussillon) qui sont définies par la frontière. Matérialisation de la frontière terrestre La frontière est matérialisée par 602 bornes, numérotées d'ouest en est à partir de 1856, en respectant un tracé souvent ancien. Certaines bornes pastorales ont été placées avant la seconde moitié du XIXe siècle et viennent compléter le bornage officiel. Le traité de 1856 détermine l’emplacement de 272 bornes ou croix, de l'Atlantique à la Table des Trois Rois ; celui de 1862 ajoute 154 bornes, numérotées de 273 à 426, de la Table des Trois Rois au port de Bouet, à la frontière ouest avec l'Andorre ; enfin l’acte de 1866 détermine 176 bornes supplémentaires, de 427 à 602, au départ du tripoint est France - Espagne - Andorre, jusqu’à la Méditerranée. La borne no 1 se situe sur les bords de la Bidassoa, à environ 8,5 km en amont du pont ferroviaire entre Hendaye et Irun, à l'endroit où la frontière ne suit plus ce fleuve et s'incurve vers l'est. Cette borne est ainsi située entre la commune de Vera de Bidassoa et la commune de Biriatou. Le col du Somport accueille la borne no 305 et celui de Pourtalet, la borne no 310. D'autres ports recèlent eux aussi une balise, comme le port qui permet le passage de Cauterets à Panticosa (borne no 313), ou le port de Venasque (borne no 332) entre la vallée de la Pique en France et celle de l'Ésera en Espagne. La borne no 602 est matérialisée par une croix située sur les pentes du cap Cerbère, dominant la mer Méditerranée entre les communes de Portbou et Cerbère. De plus, 45 bornes marquent la frontière autour de l'enclave de Llívia. Elles sont numérotées dans le sens anti-horaire à partir de la borne no 1 située au niveau de l'entrée de la route neutre RD 68 des Pyrénées-Orientales dans l'enclave. Ce point marque aussi la rencontre entre les communes françaises de Bourg-Madame et Ur, avec la commune espagnole de Llívia. Particularités territoriales L’histoire a fortement marqué le tracé de la frontière et il demeure encore aujourd’hui des particularités territoriales dont l’origine remonte aux conflits et accords du Moyen Âge, et qui relèvent d’un droit international qui a dû s’adapter à ces anciennes règles. La principauté d’Andorre, dont le territoire est entièrement enclavé entre l’Espagne et la France dans la chaîne des Pyrénées, est une nation souveraine dont la création remonte à l’an 780, sous le règne de Charlemagne. Elle est régie par un contrat de droit féodal, le paréage, qui concède le trône andorran à deux coprinces, l'évêque espagnol d'Urgell et le chef d'État français. Elle possède une superficie de 468 km2 et une population estimée à 85 458 habitants en 2014. L'Andorre adhère à certains programmes de coopération frontalière établis entre l’Espagne et la France. Peu après le début occidental de la frontière, alors que celle-ci suit le cours de la Bidassoa, se trouve l'île des Faisans, au milieu du fleuve. Elle possède un régime frontalier particulier, l'île étant un condominium, dont la souveraineté est partagée entre les deux pays. Autre particularité, la ville de Llívia, ancienne capitale de la Cerdagne, est une enclave espagnole en territoire français, dans les Pyrénées-Orientales. Une route « neutre » c’est-à-dire sans contrôle douanier ; il s’agit de la route espagnole N-154 entre Puigcerdà et Llívia, qui coupe N20 entre Bourg-Madame et Ur la relie à l'Espagne. Son sort d’enclave semble être décidé lors du traité des Pyrénées de 1659, mais il faut attendre le traité de Bayonne de 1866 pour que la situation soit définitive. Plus à l’est, le village français du Perthus, dont le territoire n’est définitivement fixé qu’à partir du 29 avril 1851, est situé à cheval sur la frontière qu’il partage en ce point avec la commune espagnole de la Jonquera ; particularité géographique, le village se situe au sud de la ligne de crêtes. La frontière est marquée par l’épaulement est de la RN 9 située en France sur toute sa largeur. La traversée piétonne de la route permettant le passage d’un pays à l'autre, cette situation est restée favorable au trafic incontrôlé de marchandises, jusqu’à la disparition des frontières douanières en 1995. La vallée des Aldudes s’étend en zone frontalière de la Haute et de la Basse-Navarre. Une ordonnance du 12 octobre 1200 fixe les modalités de répartition de cette région indivise entre les différentes vallées limitrophes. Nombre de conflits et de procès émaillent l’histoire des relations entre ces vallées ; pas moins de huit sentences prononcées au XVIe siècle confirment que « la propriété et possession des Aldudes appartiennent à Valderro ». La notion de jouissance apparaît pour la première fois lors des capitulations signées le 25 septembre 1614 par les représentants des suzerains français et espagnols. La fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle sont marqués par des conflits armés, telle l’action du marquis de Valero en 1695, pour contrer les incursions des pasteurs et des troupeaux de Baïgorry, qui ne manquent pas d’avoir des retentissements internationaux. Un « aménagement des frontières » a lieu le 23 août 1769 à Ispéguy, et le bornage est vérifié le 9 octobre suivant en présence du représentant royal et de ceux des villages et vallées concernés, bientôt modifié en 1785 dans un traité des limites. Las, la Révolution vient bouleverser ce bel ordonnancement, et la France ne reconnaît pas le traité, malgré ceux de Bâle en 1795 et de Paris en 1814. Le début du XIXe siècle voit de nouvelles tentatives d’accords qui aboutissent le 21 novembre 1829 à une première transaction divisant la jouissance du pays Quint. Ce pays Quint est un territoire de 25 km2, situé au sud de la vallée des Aldudes, à la limite des communes d'Aldudes, d'Urepel et de Banca. Le traité de Bayonne de 1856 accorde la propriété du territoire à l’Espagne, et la jouissance à la France. Plusieurs dispositions d’application ont été encore nécessaires — ordre du 22 décembre 1948 portant sur celui du 31 juillet 1892— pour faciliter l’application du traité de 1856. Au début des années 2010, la France verse toujours une somme forfaitaire aux vallées du Baztan et d’Erro, pour l’utilisation des pâturages, et les habitants du pays Quint paient l’impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France. Enfin, il faut noter que les représentants français et espagnols à la commission d'abornement de la frontière entre les deux États ont constaté des différences d'appréciation sur son tracé, notamment au pic du Néoulous, sommet du massif des Albères. Passages et voies de communication terrestres Le col du Perthus est emprunté en 218 av. J.-C. par Hannibal et son armée accompagnée d'éléphants lors de la Deuxième guerre punique. Plus à l'est, au col de Panissars où se dresse le trophée de Pompée, et que les Romains nomment Summum Pyrenaeum, se trouve le point de jonction de la Via Domitia au nord — entreprise depuis 118 av. J.-C. — et de la Via Augusta au sud. Le site de Panissar est partagé entre l’Espagne et la France depuis le traité des Pyrénées ; il a fait l’objet de fouilles et de publications conjointes menées par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon et son homologue de la généralité de Catalogne. Le trophée de Pompée, dont la construction est estimée des années 70 av. J.-C., possède une symbolique forte puisqu’il incarne la restauration en 1659 de la frontière franco-espagnole perdue lors du traité de Corbeil de 1258, également appelé « acte de paix ». Le 27 novembre 711, les armées musulmanes débarquent au djebel Tarik ou Gibraltar et s’emparent de Narbonne en 720, après avoir traversé les Pyrénées en provenance de Barcelone. La bataille de Roncevaux, le 15 août 778, voit l'arrière-garde commandée par Roland, neveu de Charlemagne, attaquée et détruite par les Vascons, alors que Charlemagne et le reste de l'armée franque franchissent le col sans être inquiétés. Près de trois siècles plus tard, en 1064, l’armée catalane d’Armengol, comte d’Urgell, à laquelle se sont alliés des contingents venus d’Italie, et celle de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine, renforcée de la chevalerie normande, flamande, champenoise et bourguignonne, traversent les Pyrénées par le col du Somport pour mettre le siège devant Barbastro. Le réseau d’autoroutes et de routes nationales franchissant la frontière est assez distendu ; le relief montagneux force les voies de communication à privilégier les zones côtières et quelques cols de la chaine pyrénéenne. À l'est et à l'ouest de la chaine des Pyrénées, deux autoroutes permettent des échanges routiers entre l'Espagne et la France. Il s'agit de la route européenne qui, venant de Narbonne sous le nom d'autoroute A9, rejoint Perpignan, puis se dirige vers Barcelone, sous le nom d'autoroute AP-7, après avoir passé la frontière au Perthus. De son côté, la route européenne E80 qui vient de Toulouse, rejoint, au niveau de Bayonne, la route européenne E70 en provenance de Bordeaux, et pénètre en Espagne à Biriatou / Irun. Avant son passage en Espagne, la voie se nomme autoroute A63, puis, dès le passage de la frontière, autoroute AP-8. Peu de routes nationales ou départementales permettent aux véhicules routiers le franchissement de la frontière, en reliant les réseaux routiers des deux pays. À l’extrême est, dans les Pyrénées-Orientales, la route départementale 86 (RD 86) franchit la frontière à Cerbère / Portbou, en suivant la côte méditerranéenne. En se dirigeant vers l’ouest, le col du Perthus, à 290 mètres d’altitude, connecte l’Espagne et la France par la route européenne 15. Il permet également le raccordement de la route nationale 9 française, en provenance de Perpignan, à la RN espagnole N-II qui se dirige vers Barcelone. En provenance de Céret, l’ancienne route nationale 615 parvient au col d’Ares, à 1 513 mètres d’altitude, sous le nom de RD 115. Elle rejoint alors la route espagnole C 38 qui se dirige vers Camprodon. Contournant l’enclave de Llívia, la RN 116 et la RN 20 retrouvent l’autoroute espagnole C-16 après avoir atteint Bourg-Madame / Puigcerdà. La RN 20, quitte Ax-les-Thermes vers le sud ; elle se divise en trois à l'Hospitalet-près-l'Andorre ; avant le col de Puymorens, elle se raccorde à la route desservant la principauté d'Andorre par le port d'Envalira et le tunnel d'Envalira sous les noms de CG 2 et CG 1, avant de rejoindre la N 14 espagnole. En Haute-Garonne, la RN 125 relie Montréjeau au Pont du Roi à Fos, desservant Vielha e Mijaran dans le val d'Aran par la N 230. En provenance d'Aínsa-Sobrarbe, la route espagnole A 138 traverse la frontière par le tunnel d'Aragnouet-Bielsa, long de 3 070 mètres, avant de remonter vers Lannemezan par la départementale D 173. En continuant vers l'ouest, le prochain passage d'importance est le col du Somport dans les Pyrénées-Atlantiques, à 1 632 mètres d'altitude. La route nationale 134 emprunte la vallée d'Aspe avant de franchir la frontière et de se diriger vers Canfranc par la route espagnole N 330. Puis, au sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, la D 933 se dirige vers Arnéguy, franchit la frontière sur le pont international et trouve la route nationale 135 qui se dirige vers le col de Roncevaux et Pampelune. À partir de Saint-Jean-Pied-de-Port, le réseau routier transfrontalier secondaire se fait plus dense, au fur et à mesure de la réduction de l'altitude. Le long de l'océan, la RN 10 est à présent doublée par l'autoroute A63, et le passage entre la France et l'Espagne se fait à Béhobie, sur la commune d'Urrugne, point de jonction avec la N 1 espagnole. Plusieurs voies ferrées franchissent la frontière entre l'Espagne et la France ; elles font l’objet d'une convention entre États signée à Paris le 18 août 1904. La ligne de Perpignan à Figueras est une ligne ferroviaire à grande vitesse adaptée pour les trains de voyageurs et de fret à écartement standard UIC. Elle franchit la frontière franco-espagnole par un tunnel de 8,3 kilomètres. La ligne de Portet-Saint-Simon à Puigcerda est une voie ferrée secondaire. Le tronçon Latour-de-Carol - Puigcerda comporte deux voies, une voie à écartement standard et une voie à écartement espagnol. En d'autres points, compte tenu de la différence d'écartement des voies, la frontière est encadrée par deux gares terminus des réseaux nationaux. Il en est ainsi pour la ligne de Narbonne à Port-Bou. La jonction avec le train de la Renfe s'effectue dans le tunnel entre Cerbère et Portbou. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le transfert des fruits en gare de Cerbère des trains espagnols sur des wagons français, dont l’écartement des roues diffère, se fait à dos de femmes appelées les transbordeuses d’oranges. Celles-ci déclenchent en 1906 une grève qui dure plus d’un an et qui constitue la première grève féminine française. Quoique le terminus se situe en Espagne une fois franchie la Bidassoa, la ligne de Bordeaux-Saint-Jean à Irun, à écartement standard, électrifiée et à double voie, s'arrête à Irun, où arrive la ligne espagnole de Madrid à Irun. Enfin, la ligne de Pau à Canfranc est une ligne internationale, à voie unique et à écartement standard, qui est fermée au trafic depuis un accident survenu le 27 mars 1970. L'exploitation de la ligne est depuis lors réduite à la section Pau - Bedous. Les chemins de Compostelle Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Au début du XIe siècle, Sanche III de Navarre, dit « le Grand », le monarque le plus puissant des royaumes chrétiens de la péninsule ibérique, transforme le pèlerinage de Compostelle, jusque-là circonscrit à la péninsule ibérique, en un pèlerinage international. En occupant et développant Nájera, il permet aux pèlerins qui viennent de franchir les cols pyrénéens, d’emprunter l’ancienne voie romaine qui passe par Astorga. L’action d’Alphonse le Batailleur, allié à Gaston le Croisé lors de la Reconquista, permet de libérer le bassin supérieur de l’Èbre, sécurisant ainsi l’accès à Saint-Jacques-de-Compostelle. « […] Il y a quatre routes qui, menant à Saint Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol. L'une passe par Saint-Gilles-du-Gard, Montpellier, Toulouse et le Somport. La route qui passe par Sainte-Foy-de-Conques, celle qui traverse Saint-Léonard-en-Limousin et celle qui passe par Saint-Martin-de-Tours se réunissent auprès d'Ostabat, et après avoir franchi le col de Cize (ou de Roncevaux) elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport. De là, un seul chemin conduit à Saint-Jacques […]. Trois colonnes nécessaires entre toutes au soutien de ses pauvres ont été établies par Dieu en ce monde : l’hospice de Jérusalem, l’hospice du Mont-Joux [Grand Saint-Bernard] et l’hospice de Sainte-Christine sur le Somport […]. » Texte attribué à Aimery Picaud et daté des années 1130. L’hospice de Sainte-Christine et le chemin passant par le Somport connaissent leur apogée vers le milieu du XIIe siècle, avant que l’itinéraire passant par le col de Roncevaux et son hospice, fondé par Alphonse le Batailleur, ne les supplantent. Selon Pierre Tucoo-Chala, les routes médiévales entre Béarn et Aragon empruntent les ports de Vénasque, à 2 444 mètres d’altitude entre Bagnères-de-Luchon et Benasque ; plus à l’ouest les cols d’Aragnouet et de la brèche de Roland permettent de rejoindre Bielsa ; puis viennent les cols du Pourtalet, des Moines, du Somport, de Pau, de la Pierre-Saint-Martin et de Larrau, sans oublier le chemin qui, passant par Sainte-Engrâce, est le principal accès aux XIIe et XIIIe siècles. En ce début de XXIe siècle, trois des chemins contemporains — la via Turonensis, la via Lemovicensis et la via Podiensis — s'unissent à Ostabat, la traversée de la frontière se faisant par le col de Bentarte ou par Valcarlos, en amont du col de Roncevaux. La via Tolosane emprunte, quant à elle, le col du Somport pour franchir les Pyrénées. Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens La chaîne des Pyrénées est parcourue par de nombreux chemins de randonnée, qui empruntent parfois des voies traditionnelles pastorales ou antiques (romaines). Ces chemins font l'objet de balisages locaux, à l'initiative des communes. Certains d'entre eux se distinguent néanmoins parce qu'ils relient des points particuliers ou qu'ils parcourent des lieux chargés d'histoire. Le sentier de grande randonnée 10 (GR 10) est un sentier situé en France uniquement, qui traverse la totalité de la chaîne montagneuse depuis Hendaye sur la Côte basque, à Banyuls-sur-Mer sur la Côte Vermeille. Long de 910 km, il suit un itinéraire de moyenne montagne, alors que la Haute randonnée pyrénéenne suit les lignes de crête. Sur le versant espagnol, le sentier espagnol de grande randonnée 11 relie également les deux extrémités pyrénéennes du cap Higuer, sur l'Atlantique, au cap de Creus, côté méditérannéen. D’autres sentiers de randonnées sont référencés, comme le chemin des Bonshommes (GR 107), long de 224 km entre Foix en Ariège et Berga en Catalogne. Il franchit la frontière au col de la Porteille Blanche à 2 517 m et rencontre les châteaux de Foix et de Montségur, l'église de Mérens-Les-Vals et l'abbaye de Bellver de Cerdany. Le sentier cathare (GR 367) mène, quant à lui, de Port-la-Nouvelle (Aude) à Foix, en suivant 221 km de sentier qui font découvrir les châteaux d’Aguilar, Padern, Quéribus, Peyrepertuse, Puivert, Montségur, Roquefixade et enfin, celui de Foix. Le sentier dit « chemin Walter-Benjamin » relie Banyuls à Portbou. Cet ancien chemin de contrebandiers, long de 17 km, a vu le suicide du philosophe allemand Walter Benjamin, le 26 septembre 1940. ,Le « chemin de la Liberté », à travers le Couserans, part de Saint-Girons et conduit, par le mont Valier, à Sort sur 72 km. Il commémore le passage de près de 3 000 fugitifs durant la Seconde Guerre mondiale et de leurs passeurs. Les Pyrénées offrent, de part et d’autre de la ligne de crête, des refuges de montagne aux randonneurs et alpinistes ; du côté français, la plupart sont gérés par le club alpin français (CAF), et sur le versant sud, par des clubs affiliés à la federación Española de déportes de montaña y escalada (FEDME). La frontière maritime Deux zones, à l’ouest et à l’est de la frontière terrestre, font ou on fait l’objet d’une négociation en vue d’une délimitation maritime afin de déterminer la frontière maritime, l’une dans le golfe de Gascogne et l’autre en mer Méditerranée. En termes de frontières maritimes, le droit applicable est désormais celui défini par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, amendée par le protocole du 28 juillet 1994. La France et l’Espagne — et pour la mer Celtique, la France, l'Irlande et le Royaume-Uni — ont déposé le 19 mai 2006 une « demande conjointe à la commission des limites du plateau continental pour étendre leur plateau continental au-delà de la limite des 200 milles de la zone économique exclusive dans la région du golfe de Gascogne ». Les frontières maritimes font l’objet d’un désaccord entre l’Espagne et la France depuis les années 1970, et n’est toujours pas définitive au Ier janvier 2015. Voies maritimes Deux autoroutes de la mer ont été établies pour transporter des poids lourds entre l’Espagne et la France sur la façade atlantique, au départ de Gijón et de Vigo vers Saint-Nazaire. La ligne au départ de Gijón reliait les Asturies à la Loire-Atlantique en quatorze heures. Faute de rentabilité, elle est interrompue à compter du 14 septembre 2014 et remplacée en 2015 par la ligne partant de Vigo. L’île des Faisans L’île des Faisans, située dans l’estuaire de la Bidassoa entre Béhobie et Irun, est un cas particulier de la frontière entre les deux États. Elle possède le statut de condominium et elle est gérée alternativement par l’Espagne et par la France. Elle demeure dans l’histoire comme le lieu où le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne est âprement négocié en 1659 par le cardinal Mazarin et don Luis de Haro, en parallèle du traité des Pyrénées. En vertu de l'article 25 du traité de Bayonne de 1856, toute embarcation naviguant, passant ou pêchant dans la Bidassoa est soumise à la seule juridiction du pays auquel elle appartient. Néanmoins, « […] pour prévenir les abus et difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage [doit être] considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du pays auquel appartient cette rive ». L'île a pour dimensions une longueur d'environ 210 m et une largeur maximum de 40 m. Sa superficie est de 6 820 m2. Les commandants de Marine installés à Bayonne et à Saint-Sébastien sont chargés à tour de rôle, par période de six mois, de faire appliquer la convention franco-espagnole qui régit l'estuaire de la Bidassoa ainsi que de l'entretien de l'île ; ils portent tous deux le titre de vice-roi de l’Ile des Faisans. L'un d'eux est le lieutenant de vaisseau Louis Marie Julien Viaud, plus connu sous le nom de plume Pierre Loti. Économie frontalière et transfrontalière Tourisme et migrations transfrontalières Les chemins de Compostelle ont engendré des échanges économiques que, dès la fin du XIe siècle, Sanche Ramirez tente de contrôler en imposant des droits de douane prélevés sur les produits de luxe à Jaca et Pampelune. Les produits concernés sont principalement les armes — lances, épées, écus et hauberts fabriqués en France — et les textiles, ces derniers provenant de Bruges, de Byzance ou d’Al-Andalus. Un millénaire plus tard, en 2011, plus de neuf millions de touristes français ont franchi la frontière — terrestre, maritime ou aérienne — pour se rendre en Espagne et cinq millions de touristes espagnols ont visité la France, alors que le transport routier a représenté pour cette même année le passage transfrontalier de 6 millions de poids lourds, essentiellement au Perthus et à Biriatou. Énergie et transports La zone frontalière fait l’objet de plusieurs projets dans les domaines de l’énergie et des transports. Ainsi, la ligne enterrée à très haute tension entre Baixas (Pyrénées-Orientales) et Santa Llogaia d'Àlguema (Catalogne), d'une longueur de 65 km, emprunte un tunnel de 8 km sous les Pyrénées dont le percement a commencé le 15 février 2012. La mise en service commerciale de cette nouvelle ligne de 1 400 mégawatts a eu lieu en juin 2015. Elle vient doubler un ensemble existant de quatre autres lignes — Arkale - Argia, Hernani - Argia, Biescas - Pragnères et Vic - Baixas — d’une capacité de 1 400 mégawatts. D’autre part, les deux États ont entrepris l’étude de faisabilité d’une ligne sous-marine d’une puissance supérieure à 2 000 mégawatts reliant le nord de la Gironde au Pays basque espagnol. Le réseau gazier à deux sens existant en 2012 se trouve renforcé en 2013 et 2015 par deux nouvelles liaisons sur la façade ouest résultant de deux investissements privés, l’un à Larrau et l’autre à Biriatou, contribuant à l’intégration des marchés gaziers des deux pays sur l’axe Afrique-Espagne-France. Ces investissements portent les échanges gaziers annuels entre les deux pays et dans les deux sens à 7,5 Mds m3. Économie et accords frontaliers Conséquence du relief montagneux et de la configuration des vallées, isolées les unes des autres, les populations pyrénéennes ont développé, depuis l’Antiquité et en toute indépendance, des systèmes juridiques et économiques propres. Insensibles aux changements politiques qui ont marqué l'histoire des deux versants du massif pyrénéen, elles ont passé, de vallée à vallée, des accords qui ont continué à se développer bien après la constitution des États espagnol et français. Dans une économie traditionnelle pastorale, qui jouit du régime de la propriété indivise des terres, un « système de démocratie directe à base familiale » se développe à partir de la cellule que constitue la maison. Compte tenu de l’absence de frontière précise entre versants opposés, ou sur le même versant, les communautés se sont souvent trouvées confrontées à des problèmes de voisinage, le plus souvent liés à l’utilisation des pâturages. Elles ont alors développé des conventions, ou faceries, permettant un usage consensuel et pacifique des pâturages. Cette pratique est avérée de l’ouest à l’est de la chaîne pyrénéenne. Les faceries les plus anciennes, dont des conventions écrites nous sont parvenues, datent de 1171 - 1175 ; elles régissent les relations entre Bagnères-de-Bigorre et le Lavedan, deux territoires situés sur le versant français. Un autre accord attesté date de 1314, entre Saint-Savin, en France, et Panticosa sur le versant espagnol. Nombreuses à partir du XIVe siècle, les faceries établissent avec précision les limites des pacages communs ou respectifs, leur bornage et les sanctions frappant les auteurs d’infractions. Alors que les États se constituent et que la frontière acquiert sa notion de limite militaire, politique, puis douanière, les faceries intègrent des dimensions nouvelles à partir du XVe siècle, qui consistent en la protection de l’économie locale et la liberté des transactions, indépendamment des conflits nationaux et des règles fiscales propres à chaque royaume. Dans le prolongement de cette évolution se développe un concept politique de « petites républiques », qui donne naissance à des traités de lies et passeries, c’est-à-dire de neutralité ou de surséance à la guerre. Durant la guerre de Succession d'Espagne, au début du XVIIIe siècle, les populations pyrénéennes « [refusent] de contribuer à l’effort militaire demandé par leur souverain respectif. Ils [préviennent] même leurs voisins du versant opposé à l’approche des troupes, afin qu’ils puissent se mettre à l’abri avec leur bétail, voire se défendre et attaquer […] ». Malgré les pressions centralisatrices des XVIIIe et XIXe siècles, les faceries perdurent et sont même officiellement reconnues dans le traité de 1856 ; certaines d’entre elles sont toujours en vigueur, comme la convention existant depuis une sentence arbitrale de 1375 entre la vallée de Barétous et celle de Roncal, ou celle renouvelée le 3 novembre 1997 au col de Lizarrieta entre les « nobles et valeureuses villes frontières de Vera de Bidassoa et de Sare ». Traités de Bonne Correspondance La notion de neutralité vis-à-vis des conflits entre États est l’idée centrale des traités de Bonne Correspondance. En cela, et même si les premiers d’entre eux semblent dater de la fin du XIIIe siècle et du début du siècle suivant — 1284, 1306, 1309, 1311 et 1328 ; il s'agissait à cette époque de régulariser la restitution de pinasses volées autant par des habitants de Bayonne ou de Biarritz que par ceux de Santander ou de Castro-Urdiales — ils prennent véritablement leur sens à partir du XVIe siècle, c’est-à-dire après la consolidation du concept d’État et au moment des premiers heurts d’importance entre François Ier et Charles Quint. Ces traités concernent la partie ouest de la chaîne des Pyrénées et plus précisément le Labourd, Bayonne — qui est anglaise jusqu’en 1451 —, le Guipuscoa et la Biscaye. Ils visent à régler les rapports et échanges maritimes entre ces entités dans le but de faire prospérer les ports, permettant par exemple aux bateaux labourdins de venir hiverner dans les ports basques espagnols, notamment celui de Pasajes, compte tenu de l’insuffisance des abris dans les ports français ou anglais (Bayonne). La collaboration interrégionale est en effet mise à mal par la survenue de guerres, permettant en particulier l'activité des corsaires. À la différence des lies et faceries, la signature des traités de Bonne Correspondance requiert l’approbation des suzerains espagnols et français. Le roi de France accorde une autorisation préalable. Il entend, en outre, confirmer expressément chacun des traités. Le 20 septembre 1694, le duc de Grammont représente « à Bayonne la ratification du traité de Correspondance fait par le Roy entre le gouverneur de Bayonne, le syndic du Labourd, la province du Guipuzcoa et la seigneurie de Biscaye ». Il en est de même pour la partie espagnole puisque l'article 12 du traité de 1653 prévoit qu'« il sera réciproquement ratifié par Leurs Majestés Très Chrétiennes et Très Catholiques » et enregistré dans les « Admirautez de France et dans celles d'Espagne ». Ces traités sont conclus suivant une structure type et un formalisme renforcé à partir du milieu du XVIIe siècle. Ils ouvrent la voie à la notion moderne d'eaux territoriales. En effet, un traité de 1719 fixe à « quatre lieues à partir des côtes l'étendue de la mer territoriale qui forme un prolongement fictif du territoire national ». Il ajoute qu'« aucun acte de guerre ne pourra avoir lieu dans cette zone […] » et que « si deux navires ennemis se rencontrent dans le même port, l'un ne pourra en sortir que vingt-quatre heures après l'autre […] ». À partir du traité de 1653, la course est réglementée dans le périmètre de la mer territoriale, que le corsaire soit basque ou belligérant étranger aux trois provinces signataires. Enfin, deux articles du traité de 1653 tentent de réguler les actes de contrebande qui pourraient résulter d’une application large du principe de neutralité, rappelant notamment les dispositions prises par le roi d’Espagne en la matière. Les marchandises de contrebande introduites à tort dans les ports sont menacées de saisie et les contrevenants de mesures strictes de justice. En 1808, alors que les deux États sont engagés dans la guerre d'indépendance espagnole, Napoléon ne déroge pas à la règle suivie par les rois qui l’ont précédé ; il autorise en effet les Bayonnais à approvisionner Irun, autorisation qu’il étend en 1810 à tout le Guipuscoa et à la Biscaye. Économie frontalière Les échanges de travailleurs transfrontaliers de la zone frontière France-Andorre-Espagne sont relativement limités, comparés à ceux d’autres frontières comme celle entre la France et la Suisse. Ils sont estimés en 2007 à 4 600 dans le sens France vers le sud, et autant dans le sens Espagne vers le nord. Compte tenu de l’ampleur de la crise espagnole depuis les années 2000, les flux nord-sud s’avèrent depuis sensiblement inférieurs. Ils se concentrent aux deux extrémités du massif, avec une estimation de 2 500 personnes en 2007 dans la bande littorale basque, dans le sens nord - sud, et 300 personnes à destination de la Catalogne. La zone centrale, principalement du côté espagnol, est faiblement peuplée et à dominante agricole et pastorale. En conséquence, les coopérations transnationales portent surtout sur le développement de l’économie rurale, du tourisme, de la culture et de la protection de l’environnement et des ressources. Ainsi, l’association de droit français Xareta regroupe sur un territoire à cheval sur la frontière, les villages d’Ainhoa, Sare, Urdax et de Zugarramurdi ; elle a pour objectif l’organisation économique autour des atouts touristiques, agricoles et naturels de la zone. Autre exemple, à l’initiative du comité Izpegi, des Amis de la Vieille Navarre et du gouvernement de Navarre, la communauté de communes de Garazi-Baigorri (Pyrénées-Atlantiques) et 16 communes espagnoles de la communauté forale de Navarre — vallées du Baztan, d'Erro et d'Esteribar ainsi que les villages de Valcarlos et de Burguete — ont signé en 2005 une convention ayant pour objectif le développement du tourisme autour des richesses patrimoniales locales. La coopération portant sur l’environnement est illustrée par les conventions développées entre des parcs nationaux de chaque côté de la frontière, comme celle rapprochant le parc national des Pyrénées et le parc national d'Ordesa et du Mont-Perdu, ou encore entre le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et celui de Pallars Sobira. D’autres aspects de l’économie frontalière trouvent leurs racines dans les relations de communautés transfrontalières, souvent familiales et culturelles, comme c’est le cas par exemple dans la zone frontalière de Sare (Pyrénées-Atlantiques). L’activité pastorale a donné lieu très tôt à une compascuité naturelle, toujours d’actualité et présente tout au long du massif pyrénéen ; les disparités de taxes et la solidarité entre les communautés de part et d’autre de la frontière sont à l’origine de deux phénomènes économiques singuliers, l’apparition d'une part de points de vente peu après la frontière, du côté espagnol, les ventas, et l’émergence d’autre part de la contrebande, qui concernait initialement des produits de première nécessité, échangés entre les vallées. Le phénomène des ventas existe en d’autres points de la frontière, en particulier à l’est du massif pyrénéen, où se trouve l’autre grande voie de passage touristique. Le village de La Jonquera est devenu une ville-supermarché souhaitant attirer touristes et professionnels de la route. La contrebande est également un phénomène présent dans la partie orientale de la frontière — de même qu’à la frontière avec Andorre — et les douanes perpignanaises effectuent une grande partie des prises de contrebande de tabac du territoire français. En Roussillon également, l’activité économique liée à la contrebande est ancienne, datant de l’application du traité de 1659. Coopération transfrontalière institutionnelle La coopération transfrontalière institutionnelle est encadrée par le traité de Bayonne de 1995, mais également par le programme opérationnel de coopération territoriale Espagne - France - Andorre appelé programme Interreg IV POCTEFA. Le soutien financier communautaire prodigué vise à soutenir l'intégration économique et sociale de la zone frontalière franco-espagnole. Les axes de travail qui ont été privilégiés sont de « […] renforcer l’intégration transfrontalière en valorisant les complémentarités dans le domaine des activités économiques, de l’innovation et du capital humain, [de] valoriser les territoires, le patrimoine naturel et culturel dans une logique durable, [de] protéger et gérer les ressources environnementales et [d’]améliorer la qualité de vie des populations à travers des stratégies communes de structuration territoriale et de développement durable ». La gestion du programme est assurée par le consorcio de la communauté de travail des Pyrénées (CTP). La CTP est créée en 1983 et gérée en consorcio depuis 2005 pour contribuer au développement du massif pyrénéen, en suscitant et améliorant les relations entre territoires et acteurs. Elle propose et engage des actions transfrontalières en réponse à des problèmes et des enjeux partagés par les deux versants du massif. Sa compétence s'adresse à une zone couvrant plus de 220 000 km2 et regroupant près de 18 millions d'habitants. D’ouest en est, des groupements européens de coopération territoriale (GECT) recouvrent le massif pyrénéen en intégrant les régions des deux versants. Il s’agit de l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi, du GECT Espace Pourtalet, du GECT Pyrénées-Cerdagne et du GECT Pyrénées-Méditerranée. La coopération entre France et Espagne s’exprime également en matière de santé par la création de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá, dans le but de fournir des soins médicaux à environ 30 000 habitants de la vallée de Cerdagne, de part et d'autre de la frontière franco-espagnole. De même, l’éducation fait l’objet de rapprochements transfrontaliers comme l’institut franco-catalan transfrontalier, au sein de l’université de Perpignan, ou encore un programme de la faculté de Bayonne, proposant un master « Affaires européennes et internationales » avec une spécialisation « Coopération transfrontalière et interrégionale ». Douane et contrôles frontaliers La France et l’Espagne adhèrent à l’union douanière de l'Union européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 1968, et sont toutes deux membres de l’espace Schengen depuis le 26 mars 1995. Depuis lors, les postes-frontière ont été fermés ; le Code frontières Schengen en vigueur depuis le 13 octobre 2006 stipule en effet, que les États participants doivent supprimer tous les obstacles à la libre circulation dans les frontières internes de l’espace. Les contrôles douaniers font l’objet d’une coopération bilatérale entre la France et l’Espagne, formalisée par le traité du 7 juillet 1998 ; ce dernier prévoit des échanges d’agents entre les services ou unités douanières des deux parties, en particulier dans le domaine des stupéfiants. En 2011, 188 personnes ont été interpellées dans les deux pays, dans le cadre de cette collaboration. Un groupe de liaison anti-drogue (GLAD) a été créé en 2008 pour améliorer la coopération judiciaire contre le crime organisé. De même des équipes communes d’enquêtes (ECE) existent depuis juillet 2003 pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme. Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description nullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnull/////// // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Yves Mairesse 2011-09-18T11:21:18 2022-12-12T19:18:16.012000000 PT18H14M28S 61 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Yves Mairesse 2011-10-19T07:16:41 Capacité mémoire et numérisation Pablo Rodriguez Capacité mémoire et numérisation Yves Mairesse 10 61 Capacité mémoire et numérisation Capacité mémoire et numérisation Yves Mairesse 7 61 1 2 3 2 4 2 5 2 1 2 6 2 3 2 4 2 7 2 1 2 4 Table des matières Table des matières La compression des fichiers « textes » 2 Capacité de la mémoire des ordinateurs 3 Bits et octets 3 La mémoire et le courant électrique 3 Les bits et les multiples 3 Intérêt de grouper des bits 3 Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits 3 Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits 4 Petit détour par le système décimal 4 Et en binaire 4 Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits 4 Comment lire un nombre décimal ? 4 Comment lire un nombre binaire ? 4 Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? 5 Et les autres nombres ? 5 Multiples de l'octet 5 Préfixes multiplicateurs habituels 5 Préfixes multiplicateurs en informatique 5 Images numériques 5 Image numérique = mosaïque de points 5 Les images en noir 6 Les images en couleur 6 Nombre de couleurs et poids des images 8 Définition des images 8 Résolution des images 8 Résolution à l'écran 8 Résolution pour l'impression 8 Résolution pour la projection 8 Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids 9 Méthode non destructrice 9 Méthode destructrice 9 Les principaux formats d'images 9 Capacité mémoire et numérisation La compression des fichiers « textes » Lorsqu'il s'agit de transmettre un document volumineux par mail, il sera souvent intéressant de procéder à la compression du document. Il s'agit alors toujours d'une compression non-destructrice ! Les algorithmes qui permettent de réduire la taille des fichiers sont souvent complexes. Il n'est pas question d'envisager de les expliquer ici. Contentons-nous de montrer comment il serait possible de comprimer un fichier contenant un texte. Un texte est formé d'un certain nombre de mots. Prenons, par exemple, la phrase « une petite faute ou une toute petite faute est une faute » La phrase donnée en exemple contient 56 caractères, y compris les « espaces ». Il est cependant possible de compresser un peu le fichier correspondant en repérant les différents mots et en composant un « dictionnaire ». On y trouve les mots indiqués dans le tableau ci-contre. Ce qui fait un total de 25 caractères + 7 codes associés à chacun des mots (la première colonne) = 32 signes. Il suffit donc d'enregistrer ce dictionnaire et les codes correspondants aux différents mots qu'il contient. Ensuite, il faut enregistrer les mots sous forme de suites de codes : 1 2 3 2 4 2 5 2 1 2 6 2 3 2 4 2 7 2 1 2 4 soit 21 signes. Cela nous mène donc à un total de 53 signes à enregistrer au lieu de 56. Lors de la réception du document compressé, il suffit de le reconstituer. Un format de compression très classique est le format ZIP. Il faut noter que les documents au format .odt et les documents au format .docx sont automatiquement contenus dans des fichiers compressés au format .zip. On ne gagne pas souvent à les compresser. Capacité de la mémoire des ordinateurs Bits et octets La mémoire et le courant électrique Un ordinateur est formé d'un certain nombre (très grand) de circuits électriques. Nous n'évoquerons ici que les mémoires d'ordinateur. Une mémoire est constituée de circuits électriques dans lesquels : un courant passe. On considère que ce circuit contient la valeur numérique 1. le courant ne passe pas. On considère que ce circuit contient la valeur numérique 0. L'ordinateur ne peut accueillir d'autres valeurs que 0 ou 1 dans ses mémoires. Un circuit ouvert contient la valeur 0 ; un circuit fermé contient la valeur 1. L'ordinateur est un système binaire : il ne connaît que deux états. Les bits et les multiples Un circuit électrique élémentaire d'un ordinateur qui peut contenir la valeur 0 ou la valeur 1 est appelé « binary digit » abrévié en « bit ». Le symbole du « bit » est un « b » minuscule. Dans les mémoires d'ordinateur, on groupe généralement les « bits » en groupes. Un groupe de « bits » est appelé un « byte » (symbole « B ») Le groupe de « bits » fréquent est formé de l'association de 8 « bits ». Ce « byte » est appelé « octet » (symbole « o »), en français. 8 bits = 1 octet Les processeurs des ordinateurs peuvent généralement traiter des paquets de 8 bits. Mais souvent plus. On parle de processeur 16 bits, 32 bits ou 64 bits. Plus le nombre de bits qu'ils peuvent traiter en même temps est grand, plus le processeur est puissant. Intérêt de grouper des bits Dans 1 bit, la mémoire de l'ordinateur peut contenir une valeur 0 ou 1. Mais pas de nombre plus grand. En groupant des bits, on peut représenter des valeurs plus grandes. Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits Comme on le ferait en décimal, les chiffres s'ajoutent par la droite. Les bits sont numérotés en commençant par la droite. On commence à la valeur 0. Pour représenter le nombre 0 sur 8 bits, on place donc des « 0 » dans chacun des bits. Pour représenter le nombre 1, on place la valeur « 1 » dans le bit 0 (le plus à droite) et des « 0 » partout ailleurs. On voit clairement que l'on perd 7 bits pour rien... Mais c'est un sacrifice indispensable si l'on veut pouvoir utiliser des nombres > 1. Il faut une convention : on ne peut pas représenter un nombre en utilisant 4 bits et un autre en utilisant 8 bits. Tant pis s'il y a des bits perdus. Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits Petit détour par le système décimal Le chiffre 9 étant le plus grand chiffre existant en système décimale, il faut utiliser le système de changement de rang, lorsque l'on veut écrire un nombre plus grand que 9. 9 + 1 = 0, je reporte 1. Et en binaire En binaire, le plus grand chiffre est 1. Pour écrire un nombre plus grand que 1, il faut aussi utiliser le système de changement de rang. 1 + 1 = 0, je reporte 1 Le nombre 2 s'exprime donc sous la forme « 10 » en binaire. Le nombre 2, codé en binaire et présenté sur un octet se présente donc comme suit : Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits Dès que l'on admet le système de changement de rang au-delà de 1, la suite est simple. Le nombre 3 se calcule 3 = 2 + 1. En binaire, il se note donc 11. Le nombre 4 se calcule 4 = 3+1 Il y a maintenant deux changements de rang. Le nombre 4 se note 100, en binaire. Et ainsi de suite... Exercice : Quelle est la valeur décimale du nombre représenté dans le tableau ci-contre ? Comment lire un nombre décimal ? En partant de la droite, on voit que le nombre décimal 72 604 est formé de 4 unités, 0 dizaines, 6 centaines,etc. Le chiffre qui est dans la case de rang 0 (ici, le chiffre 4) est à multiplier par 10^0. Le chiffre qui est dans la case de rang 1 (ici, le chiffre 0) est à multiplier par 10^1. Le chiffre qui est dans la case de rang 2 (ici, le chiffre 6) est à multiplier par 10^2. etc... Comment lire un nombre binaire ? Le principe est le même que pour les nombres décimaux. Mais ici, la base est 2 et non 10. Le nombre binaire 10111 est donc (attention, on lit à l'envers, de droite à gauche) 1x2^0 + 1x2^1 + 1x2^2 + 0x2^3 + 1x2^4 = 1 + 2 + 4 + 0 + 16 = 23 en décimal. Quel est le plus grand nombre que l'on puisse stocker dans un octet (8 bits) ? Le tableau montre qu'il s'agit de 1x2^0 + 1x2^1 + 1x2^2 + 1x2^3 + 1x2^4 + 1x2^5 + 1x2^6 + 1x2^7= 1 + 2 + 4 + 8 + 16 + 32 + 64 + 128 = 255 Le plus petit nombre (positif) que l'on puisse mettre dans un octet est donc 0 et le plus grand 255. Ce qui fait 256 valeurs possibles. Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? Pour stocker des nombres entiers plus grands que 255, il suffit d'utiliser plus d'un octet. On vérifiera aisément que le plus grand nombre qu'il soit possible de stocker dans 16 bits (2 octets) est 65535. Si l'on veut des nombres encore plus grands, on peut grouper 24, 32, 40, ... bits. Sur 24 bits, on peut donc coder des nombres aussi grands que 16.777.215. Sur 32 bits, on peut aller jusqu'à 4.294.967.295. Et les autres nombres ? Il faut aussi pouvoir représenter des nombres plus petits et plus grands. Y compris en négatif. Pour ces nombres (encore parfois appelés des réels ou des nombres à virgule flottante), on utilise d'autres conventions. Mais on n'utilise, bien sûr, que des 0 et des 1. Multiples de l'octet Si l'on groupe les octets par 2, 3 ou 4, la mémoire de l'ordinateur en contient beaucoup plus. On parle aisément de milliards d'octets et même bien plus. Préfixes multiplicateurs habituels Les préfixes multiplicateurs habituels peuvent être utilisés. 10^3 octets = 1000 octets = 1 Ko ou 1 KB (kilo-octet) 10^6 octets = 10^3 x 10^3 = 1.000.000 octets = 1 Mo ou 1 MB (méga-octet) 10^9 octets = 10^3 x 10^3 x 10^3 = 1.000.000.000 octets = 1 Go ou 1 GB (giga-octet) 10^12 octets = 10^3 x 10^3 x 10^3 x 10^3 = 1.000.000.000.000 octets = 1 To ou TB (téra-octet) Préfixes multiplicateurs en informatique Le nombre 1000 (10^3) et ses multiples est difficile à représenter dans un ordinateur. Le nombre 1024 est plus simple. Il s'écrit : 10000000000 en binaire et 2^10 en décimal. Idem pour 10^6 auquel on préférera souvent 1048576 qui s'écrit 100000000000000000000 en binaire et 2^20 en décimal. etc... 1024 octets = 2^10 octets = 1 Kio, à prononcer kibioctet 1024 x 1024 octets = 2^20 octets = 1 Mio à prononcer mébioctet 1024 x 1024 x 1024 = 2^30 octets = 1 Gio à prononcer gibioctet 1024 x 1024 x 1024 x 1024 = 2^40 octets = 1 Tio à prononcer tébioctet 1024 x 1024 x 1024 x 1024 x 1024 = 2^50 octets = 1 Pio à prononcer pébioctet On fait souvent la confusion entre Ko et Kio. C'est une petite faute. Par contre, il ne faut pas confondre Kb et KB ou le Mb et le MB. Images numériques Image numérique = mosaïque de points Toutes les images numériques sont formées d'une mosaïque de points, contrairement à une peinture. La numérisation d'un tableau de maître consiste à transformer les informations continues de couleurs (le passage du pinceau) en une série points juxtaposés plus ou moins rapprochés. Ces points sont appelés « pixels » (de l'anglais « picture elements »). Dans tous les cas, les images numériques sont basées sur le même principe que les images des « postit wars » Les images en noir L'image d'un petit robot, en noir et blanc, est composée d'une mosaïque de points : . Cette image est reproduite très agrandie ci-contre. Comment cette image est-elle représentée dans un ordinateur ? Pour chaque point, il existe deux possibilités: il peut être noir ou être blanc. La convention généralement admise est que : un point noir est représenté par un " 0 " et un point blanc est représenté par un " 1 ". Un bit permet donc de coder un pixel de l'image en noir et blanc. Pour stocker une image en noir et blanc, il suffit donc de convenir que le noir est codé par le chiffre " 0 " et le blanc par le chiffre " 1 ". Mais comment faire alors pour coder une image qui compterait plus de couleurs ? Les images en couleur Pour déposer la même image que précédemment, mais en couleurs, en mémoire centrale, il suffit de convenir que chaque point de l'image est représenté par un nombre ce nombre correspond à une certaine couleur dans une palette de couleurs. Dans l'exemple ci-dessus, la couleur 1 serait le noir, la couleur 2 serait le jaune, etc. Pour une image en 16 couleurs, il faut que chaque point de l'image soit codé par un nombre en 4 bits (compris donc entre 0 et 15). Chaque nombre désigne la couleur dans la palette. Si l'on souhaite que l'image puisse contenir 256 couleurs différentes, il faut convenir que chaque point est représenté par une valeur sur 8 bits. La palette contient alors 256 couleurs différentes. L'image ci-contre à droite représente le dessin d'une lettre A présentée en 3 couleurs. L'image inférieure en 3D détaille la composition de l'image dans la mémoire de l'ordinateur. Si l'on souhaite que l'image contienne plus de couleurs, on pourra utiliser plus de bits pour chaque pixel. Le codage sur 16 bits permet d'obtenir 65536 couleurs différentes. Le codage sur 24 bits permet d'obtenir plus de 16 millions de couleurs (2 24 couleurs). On considère souvent qu'un codage sur 32 bits permet de coder plus de couleurs que l’œil humain peut en distinguer. Une photo de haute qualité est codée sur 32 bits. On peut se contenter de 24 bits (soit 3 octets). Chaque octet représente une nuance des trois couleurs fondamentales : rouge, vert et bleu, qui sont mélangées. Nombre de couleurs et poids des images Plus le nombre de nuances de couleurs est importante, plus le poids de l'image est grand. Exercice : enregistrer une image au format .BMP en 24 bits, en 16 bits en 8 bits Comparer les images ; comparer les poids. Définition des images Les capteurs des appareils photo numériques, en 2011, sont souvent capables de produire des images dont la définition atteint 12 Mpixels 1 https://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/les_capteurs_dans_un_smartphone/ . Est-il forcément nécessaire d'utiliser toute la capacité de définition de ces appareils. Généralement pas. Sauf si l'on réalise de grands agrandissements destinés à être exposés ou si l'on souhaite agrandir un détail de l'image. Dans les deux cas, il ne faut pas oublier que la qualité de l'objectif de l'appareil photo donne aussi une limite : un objectif médiocre donnera une image peu nette, même si le capteur de l'appareil est très performant. Il est évident qu'une image prise avec un capteur d'une définition de 12 Mpx sera généralement plus lourde qu'une image prise avec un capteur limité à 6 Mpx. Question : quel est le poids théorique, en KB d'une photo en 24 bits par px prise avec un appareil photo dont la définition du capteur atteint 12 Mpx ? Résolution des images La « résolution » d'une image est une caractéristique de l'image qui indique sa qualité. Meilleure est la résolution, plus l'image sera « lisible ». Une image dotée d'une mauvaise résolution est difficile à lire. L'image ci-contre est dotée d'une très mauvaise résolution Pour des raisons historiques, la résolution d'une image est mesurée en « dpi » : « dots per inch » que l'on peut traduire par « points par pouce ». Le nombre de points est le nombre de pixels. Un pouce est l'unité de mesure qui vaut approximativement 2,54 cm. Résolution à l'écran Pour la présentation sur des écrans d'ordinateur, il suffit généralement d'utiliser des images dont la résolution approche les 72 dpi. Une meilleure résolution permettrait d'agrandir l'image, mais elle n'est pas nécessaire pour une page web, par exemple. Résolution pour l'impression Les images destinées à être imprimées doivent être de meilleure qualité du point de vue de la résolution. On considère généralement que 300 dpi sont nécessaires à une image de très bonne qualité. Résolution pour la projection La résolution nécessaire pour des images destinées à la projection dépend de la qualité de l'appareil de projection, mais aussi de la taille de l'image projetée. Pour les travaux présentés en classe, on peut souvent se satisfaire d'une résolution du même type que sur écran. Exercices : Pour un travail scolaire illustré, je souhaite intégrer une image de 4cm x 5cm dans mon texte. Je dispose de cette image dans une dimension 4000px x 5000 px. Quelle opération pourrait être utile ? Ce travail sera ensuite publié sur un blog en ligne. Cela change-t-il quelque chose pour cette image ? Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids Le poids des images tel qu'il a été discuté ci-avant peut rester un problème lorsqu'il s'agit de les transmettre par mail ou de les publier sur un site web, par exemple. Des méthodes de compression d'images ont toutefois été inventées pour pallier les inconvénients des images trop lourdes. Il existe des méthodes de compression non-destructrices et des méthodes destructrices. Méthode non destructrice Soit une image monochrome de dimension1000px x 1000px en 24 bits = 3 Mo Si chaque pixel a la même couleur, il n'est pas besoin de transmettre 3 Mo d'informations pour décrire l'image. Il est possible de simplifier l'enregistrement. Pour reconstituer l'image, il suffit de connaître : les dimensions de l'image (1000px x 1000px) la profondeur de couleur (24 bits) la couleur de chaque pixel (une seule information à retenir) Clairement, on peut gagner de la place. Dans des exemples moins triviaux, on peut couper l'image en différentes plages (que l'on décrit) et dont on donne la caractéristique unique (cas d'une seule couleur). On peut ensuite reconstituer l'image sans aucune perte. Les algorithmes de compression non-destructrice sont souvent plus complexes que ce qui est indiqué ci-dessus, mais le principe est conservé. Méthode destructrice Dans une image complexe, il serait possible pour chaque groupe de pixels, de déterminer la couleur moyenne de ces pixels et de n'enregistrer que cette moyenne. Si l'on groupe 4 pixels, on peut enregistrer des images 4 fois moins grosses. Mais ici, la qualité de l'image est dégradée. Les principaux formats d'images BMP : pas de compression, profondeur de couleurs au choix JPG : compression possible ; qualité entre 0 et 100%. Perte de qualité. Profondeur de couleurs au choix. Bien adapté aux photos. GIF : compression sans perte de qualité. 256 couleurs max PNG : compression sans perte. Intéressant pour les images avec peu de couleurs (schémas) mais pas pour des photos Table des matières Table des matières La compression des fichiers « textes » 2 Capacité de la mémoire des ordinateurs 3 Bits et octets 3 La mémoire et le courant électrique 3 Les bits et les multiples 3 Intérêt de grouper des bits 3 Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits 3 Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits 4 Petit détour par le système décimal 4 Et en binaire 4 Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits 4 Comment lire un nombre décimal ? 4 Comment lire un nombre binaire ? 4 Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? 5 Et les autres nombres ? 5 Multiples de l'octet 5 Préfixes multiplicateurs habituels 5 Préfixes multiplicateurs en informatique 5 Images numériques 5 Image numérique = mosaïque de points 5 Les images en noir 6 Les images en couleur 6 Nombre de couleurs et poids des images 8 Définition des images 8 Résolution des images 8 Résolution à l'écran 8 Résolution pour l'impression 8 Résolution pour la projection 8 Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids 9 Méthode non destructrice 9 Méthode destructrice 9 Les principaux formats d'images 9 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Le chocolat. 22 Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. Prénom Nom Le chocolat. Le chocolat, terme d'origine mésoaméricaine1, est un aliment plus ou moins sucré produit à partir de la fève de cacao. Celle-ci est fermentée, torréfiée, broyée jusqu'à former une pâte de cacao liquide dont est extraite la matière grasse appelée beurre de cacao. Le chocolat est constitué du mélange, dans des proportions variables, de pâte de cacao, de beurre de cacao et de sucre ; auxquels sont ajoutées éventuellement des épices, comme la vanille, ou des matières grasses végétales. Consommé initialement sous forme de xocoatl2 (boisson épicée) au Mexique et en Amérique centrale, le chocolat se démocratise avec la révolution industrielle. Au XXIe siècle, il est consommé sous forme solide (chocolat noir ou au lait) ou liquide (chocolat chaud). Le chocolat se retrouve dans de nombreux desserts tels que les confiseries, biscuits, gâteaux, glaces, tartes, boissons. Offrir du chocolat, moulé de différentes manières, est devenu traditionnel lors de certaines festivités : œufs, lapins, poules, cloches, et petites figurines de poissons ou fruits de mer à Pâques, pièces de monnaie pour Hanoucca3, truffes pour Noël, cœurs pour la Saint-Valentin, ou les traditionnelles marmites de la fête de l'Escalade en Suisse dans le canton de Genève 1 Passion chocolat : De la fève à la tablette, Dorling Kindersley, 2017, 224 p, ISBN 978-2-8104-2119-0. . Étymologie. Les Aztèques associaient le chocolat avec Xochiquetzal4, la déesse de la fertilité. Les Mayas5 l'associaient aussi à leur dieu de la fertilité (voir la section Effets non prouvés). Le philologue mexicain Ignacio Davila Garibi6 suggère que les Espagnols ont inventé ce mot en associant le terme chocol et en remplaçant le mot maya haa7 (signifiant eau) par le terme nahuatl atl8. Cependant, il semble plus probable que les Aztèques eux-mêmes inventèrent le mot, ayant adopté depuis longtemps en nahuatl le mot maya pour la fève de cacao. En effet, les Espagnols eurent peu de contact avec les Mayas avant que Cortés rapporte au roi d'Espagne une boisson chocolatée connue sous le nom de xocolatl9. Wiliam Bright relève que le mot xocoatl n'apparaît pas au début de la langue espagnole ou dans les sources coloniales Nahuatl. Le verbe maya chokola'j , qui signifie « boire du chocolat ensemble », a aussi été proposé comme origine possible. Dans une étude controversée, les linguistes Karen Dakin10 et Søren Wichmann11 remarquent que dans de nombreux dialectes nahuatl, le nom est plutôt chicolatl que chocolatl. De plus, de nombreuses langues parlées au Mexique (telles que le popoluca12, le mixtèque13, le zapotèque14) et même aux Philippines, ont emprunté cette version du mot. Le mot chicol-li fait référence à des ustensiles de cuisine (toujours utilisés dans certaines régions). Depuis que le chocolat a été servi, à l'origine dans des cérémonies, avec des fouets individuels, Dakin et Wichmann considèrent qu'il semble assez probable que la forme d'origine du mot était chicolatl, ce qui pourrait signifier « boisson battue ». Dans plusieurs régions du Mexique, en effet chicolear15 signifie « battre, remuer ». Histoire. Origines. Le livre de la Genèse Maya, le Popol Vuh16, attribue la découverte du chocolat aux dieux. Dans la légende, la tête du héros Hun Hunaphu17, décapité par les seigneurs de Xibalba18, est pendue à un arbre mort qui donna miraculeusement des fruits en forme de calebasse appelés cabosses de cacao. La tête crache dans la main d'une jeune fille de Xibalba, l'inframonde maya, assurant ainsi sa fécondation magique. C'est pourquoi le peuple maya se sert du chocolat comme préliminaires au mariage. Le cacao permet aussi de purifier les jeunes enfants mayas lors d'une cérémonie. De même, le défunt est accompagné de cacao pour son voyage vers l'au-delà. Originaire des plaines tropicales d'Amérique du Sud et centrale, le cacaoyer, produisant les fèves de cacao, est cultivé depuis au moins trois millénaires dans cette région et dans l'actuel Mexique. En novembre 2007, des archéologues affirment avoir trouvé la plus ancienne preuve de l'utilisation des fèves, la situant entre 1100 et 1400 av. J.-C. : l'analyse chimique de résidus de récipients trouvés sur le site de fouilles de Puerto Escondido19 (Honduras) indique qu'à cette époque, le mucilage entourant les fèves servait à la fabrication d'une boisson fermentée. L'invention de la boisson chocolatée non alcoolisée fabriquée par la majorité des peuples mésoaméricains (y compris mayas et aztèques) fut postérieure ; cette boisson était vraisemblablement d'abord utilisée à des fins thérapeutiques ou lors de certains rituels. Le chocolat est un produit de luxe dans toute la Mésoamérique durant la civilisation précolombienne et les fèves de cacao sont souvent utilisées comme monnaie d'échange pour faire du troc, payer des impôts et acheter des esclaves et ce, dès 1 000 ans av. J.-C.. Par exemple, un Zontli20 est égal à 400 fèves, tandis que 8 000 fèves sont égales à un Xiquipilli21. Dans les hiéroglyphes mexicains, un panier contenant 8 000 fèves symbolise le nombre 8 000. Plus tard, en 1576, il faut 1 200 fèves pour obtenir un peso mexicain. Les Aztèques utilisent un système dans lequel une dinde coûte cent fèves de cacao et un avocat frais trois fèves. Les Mayas cultivent des cacaoyers et utilisaient les fèves de cacao pour fabriquer une boisson chaude, mousseuse et amère, souvent aromatisée avec de la vanille, du piment et du roucou22 nommée xocoatl. Une tombe maya du début de la période classique (460-480 av. J.-C.), retrouvée sur le site de Rio Azul23 (au Guatemala), contenait des récipients sur lesquels est représenté le caractère maya symbolisant le cacao et comportant des restes de boisson chocolatée. Une poterie contenant des traces de cacao fut découverte au Belize, ce qui confirme l'existence d'une consommation de chocolat au VIe siècle. Des documents rédigés en caractères Maya attestent que le chocolat est utilisé aussi bien pour des cérémonies que pour la vie quotidienne. Les Aztèques associent le chocolat avec Xochiquetzal24, la déesse de la fertilité. Ils pensent que le Xocoatl permet de lutter contre la fatigue et cette croyance découle probablement de la teneur en théobromine du produit. Le roi et les notables accompagnent leur viande de mole poblano25, première recette salée associant le cacao comme épice, et consomment à la fin des repas ce xocoatl en tant que boisson froide. D'autres boissons et préparations chocolatées l'associent avec des aliments tels que le gruau de maïs (qui joue le rôle d'émulsifiant), ainsi le peuple épice son atole26 avec des fèves de cacao pour consommer une sorte de purée, le champurrado27, ou l'iztac ātōlli28 à base de jus d'agave fermenté. Durant plusieurs siècles, en Europe et en Amérique du Sud, on utilise les fèves de cacao pour soigner la diarrhée (voir la section Autres bénéfices). Tous les territoires conquis par les Aztèques où poussent des cacaoyers doivent leur verser les fèves de cacao comme taxe, ou, comme les Aztèques eux-mêmes le considéraient, comme un tribut 2 Tout sur le chocolat : le guide de l'épicurien, Odile Jacob, 372 p, ISBN 978-2-7381-2354-1. . Le chocolat traverse l'océan. Originaire d'Amérique, le cacaoyer est donc inconnu ailleurs dans le monde jusqu'au XVIe siècle. En 1494, Christophe Colomb jette par-dessus bord les fèves qu'il avait reçues des Amérindiens. Il les aurait prises pour des crottes de chèvre. C'est donc plus tard, en juillet 1502 sur l'île de Guanaja29, qu'il découvre pour la première fois la boisson chocolatée. José de Acosta30, un missionnaire jésuite espagnol qui vécut au Pérou puis au Mexique à la fin du XVIe siècle, écrit : « Détestable pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'en consommer, tout en ayant une mousse ou une écume qui a très mauvais goût. Oui, c'est une boisson très estimée parmi les Indiens, dont ils régalent les nobles qui traversent leur pays. Les Espagnols, hommes et femmes, qui sont habitués au pays, sont très friands de ce chocolat. Ils disent qu'ils en font différents types, certains chauds, certains froids, certains tempérés, et mettent dedans beaucoup de ce « piment » ; ils en font une pâte, laquelle, disent-ils, est bonne pour l'estomac et pour lutter contre le rhume. » Les colons espagnols n'apprécient cette boisson amère aux épices piquantes que lorsque les religieuses d’Oaxaca31 l'édulcorent et l'aromatisent avec du miel, du sucre de canne, du musc et de l’eau de fleur d'oranger. Ce n'est qu'à partir de la conquête des Aztèques par les Espagnols que le chocolat est importé en Europe où il devient rapidement très prisé à la cour d'Espagne. Hernán Cortés32 découvre le breuvage chocolaté en 1519. Il est le premier (en 1528) à en rapporter en Europe, à ses maîtres d'Espagne : mais ce n'est qu'en 1534 que cette boisson amère, écumeuse et poivrée retient l'attention lorsqu'on y ajouta de la vanille et du miel suivant une élaboration préparée à l'Abbaye de Piedra33. Dès le XVIIe siècle, le chocolat devient une ressource très appréciée de l'aristocratie et du clergé espagnol. Son commerce s'étend alors aux autres colonies espagnoles comme les Pays-Bas espagnols. L'arrivée du chocolat en France a commencé avec l'exil des juifs séfarades ou marranes d'Espagne en 1492 puis du Portugal vers 1536, fuyant l'Inquisition et venus se réfugier dans l'Hexagone en transportant le chocolat dans leurs valises. De nombreux marranes s'installent notamment dans le quartier Saint-Esprit de Bayonne après 1609, ces premiers entrepreneurs du chocolat au Pays basque sont à l'origine de l'introduction du chocolat en France. La première expédition commerciale pour l'Europe (entre Veracruz et Séville) daterait de 1585. Le chocolat est alors toujours servi comme boisson, mais les Européens ajoutent du sucre et du lait pour neutraliser l'amertume naturelle ; ils remplacent le piment par de la vanille. Pour faire face à la forte demande pour cette nouvelle boisson, les armées espagnoles commencent à réduire en esclavage les Mésoaméricains pour produire le cacao, une activité économique à part entière se développe. Cependant ce produit d'importation reste très cher, seuls les membres de la famille royale et les initiés peuvent en boire. En parallèle, dans le nouveau monde, la consommation de cacao est très répandue chez les missionnaires et conquistadores. Deux développements permettent de réduire encore le prix : la généralisation de la culture dans les colonies de la canne à sucre et l'utilisation de main-d'œuvre africaine dans ces exploitations. À la même époque, la situation est différente en Angleterre où n'importe qui, avec suffisamment d'argent, peut en acheter. À Londres, la première chocolaterie ouvre en 1657. En 1689, l'éminent médecin et collectionneur Hans Sloane34 développe une boisson lactée au chocolat en Jamaïque qui est dans un premier temps utilisée par les apothicaires, mais vendue plus tard aux frères Cadbury35. La boisson reçoit un encouragement officiel en France par les reines françaises, infantes d'Espagne, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse d'Autriche ou par les médecins qui après avoir jugé la boisson néfaste, en vantent les bienfaits, tel Nicolas de Blégny qui rédige en 1662 Le bon usage du thé, du café et du chocolat pour la preservation & pour la guérison des maladies. La France découvre en 1615 le chocolat à Bayonne à l'occasion du mariage d'Anne d'Autriche, fille du roi d'Espagne Philippe III avec le roi de France Louis XIII. Mais c'est Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche qui font entrer le chocolat dans les habitudes de la cour du château de Versailles, la reine se faisant préparer par ses servantes le chocolat « à l'espagnole ». La marquise de Sévigné dit du chocolat, dans ses Lettres, qu’« il vous flatte pour un temps, et puis il vous allume tout d'un coup une fièvre continue ». Le chocolat est alors consommé chaud sous forme de boisson comme le café. Seule la cour du roi avait accès à cette boisson. Comme pour les boissons exotiques que sont le thé ou le café, l'Église se pose la question de savoir s'il s'agit d'un aliment ou d'une source de plaisir. En 1662, la sentence du cardinal Francisco Maria Brancaccio Liquidum36 non frangit jejunum37 (la « boisson — y compris le chocolat — ne rompt pas le jeûne ») tranche les débats théologiques : le chocolat est déclaré maigre, pouvant même être consommé pendant le Carême. Développement de l'industrie chocolatière. Durant plusieurs siècles, le mode de fabrication du chocolat reste inchangé. Dans les années 1700, les moulins mécaniques servent à extraire le beurre de cacao ce qui aide à créer du chocolat qui reste dur. Il faut attendre l'arrivée de la révolution industrielle pour que ces moulins soient utilisés à plus grande échelle. Après que la révolution s'est essoufflée, peu à peu, des entreprises promeuvent cette nouvelle invention pour vendre le chocolat sous les formes que l'on connaît aujourd'hui. Lorsque les nouvelles machines sont produites, la population commence à tester et consommer du chocolat partout dans le monde. À Bristol, en 1780, Joseph Storrs Fry38 père ouvre une manufacture de pâte de chocolat : J.S.Fry & Sons. L'essentiel de sa production est vendu aux drogueries et aux pharmacies de la ville. En 1795, son fils (Joseph Storrs II Fry) se met à utiliser une machine à vapeur pour broyer les fèves de cacao. Cela permet de produire en grande quantité la pâte de chocolat pour fabriquer des boissons chocolatées, des pastilles, des gâteaux, des bonbons ainsi que des préparations médicales. En plus d'être vendu aux apothicaires et aux pharmaciens, le chocolat de la manufacture Fry approvisionne les confiseurs, les gérants de chocolate house et les cuisiniers réputés. Au début du XIXe siècle, les premières fabriques de chocolat apparaissent en Europe ; avec les futurs grands noms de ce qui va devenir, au milieu du siècle, l'industrie chocolatière. Le chocolat est de moins en moins consommé pour ses vertus médicinales supposées, et de plus en plus par plaisir. Les manufactures de chocolat se multiplient, puis les chocolateries industrielles, principalement en France, en Suisse et aux Pays-Bas. Une usine de fabrication de chocolat est ouverte aux États-Unis en 1780, par un apothicaire nommé James Baker39. La première fabrique suisse de chocolat est créée par François-Louis Cailler en 1819. Il est suivi six ans plus tard par Philippe Suchard40, puis par Charles-Amédée Kohler41 en 1830. La première fabrique de France est fondée par le chocolatier Jules Pares, en 1814, près de Perpignan (dans les Pyrénées-Orientales). En 1815, le Hollandais Coenraad42 Johannes van Houten43 crée une première usine. De nouvelles manufactures apparaissent aussi en Angleterre. C'est par exemple le cas de Cadbury45 en 1824. À l'origine, les fabricants de chocolat sont spécialisés dans la fabrication de la pâte de chocolat. Ils vont peu à peu diversifier leurs productions avec les confiseries et les gâteaux. La mécanisation ainsi que la concurrence des producteurs de chocolats vont entraîner une baisse continue du prix du chocolat. En 1821, l’Anglais Cadbury produit le premier chocolat noir à croquer. Pour répondre aux besoins de l'industrie, les cacaoyers sont introduits en Afrique et les premières plantations créées. En 1828, Coenraad Johannes van Houten réalise la première poudre de cacao. Grâce à une presse hydraulique de son invention, il réussit à durcir le beurre de cacao sous forme de pain qui peut ensuite être réduit en poudre. Van Houten est le premier à inventer un procédé pour séparer le cacao maigre (ou tourteau) et le beurre de cacao, permettant aux industriels de doser les quantités relatives de cacao maigre et de beurre de cacao dans la pâte de cacao. Le chocolat entre alors dans l'âge industriel. La mécanisation entraîne une baisse des prix, ce qui permet de conquérir un public plus large. Van Houten, à partir de sa fabrique de chocolat d'Amsterdam, vendra ses boîtes de chocolat en poudre dans toute l'Europe. L'année 1830 voit l'apparition du chocolat aux noisettes inventé par Kohler. Antoine Brutus Menier45 crée en 1836 en France le concept de la tablette de chocolat, plaquette composée de six barres semi-cylindriques enveloppées du célèbre papier jaune Menier. Joseph, Richard et Francis Fry46, qui dirigent la maison Fry & Sons depuis la mort de leur père (en 1835), découvrent en 1847 (ou 1846 selon les sources) qu'un mélange « sucre, beurre de cacao, chocolat en poudre » permet d'obtenir une pâte molle que l'on peut verser dans des moules. Cette invention permet de consommer le chocolat d'une nouvelle manière, en plaque, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce produit est officiellement présenté lors d'une exposition à Birmingham en 1849 sous le nom de « Chocolat délicieux à manger », en français dans le texte. Vers 1860, la maison Fry & Sons devient une des principales chocolateries d'Angleterre. Francis Fry (1803-1886), resté seul à la tête de l'entreprise après la mort de ses frères en 1878 et 1879, est désigné fournisseur exclusif de chocolats pour la Royal Navy. Cela contribuera à la prospérité de la maison Fry & Sons qui devient, vers 1880, la première chocolaterie du monde. Elle emploie alors 1 500 salariés. Vers 1870, Émile Menier fait construire une usine moderne de production de chocolat à Noisiel en Seine-et-Marne. Cette usine fait fortement baisser le coût du chocolat en France. Elle est aujourd'hui en partie classée monument historique avec la cité ouvrière attenante. Plusieurs innovations (notamment en Suisse) vont bouleverser l'industrie du chocolat. En 1876, Daniel Peter crée dans sa fabrique de Vevey (Suisse) le premier chocolat au lait en utilisant du lait en poudre. En 1879, Daniel Peter s'associe avec Henri Nestlé (l'inventeur du lait concentré) pour fonder la firme Nestlé. En 1879, Rudolf Lindt47 met au point le conchage48. Ce nouveau procédé d'affinage permet de fabriquer des chocolats fondants. Sa technique consiste à laisser tourner le broyeur contenant le chocolat pendant longtemps afin de rendre la pâte de cacao plus onctueuse. Son secret ne fut rendu public qu'en 1901. Après la mort de Francis Fry en 1886, son fils Francis J. Fry lui succède. En 1919, il fusionne la maison Fry & Sons avec l'entreprise Cadbury Brothers49. Le Suisse Jean Tobler lance la barre triangulaire Toblerone52 en 1899. Philippe Suchard se met à commercialiser la tablette Milka. Au début des années 1900 apparaissent les premières barres chocolatées : le hollandais Kwatta53 invente les premières barres de chocolat de 30 grammes. L'américain Mars lance le Milky Way50 et le hollandais Nuts51, sa barre aux noisettes éponyme. Dernière grande innovation de l'industrie, le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, dans le but d'utiliser les surplus de beurre de cacao. La société ne précise pas qui est à la source de cette invention exactement. La domination de l'industrie chocolatière suisse, à la pointe de la technologie et du marketing, ne durera que la première moitié du XXe siècle jusqu'à l'arrivée des entreprises américaines Hershey's et Mars. Types de chocolats. Les trois grandes catégories. Le chocolat noir, aussi appelé chocolat fondant ou chocolat amer, est le chocolat à proprement parler. C'est un mélange de cacao et de sucre qui doit contenir au minimum 35 % de cacao. En dessous, les grandes marques utilisent « confiserie chocolatée » à défaut de terme légal. La quantité de sucre utilisée dépend de l'amertume de la variété de cacao utilisée. Le chocolat au lait est du chocolat qui est obtenu en ajoutant du lait en poudre ou du lait concentré. La loi américaine exige une concentration minimum de 10 % de cacao. Les réglementations européennes et suisse indiquent un minimum de 25 % de cacao. Il est aussi calorique que le chocolat noir - moins gras mais plus sucré. Typiquement, il contient un peu moins de 40 % de cacao. Cependant on peut trouver chez certaines enseignes de luxe des chocolats au lait à 45 % de cacao ou plus. Le chocolat au lait a été inventé par Daniel Peter. Le chocolat blanc est une préparation à base de beurre de cacao, additionné de sucre, de lait et d'arôme. Bien qu'il soit reconnu comme chocolat il n'est pas composé de cacao. Il est utilisé en confiserie pour jouer sur le contraste des couleurs, ou sous forme de plaques. Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première. Il peut être noir ou au lait, mais contient au moins 32 % de beurre de cacao, ce qui le rend très fluide pour réaliser un enrobage plus fin qu'un enrobage classique. Le chocolat sans sucre ajouté a connu une croissance de 30 % en volume par an entre 2002 et 2006. On le fabrique soit en supprimant le sucre, on obtient alors un chocolat à 99 % de cacao, soit en substituant le saccharose par du maltitol56. Les appellations. L'organisme mondial du commerce du cacao (International Cocoa Organization ou ICCO) a mis en place depuis 1994 une liste des pays producteurs de cacaos fins ou cacaos à saveurs remarquables par leur arôme et leur couleur. En France, l'Institut national de l'origine et de la qualité classifie les chocolats de qualité de la manière suivante : les « chocolats d'origine » doivent être produits à partir de cacao provenant d'un seul pays ; les « chocolats de crus » sont issus de cacao d'une région géographique identifiée voire d'une plantation unique ; les « chocolats grands crus » caractérisent les chocolats dont le cacao a un caractère particulier identifiable de façon unique ce qui justifie un prix élevé. Fabrication. La culture du cacao. Le chocolat est produit à partir de la fève de l'arbre appelé cacaoyer. On en trouve différentes espèces réparties dans les régions chaudes du monde. Sa culture est assez exigeante et le fruit produit, appelé cabosse, est récolté deux fois par an lorsqu'il est à maturité : de janvier à avril et de septembre à octobre. Le botaniste Ernest Entwistle Cheesman57 (en) met au point en 1944 une terminologie qui distingue trois principales variétés de cacaoyer : Forastero, la plus cultivée, Criollo, la moins cultivée et la plus recherchée, Trinitario58, un hybride des deux précédentes variétés. Aujourd'hui, on y ajoute le Nacional. Toutes ces variétés produisent des cacaos de différentes saveurs et arômes. Le cupuaçu59, une espèce proche du cacaoyer, permet également de produire un chocolat appelé cupulate60 au Brésil. Il faut en moyenne deux cabosses pour fabriquer une tablette de chocolat à 70 % de cacao. Aussi, un cacaoyer moyen produit chaque année de quoi fabriquer 20 tablettes de 100 g à 70 % de cacao. Les crus apportent des notes variées selon leur pays de culture. Le Forastero61 aux notes grillées de croûte de pain chaud et ses arômes de tête aux notes fleuries représente 80 à 90 % de la production. Le Criollo62 aux notes de fruits rouges ne représente que 1 à 5 % de la production. Les fèves Trinitario aux notes de fruits secs ou de torréfaction représentent 10 à 15 % de la production. Les fèves Nacional aux notes florales de jasmin et de fleur d'oranger sont produites essentiellement en Équateur. Le tableau suivant répertorie les principaux pays producteurs de fèves de cacao, les variétés qui y sont cultivées et les arômes correspondants, formés lors de la fermentation et le séchage de la fève de cacao. Les trois plus gros producteurs au monde (avec la variété Forastero) sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Indonésie. Écabossage67, fermentation et séchage. Juste après la récolte, la cabosse est généralement fendue avec une machette et vidée de ses fèves et de sa pulpe, le plus souvent à quelques mètres du lieu de récolte. Les fèves sont égrainées de l'axe central, triées, placées dans des bacs et recouvertes de feuilles de bananier. D'autres plantations laissent les graines en tas ou utilisent des paniers suivant les moyens qu'elles ont. La température varie de 40 °C à 50 °C. On les laisse reposer environ une semaine en les brassant régulièrement. Trois fermentations vont débarrasser les fèves de leur pulpe, réduire le goût amer en acidifiant le milieu, solubiliser la matière grasse formant un film autour de la phase hydrosoluble, ce qui permet l'hydrolyse enzymatique qui développe les précurseurs d’arôme (acides aminés et produits de dégradation des glucides). Une première fermentation alcoolique se déroule de façon anaérobie (= sans contact avec l'oxygène) sous les feuilles de bananiers. Des levures transforment la pulpe acide et sucrée des cabosses en éthanol durant cette phase. C'est la même fermentation que pour le moût de raisin. Une seconde fermentation, dite fermentation lactique, se déroule très rapidement pendant deux jours : les bactéries lactiques transforment l’alcool en acide lactique qui favorise la conservation naturelle du cacao. Une troisième fermentation, la fermentation acétique est favorisée par le développement de bactéries acétiques sur les jus qui s'écoulent et avec l'air qui pénètre dans les tas de fèves. La température élevée tue le germe de la fève de cacao. Durant cette phase, les fèves changent de couleur : pendant la récolte, elles sont blanches ou violettes et virent après la fermentation au violet-pourpre voire rouge à brun chocolat en profondeur. La fermentation acétique libère des hydrolases (notamment la protéase) transformant les protéines en acides aminés et les glucides complexes en glucides simples à l'origine des précurseurs d'arômes. À ce stade, elles contiennent encore 60 % d’humidité qu’il faut réduire à 7 % pour assurer une conservation et un transport optimaux. Les fèves sont alors séchées au soleil (séchage naturel) ou dans des séchoirs pendant 15 jours (ce séchage apporte une odeur de fumée au chocolat) et parfois lavées (Madagascar). Elles sont retournées de façon régulière afin d'assurer un séchage homogène. Le séchage comme la fermentation joue sur les arômes du cacao. Elles sont ensuite expédiées et le reste du traitement se déroule en chocolaterie. Le travail des fèves à la chocolaterie. Comme pour le café, les fèves sont torréfiées afin d'augmenter leur arôme. Cette phase se déroule après nettoyage des graines dans un torréfacteur. Les fèves sont cuites à cœur avec leur coque puis elles sont décortiquées. Elles sont ensuite broyées à l'aide d'une meule et transformées en éclats, que l'on appelle grué (nib en anglais). La torréfaction dure en général 40 minutes à 140 °C. Mais elle diffère suivant les variétés et les arômes que l'on désire obtenir. La torréfaction permet aussi de réduire l'humidité des fèves de 7 % à 2 %. Les grains de cacao sont broyés grossièrement (étape du décorticage séparant les cotylédons des coques et germes par un système de ventilation et de vibration) puis plus finement à chaud (50 à 60 °C) pour fondre et obtenir une pâte visqueuse malaxée : la masse de cacao (en). Chauffée à 100−110 °C, cette pâte devient liquide : c'est la liqueur de cacao. Le beurre de cacao est séparé de cette huile par pression dans une broyeuse hydraulique (constituée de plusieurs cylindres de plus en plus serrés et permettant d'affiner le broyage en réduisant la fève en grains très fins non décelables sur le palais de la bouche). Les résidus solides du broyage, les tourteaux, peuvent donner par pulvérisation le cacao en poudre. Ajout d'ingrédients et conchage. Les étapes précédentes ont permis d'obtenir une masse de cacao à laquelle on va ajouter différents ingrédients suivant le chocolat que l'on désire. Le chocolat noir est fabriqué en mélangeant beurre de cacao pour le fondant, cacao solide - également nommé « tourteau » - pour le goût, et sucre. Plus il y aura de sucre, moins le pourcentage de cacao sera élevé. Du lait en poudre est ajouté si on désire du chocolat au lait. Pour obtenir du chocolat noir, on ajoute à la pâte de cacao du sucre et éventuellement du beurre de cacao pour le fondant (ou une autre graisse végétale). Pour obtenir du chocolat au lait, on ajoute à la pâte de cacao du beurre de cacao (ou une autre graisse végétale), du lait en poudre et du sucre. Pour obtenir du chocolat blanc, on ne garde que le beurre de cacao, et on ajoute du lait en poudre et du sucre. Pour tous les chocolats, on ajoute souvent des arômes ou épices : très fréquemment de la vanille, mais aussi d'autres épices. Le conchage est le fait de chauffer le cacao afin d'augmenter l'homogénéité, l'arôme et l'onctuosité du futur chocolat. Il dure environ 12 heures et se déroule à environ 70 °C dans une mélangeuse qui brasse lentement le mélange de chocolat. Durant cette étape, on peut ajouter des émulsifiants. Les chocolats industriels contiennent presque tous un émulsifiant sous forme de lécithine de soja, qui prolonge l'homogénéité du mélange. Depuis le 23 juin 2000, une directive européenne permet d'utiliser d'autres matières grasses végétales (« MGV »), moins chères que le beurre de cacao pour la fabrication du chocolat, dans la limite de 5 % du poids total du produit fini. Sont considérés comme MGV : l'illipé, l'huile de palme, le sel, le beurre de karité, le kogum gurgi63 et les noyaux de mangue. Cette directive a été adoptée dans un souci d'harmonisation européenne pour ne pas déséquilibrer la concurrence d'une part, et d'encadrer certaines pratiques d'autre part. En effet, sous la pression des industriels du chocolat, plusieurs pays autorisaient déjà des matières végétales en proportion plus ou moins variable. Pour satisfaire la demande de certains consommateurs connaisseurs, des marques ont créé leur label « 100 % beurre de cacao » pour signaler sur certains chocolats que c'est un chocolat de dégustation qui respecte la composition traditionnelle du cacao. Techniques spécifiques. Tempérage. Le tempérage64 du chocolat consiste à amener le beurre de cacao dans sa forme cristalline la plus stable. Le beurre de cacao est composé de cinq molécules grasses différentes fondant chacune à des températures distinctes (comprises en 26 et 31 °C), et ce mélange donne au chocolat un haut degré de cristallinité : il peut cristalliser en six formes différentes. Parmi ces six états, le tempérage amène au plus stable : la forme dite bêta du beurre de cacao. Le tempérage donne au chocolat (une fois qu'il a été refroidi) un aspect brillant et lisse, une dureté et un fondant caractéristiques ainsi qu'une plus longue durée de conservation. Le chocolat fond à partir de 36 °C. La courbe de cristallisation varie selon la proportion du beurre de cacao : pour du chocolat noir, une fois que tout le chocolat est fondu il faut le refroidir jusqu'à environ 28 °C puis le réchauffer à 32 °C sans jamais dépasser cette température. Pour finir, il faut le refroidir le plus rapidement possible autour de 20 °C. Le chocolat est amené à l'état liquide au-delà de 36 °C. Il est ensuite ramené à l'état solide mais instable (température basse), stabilisé à la température haute et enfin, fixé lorsqu'il est complètement refroidi. La température basse permet d'amorcer la cristallisation, celle de travail permet aux cristaux de s'ordonner dans leur forme stable. Si le chocolat descend en dessous de la température basse ou dépasse celle de travail, il n'atteindra pas la forme bêta du beurre de cacao et des marbrures se formeront, il aura une texture pâteuse. Il suffit alors de refondre le chocolat et de recommencer autant de fois que nécessaire jusqu'à la réussite du tempérage, le chocolat ne perdant pas ses propriétés lors de l'opération. C'est le principe du cycle des tempéreuses. Différentes méthodes de tempérage. Même si le chocolat fond à 36 °C, on le chauffe à une plus haute température pour aller plus vite car c'est un mauvais conducteur de chaleur : à partir de 40 °C pour le chocolat blanc et jusqu'à 55 °C pour le chocolat noir ; au-delà il risque de brûler. Jusqu'à la dernière étape de chauffage, il est nécessaire de toujours remuer le chocolat afin que la température soit uniforme. Il faut le maintenir à la température haute exactement pendant toute la durée du travail. Il ne faut jamais faire tomber de l'eau dans le mélange, il ne pourra être tempéré. Dans la méthode industrielle, faire fondre le chocolat puis le refroidir jusqu'à la température basse : des cristaux se forment, il épaissit. Mélanger pour répartir les cristaux et réchauffer à 32 °C. Travailler et faire refroidir à 20 °C. Dans la méthode du marbre, faire fondre le chocolat, en étaler 2⁄3 sur un marbre et travailler à la spatule jusqu'à ce qu'il épaississe légèrement. Rajouter le 1⁄3 restant qui le fera remonter à 32 °C. La méthode dite d’ensemencement consiste à faire fondre 2⁄3 du chocolat, rajouter le tiers restant hors du feu et remuer jusqu'à la fonte complète. Pour une meilleure répartition de la chaleur, il est conseillé d'ajouter le chocolat solide sous forme de petits éclats, la semence. Attendre qu'il descende à la température basse et réchauffer à 32 °C. Il existe des machines qui chauffent et refroidissent le chocolat en respectant les courbes de cristallisation. Ces machines, appelées tempéreuses le mélangent en permanence et le maintiennent à la bonne température pendant toute la durée du travail. Chocolaterie. Une chocolaterie désigne, depuis le XIXe siècle, une fabrique de chocolats. Le terme est aussi plus récemment employé pour désigner un magasin spécialisé dans la vente de chocolats. La fabrique de chocolats. Bien que le chocolat soit travaillé et commercialisé à des fins médicinales dès 1780 (J.S.Fry & Sons), l'industrie chocolatière ne se développe véritablement qu'à partir du début du XIXe siècle. Les premières fabriques de chocolat apparaissent alors en Europe, notamment en Suisse (Cailler, Suchard et Kohler entre 1819 et 1830), aux Pays-Bas (Van Houten vers 1820) et en Angleterre (Cadbury, au début des années 1820 confectionne le premier chocolat noir à croquer). Ces fabriques font évoluer la pâte de cacao médicinale vers les premiers gâteaux et bonbons de chocolat de plus en plus populaires. Le concept de la tablette de chocolat (à six barres semi-cylindriques) est inventé en France par Menier en 1836. Les Anglais Fry & Sons utilisent un procédé semblable à partir de 1847 en utilisant un mélange de sucre, de beurre de cacao et de chocolat en poudre (inventé par le hollandais Van Houten) qu'ils versent dans des moules pour présenter un chocolat en plaque à partager. Le produit final est présenté au public lors d'une exposition à Birmingham en 1849 et la maison Fry & Sons devient l'une des principales chocolateries d'Angleterre dans les années 1860. Vers 1870, la famille Menier, de son côté, achète des terres au Nicaragua (l'un des principaux pays cultivateurs de cacao), ainsi que des navires permettant le transport des fèves de cacao vers leur usine moderne de production de chocolat, construite depuis peu à Noisiel en Seine-et-Marne. L’aménagement du site, avec la construction de plusieurs nouveaux bâtiments (dressage, magasins des cacaos, emballage, expédition, etc.5), suit un parcours logique de fabrication industrialisée du chocolat : chaque bâtiment est agencé en fonction de l’étape de fabrication qui le nécessite. La chocolaterie de Noisiel devient la plus importante du pays et est consacrée « Première chocolaterie du monde » lors de l’exposition universelle de Chicago en 1873. Fry & Sons, qui emploient 1 500 salariés vers 1880, acquièrent à leur tour le titre de première chocolaterie du monde, avant de fusionner, en 1919, avec Cadbury. En 1879 en Suisse, Peter, créateur du premier chocolat au lait à base de lait en poudre, s'associe avec l'inventeur du lait concentré, Henri Nestlé, pour fonder la firme Nestlé. Pendant ce temps, Lindt met au point le conchage, un procédé d'affinage permettant de fabriquer des chocolats plus fondants. Le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, en utilisant les surplus de beurre de cacao. Principales fabriques historiques. Cadbury (1824). John Cadbury, épicier, fonde sa chocolaterie en 1824 à Birmingham. Il achète un dépôt en 1831 pour installer son usine et commercialise seize sortes de boissons au chocolat différentes. En 1847, l'usine s'agrandit et se développe dans le centre de Birmingham. Cadbury fait également construire une cité ouvrière, la cité de Bournville (en), disposant notamment de son église et de son école. En 1905, après le départ à la retraite de John Cadbury, son fils George ouvre une usine importante à six kilomètres au sud de Bournville et crée un chocolat en barre. En 1919, Cadbury s'associe avec J. S. Fry & Sons. Le groupe est racheté par Kraft Foods en 2010. Callebaut (1911). La chocolaterie Callebaut a été fondée par Octaaf Callebaut en 1911, à Wieze. Entre 1911 et 1918 est créé le Finest Belgian Chocolate, qui a fait la renommée de l'entreprise. La famille invente ses premiers chocolats de couverture autour de 1920, en période d'entre-deux guerres, pour faire face au manque d'ingrédients. Callebaut exporte ses produits à partir des années 1960 et la maniabilité de son chocolat contribue à la renommée du chocolat belge. En 1996, la chocolaterie fusionne avec le français Cacao Barry. Le groupe Barry Callebaut est depuis considéré comme la « plus grande chocolaterie du monde » avec 900 tonnes de production journalière. Cemoi (1814). Il s’agit de l’une des toutes premières fabriques de chocolat en France. Elle est créée par Louis Parès à Arles-sur-Tech, dans les Pyrénées-Orientales. Cémoi Chocolatier, actuellement à Perpignan, a réalisé un chiffre d'affaires de 395 millions d'euros avec 702 salariés en 2018. Menier (1816). Antoine Brutus Menier fonde en 1816 l’entreprise Menier. Celle-ci, installée à l’origine dans le quartier du Marais à Paris, commence par produire et vendre des produits pharmaceutiques. La fabrique est créée quatre-vingt sept ans après la chocolaterie Pailhasson, la plus ancienne maison de chocolat de France,14. L'histoire de l'entreprise Menier est intimement liée à l'histoire de la ville de Noisiel, en Seine-et-Marne, où elle s'est installée à partir de 1825. En 1867, Emile-Justin Menier, le fils d'Antoine, décide de recentrer l'usine sur la fabrication de chocolat. C’est aussi le moment de l’essor de la production et des effectifs de l’entreprise, qui passent de 50 ouvriers en 1856 à plus de 320 en 1867, puis à plus de 2 000 en 1874. L'usine fait construire de nombreux bâtiments, ainsi qu'une cité ouvrière, à l'image de leur concurrent anglais Cadbury. En 1893, la chocolaterie est consacrée plus grande entreprise de production de chocolat au monde. Noisiel doit son industrialisation à l'installation de la chocolaterie, où travaille alors une grande partie de la population de la commune. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, un Noisélien sur trois y travaille. La chocolaterie ne parvient cependant pas à faire face à la concurrence après la guerre, et la famille liquide l’entreprise en 1959. Nestlé-France en devient propriétaire en 1988 et y installe son siège social en 1996. Poulain (1848). D'abord confiseur à Paris, Victor-Auguste Poulain y découvre le procédé de fabrication du chocolat vers l'âge de 14 ans. Il s'installe à Blois en tant que confiseur, puis fonde la chocolaterie Poulain dans la même ville en 1848. La première usine est construite en 1862. Albert Poulain, le fils de Victor-Auguste, fait construire un nouveau bâtiment en 1884, l'atelier sud (détruit en 1995), qui sera destiné aux activités de fabrication du chocolat, tandis que l'atelier nord déjà existant sera consacré au conditionnement. La fabrique s’étendait sur 4 hectares quand elle a fermé en 1992, à la suite de son transfert en périphérie. Lanvin (1921). Les Lanvin sont au tournant du XXe siècle une famille de fabricants de sucre du Nord de la France. Afin de fuir la concurrence, trop forte dans cette région, Auguste Lanvin prend la décision de délocaliser son usine en 1912 à Brazey-en-Plaine, près de Dijon. La « Sucrerie bourguignonne » nouvellement créée, la famille achète en 1921, une petite chocolaterie située à Dijon, rue Chabot Charny. Elle devient la « Sucrerie Bourguignonne et Chocolaterie Lanvin S.A. ». La chocolaterie se développe par la suite et prend de l'envergure en 1930 et créait en 1934 ce qui deviendra l'emblème de la marque : l'Escargot de Lanvin. Les années 1950 marquent l'essor industriel de la marque et en 1970, Lanvin tourne une publicité qui marquera les esprits : elle met en scène Salvador Dalí qu s'exclame : « Je suis fou... du chocolat Lanvin ! ». Cette époque marque l'apogée de la marque: elle détient 6 à 8 % du marché français du chocolat, et près de 20 % au moment de Noël. Aujourd'hui, la marque commerciale de chocolat Lanvin appartient à la société Helvétique Nestlé,20. L'usine est toujours basée à Dijon, dans la zone industrielle Cap Nord, sous le nom de « Chocolaterie de Bourgogne ». Cailler (1819). En 1819, François-Louis Cailler, un épicier, fonde à Vevey la chocolaterie Cailler. En 1920, il acquiert ses connaissances de la production de chocolat lors d’un voyage en Italie et loue des bâtiments pour y fabriquer du chocolat à grande échelle. Dans les années 1820, il fabrique du chocolat de manière industrielle dans le moulin Chenaux Ziegler à Corsier-sur-Vevey grâce à la force hydraulique. La chocolaterie devient la première fabrique moderne de chocolat de Suisse, et la première à automatiser sa fabrication. À partir de 1867, l'un des gendres de Cailler, Daniel Peter, fabrique du chocolat sous le nom Peter-Cailler et invente le chocolat au lait en 1875. Alexandre-Louis Cailler, petit-fils de Cailler, agrandit la chocolaterie en 1899, dans la région de Broc tandis que Daniel Peter et Charles-Amédée Kohler deviennent partenaires en 1904, créant la Société générale de chocolats. Peter & Kohler réunis. Peter et Kohler s’associent à l’entreprise Cailler en 1911 afin de faire connaître au monde entier « la qualité du chocolat suisse ». La chocolaterie devient Peter, Cailler, Kohler Chocolats Suisses S.A. avant de fusionner à Vevey avec le groupe Nestlé en 1929 pour se nommer Chocolats Peter, Cailler, Kohler, Nestlé. Suchard (1826). La chocolaterie Suchard est fondée en 1826 à Neuchâtel par le confiseur Philippe Suchard. L'année suivante, ce dernier met au point une nouvelle machine permettant un meilleur mélange du sucre avec la poudre de cacao. Sa fille Eugénie et son gendre Carl Russ reprennent l'usine en 1884, qui compte alors 200 employés,22. La chocolaterie produit du chocolat au lait sous le nom de Milka à partir de 1901. Elle appartient désormais au groupe Mondelez (Kraft Foods) et la production a été transférée à l’usine Toblerone de Berne. Lindt (1879). La chocolaterie Lindt est fondée en 1879 à Berne par Rudolf Lindt, fils de pharmacien. Il s’installe à l'époque dans une usine vétuste où il tente de mettre au point la recette de son chocolat idéal, plus fin. Il y serait parvenu en oubliant, un soir, d'éteindre les mélangeuses. En 1899, Lindt s'associe ensuite à Johann Rudolf Sprüngli-Schifferli, propriétaire de la chocolaterie de Kilchberg, au bord du lac de Zurich. En 1905, Rodolphe Lindt prend sa retraite et la société de Berne est liquidée en 1928. Kilchberg devient par conséquent le siège de Lindt & Sprüngli. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chocolaterie doit remplacer les installations obsolètes qui ont été mises à rude épreuve pendant les périodes de crise, et agrandir les locaux pour faire face à l'explosion de la demande. Le groupe dispose aujourd'hui de ses propres sites de production en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, aux États-Unis et en Autriche. Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 null/ / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. nullnull///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Pablo Rodriguez 2018-03-30T12:40:15.812000000 2023-02-06T08:58:23.603000000 Pablo Rodriguez PT7H43M4S 64 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Mise en page d'un texte long Frontière entre l'Espagne et la France Pablo Rodriguez 2019-03-17 Mon département Mon groupe Frontière entre l'Espagne et la France 33 35/ Mise en page d'un texte long 3. Économie frontalière et transfrontalière Mise en page d'un texte long 32 / 35 / / Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Frontière entre l'Espagne et la France Mise en page d'un texte long Mon département Pablo Rodriguez Mon groupe 17/03/2019 Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Frontière entre l'Espagne et la France Propos liminaire Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol Le vocable frontière provient du substantif front ; il induit une notion d’opposition entre deux zones séparées par ce même front, comme une « troupe qui, se mettant en bataille pour combattre, fait frontière […] » [1]. Il apparaît pour la première fois en France au XIVe siècle et demeure réservé, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, aux limites les plus menacées du royaume. Du côté espagnol, le terme frontière semble avoir coexisté avec celui plus général de limites, désignant une zone abstraite entre les royaumes chrétiens d'Espagne ; il décrit également la réalité physique d'une opposition, comme la ligne de forteresses séparant la Castille des provinces musulmanes. L'époque de l'apparition du terme frontière correspond à celle de la constitution des États européens — par confrontations successives, dont les traductions guerrières ont été des facteurs d'indentification, de différenciation et d'unification— et à celle de la distinction entre droit public et droit privé. Jean de Terrevermeille défend en 1418 l'idée que le royaume n'est pas la propriété d'un monarque ; celui-ci n’en serait que le « bénéficier », induisant en cela que le royaume est devenu un territoire géré par un prince. Cette interprétation se trouve renforcée au cours du temps et, au XVIe siècle, du fait de la consolidation de la cohésion politique interne, de militaires les frontières deviennent la traduction politique d'une souveraineté territoriale. Le développement du concept d’État engendre une nouvelle dimension de la notion de frontière : celle-ci dessine dorénavant la limite des compétences juridiques et de police de l’organisation politique au pouvoir. Elle circonscrit, en outre, un espace administratif, enrichi d'une institution fiscale et de sa composante douanière. « […] ces frontières peuvent être dissociées : la frontière militaire est souvent éloignée de la frontière juridique ; la frontière douanière peut ne pas coïncider avec la frontière politique, comme en Espagne où l’Èbre a longtemps été une barrière douanière au sud d'une vaste zone franche ; la frontière ecclésiastique peut ignorer la frontière politique, comme ce fut le cas pour le diocèse de Bayonne qui englobait jusqu’en 1566 le Valcarlos et le bassin de la Bidassoa, avec la vallée du Baztan, qui faisait partie de la Navarre, et le nord du Guipuzcoa jusqu’à Saint-Sébastien, qui était castillan […]. » Maïté Lafourcade, La frontière franco-espagnole : lieu de conflits interétatiques et de collaboration interrégionale, 1998, p. 2. L’analyse de Maïté Lafourcade montre que plusieurs conceptions coexistent et décident du tracé d’une frontière ; ainsi une frontière pourra suivre ou non des éléments naturels —ligne de partage des eaux, ligne de crête, cours d’eau, limite de propriété privée ; elle pourra être définie par une ligne précise ou par une zone No man's land par exemple ; elle pourra encore caractériser un lieu d’échanges, résultant de l’isolement d'une zone montagneuse s’étalant sur plusieurs vallées partageant la même langue, ou une zone d’affrontements politiques ou religieux. La frontière entre l’Espagne et la France ne déroge pas à la logique décrite ci-dessus ; elle est en effet le résultat de l’histoire politique et économique d’une zone qui dépasse celle circonscrite par la barrière physique que constitue la chaîne des Pyrénées. Cette dimension de zone se trouve d'autant plus vérifiée que la construction de l’Espace européen entraîne un réaménagement du concept de frontière, impliquant la disparition des frontières intérieures de la Communauté s’appliquant aux travailleurs, aux marchandises, aux capitaux et aux services. En conséquence, après une longue période durant laquelle elle s’est construit un profil linéaire, en réponse aux pressions militaires, politiques, puis juridiques, la frontière acquiert une dimension supplémentaire, interne à un espace communautaire, au sein d’une construction complexe du principe de territorialité. « [La frontière], expression de l’exclusivisme territorial, est inapte à rendre compte des devoirs qu’entraîne entre États voisins une communauté d’intérêts, qui appelle non l’arrêt des compétences, mais leur collaboration […]. » Charles de Visscher, Problèmes de confins en droit international public, 1969, p. 7. La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 Nombreux sont les peuples qui, du nord au sud et du sud au nord, ont traversé la chaîne des Pyrénées, que ce soit pour des migrations définitives, des conquêtes guerrières ou pour pratiquer des activités d’échanges économiques. Maïté Lafourcade dénombre ainsi les Celtes, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Suèves, les Wisigoths, les Maures, les Francs, les Anglais, les Français et les Espagnols. Les Pyrénées ont, pour la première fois, formalisé une limite sous l’Empire romain, séparant l’Hispanie romaine — province de Tarraconaise — au sud, des Gaules au nord Gaule narbonnaise et Gaule aquitaine. Il s'agit, à cette époque, d’une optimisation administrative visant à une administration territoriale plus efficace. Le royaume wisigoth, de 418 à 711, englobe les Pyrénées, et il faut attendre Clovis, qui repousse les Wisigoths au sud de la chaîne montagneuse, pour voir les Pyrénées commencer à jouer un rôle de frontière naturelle. Il ne s’agit pas encore d’une véritable frontière, mais d’une limite, Clovis étant roi des Francs, mais pas d’un territoire. Charlemagne, à son tour, franchit les Pyrénées, et établit au tournant des VIIIe et IXe siècles, la marche d'Espagne entre le massif montagneux et jusqu’aux rives de l’Èbre. Le démembrement de l’Empire carolingien à partir de 843 laisse à Charles le Chauve la Francia occidentalis, qui sur le versant nord des Pyrénées, s’appuie sur des seigneuries qui regroupent plusieurs vallées, telles Béarn, Bigorre, Nébouzan, Comminges, Couserans, comté de Foix, Roussillon, Cerdagne. Les Vascons occupent alors un territoire à cheval sur les Pyrénées, divisé en deux comtés dont Charles le Chauve reconnaît respectivement en 852 et en 860 les dirigeants. La frontière se caractérise par sa mouvance, du fait de « l’importance donnée aux hommes plutôt qu’aux territoires […] et de l’enchevêtrement des droits et des fiefs ». La lutte contre l’invasion arabe concourt à la formation d’un futur État par la constitution de la Castille, qui s’unit au royaume de León au XIIIe siècle, et des royaumes d’Aragon et de Navarre qui, à eux deux, contrôlent le sud des Pyrénées. En 1035, la mort de Sanche le Grand — sous l’autorité duquel toutes les terres basques sont réunies, y compris ce qui constitue le Pays basque français d’aujourd’hui  engendre le démembrement de la Navarre. Le duché d'Aquitaine absorbe le Labourd et la Soule, avant de passer sous le contrôle du royaume d'Angleterre en 1152, par le mariage d’Aliénor d'Aquitaine avec Henri II d’Angleterre. Le 12 mai 1258, la signature du traité de Corbeil acte l’abandon des prétentions du royaume de France. dont le roi est, à cette époque, Louis IX. sur la Catalogne, en échange de celui du roi d’Aragon. Jacques Ier. sur une partie du Languedoc et la Provence. Le sud du massif des Corbières détermine alors la frontière entre le royaume de France et celui d’Aragon. Alors qu’en 1449, Mauléon est conquise par le royaume de France, et qu’en 1451, la Couronne de France s'empare du Labourd, le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon en 1469 unit les deux royaumes du sud des Pyrénées. Le souverain navarrais, Jean d’Albret, perd à son tour ses possessions espagnoles, après l’invasion des troupes du duc d’Albe, Fadrique Álvarez de Toledo, aux ordres de Ferdinand d’Aragon, dit le Catholique ; il ne conserve que les terres d'ultra-puertos, connues aujourd’hui sous le nom de Basse-Navarre. L’héritier des rois catholiques et de la maison de Habsbourg, Charles Quint se retrouve à la tête d’« une Espagne à la dimension du monde […] ». Commence alors un conflit qui dure près d’un siècle et demi, initié par les deux souverains, François Ier et Charles Quint, alors que jusque-là, la paix avait régné entre les deux royaumes, à l’exception des points sensibles concernant le Roussillon et le val d'Aran, revendiqués par les deux parties. Bien qu’encore imprécis, le tracé d’un front militaire se dessine alors. Sur le flanc nord, le Roussillon et le val d’Aran demeurent espagnols, alors que l’Andorre et la Basse-Navarre jouissent d’une suzeraineté indépendante des deux pays antagonistes. Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé Le pays Quint est de nouveau la proie d’affrontements violents, de 1827 à 1856, qui sont demeurés sous le nom de guerre des limites. Ces conflits n’étant pas isolés le long de la frontière, les souverains Napoléon III et Isabelle II parviennent à s’entendre sur une frontière qui tient compte « des vœux et des besoins des populations frontalières ». Si l’acte final est signé le 26 mai 1866, il fait suite à trois traités préalables paraphés à Bayonne le 2 décembre 1856 pour la section occidentale — de l’embouchure de la Bidassoa jusqu’au point où confinent le département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre —, le 14 avril 1862 pour la portion centrale s’achevant au « val d’Andorre », et le 26 mai 1866 pour la partie orientale, d’Andorre à la mer Méditerranée. La commission internationale des Pyrénées de 1875 La commission internationale des Pyrénées (CIP) est créée en mai 1875, et, malgré la mise en application de l’accord de Schengen signé en 1985 et la création de l’espace homonyme définitivement en vigueur à partir du traité d'Amsterdam en 1999, elle est toujours active au 1er juin 2015, soit 140 ans après sa création. La commission, qu’il ne faut pas confondre avec la commission de délimitation des Pyrénées, responsable de 1853 à 1868 de la définition de la frontière franco-espagnole, est créée à l’initiative de Louis Decazes, ministre des Affaires étrangères français, à la suite de différends frontaliers survenus en 1872, puis le 7 mars 1874 à l’embouchure de la Bidassoa, et ayant provoqué localement une situation de quasi-guerre civile, à un moment où la troisième guerre carliste complique les relations entre la France et l’Espagne. Cette commission mixte, menée à l’origine par le duc Decazes pour la partie française, et par le ministre d’État de Castro, du côté espagnol, n’a pas vocation à survivre au règlement du différend frontalier qui a justifié sa création en 1875, mais dès janvier 1880, un autre conflit se déclare, portant sur les droits de pêche au saumon sur la Bidassoa, repoussant la dissolution annoncée de la commission. Sa compétence est alors élargie à l’élaboration d'un règlement général sur la pêche côtière dans le golfe de Gascogne [2]. En 1885, le différend entre Llívia et le village d’Err, portant sur un canal d’irrigation — quoique réglé directement par les chancelleries — provoque une prise de conscience des deux gouvernements de la nécessité de « […] soumettre dorénavant à l’examen des délégués espagnols et français à la commission internationale de la frontière pyrénéenne les questions litigieuses qui peuvent surgir sur les limites des deux pays ». Cette reconnaissance officielle de la commission, dans ses compétences élargies — qui, au passage, reçoit son nom de baptême — est actée le 12 avril 1888 par une lettre de Segismundo Moret, ministre espagnol, à Paul Cambon, ambassadeur de France à Madrid. Elle siège depuis l’origine à Bayonne. Au début du XXe siècle, les ministères de l’Agriculture, des Travaux publics et de la Guerre rejoignent la commission, qui interrompt ses sessions lors de la Première Guerre mondiale et qui vit au ralenti entre les deux guerres mondiales avec seulement trois réunions (1921, 1927 et 1934). À nouveau, les sessions sont suspendues, en raison de la guerre d'Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. Les décennies qui suivent voient l’intensification des échanges et des réunions — qui deviennent biennales — et le renforcement des structures. Plus d’une centaine d’experts et de fonctionnaires se répartissent entre comités techniques et sous-commissions, qui prennent en compte, de manière élargie, les besoins des populations locales ; les discussions de la commission portent à présent sur les projets de voirie et de travaux publics, d’agriculture et d’économie, d’équipements hydroélectriques et d’environnement. Le traité de Bayonne de 1995 Depuis les années 1980, les régions ou départements français et les communautés autonomes espagnoles ont pris à leur compte l’initiative des contacts et des collaborations, donnant, par exemple, naissance en 1983, à la communauté de travail des Pyrénées, ou à des structures territoriales comme l’Eurocité basque Bayonne - San Sebastián — l’objectif de cette dernière structure est la création d’une métropole européenne, qui, en l’état actuel, regroupe près de 600 000 habitants, par la mise en commun de moyens techniques et politiques concernant « les infrastructures, les services urbains et les instruments de gouvernement »— ou le consorcio Bidasoa-Txingudi. La création de groupements européens de coopération territoriale comme l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi et le GECT Pyrénées-Méditerranée sont à porter à l’actif des efforts de coopération décentralisée. Ces initiatives sont à présent encadrées et facilitées par une base législative nationale et des accords internationaux, dont le traité de Bayonne, signé le 10 mars 1995 et relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales de France et d’Espagne, est une illustration importante ; il est étendu à la principauté d’Andorre le 16 février 2010. « Sous l’emprise de ce texte, les collectivités frontalières pourront enfin traiter dans leur globalité des domaines aussi divers que ceux ayant trait à l’urbanisme, l’environnement, l’utilisation des infrastructures ou la gestion urbaine. Lieu de passage économique et humain, la frontière passe enfin de l’état de limite administrative à celui de point de rencontre […] » Pierre Cambot, La frontière franco-espagnole : commentaire du traité de Bayonne du 10 mars 1995 relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, 1998, p. 129. Histoire militaire et fortifications Plusieurs épisodes politiques ou guerriers ont entraîné la construction de lignes de protection, matérialisées par des châteaux ou des redoutes. Il en est ainsi de la Reconquista, qui correspond à la reconquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. Elle commence en 718 dans les Asturies, et s'achève le 2 janvier 1492 quand Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille chassent le dernier souverain musulman de la péninsule, Boabdil de Grenade. Ainsi, Sanche Ier d’Aragon renforce le château de Loarre et pas moins de dix autres entre Sos et Barbatros, comme le fort d’Alquézar et les tours d’Abizanda et de La Fueva. Le début du conflit entre François Ier et Charles Quint, dès 1520, est également à l’origine de la fortification de la frontière, de Bayonne à Mont-Louis. La fin du XVIIIe siècle et le début du siècle suivant voient des combats violents se dérouler dans la partie occidentale des Pyrénées. La campagne de 1793 - 1795 a lieu en particulier à proximité de la Bidassoa. Les combats commencés tout d’abord au val d’Aran, c’est-à-dire en Catalogne— se concentrent dans les vallées de la Bidassoa et de la Nivelle. En 1793, le Comité de salut public qui, par décret du 1er mai 1793 vient de créer l’armée des Pyrénées occidentales, fait construire une redoute au sommet de la Rhune, sur l’emplacement de l’ermitage préalablement détruit. Celle-ci est rapidement prise par les troupes espagnoles, qui s’y installent le 1er mai. Après la défaite de Vitoria, le 21 juin 1813. qui voit la retraite des troupes françaises escortant Joseph Bonaparte. suivie de celles de Sorauren, le 28 juillet, et de San Marcial, le 31 août, les troupes de Wellington se trouvent sur les rives de la Bidassoa. Wellington déclenche une grande offensive le 10 novembre et lance 40 000 hommes contre les fortifications de la Rhune et dans la vallée de la Nivelle. Malgré une résistance farouche des troupes du maréchal Soult, Wellington s’empare des fortifications, et pénètre dans Saint-Pée-sur-Nivelle dans la journée. La période qui s’étend de 1936 à 1945 a vu des mouvements importants individuels ou de populations traverser la frontière dans les deux sens, conséquences de deux conflits majeurs, la guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale. Si la France, par la voix de Léon Blum défend officiellement un pacte de non-intervention et doit assurer le respect d'un embargo sur les armes dans les Pyrénées, les premiers volontaires des Brigades internationales franchissent la frontière dès 1936. L’offensive de Catalogne, qui voit la victoire des troupes nationalistes le 10 février 1939, provoque l’exode frontalier de près de 450 000 Espagnols qui fuient les représailles franquistes et se réfugient en France, dans un mouvement nommé la Retirada ; ils sont regroupés dans des camps improvisés mis en place le long de la côte méditerranéenne, notamment à Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Agde, Bayonne et Gurs. Le fort de Bellegarde, qui contrôle le col du Perthus et dont la rénovation est souhaitée au XVIIe siècle par Louvois et initiée par Vauban, sert de camp d'internement au début de 1939. Peu avant la signature des accords de Munich, des bombardements semblent avoir été perpétrés par l’aviation allemande le 26 mai 1938 à Cerbère et le 5 juin suivant à Orgeix. Cette action de « piraterie aérienne » à proximité de la frontière, initialement attribuée à l’aviation républicaine espagnole, semble bien être le fait d’un raid aérien de la Légion Condor, utilisant des appareils maquillés. Le 23 octobre 1940 a lieu l’entrevue d’Hendaye, entre Francisco Franco et Adolf Hitler, sur l’éventuelle entrée en guerre de l'Espagne aux côtés des forces de l'Axe, créé le 27 septembre 1940. Cette rencontre ne débouche sur aucune décision. À partir de la déroute de juin 1940, à laquelle succèdent l'occupation de la France par les forces allemandes et la constitution de l'État français de Vichy dès le 10 juillet 1940, un ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** exode continu se met en place du nord au sud de la frontière, notamment par des Juifs fuyant les persécutions. D'autres, comme certains résistants ou militaires voulant rejoindre l'Angleterre ou l'Afrique du Nord, empruntent les mêmes chemins et font appel aux mêmes réseaux. Si certaines vallées bénéficient pendant un temps de la complicité des forces de l'ordre locales — comme en vallée d'Aure —, l'irruption des Allemands en zone libre à partir du 11 novembre 1942 vient bouleverser la situation. Selon Émilienne Eychenne, pas moins de 27 réseaux se spécialisent alors dans le passage clandestin vers l'Espagne, tels les réseaux « Maurice » ou « Françoise », héritier du réseau toulousain de Pat O'Leary. De 1940 à 1944, près de 19 000 Français, hommes et femmes appelés « évadés de France », franchissent la frontière pour s’engager dans les forces françaises combattantes ; après plusieurs mois d’internement dans des camps espagnols, ils rejoignent la 2e division blindée pour près de 5 000 d’entre eux et les forces françaises d’Afrique du Nord. De 1941 à 1943, le fort du Portalet, dont la construction débute dans les années 1840 pour contrôler la route du col du Somport, sert de prison politique pour des personnalités de la Troisième République comme Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Georges Mandel ou Maurice Gamelin. Il abrite un temps une garnison allemande avant d’être repris par la Résistance en 1944. Il accueille le maréchal Pétain du 15 août au 16 novembre 1945. L'opération Reconquista de España, lancée pour établir un pouvoir républicain dans le val d'Aran, rassemble 13 000 vétérans de la guerre d'Espagne et de la Résistance française aux points de recrutement de Foix et de Toulouse. De 4 000 à 7 000 hommes se portent volontaires pour participer à l'opération. Le 3 octobre 1944, une première formation franchit la frontière peu avant le col de Roncevaux. Le 5 octobre, une brigade pénètre dans la vallée de Roncal. Les incursions se multiplient alors, avec le versant français comme base de repli, jusqu’au 19 octobre, date de l’invasion principale. Un moment prises par surprise, les troupes espagnoles basées le long de la frontière réagissent et stoppent l’avancée de l’invasion ; le soulèvement populaire espéré ne se produit pas. Le 27 octobre, l’état-major de la guérilla auquel participe Santiago Carrillo décide la retraite. La France, sur décision de son gouvernement, a totalement fermé ses frontières terrestres avec l'Espagne entre le 1er mars 1946 et le 10 février 1948 à la suite des problèmes politiques entre le régime franquiste et le gouvernement provisoire français. Dès les années 1930, l’essor du nationalisme en Pays basque espagnol s’étend à la France, et en 1934 naît le mouvement eskualherriste et son journal Aintzina. À partir du début des années 1970, le conflit basque, qui est jusque-là circonscrit à l’Espagne, se caractérisant par la lutte d'Euskadi ta Askatasuna (ETA) contre le régime franquiste pour la reconnaissance des spécificités politiques et culturelles des Basques et l’indépendance du Pays basque, s’étend au nord de la frontière. Iparretarrak, bientôt rejoint par Euskal Zuzentasuna, milite pour l’autonomie du Pays basque français et multiplie les attentats. La coopération entre les deux États conduit à l’arrestation d’activistes d’ETA tant en France qu’en Espagne — en 2011, 35 etarras sont interpellés en France et 22 sur le territoire espagnol, faisant suite à 138 arrestations en 2010, dont 28 en France. En 1957, un tribunal arbitral tranche un différend entre les deux États, portant sur l'affaire dite du « lac Lanoux ». Ce lac situé en France est alimenté par le Carol, un affluent de la rivière espagnole, le Sègre. Voulant dévier le cours d'eau afin de le faire passer via une usine hydroélectrique, la France se trouve alors confrontée à un véto espagnol persistant ; ce conflit local ne trouve sa résolution que par la décision arbitrale du 16 novembre 1957 qui donne raison à la demande française, qui s'engageait à restituer à volume égal les eaux dérivées, par une galerie sous le col du Puymorens. Caractéristiques géographiques La frontière terrestre au XXIe siècle La frontière terrestre franco-espagnole s'étend sur 623 kilomètres, au sud-ouest de la France et au nord-est de l'Espagne, plus longue frontière terrestre de la France métropolitaine devant celle avec la Belgique (620 km). Elle débute à l'ouest sur le golfe de Gascogne au niveau de la commune française d'Hendaye et de la ville espagnole d'Irun. La frontière suit ensuite une direction générale vers l'est, respectant à peu près la ligne de partage des eaux des Pyrénées jusqu'en Andorre, au pic de Médécourbe. La principauté interrompt la frontière entre l'Espagne et la France sur 33 kilomètres. Elle reprend à l'est de la principauté et se poursuit jusqu'à la Méditerranée, qu'elle atteint au niveau de Cerbère en France et de Portbou en Espagne. Pour l'Espagne, et d'ouest en est, la frontière borde le nord de la province du Guipuscoa (communauté autonome du Pays basque), la Navarre, la province de Huesca (Aragon), la province de Lérida (Catalogne) avec le val d'Aran, et enfin la province de Gérone (Catalogne). En ce qui concerne la France, et toujours d'ouest en est, ce sont les limites sud des Pyrénées-Atlantiques (région Nouvelle-Aquitaine), des Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), de la Haute-Garonne (Midi-Pyrénées), de l'Ariège (Midi-Pyrénées) et des Pyrénées-Orientales (Languedoc-Roussillon) qui sont définies par la frontière. Matérialisation de la frontière terrestre La frontière est matérialisée par 602 bornes, numérotées d'ouest en est à partir de 1856, en respectant un tracé souvent ancien. Certaines bornes pastorales ont été placées avant la seconde moitié du XIXe siècle et viennent compléter le bornage officiel. Le traité de 1856 détermine l’emplacement de 272 bornes ou croix, de l'Atlantique à la Table des Trois Rois ; celui de 1862 ajoute 154 bornes, numérotées de 273 à 426, de la Table des Trois Rois au port de Bouet, à la frontière ouest avec l'Andorre ; enfin l’acte de 1866 détermine 176 bornes supplémentaires, de 427 à 602, au départ du tripoint est France - Espagne - Andorre, jusqu’à la Méditerranée. La borne no 1 se situe sur les bords de la Bidassoa, à environ 8,5 km en amont du pont ferroviaire entre Hendaye et Irun, à l'endroit où la frontière ne suit plus ce fleuve et s'incurve vers l'est. Cette borne est ainsi située entre la commune de Vera de Bidassoa et la commune de Biriatou. Le col du Somport accueille la borne no 305 et celui de Pourtalet, la borne no 310. D'autres ports recèlent eux aussi une balise, comme le port qui permet le passage de Cauterets à Panticosa (borne no 313), ou le port de Venasque (borne no 332) entre la vallée de la Pique en France et celle de l'Ésera en Espagne. La borne no 602 est matérialisée par une croix située sur les pentes du cap Cerbère, dominant la mer Méditerranée entre les communes de Portbou et Cerbère. De plus, 45 bornes marquent la frontière autour de l'enclave de Llívia. Elles sont numérotées dans le sens anti-horaire à partir de la borne no 1 située au niveau de l'entrée de la route neutre RD 68 des Pyrénées-Orientales dans l'enclave. Ce point marque aussi la rencontre entre les communes françaises de Bourg-Madame et Ur, avec la commune espagnole de Llívia. Particularités territoriales L’histoire a fortement marqué le tracé de la frontière et il demeure encore aujourd’hui des particularités territoriales dont l’origine remonte aux conflits et accords du Moyen Âge, et qui relèvent d’un droit international qui a dû s’adapter à ces anciennes règles. La principauté d’Andorre, dont le territoire est entièrement enclavé entre l’Espagne et la France dans la chaîne des Pyrénées, est une nation souveraine dont la création remonte à l’an 780, sous le règne de Charlemagne. Elle est régie par un contrat de droit féodal, le paréage, qui concède le trône andorran à deux coprinces, l'évêque espagnol d'Urgell et le chef d'État français. Elle possède une superficie de 468 km2 et une population estimée à 85 458 habitants en 2014. L'Andorre adhère à certains programmes de coopération frontalière établis entre l’Espagne et la France. Peu après le début occidental de la frontière, alors que celle-ci suit le cours de la Bidassoa, se trouve l'île des Faisans, au milieu du fleuve. Elle possède un régime frontalier particulier, l'île étant un condominium, dont la souveraineté est partagée entre les deux pays. Autre particularité, la ville de Llívia, ancienne capitale de la Cerdagne, est une enclave espagnole en territoire français, dans les Pyrénées-Orientales. Une route « neutre » c’est-à-dire sans contrôle douanier ; il s’agit de la route espagnole N-154 entre Puigcerdà et Llívia, qui coupe N20 entre Bourg-Madame et Ur la relie à l'Espagne. Son sort d’enclave semble être décidé lors du traité des Pyrénées de 1659, mais il faut attendre le traité de Bayonne de 1866 pour que la situation soit définitive. Plus à l’est, le village français du Perthus, dont le territoire n’est définitivement fixé qu’à partir du 29 avril 1851, est situé à cheval sur la frontière qu’il partage en ce point avec la commune espagnole de la Jonquera ; particularité géographique, le village se situe au sud de la ligne de crêtes. La frontière est marquée par l’épaulement est de la RN 9 située en France sur toute sa largeur. La traversée piétonne de la route permettant le passage d’un pays à l'autre, cette situation est restée favorable au trafic incontrôlé de marchandises, jusqu’à la disparition des frontières douanières en 1995. La vallée des Aldudes s’étend en zone frontalière de la Haute et de la Basse-Navarre. Une ordonnance du 12 octobre 1200 fixe les modalités de répartition de cette région indivise entre les différentes vallées limitrophes. Nombre de conflits et de procès émaillent l’histoire des relations entre ces vallées ; pas moins de huit sentences prononcées au XVIe siècle confirment que « la propriété et possession des Aldudes appartiennent à Valderro ». La notion de jouissance apparaît pour la première fois lors des capitulations signées le 25 septembre 1614 par les représentants des suzerains français et espagnols. La fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle sont marqués par des conflits armés, telle l’action du marquis de Valero en 1695, pour contrer les incursions des pasteurs et des troupeaux de Baïgorry, qui ne manquent pas d’avoir des retentissements internationaux. Un « aménagement des frontières » a lieu le 23 août 1769 à Ispéguy, et le bornage est vérifié le 9 octobre suivant en présence du représentant royal et de ceux des villages et vallées concernés, bientôt modifié en 1785 dans un traité des limites. Las, la Révolution vient bouleverser ce bel ordonnancement, et la France ne reconnaît pas le traité, malgré ceux de Bâle en 1795 et de Paris en 1814. Le début du XIXe siècle voit de nouvelles tentatives d’accords qui aboutissent le 21 novembre 1829 à une première transaction divisant la jouissance du pays Quint. Ce pays Quint est un territoire de 25 km2, situé au sud de la vallée des Aldudes, à la limite des communes d'Aldudes, d'Urepel et de Banca. Le traité de Bayonne de 1856 accorde la propriété du territoire à l’Espagne, et la jouissance à la France. Plusieurs dispositions d’application ont été encore nécessaires — ordre du 22 décembre 1948 portant sur celui du 31 juillet 1892— pour faciliter l’application du traité de 1856. Au début des années 2010, la France verse toujours une somme forfaitaire aux vallées du Baztan et d’Erro, pour l’utilisation des pâturages, et les habitants du pays Quint paient l’impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France. Enfin, il faut noter que les représentants français et espagnols à la commission d'abornement de la frontière entre les deux États ont constaté des différences d'appréciation sur son tracé, notamment au pic du Néoulous, sommet du massif des Albères. Passages et voies de communication terrestres Le col du Perthus est emprunté en 218 av. J.-C. par Hannibal et son armée accompagnée d'éléphants lors de la Deuxième guerre punique. Plus à l'est, au col de Panissars où se dresse le trophée de Pompée, et que les Romains nomment Summum Pyrenaeum, se trouve le point de jonction de la Via Domitia au nord — entreprise depuis 118 av. J.-C. — et de la Via Augusta au sud. Le site de Panissar est partagé entre l’Espagne et la France depuis le traité des Pyrénées ; il a fait l’objet de fouilles et de publications conjointes menées par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon et son homologue de la généralité de Catalogne. Le trophée de Pompée, dont la construction est estimée des années 70 av. J.-C., possède une symbolique forte puisqu’il incarne la restauration en 1659 de la frontière franco-espagnole perdue lors du traité de Corbeil de 1258, également appelé « acte de paix ». Le 27 novembre 711, les armées musulmanes débarquent au djebel Tarik ou Gibraltar et s’emparent de Narbonne en 720, après avoir traversé les Pyrénées en provenance de Barcelone. La bataille de Roncevaux, le 15 août 778, voit l'arrière-garde commandée par Roland, neveu de Charlemagne, attaquée et détruite par les Vascons, alors que Charlemagne et le reste de l'armée franque franchissent le col sans être inquiétés. Près de trois siècles plus tard, en 1064, l’armée catalane d’Armengol, comte d’Urgell, à laquelle se sont alliés des contingents venus d’Italie, et celle de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine, renforcée de la chevalerie normande, flamande, champenoise et bourguignonne, traversent les Pyrénées par le col du Somport pour mettre le siège devant Barbastro. Le réseau d’autoroutes et de routes nationales franchissant la frontière est assez distendu ; le relief montagneux force les voies de communication à privilégier les zones côtières et quelques cols de la chaine pyrénéenne. À l'est et à l'ouest de la chaine des Pyrénées, deux autoroutes permettent des échanges routiers entre l'Espagne et la France. Il s'agit de la route européenne qui, venant de Narbonne sous le nom d'autoroute A9, rejoint Perpignan, puis se dirige vers Barcelone, sous le nom d'autoroute AP-7, après avoir passé la frontière au Perthus. De son côté, la route européenne E80 qui vient de Toulouse, rejoint, au niveau de Bayonne, la route européenne E70 en provenance de Bordeaux, et pénètre en Espagne à Biriatou / Irun. Avant son passage en Espagne, la voie se nomme autoroute A63, puis, dès le passage de la frontière, autoroute AP-8. Peu de routes nationales ou départementales permettent aux véhicules routiers le franchissement de la frontière, en reliant les réseaux routiers des deux pays. À l’extrême est, dans les Pyrénées-Orientales, la route départementale 86 (RD 86) franchit la frontière à Cerbère / Portbou, en suivant la côte méditerranéenne. En se dirigeant vers l’ouest, le col du Perthus, à 290 mètres d’altitude, connecte l’Espagne et la France par la route européenne 15. Il permet également le raccordement de la route nationale 9 française, en provenance de Perpignan, à la RN espagnole N-II qui se dirige vers Barcelone. En provenance de Céret, l’ancienne route nationale 615 parvient au col d’Ares, à 1 513 mètres d’altitude, sous le nom de RD 115. Elle rejoint alors la route espagnole C 38 qui se dirige vers Camprodon. Contournant l’enclave de Llívia, la RN 116 et la RN 20 retrouvent l’autoroute espagnole C-16 après avoir atteint Bourg-Madame / Puigcerdà. La RN 20, quitte Ax-les-Thermes vers le sud ; elle se divise en trois à l'Hospitalet-près-l'Andorre ; avant le col de Puymorens, elle se raccorde à la route desservant la principauté d'Andorre par le port d'Envalira et le tunnel d'Envalira sous les noms de CG 2 et CG 1, avant de rejoindre la N 14 espagnole. En Haute-Garonne, la RN 125 relie Montréjeau au Pont du Roi à Fos, desservant Vielha e Mijaran dans le val d'Aran par la N 230. En provenance d'Aínsa-Sobrarbe, la route espagnole A 138 traverse la frontière par le tunnel d'Aragnouet-Bielsa, long de 3 070 mètres, avant de remonter vers Lannemezan par la départementale D 173. En continuant vers l'ouest, le prochain passage d'importance est le col du Somport dans les Pyrénées-Atlantiques, à 1 632 mètres d'altitude. La route nationale 134 emprunte la vallée d'Aspe avant de franchir la frontière et de se diriger vers Canfranc par la route espagnole N 330. Puis, au sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, la D 933 se dirige vers Arnéguy, franchit la frontière sur le pont international et trouve la route nationale 135 qui se dirige vers le col de Roncevaux et Pampelune. À partir de Saint-Jean-Pied-de-Port, le réseau routier transfrontalier secondaire se fait plus dense, au fur et à mesure de la réduction de l'altitude. Le long de l'océan, la RN 10 est à présent doublée par l'autoroute A63, et le passage entre la France et l'Espagne se fait à Béhobie, sur la commune d'Urrugne, point de jonction avec la N 1 espagnole. Plusieurs voies ferrées franchissent la frontière entre l'Espagne et la France ; elles font l’objet d'une convention entre États signée à Paris le 18 août 1904. La ligne de Perpignan à Figueras est une ligne ferroviaire à grande vitesse adaptée pour les trains de voyageurs et de fret à écartement standard UIC. Elle franchit la frontière franco-espagnole par un tunnel de 8,3 kilomètres. La ligne de Portet-Saint-Simon à Puigcerda est une voie ferrée secondaire. Le tronçon Latour-de-Carol - Puigcerda comporte deux voies, une voie à écartement standard et une voie à écartement espagnol. En d'autres points, compte tenu de la différence d'écartement des voies, la frontière est encadrée par deux gares terminus des réseaux nationaux. Il en est ainsi pour la ligne de Narbonne à Port-Bou. La jonction avec le train de la Renfe s'effectue dans le tunnel entre Cerbère et Portbou. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le transfert des fruits en gare de Cerbère des trains espagnols sur des wagons français, dont l’écartement des roues diffère, se fait à dos de femmes appelées les transbordeuses d’oranges. Celles-ci déclenchent en 1906 une grève qui dure plus d’un an et qui constitue la première grève féminine française. Quoique le terminus se situe en Espagne une fois franchie la Bidassoa, la ligne de Bordeaux-Saint-Jean à Irun, à écartement standard, électrifiée et à double voie, s'arrête à Irun, où arrive la ligne espagnole de Madrid à Irun. Enfin, la ligne de Pau à Canfranc est une ligne internationale, à voie unique et à écartement standard, qui est fermée au trafic depuis un accident survenu le 27 mars 1970. L'exploitation de la ligne est depuis lors réduite à la section Pau - Bedous. Les chemins de Compostelle Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Au début du XIe siècle, Sanche III de Navarre, dit « le Grand », le monarque le plus puissant des royaumes chrétiens de la péninsule ibérique, transforme le pèlerinage de Compostelle, jusque-là circonscrit à la péninsule ibérique, en un pèlerinage international. En occupant et développant Nájera, il permet aux pèlerins qui viennent de franchir les cols pyrénéens, d’emprunter l’ancienne voie romaine qui passe par Astorga. L’action d’Alphonse le Batailleur, allié à Gaston le Croisé lors de la Reconquista, permet de libérer le bassin supérieur de l’Èbre, sécurisant ainsi l’accès à Saint-Jacques-de-Compostelle. « […] Il y a quatre routes qui, menant à Saint Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol. L'une passe par Saint-Gilles-du-Gard, Montpellier, Toulouse et le Somport. La route qui passe par Sainte-Foy-de-Conques, celle qui traverse Saint-Léonard-en-Limousin et celle qui passe par Saint-Martin-de-Tours se réunissent auprès d'Ostabat, et après avoir franchi le col de Cize (ou de Roncevaux) elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport. De là, un seul chemin conduit à Saint-Jacques […]. Trois colonnes nécessaires entre toutes au soutien de ses pauvres ont été établies par Dieu en ce monde : l’hospice de Jérusalem, l’hospice du Mont-Joux [Grand Saint-Bernard] et l’hospice de Sainte-Christine sur le Somport […]. » Texte attribué à Aimery Picaud et daté des années 1130. L’hospice de Sainte-Christine et le chemin passant par le Somport connaissent leur apogée vers le milieu du XIIe siècle, avant que l’itinéraire passant par le col de Roncevaux et son hospice, fondé par Alphonse le Batailleur, ne les supplantent. Selon Pierre Tucoo-Chala, les routes médiévales entre Béarn et Aragon empruntent les ports de Vénasque, à 2 444 mètres d’altitude entre Bagnères-de-Luchon et Benasque ; plus à l’ouest les cols d’Aragnouet et de la brèche de Roland permettent de rejoindre Bielsa ; puis viennent les cols du Pourtalet, des Moines, du Somport, de Pau, de la Pierre-Saint-Martin et de Larrau, sans oublier le chemin qui, passant par Sainte-Engrâce, est le principal accès aux XIIe et XIIIe siècles. En ce début de XXIe siècle, trois des chemins contemporains — la via Turonensis, la via Lemovicensis et la via Podiensis — s'unissent à Ostabat, la traversée de la frontière se faisant par le col de Bentarte ou par Valcarlos, en amont du col de Roncevaux. La via Tolosane emprunte, quant à elle, le col du Somport pour franchir les Pyrénées. Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens La chaîne des Pyrénées est parcourue par de nombreux chemins de randonnée, qui empruntent parfois des voies traditionnelles pastorales ou antiques (romaines). Ces chemins font l'objet de balisages locaux, à l'initiative des communes. Certains d'entre eux se distinguent néanmoins parce qu'ils relient des points particuliers ou qu'ils parcourent des lieux chargés d'histoire. Le sentier de grande randonnée 10 (GR 10) est un sentier situé en France uniquement, qui traverse la totalité de la chaîne montagneuse depuis Hendaye sur la Côte basque, à Banyuls-sur-Mer sur la Côte Vermeille. Long de 910 km, il suit un itinéraire de moyenne montagne, alors que la Haute randonnée pyrénéenne suit les lignes de crête. Sur le versant espagnol, le sentier espagnol de grande randonnée 11 relie également les deux extrémités pyrénéennes du cap Higuer, sur l'Atlantique, au cap de Creus, côté méditérannéen. D’autres sentiers de randonnées sont référencés, comme le chemin des Bonshommes (GR 107), long de 224 km entre Foix en Ariège et Berga en Catalogne. Il franchit la frontière au col de la Porteille Blanche à 2 517 m et rencontre les châteaux de Foix et de Montségur, l'église de Mérens-Les-Vals et l'abbaye de Bellver de Cerdany. Le sentier cathare (GR 367) mène, quant à lui, de Port-la-Nouvelle (Aude) à Foix, en suivant 221 km de sentier qui font découvrir les châteaux d’Aguilar, Padern, Quéribus, Peyrepertuse, Puivert, Montségur, Roquefixade et enfin, celui de Foix. Le sentier dit « chemin Walter-Benjamin » relie Banyuls à Portbou. Cet ancien chemin de contrebandiers, long de 17 km, a vu le suicide du philosophe allemand Walter Benjamin, le 26 septembre 1940. ,Le « chemin de la Liberté », à travers le Couserans, part de Saint-Girons et conduit, par le mont Valier, à Sort sur 72 km. Il commémore le passage de près de 3 000 fugitifs durant la Seconde Guerre mondiale et de leurs passeurs. Les Pyrénées offrent, de part et d’autre de la ligne de crête, des refuges de montagne aux randonneurs et alpinistes ; du côté français, la plupart sont gérés par le club alpin français (CAF), et sur le versant sud, par des clubs affiliés à la federación Española de déportes de montaña y escalada (FEDME). La frontière maritime Deux zones, à l’ouest et à l’est de la frontière terrestre, font ou on fait l’objet d’une négociation en vue d’une délimitation maritime afin de déterminer la frontière maritime, l’une dans le golfe de Gascogne et l’autre en mer Méditerranée. En termes de frontières maritimes, le droit applicable est désormais celui défini par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, amendée par le protocole du 28 juillet 1994. La France et l’Espagne — et pour la mer Celtique, la France, l'Irlande et le Royaume-Uni — ont déposé le 19 mai 2006 une « demande conjointe à la commission des limites du plateau continental pour étendre leur plateau continental au-delà de la limite des 200 milles de la zone économique exclusive dans la région du golfe de Gascogne ». Les frontières maritimes font l’objet d’un désaccord entre l’Espagne et la France depuis les années 1970, et n’est toujours pas définitive au Ier janvier 2015. Voies maritimes Deux autoroutes de la mer ont été établies pour transporter des poids lourds entre l’Espagne et la France sur la façade atlantique, au départ de Gijón et de Vigo vers Saint-Nazaire. La ligne au départ de Gijón reliait les Asturies à la Loire-Atlantique en quatorze heures. Faute de rentabilité, elle est interrompue à compter du 14 septembre 2014 et remplacée en 2015 par la ligne partant de Vigo. L’île des Faisans L’île des Faisans, située dans l’estuaire de la Bidassoa entre Béhobie et Irun, est un cas particulier de la frontière entre les deux États. Elle possède le statut de condominium et elle est gérée alternativement par l’Espagne et par la France. Elle demeure dans l’histoire comme le lieu où le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne est âprement négocié en 1659 par le cardinal Mazarin et don Luis de Haro, en parallèle du traité des Pyrénées. En vertu de l'article 25 du traité de Bayonne de 1856, toute embarcation naviguant, passant ou pêchant dans la Bidassoa est soumise à la seule juridiction du pays auquel elle appartient. Néanmoins, « […] pour prévenir les abus et difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage [doit être] considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du pays auquel appartient cette rive ». L'île a pour dimensions une longueur d'environ 210 m et une largeur maximum de 40 m. Sa superficie est de 6 820 m2. Les commandants de Marine installés à Bayonne et à Saint-Sébastien sont chargés à tour de rôle, par période de six mois, de faire appliquer la convention franco-espagnole qui régit l'estuaire de la Bidassoa ainsi que de l'entretien de l'île ; ils portent tous deux le titre de vice-roi de l’Ile des Faisans. L'un d'eux est le lieutenant de vaisseau Louis Marie Julien Viaud, plus connu sous le nom de plume Pierre Loti. Économie frontalière et transfrontalière Tourisme et migrations transfrontalières Les chemins de Compostelle ont engendré des échanges économiques que, dès la fin du XIe siècle, Sanche Ramirez tente de contrôler en imposant des droits de douane prélevés sur les produits de luxe à Jaca et Pampelune. Les produits concernés sont principalement les armes — lances, épées, écus et hauberts fabriqués en France — et les textiles, ces derniers provenant de Bruges, de Byzance ou d’Al-Andalus. Un millénaire plus tard, en 2011, plus de neuf millions de touristes français ont franchi la frontière — terrestre, maritime ou aérienne — pour se rendre en Espagne et cinq millions de touristes espagnols ont visité la France, alors que le transport routier a représenté pour cette même année le passage transfrontalier de 6 millions de poids lourds, essentiellement au Perthus et à Biriatou. Énergie et transports La zone frontalière fait l’objet de plusieurs projets dans les domaines de l’énergie et des transports. Ainsi, la ligne enterrée à très haute tension entre Baixas (Pyrénées-Orientales) et Santa Llogaia d'Àlguema (Catalogne), d'une longueur de 65 km, emprunte un tunnel de 8 km sous les Pyrénées dont le percement a commencé le 15 février 2012. La mise en service commerciale de cette nouvelle ligne de 1 400 mégawatts a eu lieu en juin 2015. Elle vient doubler un ensemble existant de quatre autres lignes — Arkale - Argia, Hernani - Argia, Biescas - Pragnères et Vic - Baixas — d’une capacité de 1 400 mégawatts. D’autre part, les deux États ont entrepris l’étude de faisabilité d’une ligne sous-marine d’une puissance supérieure à 2 000 mégawatts reliant le nord de la Gironde au Pays basque espagnol. Le réseau gazier à deux sens existant en 2012 se trouve renforcé en 2013 et 2015 par deux nouvelles liaisons sur la façade ouest résultant de deux investissements privés, l’un à Larrau et l’autre à Biriatou, contribuant à l’intégration des marchés gaziers des deux pays sur l’axe Afrique-Espagne-France. Ces investissements portent les échanges gaziers annuels entre les deux pays et dans les deux sens à 7,5 Mds m3. Économie et accords frontaliers Conséquence du relief montagneux et de la configuration des vallées, isolées les unes des autres, les populations pyrénéennes ont développé, depuis l’Antiquité et en toute indépendance, des systèmes juridiques et économiques propres. Insensibles aux changements politiques qui ont marqué l'histoire des deux versants du massif pyrénéen, elles ont passé, de vallée à vallée, des accords qui ont continué à se développer bien après la constitution des États espagnol et français. Dans une économie traditionnelle pastorale, qui jouit du régime de la propriété indivise des terres, un « système de démocratie directe à base familiale » se développe à partir de la cellule que constitue la maison. Compte tenu de l’absence de frontière précise entre versants opposés, ou sur le même versant, les communautés se sont souvent trouvées confrontées à des problèmes de voisinage, le plus souvent liés à l’utilisation des pâturages. Elles ont alors développé des conventions, ou faceries, permettant un usage consensuel et pacifique des pâturages. Cette pratique est avérée de l’ouest à l’est de la chaîne pyrénéenne. Les faceries les plus anciennes, dont des conventions écrites nous sont parvenues, datent de 1171 - 1175 ; elles régissent les relations entre Bagnères-de-Bigorre et le Lavedan, deux territoires situés sur le versant français. Un autre accord attesté date de 1314, entre Saint-Savin, en France, et Panticosa sur le versant espagnol. Nombreuses à partir du XIVe siècle, les faceries établissent avec précision les limites des pacages communs ou respectifs, leur bornage et les sanctions frappant les auteurs d’infractions. Alors que les États se constituent et que la frontière acquiert sa notion de limite militaire, politique, puis douanière, les faceries intègrent des dimensions nouvelles à partir du XVe siècle, qui consistent en la protection de l’économie locale et la liberté des transactions, indépendamment des conflits nationaux et des règles fiscales propres à chaque royaume. Dans le prolongement de cette évolution se développe un concept politique de « petites républiques », qui donne naissance à des traités de lies et passeries, c’est-à-dire de neutralité ou de surséance à la guerre. Durant la guerre de Succession d'Espagne, au début du XVIIIe siècle, les populations pyrénéennes « [refusent] de contribuer à l’effort militaire demandé par leur souverain respectif. Ils [préviennent] même leurs voisins du versant opposé à l’approche des troupes, afin qu’ils puissent se mettre à l’abri avec leur bétail, voire se défendre et attaquer […] ». Malgré les pressions centralisatrices des XVIIIe et XIXe siècles, les faceries perdurent et sont même officiellement reconnues dans le traité de 1856 ; certaines d’entre elles sont toujours en vigueur, comme la convention existant depuis une sentence arbitrale de 1375 entre la vallée de Barétous et celle de Roncal, ou celle renouvelée le 3 novembre 1997 au col de Lizarrieta entre les « nobles et valeureuses villes frontières de Vera de Bidassoa et de Sare ». Traités de Bonne Correspondance La notion de neutralité vis-à-vis des conflits entre États est l’idée centrale des traités de Bonne Correspondance. En cela, et même si les premiers d’entre eux semblent dater de la fin du XIIIe siècle et du début du siècle suivant — 1284, 1306, 1309, 1311 et 1328 ; il s'agissait à cette époque de régulariser la restitution de pinasses volées autant par des habitants de Bayonne ou de Biarritz que par ceux de Santander ou de Castro-Urdiales — ils prennent véritablement leur sens à partir du XVIe siècle, c’est-à-dire après la consolidation du concept d’État et au moment des premiers heurts d’importance entre François Ier et Charles Quint. Ces traités concernent la partie ouest de la chaîne des Pyrénées et plus précisément le Labourd, Bayonne — qui est anglaise jusqu’en 1451 —, le Guipuscoa et la Biscaye. Ils visent à régler les rapports et échanges maritimes entre ces entités dans le but de faire prospérer les ports, permettant par exemple aux bateaux labourdins de venir hiverner dans les ports basques espagnols, notamment celui de Pasajes, compte tenu de l’insuffisance des abris dans les ports français ou anglais (Bayonne). La collaboration interrégionale est en effet mise à mal par la survenue de guerres, permettant en particulier l'activité des corsaires. À la différence des lies et faceries, la signature des traités de Bonne Correspondance requiert l’approbation des suzerains espagnols et français. Le roi de France accorde une autorisation préalable. Il entend, en outre, confirmer expressément chacun des traités. Le 20 septembre 1694, le duc de Grammont représente « à Bayonne la ratification du traité de Correspondance fait par le Roy entre le gouverneur de Bayonne, le syndic du Labourd, la province du Guipuzcoa et la seigneurie de Biscaye ». Il en est de même pour la partie espagnole puisque l'article 12 du traité de 1653 prévoit qu'« il sera réciproquement ratifié par Leurs Majestés Très Chrétiennes et Très Catholiques » et enregistré dans les « Admirautez de France et dans celles d'Espagne ». Ces traités sont conclus suivant une structure type et un formalisme renforcé à partir du milieu du XVIIe siècle. Ils ouvrent la voie à la notion moderne d'eaux territoriales. En effet, un traité de 1719 fixe à « quatre lieues à partir des côtes l'étendue de la mer territoriale qui forme un prolongement fictif du territoire national ». Il ajoute qu'« aucun acte de guerre ne pourra avoir lieu dans cette zone […] » et que « si deux navires ennemis se rencontrent dans le même port, l'un ne pourra en sortir que vingt-quatre heures après l'autre […] ». À partir du traité de 1653, la course est réglementée dans le périmètre de la mer territoriale, que le corsaire soit basque ou belligérant étranger aux trois provinces signataires. Enfin, deux articles du traité de 1653 tentent de réguler les actes de contrebande qui pourraient résulter d’une application large du principe de neutralité, rappelant notamment les dispositions prises par le roi d’Espagne en la matière. Les marchandises de contrebande introduites à tort dans les ports sont menacées de saisie et les contrevenants de mesures strictes de justice. En 1808, alors que les deux États sont engagés dans la guerre d'indépendance espagnole, Napoléon ne déroge pas à la règle suivie par les rois qui l’ont précédé ; il autorise en effet les Bayonnais à approvisionner Irun, autorisation qu’il étend en 1810 à tout le Guipuscoa et à la Biscaye. Économie frontalière Les échanges de travailleurs transfrontaliers de la zone frontière France-Andorre-Espagne sont relativement limités, comparés à ceux d’autres frontières comme celle entre la France et la Suisse. Ils sont estimés en 2007 à 4 600 dans le sens France vers le sud, et autant dans le sens Espagne vers le nord. Compte tenu de l’ampleur de la crise espagnole depuis les années 2000, les flux nord-sud s’avèrent depuis sensiblement inférieurs. Ils se concentrent aux deux extrémités du massif, avec une estimation de 2 500 personnes en 2007 dans la bande littorale basque, dans le sens nord - sud, et 300 personnes à destination de la Catalogne. La zone centrale, principalement du côté espagnol, est faiblement peuplée et à dominante agricole et pastorale. En conséquence, les coopérations transnationales portent surtout sur le développement de l’économie rurale, du tourisme, de la culture et de la protection de l’environnement et des ressources. Ainsi, l’association de droit français Xareta regroupe sur un territoire à cheval sur la frontière, les villages d’Ainhoa, Sare, Urdax et de Zugarramurdi ; elle a pour objectif l’organisation économique autour des atouts touristiques, agricoles et naturels de la zone. Autre exemple, à l’initiative du comité Izpegi, des Amis de la Vieille Navarre et du gouvernement de Navarre, la communauté de communes de Garazi-Baigorri (Pyrénées-Atlantiques) et 16 communes espagnoles de la communauté forale de Navarre — vallées du Baztan, d'Erro et d'Esteribar ainsi que les villages de Valcarlos et de Burguete — ont signé en 2005 une convention ayant pour objectif le développement du tourisme autour des richesses patrimoniales locales. La coopération portant sur l’environnement est illustrée par les conventions développées entre des parcs nationaux de chaque côté de la frontière, comme celle rapprochant le parc national des Pyrénées et le parc national d'Ordesa et du Mont-Perdu, ou encore entre le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et celui de Pallars Sobira. D’autres aspects de l’économie frontalière trouvent leurs racines dans les relations de communautés transfrontalières, souvent familiales et culturelles, comme c’est le cas par exemple dans la zone frontalière de Sare (Pyrénées-Atlantiques). L’activité pastorale a donné lieu très tôt à une compascuité naturelle, toujours d’actualité et présente tout au long du massif pyrénéen ; les disparités de taxes et la solidarité entre les communautés de part et d’autre de la frontière sont à l’origine de deux phénomènes économiques singuliers, l’apparition d'une part de points de vente peu après la frontière, du côté espagnol, les ventas, et l’émergence d’autre part de la contrebande, qui concernait initialement des produits de première nécessité, échangés entre les vallées. Le phénomène des ventas existe en d’autres points de la frontière, en particulier à l’est du massif pyrénéen, où se trouve l’autre grande voie de passage touristique. Le village de La Jonquera est devenu une ville-supermarché souhaitant attirer touristes et professionnels de la route. La contrebande est également un phénomène présent dans la partie orientale de la frontière — de même qu’à la frontière avec Andorre — et les douanes perpignanaises effectuent une grande partie des prises de contrebande de tabac du territoire français. En Roussillon également, l’activité économique liée à la contrebande est ancienne, datant de l’application du traité de 1659. Coopération transfrontalière institutionnelle La coopération transfrontalière institutionnelle est encadrée par le traité de Bayonne de 1995, mais également par le programme opérationnel de coopération territoriale Espagne - France - Andorre appelé programme Interreg IV POCTEFA. Le soutien financier communautaire prodigué vise à soutenir l'intégration économique et sociale de la zone frontalière franco-espagnole. Les axes de travail qui ont été privilégiés sont de « […] renforcer l’intégration transfrontalière en valorisant les complémentarités dans le domaine des activités économiques, de l’innovation et du capital humain, [de] valoriser les territoires, le patrimoine naturel et culturel dans une logique durable, [de] protéger et gérer les ressources environnementales et [d’]améliorer la qualité de vie des populations à travers des stratégies communes de structuration territoriale et de développement durable ». La gestion du programme est assurée par le consorcio de la communauté de travail des Pyrénées (CTP). La CTP est créée en 1983 et gérée en consorcio depuis 2005 pour contribuer au développement du massif pyrénéen, en suscitant et améliorant les relations entre territoires et acteurs. Elle propose et engage des actions transfrontalières en réponse à des problèmes et des enjeux partagés par les deux versants du massif. Sa compétence s'adresse à une zone couvrant plus de 220 000 km2 et regroupant près de 18 millions d'habitants. D’ouest en est, des groupements européens de coopération territoriale (GECT) recouvrent le massif pyrénéen en intégrant les régions des deux versants. Il s’agit de l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi, du GECT Espace Pourtalet, du GECT Pyrénées-Cerdagne et du GECT Pyrénées-Méditerranée. La coopération entre France et Espagne s’exprime également en matière de santé par la création de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá, dans le but de fournir des soins médicaux à environ 30 000 habitants de la vallée de Cerdagne, de part et d'autre de la frontière franco-espagnole. De même, l’éducation fait l’objet de rapprochements transfrontaliers comme l’institut franco-catalan transfrontalier, au sein de l’université de Perpignan, ou encore un programme de la faculté de Bayonne, proposant un master « Affaires européennes et internationales » avec une spécialisation « Coopération transfrontalière et interrégionale ». Douane et contrôles frontaliers La France et l’Espagne adhèrent à l’union douanière de l'Union européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 1968, et sont toutes deux membres de l’espace Schengen depuis le 26 mars 1995. Depuis lors, les postes-frontière ont été fermés ; le Code frontières Schengen en vigueur depuis le 13 octobre 2006 stipule en effet, que les États participants doivent supprimer tous les obstacles à la libre circulation dans les frontières internes de l’espace. Les contrôles douaniers font l’objet d’une coopération bilatérale entre la France et l’Espagne, formalisée par le traité du 7 juillet 1998 ; ce dernier prévoit des échanges d’agents entre les services ou unités douanières des deux parties, en particulier dans le domaine des stupéfiants. En 2011, 188 personnes ont été interpellées dans les deux pays, dans le cadre de cette collaboration. Un groupe de liaison anti-drogue (GLAD) a été créé en 2008 pour améliorer la coopération judiciaire contre le crime organisé. De même des équipes communes d’enquêtes (ECE) existent depuis juillet 2003 pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme. Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Pablo Rodriguez 2018-04-09T19:31:56.176000000 2020-04-30T10:12:23.151000000 Pablo Rodriguez PT4H42M47S 35 LibreOffice/6.3.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/dd0751754f11728f69b42ee2af66670068624673 Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Mise en page d'un texte long Alimentation en Grèce antique Votre prénom et votre nom 2018-04-10 Histoire ou Géographie Votre groupe de TD Alimentation en Grèce antique 9 / 27 Mise en page d'un texte long B -Régimes alimentaires particuliers Mise en page d'un texte long 10 / 27 / / Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Alimentation en Grèce antique Mise en page d'un texte long Histoire ou Géographie Votre prénom et votre nom Votre groupe de TD 10/04/2018 Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Alimentation e n Grèce antique Repas Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin. Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches) [1]. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Le beurre est connu, mais on lui préfère l'huile d'olive. La nourriture s'accompagne de vin (rouge, blanc ou rosé) étendu d'eau et parfois aromatisé. L’alimentation des Grecs est connue par des sources à la fois littéraires et artistiques : les comédies d'Aristophane et les extraits d'œuvres préservées par le grammairien Athénée d'une part, les vases peints et les figurines en terre cuite d'autre part. En famille Les Grecs font trois repas par jour : Le premier, froid, est composé de pain d'orge trempé dans du vin pur, éventuellement agrémenté de figues entre autres fruits ; fromage et olives. Le second, sommaire, est pris vers midi ou au début de l'après-midi. Le troisième, le plus important de la journée, a généralement lieu à la nuit tombée. Il peut s'y ajouter un goûter en début de soirée ; littéralement un déjeuner dînatoire, peut être servi tard dans l'après-midi à la place du dîner. Les femmes sont rares lors des repas et des banquets, et elles s'y tenaient dans la plus grande réserve, et le silence. Il était d'usage qu'elles sortent lorsque les convives, ayant cessé de manger, se livrent à la conversation libre. Il semble que, dans la plupart des cas, les femmes prennent leurs repas à part. Si la taille de la maison ne le permet pas, les hommes mangent les premiers, les femmes passant à table une fois que ces derniers ont terminé leur repas. Les esclaves assurent le service. Dans les familles les plus pauvres, ce sont les femmes et les enfants, s'il faut en croire Aristote, qui pallient le manque d'esclaves. L'usage de déposer dans des tombes de petits modèles en terre cuite représentant des pièces du mobilier nous permet aujourd'hui d'avoir une bonne idée des meubles grecs. Les Grecs mangent assis, l'usage de banquettes étant réservé aux banquets ou aux aristocrates. Les tables, hautes pour les repas ordinaires et basses pour les banquets, sont d'abord de forme rectangulaire. Au IVe siècle av. J.-C., la table habituelle prend une forme ronde, souvent à pieds zoomorphes (par exemple en forme de pattes de lion). Les galettes de pain peuvent servir d'assiette, mais les écuelles en terre cuite ou en métal sont plus courantes. La vaisselle se raffine au fil du temps et l'on trouve des assiettes en matériaux précieux ou en verre pendant l'époque romaine. Les couverts sont peu utilisés à table : l'usage de la fourchette étant inconnu, on mange avec les doigts. On s'aide d'un couteau pour la viande et d'une cuillère semblable aux cuillères occidentales contemporaines pour manger soupes et bouillies. Des morceaux de pain ( ἀπομαγδαλία / apomagdalía) peuvent être utilisés pour se saisir de la nourriture ou, en guise de serviettes, pour s'essuyer les doigts. En société L'histoire des banquets publics (repas et symposion) montre de grandes différences entre, par exemple, le banquet aristocratique archaïque (du VIIIe au VIe siècle) et le banquet public organisé par la cité ou les évergètes dans les cités hellénistiques. Dans tous les cas, cependant, comme le dit J.-P. Vernant « il y a des formes et des degrés divers de sacré, plutôt qu'une polarité sacré-profane » et le religieux est présent autant dans le repas que dans le symposion. Enfin, le fait de manger et boire ensemble fonde la communauté civique. Le lieu le plus fréquent est le sanctuaire du dieu en l'honneur duquel se font les sacrifices, dans le hieron ou le temenos. La plupart des sanctuaires attiques, recevaient des banquets publics. Le lieu du symposion était aussi, souvent, situé au cœur de la cité : à Thasos sur un côté de l'agora archaïque, à Athènes le prytanée ne sert, au début du Ve siècle, qu'au banquet des prytanes, et la stoa sud comportait des salles de banquet pour 500 lits de table. Sur l'Acropole, la Pinacothèque pouvait être aménagée pour recevoir 17 lits (entre 440 et 430), tout ceci pour les « officiels ». Dans le quartier du Céramique, le Pompeion, de la fin du Ve siècle, et ses abords pouvaient recevoir les masses lors des banquets publics. Cependant d'autres espaces pouvaient convenir en certaines occasions. « Ainsi un bienfaiteur à Metropolis a fait lors des jours bachiques une hestiasis pour le dèmos « dans la montagne », ce qui n'est guère surprenant dans une fête en l'honneur de Dionysos. » Le συμπόσιον / sympósion — traditionnellement traduit par « banquet », plus littéralement « réunion de buveurs » — est l’un des « loisirs » préférés des Grecs. Il comprend deux parties : la première est consacrée à la nourriture, généralement assez simple, et la seconde à la boisson. En réalité, on consomme tragếmata également du vin avec le repas, et les boissons sont accompagnées des τραγήματα / tragếmata ou friandises à grignoter : châtaignes, fèves, grains de blé grillés ou encore gâteaux au miel, chargés d'absorber l'alcool et de prolonger la beuverie. Certains banquets font d'ailleurs partie de rituels qui en manifestent la dimension « sacrée ». La seconde partie est inaugurée par une ou plusieurs libations, un péan ou une simple prière, généralement en l’honneur de Dionysos. Puis l’on discute ou l’on joue à divers jeux de table, comme le cottabe — en effet, les convives sont allongés sur des banquettes. Des danseuses, des acrobates et des musiciens de location peuvent agrémenter la soirée. Le philosophe péripatéticien Théophraste montre dans ses Caractères le propriétaire d’un esclave qui a loué des filles, musiciennes et danseuses qui peuvent assurer tous les plaisirs des convives. Un « roi du banquet », tiré au sort, est chargé d'indiquer aux esclaves la proportion à observer entre le vin et l'eau dans la préparation de la boisson. Le chant ou la prière sont assez libres de composition ; la libation est composée d'une partie offerte à Zeus et aux dieux olympiens, une deuxième offerte au bon démon, et la troisième à Hermès [2]. Une coupe est remplie, qui passe de main en main chez les participants qui formulent une prière. Les libations obéissent à certaines règles : le nombre de libations par personne n'est pas limité, mais l'invocation ne va pas sans la libation. Après le repas et avant la beuverie, on couvre la tête des participants de bandelettes ou des couronnes de rubans. Théophraste montre dans ses Caractères un avare qui fait une petite libation, et de surcroît compte le nombre de coupes vidées, puis se plaint du prix des bandelettes et autres rubans (les objets rituels nécessaires s'échangeaient). Strictement réservé aux hommes — à l'exception des danseuses et des courtisanes, les femmes se devaient de rester entre elles dans Le Banquet de Platon, Aristodème prie la joueuse d'aulos de rejoindre les femmes de la maison dans la pièce qui leur est réservée ; celle qui se mêle aux hommes est vue comme une esclave, comme tout sauf de condition libre, passible d'attaque en justice — le banquet est un élément essentiel de la sociabilité grecque. Il peut être organisé à l'instigation d'un particulier conviant ses amis ou sa famille, à l'instar de modernes invitations à dîner. Il peut également rassembler, de manière régulière, les membres d'une association religieuse ou d'une hétairie (sorte de club aristocratique). Les grands banquets sont évidemment l'apanage des plus riches, mais dans la plupart des foyers grecs, les fêtes religieuses ou les événements familiaux sont l'occasion de banquets plus modestes. Le philosophe péripatéticien Hippoloque de Macédoine, ami et condisciple de Lyncée de Samos, lui a écrit une lettre au sujet d'un banquet de mariage auquel il a été convié : on servit du vin, puis un pain d'égale largeur, des poules, des canards, du pigeon (ramier), etc. Chacun ayant pris ce qu'on lui présentait, le donna avec le plat aux esclaves ; on présenta aussi à la ronde nombre d'autres différents mets. Ce service fut suivi d'un autre, dont faisait partie un grand pain, des oies, des lièvres, des chevreaux, des tourtereaux, des perdrix. Les mêmes mets furent aussi donnés aux esclaves. Ayant ainsi pris assez de nourriture, les invités se sont lavé les mains, et des joueuses de flûtes, des musiciens, et des harpistes rhodiennes couvertes d'un voile[style à revoir]. Elles se retirèrent après un court début : aussitôt il en parut d'autres, portant chacune deux pots de parfum. On servit ensuite à chacun, pour souper, un plat contenant un très gros cochon rôti. Hippoloque ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** mentionne des grives rôties, des becfigues où l'on avait versé des jaunes d'œufs, des huîtres, des pétoncles. « Le cochon fut suivi d'un autre chevreau bouillant dans la sauce sur un autre plat. Dès que nous fûmes débarrassés de ce monde, nous nous mîmes à boire. » La dernière partie du banquet, celle consacrée à la beuverie, était également prétexte à la danse ; inviter une danseuse sans être au moins éméché est très mal vu en société ; l'ivresse doit servir de prétexte. Le banquet a servi de cadre à une littérature de genre : Le Banquet de Platon, Le Banquet de Xénophon, les Propos de table de Plutarque ou encore le Banquet des Deipnosophistes d’Athénée. Syssities Les syssities ( τὰ συσσίτια / tà syssítia) sont des repas obligatoires pris en commun dans le cadre de groupes sociaux ou religieux rassemblant hommes et jeunes gens. Ils concernent principalement la Crète et Sparte et prennent le nom d’hetairia, pheiditia, ou andreia. Ils fonctionnent comme des clubs aristocratiques et comme un mess militaire. Comme les banquets, les syssities sont le domaine exclusif des hommes ; quelques références décrivent également des syssities exclusivement féminines. Au contraire des banquets, cependant, les repas se caractérisent par la simplicité et la tempérance. Pain Les céréales ( σῖτος / sĩtos) constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur ( πύρος / pýros), d'épeautre ( ζειά / zeiá) et d'orge ( κριθαί / krithaí). Mondé par trempage, le blé peut être transformé de deux manières principales : réduit en gruau, il sera employé en bouillie ; moulu en farine ( ἀλείατα / aleíata) et pétri, il sert à fabriquer du pain ( ἄρτος / ártos) ou des galettes, simples ou mélangées à du fromage ou du miel. Le levain est connu ; à partir de l'époque romaine, les Grecs utilisent un composé alcalin ou de la levure de vin comme agent levant. Les pâtons sont cuits à la maison dans un four en argile (ἰπνός / ipnos) surélevé par des pieds. Une technique de cuisson plus rustique consiste à déposer des charbons ardents sur le sol en terre et de recouvrir le tas d'un couvercle en cloche ( πνιγεὐς / pnigeus) ; quand le sol est suffisamment chaud, on pousse les charbons sur le côté, on dépose les pâtons et le couvercle est remis en place, sous les charbons. Le four en pierre n'apparaît qu'à l'époque romaine. D'après une prescription de Solon, législateur athénien du VIe siècle av. J.-C., le pain de froment doit être réservé aux jours de fête. Cependant, dès l'époque classique et pour peu qu'on en ait les moyens, on le trouve tous les jours chez la boulangère, profession qui apparaît à Athènes au Ve siècle. L'orge est plus facile à produire mais peu panifiable. Elle donne des pains nourrissants mais très lourds. De ce fait, elle est plutôt grillée puis moulue pour donner une farine ( ἄλφιτα / álphita), laquelle sert à fabriquer (le plus souvent sans cuisson puisque les grains ont déjà été grillés) la μᾶζα / mãza, le plat de base grec, comme le souligne le surnom de « mangeurs d'orge » dont les Romains affublaient les Grecs. Dans la Paix, Aristophane emploie l'expression ἔσθειν κριθὰς μόνας, littéralement « ne manger que de l'orge », équivalent du français « être au pain sec et à l'eau ». Nous connaissons plusieurs recettes de la maza : elle peut être servie cuite ou crue, sous forme de bouillie, de boulettes ou de galettes. Là encore, la maza peut être agrémentée de fromage ou de miel. Fruits et légumes Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin La présence de figues carbonisées, près des restes de raisin, laisse supposer qu'elles ont servi d'adjuvant sucré pour camoufler l'amertume du jus des vignes sauvages. Les céréales sont souvent servies avec un accompagnement appelé génériquement ὄψον / ópson. Le mot désigne d'abord tout ce qui se prépare sur le feu, et par extension tout ce qui accompagne le pain. À partir de l'époque classique, il s'agit de poisson et de légumes : choux, oignons, lentilles, fèves, différentes espèce de gesses, vesces ou encore pois chiches. Ils sont servis en soupe, bouillis ou en purée ( ἔτνος / étnos), assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre, de γάρον / gáron — sauce de poisson proche du nuoc mam vietnamien — et d'herbes. S'il faut en croire Aristophane, la purée est l'un des plats favoris d'Héraclès, toujours représenté comme un goinfre dans la comédie. Les plus pauvres consomment couramment des glands de chêne ( βάλανοι / bálanoi). Les olives sont une garniture fréquente, qu'elles soient crues ou confites. En ville, les légumes frais sont chers et peu consommés : les citadins peu fortunés se rabattent sur les légumes secs. La soupe de lentilles ( φακῆ / phakễ) est le plat typique de l'ouvrier. Les rations militaires typiques contiennent de l'ail, des oignons et du fromage. Aristophane évoque ainsi le « rot de mangeur d'oignon » typique du soldat ; ailleurs, le chœur chante la paix et sa « joie d'être délivré du casque / du fromage et des oignons ». Les fruits, frais ou secs, sont mangés en dessert. Ce sont principalement les figues, les grenades, les noix et noisettes. Les figues sèches sont également consommées en apéritif, en buvant du vin. Dans ce cas, elles sont souvent accompagnées de graines de lupin, de châtaignes, de pois chiches ou de faines grillées. Viande Manger de la viande est chose rare, sauf aux fêtes ou autres banquets. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée mais aussi son implantation : à la campagne, la chasse (principalement le piégeage pour les petites gens) permet de consommer du lièvre et des oiseaux. Les paysans possèdent également des basses-cours les fournissant en poulets et en oies ; les propriétaires un peu aisés ou riches pratiquent un élevage d'appoint de chèvres, porcs et moutons, et les chasseurs s'offrent le produit de leurs prises : sangliers, cerfs. À la ville, les viandes sont chères, à l'exception de la viande de porc : à l'époque d'Aristophane, un cochon de lait coûte trois drachmes, soit trois jours de travail d'un ouvrier de chantier public. Les riches comme les pauvres consomment des saucisses. Des boudins faits d'estomac de chèvre bourrés de graisse et de sang sont déjà mentionnés dans l'Odyssée. La civilisation mycénienne pratiquait l'élevage de bovins pour leur viande. Au VIIIe siècle av. J.-C. encore, Hésiode décrit son idéal de festin campagnard : « puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Byblos, une galette bien gonflée et du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée ». La viande est beaucoup moins mentionnée dans les textes de l'époque classique que dans la poésie archaïque ; il est possible que cette évolution ne reflète pas une évolution des habitudes de consommation, mais seulement les codes de chaque genre littéraire. La consommation de viande a principalement lieu à l'occasion des sacrifices religieux qui donnent lieu à des festins civiques : la part des dieux (graisse, fémurs et viscères) est brûlée alors que la part des hommes (viande) est grillée et distribuée aux participants. Il existe parallèlement un commerce florissant de viandes cuites ou salées, qui semblent elles aussi être issues de sacrifices. La technique bouchère grecque a ceci de particulier que l'animal n'est pas découpé suivant le type de morceau, mais en portions de poids égal : chacune d'entre elles peut donc être composée presque entièrement de graisse et d'os ou au contraire seulement de viande, et mêler morceaux à braiser, rôtir, bouillir ou griller. Un passage de comédie illustre les problèmes que la pratique suscite : « Chairéphon achetait un jour de la viande ; le boucher, dit-on, lui en coupa par hasard un morceau très osseux. Il lui dit : « Boucher, ne compte pas l'os », ce à quoi celui-ci répondit : « Mais la viande est tendre : on dit qu'elle l'est quand elle est près de l'os. » Et Chairéphon de dire : « Soit, cher ami, mais son poids supplémentaire me chagrine, où qu'il se trouve. » En Crète, les meilleures parts sont allouées aux citoyens particulièrement sages ou bons guerriers ; dans d'autres cités, comme Chéronée, les portions sont tirées au sort, ce qui donne à chacun une chance égale d'obtenir un bon ou un mauvais morceau. Par conséquent, un Grec achetant sa viande au marché ne peut guère choisir qu'entre les abats et la viande à proprement parler : aucune source n'en montre commandant une côtelette ou un gigot. Les Spartiates se nourrissent principalement d'un ragoût de porc, le brouet noir ( μέλας ζωμός / mélas zômós). Plutarque indique que « parmi les plats, celui qu'ils apprécient le plus est le brouet noir ; c'est au point que les vieillards ne demandent même pas de viande ; ils la laissent aux jeunes et font leur dîner du brouet qu'on leur verse. » C'est pour les Grecs un véritable sujet de curiosité. « Bien sûr que les Spartiates sont les plus courageux de tous les hommes », plaisante un Sybarite, « n'importe quel homme de bon sens préférerait mourir mille morts plutôt que de mener une si pauvre vie. » Le plat est composé de viandes rôties de chèvre et porc, de sel, de vinaigre et de sang. Il est complémenté de maza, de figues et de fromage et parfois gibier ou de poisson. Élien, auteur du IIe-IIIe siècle, prétend que Sparte défend à ses cuisiniers de savoir préparer autre chose que de la viande. Poisson L'attitude des Grecs face au poisson varie suivant l'époque. Comme le remarquent les Grecs eux-mêmes, on ne mange pas de poisson dans l’Iliade, mais seulement des viandes rôties. Platon l'explique par l'austérité des mœurs de l'époque mais il semble qu'au contraire, le poisson ait alors été perçu comme la nourriture des pauvres. L’Odyssée évoque bien que les compagnons d'Ulysse mangent du poisson, mais uniquement parce qu'ils sont affamés après être passés par Charybde et Scylla et parce qu'ils doivent se nourrir de ce qui leur tombe sous la main. Au contraire, à l'époque classique, le poisson devient un mets de luxe, recherché par les plus fins gourmets et suscitant, à l'époque hellénistique, des traités spécialisés, comme celui de Lyncée de Samos sur L'Art d'acheter du poisson pour pas cher. Pour autant, tous les poissons ne se valent pas. Une stèle de la fin du IIIe siècle av. J.-C. provenant de la petite cité béotienne d'Akraiphia, sur le lac Copaïs, fournit une liste de poissons et de leurs prix respectifs, probablement pour protéger les consommateurs d'augmentations excessives : le moins cher est le skaren (sans doute du perroquet de mer), tandis que la ventrèche de thon coûte trois fois plus cher. Le poète Ériphe range les seiches avec la ventrèche de thon, la tête de loup et le congre au rang des mets dignes des dieux, et que les pauvres ne peuvent pas s'offrir. Les convives du banquet mis en scène par Athénée au IIe-IIIe siècleapr. J.-C. consacrent une grande partie de leur conversation à des considérations œnophiles et gastronomiques. Ils discutent des mérites comparés de tels vins, légumes ou viandes ; évoquent des plats renommés (seiches farcies, ventrèche de thon, écrevisses de mer, laitues arrosées de vin au miel) et grands cuisiniers — ainsi de Sotéridès, cuisinier du roi Nicomède Ier de Bithynie (IIIe siècle av. J.-C.). Alors que son maître, en pleines terres, se languit d'anchois, il lui en sert des imitations : des raves femelles soigneusement découpées en forme d'anchois, huilées, salées et saupoudrées de graines de pavot noires. Cet exploit de cuisinier, la Souda, encyclopédie byzantine, l'attribue par erreur au gourmet romain M. Gavius Apicius (Ier siècle av. J.-C.) — preuve qu'alors les Grecs n'ont plus rien à envier aux Romains. Au plus bas de l'échelle, les sardines, les anchois et autre menu fretin constituent l'ordinaire des citoyens athéniens. Parmi les autres poissons de mer courants, on peut citer le thon blanc, le rouget, la raie, l'espadon ou encore l'esturgeon, mets de choix consommé salé. Le lac Copaïs est lui-même fameux pour fournir des anguilles, renommées dans toute la Grèce et chantées par le héros des Acharniens. Parmi les autres poissons d'eau douce, on peut citer le brochet, la carpe ou le peu apprécié poisson-chat. Les Grecs apprécient également les œufs de poisson et fruits de mer : coquillages, seiches ( σηπία), poulpes ( πολύπους) et calmars ( τευθίς) sont frits ou grillés et servis comme amuse-gueule, comme accompagnements ou dans les banquets quand ils sont de petite taille ; des oursins ; les spécimens de grande taille relèvent du répertoire de la grande cuisine. Seiches et poulpes sont des cadeaux traditionnels lors de la fête des Amphidromies, lorsque les parents nomment leur enfant. S'agissant des coquillages, on peut probablement reconnaître dans ceux que citent les sources le bulot, la moule, la grande nacre, l'ormeau, la palourde, la patelle, le pétoncle ou praire ou encore le troque. Galien est le premier à mentionner la consommation de l'huître ( ὄστρεον) crue. Enfin, le crabe ( καρκίνος), le homard ( ἀστακός), la langoustine ( κάραϐος), la cigale de mer ( ἄρκτος) sont appréciés. L'oursin ( ἐχῖνος) est davantage connu le long des côtes. Le poisson est issu d'une pêche le plus souvent individuelle, très près des côtes et très artisanale, voire à la main. Si l'on peut supposer l'existence de criées, la plus grande partie de la pêche semble être vendue sur les marchés des cités, sur des étals spécialisés. Le poisson se présente souvent sous forme salée. Le procédé est surtout courant pour les petits poissons : l'expression « moins cher que le poisson saur » désigne un bien extrêmement commun et très bon marché. Il est également appliqué aux poissons gras — bonite, thon, maquereau, ange de mer, esturgeon — et même aux crabes et aux oursins. Œufs et fromage Les Grecs élèvent des canards, des oies, des cailles et des poules en partie pour leurs œufs. Certains auteurs louent également les œufs de faisan et d'oie. Les oiseaux dans le commerce, chez un boucher, sont vivants et tués à la demande, mais on peut supposer qu'ils étaient assez rares. Les œufs sont consommés durs ou à la coque en tant que hors-d'œuvre ou inversement, comme desserts, ou encore gobés. Ils sont également employés, sous forme de blancs, de jaunes ou entiers, dans la fabrication de certains plats. Le lait ( γάλα / gála) est bu par les paysans mais n'est quasiment pas employé en cuisine. Le beurre ( βούτυρον / boútyron) est connu mais lui aussi peu employé : les Grecs considèrent son usage comme une caractéristique des Thraces, qu'ils considèrent volontiers comme des rustres incultes, que le poète comique Anaxandridès surnomme les « mangeurs de beurre ». En revanche, ils apprécient les produits laitiers. On sert comme friandise ce qui devait ressembler à du yaourt, le πυριατή / pyriatế. Surtout, le fromage ( τυρός / tyrós), de chèvre ou de brebis, est un aliment de base. On le vend dans des boutiques distinctes suivant qu'il est frais ou non, le premier coûtant environ les deux tiers du prix du second. On le mange seul ou en mélange avec du miel ou des légumes. Il entre également, comme ingrédient, dans la préparation de bon nombre de plats, y compris de poisson. L'unique recette préservée du cuisinier sicilien Mithécos (Ve siècle av. J.-C.) indique ainsi : « cépole : videz, enlevez la tête, rincez et levez les filets ; ajoutez de l'huile et du fromage ». Cependant, cette utilisation du fromage est controversée : Archestrate avertit ses lecteurs que les cuisiniers siciliens gâchent le bon poisson en y ajoutant du fromage. Boissons La boisson la plus répandue est évidemment l'eau. Aller chercher de l'eau est la corvée quotidienne des femmes. Si le puits est inévitable, on préfère naturellement l'eau « d'une source toujours coulante et jaillissante, qui n'est pas trouble ». L'eau est reconnue comme nourrissante — elle fait grandir les arbres et les plantes — mais aussi comme désirable. Pindare juge ainsi « agréable comme le miel » l'eau d'une fontaine. Les Grecs peuvent qualifier une eau de lourde, sèche, acide, douce ou dure, vineuse, etc. Un personnage du poète comique Antiphane jure qu'il reconnaîtrait entre toutes l'eau de l'Attique par son bon goût. Enfin, Athénée cite un certain nombre de philosophes réputés pour ne boire que de l'eau, habitude conjuguée à une alimentation végétarienne (cfr. ci-dessous). On boit aussi couramment du lait de chèvre et de l'hydromel. L'ustensile habituel pour boire est le scyphos, ustensile en bois, en terre cuite ou en métal. Critias préservé par Plutarque mentionne ainsi le cothon, gobelet spartiate qui présente l'avantage, à l'armée, de cacher à la vue la couleur de l'eau et de retenir dans ses bords la boue qui peut s'y trouver. On utilise également la coupe à boire appelée kylix (à pied et large vasque), et dans les banquets, le canthare (coupe profonde à pieds) ou encore le rhyton (cornet à boire souvent plastique, c'est-à-dire à la panse moulée en forme de tête d'homme ou d'animal). Le vin La Grèce découvre probablement la viticulture au cours des IVe et IIIe millénaires av. J.-C. Elle est bien attestée par des tablettes écrites en linéaire A et en linéaire B, qui évoquent des vignobles, des vignes associées avec des arbres ou des céréales, et des vins doux, passerillés ou miellés. Homère et Hésiode décrivent les travaux de la vigne comme des pratiques traditionnelles. Les Travaux et les Jours montrent ainsi le viticulteur vendangeant des grappes bien mûres, qu'il laisse sécher au soleil pendant dix jours pour concentrer les sucres ; la technique est utilisée jusqu'à l'époque d'Hippocrate et de Dioscoride. Les grappes sont ensuite foulées dans des foulons portatifs puis pressées. Le moût est placé dans des pithoi, sorte de jarres rendues étanches à la poix, à demi-enterrées pour assurer une température stable, et laissées à fermenter pendant 10 à 30 jours. Les jarres sont ensuite bouchées jusqu'à la fin de l'hiver, ce qui correspond en Attique à la fête des Anthestéries. Théophraste, auteur d’un Traité de l'ivresse, montre au IIIe siècle av. J.-C. dans Histoire des Plantes que le « thériclée » utilisé pour consommer le vin est un calice, lorsqu'il parle du térébinthe, expliquant que l'on ne peut distinguer ceux de térébinthe de ceux de terre. Selon Théophraste, c’est le potier de terre corinthien Thériclès, contemporain d'Aristophane, qui imagina cette sorte de récipient. Le vin a été à une époque reculée, antérieure à son époque, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l’eau, afin d’user d’une boisson bien détrempée, de sorte qu’après en avoir bu, on fût moins avide de ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. Le vin est vinifié aussi bien en rouge qu'en rosé et en blanc. Les cépages employés sont très nombreux : Pramnos, Maronée, Phanaios de Chios, biblin de Phénicie, psithia, mersitis, etc On trouve toutes sortes de productions, des grands crus en provenance de Thasos, de Lesbos, Chios ou encore Rhodes au vin de table, et même une piquette légère, rinçage à l'eau du marc de raisin mêlé de lie, réservée à la consommation personnelle du producteur. Phanias, ami et condisciple de Théophraste, a décrit une préparation du vin dans laquelle il faut verser une partie d'eau de mer sur environ cinquante de vin doux ; il devient « anthosmias ». Il ajoute que l'anthosmias est beaucoup plus fort avec du vin de jeune plant, mais on faisait aussi de l'anthosmias en écrasant du raisin qui commençait à peine à tourner. Le vin doit être vendu pur. Vendre du vin coupé est une fraude contre laquelle les Géoponiques donnent des astuces : il suffit de jeter dans le vin un objet léger comme un morceau de pomme ou de poire, ou une cigale : si le vin est pur, l'objet flotte. Le vin est généralement consommé coupé d'eau ; pur, il n'est pas recommandé pour un usage courant : il semble en effet que son degré alcoolique ait été plus élevé que le vin actuel. Ceux de Santorin, de Crète, de Messénie, d'Arcadie et d'Attique varient entre 13° et 15°, voire atteignent 17° pour les plus forts. Le vin est mélangé dans un cratère et puisé par les esclaves à l'aide d'œnochoés (cruches) pour être servi dans les kylix (coupes) des buveurs. Le vin peut également aromatisé au miel, à la cannelle ou au thym. Élien mentionne également un vin mélangé de parfum. On connaît également le vin cuit et, à Thasos, un vin qualifié de « doux ». Certains vins sont salés, comme à Lesbos, en ajoutant de l'eau de mer ou en faisant tremper les grappes séchées au soleil dans de l'eau de mer ; si le goût semble avoir été apprécié, il peut également s'agir d'un moyen pour empêcher le vin de tourner. On connaît également, à l'époque romaine, un ancêtre du retsina (vin additionné de résine de pin) et du vermouth. Le vin pur peut être en revanche employé comme médicament ; de manière générale, on prête au vin des vertus médicales étonnantes. Élien mentionne ainsi que le vin d'Héraia en Arcadie rend fous les hommes et les femmes fertiles ; inversement, un vin achéen aide les femmes désirant avorter. Hors de ces applications thérapeutiques, la société grecque réprouve la consommation de vin par les femmes. S'il faut en croire Élien, une loi de Massalia l'interdit même et prescrit aux femmes de ne boire que de l'eau. Sparte est la seule cité où les femmes boivent couramment du vin. Les vins réservés à un usage local sont stockés dans des outres de peau. Ceux destinés à la vente sont versés dans des pithoi ( πίθοι / píthoi), grandes jarres en terre cuite. On les transvase ensuite dans des amphores enduites de poix, pour les vendre au détail. Les grands crus comportent des estampilles du producteur et/ou des magistrats de la cité afin de garantir leur origine (principe des appellations d'origine contemporaines). Cycéon et ptisane Les Grecs buvaient le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge allongé d'eau et additionné d'herbes et d'aromates. Dans l’Iliade, la boisson préparée pour Machaon par une servante est un cycéon comportant du fromage de chèvre râpé en plus de l'oignon. Dans l’Odyssée, Circé y ajoute du miel et un philtre magique. Dans l’Hymne homérique à Déméter, la déesse refuse du vin rouge mais accepte un cycéon composé d'eau, de farine et de menthe pouliot. Utilisé comme boisson sacrée dans les mystères d'Éleusis, le cycéon est aussi un breuvage populaire, surtout à la campagne : Théophraste montre dans ses Caractères un rustre ayant bu force cycéon et incommodant ses voisins par son haleine à l'Assemblée. La boisson est réputée pour ses vertus digestives : dans la comédie La Paix, le dieu Hermès la recommande au héros qui a abusé de fruits secs. Décoction d'orge, la ptisane est une décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de nourriture habituelle aux malades. Hippocrate la recommande plus particulièrement dans l'alimentation des patients atteints de maladies aiguës. Régimes alimentaires particuliers À l'époque archaïque et classique, la frugalité, imposée par les conditions physiques et climatiques grecques, est érigée en vertu. Les Grecs n'ignorent pas le plaisir que l'on peut prendre à se nourrir, mais celui-ci doit rester simple. Le campagnard Hésiode, cité plus haut, considère comme un festin de la viande grillée, du lait et des galettes, le tout à l'ombre par une belle journée. Encore le meilleur repas est-il celui qui est gratuit : « bombance sans écot n'est pas à laisser perdre », remarque le philosophe Chrysippe. La recherche culinaire et gastronomique est en revanche rejetée comme un signe de mollesse toute orientale : les Perses sont considérés comme décadents en raison de leur goût du luxe, qui se manifeste dans leur gastronomie. Les auteurs grecs se complaisent à décrire la table du Grand Roi achéménide et de sa cour : Hérodote, Cléarque de Soles, Strabon et plus encore Ctésias sont unanimes dans leurs descriptions. Au contraire, les Grecs se complaisent à souligner l'austérité de leur régime alimentaire. Plutarque raconte ainsi qu'un roi du Pont, curieux de goûter le fameux « brouet noir » spartiate, achète un cuisinier laconien. Il goûte le plat et le trouve très mauvais ; le cuisinier répond « Ô roi, pour goûter ce brouet, il faut s'être d'abord baigné dans l'Eurotas. » Selon Polyen, Alexandre le Grand, en découvrant la salle à manger du palais royal perse, se moque de leur goût pour la nourriture et y voit la cause de leur défaite. Pausanias de Sparte, en découvrant les habitudes alimentaires du Perse Mardonios, aurait pareillement ridiculisé les Perses qui « ayant le moyen de vivre [ainsi], est venu attaquer [les Grecs] pour [leur] ravir ce dont [ils] viv[ent] ainsi misérablement ». Conséquence de ce culte affiché de la frugalité, la cuisine reste longtemps le domaine des femmes, qu'elles soient libres ou esclaves. Malgré tout, dès la période classique, la réalité semble ne pas correspondre totalement au tableau peint par les Grecs : on voit déjà mentionner des spécialistes de l'art culinaire. Élien et Athénée mentionnent les mille cuisiniers accompagnant, à l'époque de Clisthène, Smindyridès de Sybaris dans son voyage à Athènes — même si c'est pour stigmatiser sa « mollesse ». Platon mentionne ainsi « Théarion le cuisinier, Mithécos, l'auteur d'un traité sur la cuisine sicilienne, et Sarambos, le marchand de vins, trois éminents connaisseurs en gâteaux, en cuisine et en vins. » Certains cuisiniers écrivent des traités de cuisine. Au fil du temps, de plus en plus de Grecs se présentent comme gourmets. Élien explique ainsi : « à Rhodes, celui qui fait grand cas des poissons et les apprécie et qui dépasse tout le monde en gourmandise est, dit-on, loué par ses concitoyens comme un noble esprit. » À la période hellénistique puis romaine, malgré les revendications de frugalité, les Grecs — du moins les riches — ne se montrent guère plus austères qu'ailleurs. Le végétarisme L'orphisme et le pythagorisme, deux courants religieux et philosophiques grecs, ont proposé un mode de vie différent, fondé sur l'idée de pureté et donc de purification ( κάθαρσις / kátharsis) — c'est au sens propre une ascèse : ἄσκησις / áskêsis signifie d'abord un exercice, puis un mode de vie particulier. Dans ce cadre, le végétarisme est un élément central de l'orphisme et d'un certain nombre de variantes du pythagorisme. L'enseignement de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) est plus difficile à cerner. Les auteurs de la Comédie moyenne, comme Alexis ou Aristophon, décrivent des pythagoriciens strictement végétariens, certains subsistant même au pain et à l'eau. Cependant, d'autres traditions se contentent d'interdire la consommation de certains légumes, comme la fève, d'animaux sacrés comme le coq blanc, ou même seulement certaines parties d'animaux. En outre, même des pythagoriciens mangent de la viande de temps à autre dans le cadre des banquets sacrificiels, afin d'obéir à leurs devoirs religieux : « c'est uniquement dans les animaux qu'il est permis de sacrifier que l'âme de l'homme ne peut pas pénétrer ; c'est pourquoi il faut manger les animaux du sacrifice, si nécessaire, et jamais les autres. » Empédocle condamne la consommation de viande et adopte une position proche du végétarisme moderne. On la justifie souvent par la croyance en la transmigration des âmes et la justice que l'on doit aux créatures : « Jeûnez de la méchanceté ! » L'âme de chacune des créatures, humaines, animales ou végétales, passe d'un corps à un autre, de la mort à la naissance et de la naissance à la mort, pour se purifier. On a fait observer qu'Empédocle aurait dû également refuser de manger des végétaux, puisqu'il croit que son âme s'est déjà incarnée en buisson : Dodds voit dans le végétarisme une conséquence de l'« antique horreur du sang versé » : Orphée enseigne de ne pas verser le sang. D'autres contestent l'attribution à Empédocle de la doctrine de la métempsycose, et lient son végétarisme à la doctrine suivant laquelle tous les êtres vivants sont parents : il faut donc ne manger que les fruits des plantes à maturité. Le sacrifice aux dieux devient symbolique : « Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût une vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il distribua à toute l'assemblée des jeux Olympiques. » Dans son Manger la chair, Plutarque (Ier-IIe siècles apr. J.-C.) reprend la thématique de la barbarie du sang versé et, renversant le débat habituel, somme l'homme zoophage de justifier son choix. Le néoplatonicien Porphyre de Tyr (IIIe siècle), dans son De l'abstinence, rattache le végétarisme aux Mystères crétois et recense les végétariens du passé en commençant par Épiménide, selon qui c'est Triptolème, à qui Déméter a confié le blé pour apprendre l'agriculture à l'humanité, qui est à l'origine du végétarisme : ses trois commandements sont « honore tes parents », « honore les dieux par des fruits » et « épargne les animaux ». La diète des malades Les médecins grecs s'accordent sur la nécessité d'une diète particulière pour les malades, mais le consensus s'arrête là. Dans son Régime des maladies aigües, Hippocrate rapporte que la ptisane est souvent utilisée, parce qu'elle est facile à absorber et qu'elle est réputée calmer la fièvre. Cependant, certains l'administrent épaisse, avec ses grains d'orge, tandis que d'autres la prescrivent filtrée des grains d'orge. D'autres encore n'autorisent que les boissons jusqu'au septième jour, puis passent à la ptisane et enfin, certains interdisent toute forme de nourriture solide tout au long de la maladie. Les prescriptions d'Hippocrate sont elles-mêmes évaluées de manière diverse : certains médecins accusent le grand médecin de faire jeûner les malades ; au contraire, d'autres lui reprochent de trop les nourrir. À l'époque hellénistique, l'alexandrin Érasistrate fait grief aux disciples d'Hippocrate de contraindre les malades à ne boire qu'un peu d'eau, sans prendre de nourriture : c'est en fait la doctrine des méthodistes, qui ordonnent une diète stricte pendant les 48 premières heures de la maladie. Inversement, un certain Pétronas recommande de manger du porc rôti et de boire du vin pur. Les régimes des athlètes S'il faut en croire Élien, le premier athlète à s'être soumis à un régime alimentaire particulier est Iccos de Tarente, un athlète du Ve siècle av. J.-C.. Platon confirme qu'il suit un régime très strict, l'expression « repas d'Iccos » devenant proverbiale. Pourtant, Milon de Crotone, champion olympique de lutte, est déjà réputé avaler 7,5 litres de vin, 9 kilos de pain et autant de viande par jour. Avant lui, les athlètes de l'époque classique observent un régime à base d'aliments secs ( ξηροφαγία / xêrophagía) composé de figues sèches, de fromage frais, de noix, et de pain. Le vin leur était interdit. Pythagore (soit le philosophe, soit un maître de gymnastique) est le premier à proscrire aux athlètes de manger de la viande. Par la suite, les entraîneurs appliquent une sorte de régime standard : pour prétendre au titre olympique « on doit suivre une diète particulière, ne pas prendre de desserts (…) ; on ne peut pas boire d'eau glacée ni prendre un verre de vin quand on veut. » Ce régime semble reposer sur une consommation importante de viande : Pausanias évoque un « régime carné. » Le médecin Galien reproche aux sportifs de son temps de « toujours se gaver de viandes saignantes. » Pour lui, ce régime alimentaire conduit à un épaississement de la chair et donc l'extinction de la chaleur innée du corps, à terme à la mort de l'athlète. Au contraire, il estime que le régime diététique doit être adapté à chaque sportif et prescrit par un médecin hygiéniste. Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. nullnull//// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. ///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / TD informatique Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850. Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Pablo Rodriguez 2023-01-21T15:52:52.437000000 3 PT10M23S LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Mise en page d'un texte long TD informatique 2023-01-21T17:50:51.821000000 Pablo Rodriguez TD informatique Pablo Rodriguez Mise en page d'un texte long 31 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. nullnull///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. ////// / Pablo Rodriguez 2018-04-09T19:31:56.176000000 2020-04-30T10:12:23.151000000 Pablo Rodriguez PT4H42M47S 35 LibreOffice/6.3.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/dd0751754f11728f69b42ee2af66670068624673 Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Mise en page d'un texte long Alimentation en Grèce antique Votre prénom et votre nom 2018-04-10 Histoire ou Géographie Votre groupe de TD Alimentation en Grèce antique 9 / 27 Mise en page d'un texte long B -Régimes alimentaires particuliers Mise en page d'un texte long 10 / 27 / / Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Alimentation en Grèce antique Mise en page d'un texte long Histoire ou Géographie Votre prénom et votre nom Votre groupe de TD 10/04/2018 Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Alimentation e n Grèce antique Repas Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin. Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches) [1]. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Le beurre est connu, mais on lui préfère l'huile d'olive. La nourriture s'accompagne de vin (rouge, blanc ou rosé) étendu d'eau et parfois aromatisé. L’alimentation des Grecs est connue par des sources à la fois littéraires et artistiques : les comédies d'Aristophane et les extraits d'œuvres préservées par le grammairien Athénée d'une part, les vases peints et les figurines en terre cuite d'autre part. En famille Les Grecs font trois repas par jour : Le premier, froid, est composé de pain d'orge trempé dans du vin pur, éventuellement agrémenté de figues entre autres fruits ; fromage et olives. Le second, sommaire, est pris vers midi ou au début de l'après-midi. Le troisième, le plus important de la journée, a généralement lieu à la nuit tombée. Il peut s'y ajouter un goûter en début de soirée ; littéralement un déjeuner dînatoire, peut être servi tard dans l'après-midi à la place du dîner. Les femmes sont rares lors des repas et des banquets, et elles s'y tenaient dans la plus grande réserve, et le silence. Il était d'usage qu'elles sortent lorsque les convives, ayant cessé de manger, se livrent à la conversation libre. Il semble que, dans la plupart des cas, les femmes prennent leurs repas à part. Si la taille de la maison ne le permet pas, les hommes mangent les premiers, les femmes passant à table une fois que ces derniers ont terminé leur repas. Les esclaves assurent le service. Dans les familles les plus pauvres, ce sont les femmes et les enfants, s'il faut en croire Aristote, qui pallient le manque d'esclaves. L'usage de déposer dans des tombes de petits modèles en terre cuite représentant des pièces du mobilier nous permet aujourd'hui d'avoir une bonne idée des meubles grecs. Les Grecs mangent assis, l'usage de banquettes étant réservé aux banquets ou aux aristocrates. Les tables, hautes pour les repas ordinaires et basses pour les banquets, sont d'abord de forme rectangulaire. Au IVe siècle av. J.-C., la table habituelle prend une forme ronde, souvent à pieds zoomorphes (par exemple en forme de pattes de lion). Les galettes de pain peuvent servir d'assiette, mais les écuelles en terre cuite ou en métal sont plus courantes. La vaisselle se raffine au fil du temps et l'on trouve des assiettes en matériaux précieux ou en verre pendant l'époque romaine. Les couverts sont peu utilisés à table : l'usage de la fourchette étant inconnu, on mange avec les doigts. On s'aide d'un couteau pour la viande et d'une cuillère semblable aux cuillères occidentales contemporaines pour manger soupes et bouillies. Des morceaux de pain ( ἀπομαγδαλία / apomagdalía) peuvent être utilisés pour se saisir de la nourriture ou, en guise de serviettes, pour s'essuyer les doigts. En société L'histoire des banquets publics (repas et symposion) montre de grandes différences entre, par exemple, le banquet aristocratique archaïque (du VIIIe au VIe siècle) et le banquet public organisé par la cité ou les évergètes dans les cités hellénistiques. Dans tous les cas, cependant, comme le dit J.-P. Vernant « il y a des formes et des degrés divers de sacré, plutôt qu'une polarité sacré-profane » et le religieux est présent autant dans le repas que dans le symposion. Enfin, le fait de manger et boire ensemble fonde la communauté civique. Le lieu le plus fréquent est le sanctuaire du dieu en l'honneur duquel se font les sacrifices, dans le hieron ou le temenos. La plupart des sanctuaires attiques, recevaient des banquets publics. Le lieu du symposion était aussi, souvent, situé au cœur de la cité : à Thasos sur un côté de l'agora archaïque, à Athènes le prytanée ne sert, au début du Ve siècle, qu'au banquet des prytanes, et la stoa sud comportait des salles de banquet pour 500 lits de table. Sur l'Acropole, la Pinacothèque pouvait être aménagée pour recevoir 17 lits (entre 440 et 430), tout ceci pour les « officiels ». Dans le quartier du Céramique, le Pompeion, de la fin du Ve siècle, et ses abords pouvaient recevoir les masses lors des banquets publics. Cependant d'autres espaces pouvaient convenir en certaines occasions. « Ainsi un bienfaiteur à Metropolis a fait lors des jours bachiques une hestiasis pour le dèmos « dans la montagne », ce qui n'est guère surprenant dans une fête en l'honneur de Dionysos. » Le συμπόσιον / sympósion — traditionnellement traduit par « banquet », plus littéralement « réunion de buveurs » — est l’un des « loisirs » préférés des Grecs. Il comprend deux parties : la première est consacrée à la nourriture, généralement assez simple, et la seconde à la boisson. En réalité, on consomme tragếmata également du vin avec le repas, et les boissons sont accompagnées des τραγήματα / tragếmata ou friandises à grignoter : châtaignes, fèves, grains de blé grillés ou encore gâteaux au miel, chargés d'absorber l'alcool et de prolonger la beuverie. Certains banquets font d'ailleurs partie de rituels qui en manifestent la dimension « sacrée ». La seconde partie est inaugurée par une ou plusieurs libations, un péan ou une simple prière, généralement en l’honneur de Dionysos. Puis l’on discute ou l’on joue à divers jeux de table, comme le cottabe — en effet, les convives sont allongés sur des banquettes. Des danseuses, des acrobates et des musiciens de location peuvent agrémenter la soirée. Le philosophe péripatéticien Théophraste montre dans ses Caractères le propriétaire d’un esclave qui a loué des filles, musiciennes et danseuses qui peuvent assurer tous les plaisirs des convives. Un « roi du banquet », tiré au sort, est chargé d'indiquer aux esclaves la proportion à observer entre le vin et l'eau dans la préparation de la boisson. Le chant ou la prière sont assez libres de composition ; la libation est composée d'une partie offerte à Zeus et aux dieux olympiens, une deuxième offerte au bon démon, et la troisième à Hermès [2]. Une coupe est remplie, qui passe de main en main chez les participants qui formulent une prière. Les libations obéissent à certaines règles : le nombre de libations par personne n'est pas limité, mais l'invocation ne va pas sans la libation. Après le repas et avant la beuverie, on couvre la tête des participants de bandelettes ou des couronnes de rubans. Théophraste montre dans ses Caractères un avare qui fait une petite libation, et de surcroît compte le nombre de coupes vidées, puis se plaint du prix des bandelettes et autres rubans (les objets rituels nécessaires s'échangeaient). Strictement réservé aux hommes — à l'exception des danseuses et des courtisanes, les femmes se devaient de rester entre elles dans Le Banquet de Platon, Aristodème prie la joueuse d'aulos de rejoindre les femmes de la maison dans la pièce qui leur est réservée ; celle qui se mêle aux hommes est vue comme une esclave, comme tout sauf de condition libre, passible d'attaque en justice — le banquet est un élément essentiel de la sociabilité grecque. Il peut être organisé à l'instigation d'un particulier conviant ses amis ou sa famille, à l'instar de modernes invitations à dîner. Il peut également rassembler, de manière régulière, les membres d'une association religieuse ou d'une hétairie (sorte de club aristocratique). Les grands banquets sont évidemment l'apanage des plus riches, mais dans la plupart des foyers grecs, les fêtes religieuses ou les événements familiaux sont l'occasion de banquets plus modestes. Le philosophe péripatéticien Hippoloque de Macédoine, ami et condisciple de Lyncée de Samos, lui a écrit une lettre au sujet d'un banquet de mariage auquel il a été convié : on servit du vin, puis un pain d'égale largeur, des poules, des canards, du pigeon (ramier), etc. Chacun ayant pris ce qu'on lui présentait, le donna avec le plat aux esclaves ; on présenta aussi à la ronde nombre d'autres différents mets. Ce service fut suivi d'un autre, dont faisait partie un grand pain, des oies, des lièvres, des chevreaux, des tourtereaux, des perdrix. Les mêmes mets furent aussi donnés aux esclaves. Ayant ainsi pris assez de nourriture, les invités se sont lavé les mains, et des joueuses de flûtes, des musiciens, et des harpistes rhodiennes couvertes d'un voile[style à revoir]. Elles se retirèrent après un court début : aussitôt il en parut d'autres, portant chacune deux pots de parfum. On servit ensuite à chacun, pour souper, un plat contenant un très gros cochon rôti. Hippoloque ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** mentionne des grives rôties, des becfigues où l'on avait versé des jaunes d'œufs, des huîtres, des pétoncles. « Le cochon fut suivi d'un autre chevreau bouillant dans la sauce sur un autre plat. Dès que nous fûmes débarrassés de ce monde, nous nous mîmes à boire. » La dernière partie du banquet, celle consacrée à la beuverie, était également prétexte à la danse ; inviter une danseuse sans être au moins éméché est très mal vu en société ; l'ivresse doit servir de prétexte. Le banquet a servi de cadre à une littérature de genre : Le Banquet de Platon, Le Banquet de Xénophon, les Propos de table de Plutarque ou encore le Banquet des Deipnosophistes d’Athénée. Syssities Les syssities ( τὰ συσσίτια / tà syssítia) sont des repas obligatoires pris en commun dans le cadre de groupes sociaux ou religieux rassemblant hommes et jeunes gens. Ils concernent principalement la Crète et Sparte et prennent le nom d’hetairia, pheiditia, ou andreia. Ils fonctionnent comme des clubs aristocratiques et comme un mess militaire. Comme les banquets, les syssities sont le domaine exclusif des hommes ; quelques références décrivent également des syssities exclusivement féminines. Au contraire des banquets, cependant, les repas se caractérisent par la simplicité et la tempérance. Pain Les céréales ( σῖτος / sĩtos) constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur ( πύρος / pýros), d'épeautre ( ζειά / zeiá) et d'orge ( κριθαί / krithaí). Mondé par trempage, le blé peut être transformé de deux manières principales : réduit en gruau, il sera employé en bouillie ; moulu en farine ( ἀλείατα / aleíata) et pétri, il sert à fabriquer du pain ( ἄρτος / ártos) ou des galettes, simples ou mélangées à du fromage ou du miel. Le levain est connu ; à partir de l'époque romaine, les Grecs utilisent un composé alcalin ou de la levure de vin comme agent levant. Les pâtons sont cuits à la maison dans un four en argile (ἰπνός / ipnos) surélevé par des pieds. Une technique de cuisson plus rustique consiste à déposer des charbons ardents sur le sol en terre et de recouvrir le tas d'un couvercle en cloche ( πνιγεὐς / pnigeus) ; quand le sol est suffisamment chaud, on pousse les charbons sur le côté, on dépose les pâtons et le couvercle est remis en place, sous les charbons. Le four en pierre n'apparaît qu'à l'époque romaine. D'après une prescription de Solon, législateur athénien du VIe siècle av. J.-C., le pain de froment doit être réservé aux jours de fête. Cependant, dès l'époque classique et pour peu qu'on en ait les moyens, on le trouve tous les jours chez la boulangère, profession qui apparaît à Athènes au Ve siècle. L'orge est plus facile à produire mais peu panifiable. Elle donne des pains nourrissants mais très lourds. De ce fait, elle est plutôt grillée puis moulue pour donner une farine ( ἄλφιτα / álphita), laquelle sert à fabriquer (le plus souvent sans cuisson puisque les grains ont déjà été grillés) la μᾶζα / mãza, le plat de base grec, comme le souligne le surnom de « mangeurs d'orge » dont les Romains affublaient les Grecs. Dans la Paix, Aristophane emploie l'expression ἔσθειν κριθὰς μόνας, littéralement « ne manger que de l'orge », équivalent du français « être au pain sec et à l'eau ». Nous connaissons plusieurs recettes de la maza : elle peut être servie cuite ou crue, sous forme de bouillie, de boulettes ou de galettes. Là encore, la maza peut être agrémentée de fromage ou de miel. Fruits et légumes Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin La présence de figues carbonisées, près des restes de raisin, laisse supposer qu'elles ont servi d'adjuvant sucré pour camoufler l'amertume du jus des vignes sauvages. Les céréales sont souvent servies avec un accompagnement appelé génériquement ὄψον / ópson. Le mot désigne d'abord tout ce qui se prépare sur le feu, et par extension tout ce qui accompagne le pain. À partir de l'époque classique, il s'agit de poisson et de légumes : choux, oignons, lentilles, fèves, différentes espèce de gesses, vesces ou encore pois chiches. Ils sont servis en soupe, bouillis ou en purée ( ἔτνος / étnos), assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre, de γάρον / gáron — sauce de poisson proche du nuoc mam vietnamien — et d'herbes. S'il faut en croire Aristophane, la purée est l'un des plats favoris d'Héraclès, toujours représenté comme un goinfre dans la comédie. Les plus pauvres consomment couramment des glands de chêne ( βάλανοι / bálanoi). Les olives sont une garniture fréquente, qu'elles soient crues ou confites. En ville, les légumes frais sont chers et peu consommés : les citadins peu fortunés se rabattent sur les légumes secs. La soupe de lentilles ( φακῆ / phakễ) est le plat typique de l'ouvrier. Les rations militaires typiques contiennent de l'ail, des oignons et du fromage. Aristophane évoque ainsi le « rot de mangeur d'oignon » typique du soldat ; ailleurs, le chœur chante la paix et sa « joie d'être délivré du casque / du fromage et des oignons ». Les fruits, frais ou secs, sont mangés en dessert. Ce sont principalement les figues, les grenades, les noix et noisettes. Les figues sèches sont également consommées en apéritif, en buvant du vin. Dans ce cas, elles sont souvent accompagnées de graines de lupin, de châtaignes, de pois chiches ou de faines grillées. Viande Manger de la viande est chose rare, sauf aux fêtes ou autres banquets. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée mais aussi son implantation : à la campagne, la chasse (principalement le piégeage pour les petites gens) permet de consommer du lièvre et des oiseaux. Les paysans possèdent également des basses-cours les fournissant en poulets et en oies ; les propriétaires un peu aisés ou riches pratiquent un élevage d'appoint de chèvres, porcs et moutons, et les chasseurs s'offrent le produit de leurs prises : sangliers, cerfs. À la ville, les viandes sont chères, à l'exception de la viande de porc : à l'époque d'Aristophane, un cochon de lait coûte trois drachmes, soit trois jours de travail d'un ouvrier de chantier public. Les riches comme les pauvres consomment des saucisses. Des boudins faits d'estomac de chèvre bourrés de graisse et de sang sont déjà mentionnés dans l'Odyssée. La civilisation mycénienne pratiquait l'élevage de bovins pour leur viande. Au VIIIe siècle av. J.-C. encore, Hésiode décrit son idéal de festin campagnard : « puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Byblos, une galette bien gonflée et du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée ». La viande est beaucoup moins mentionnée dans les textes de l'époque classique que dans la poésie archaïque ; il est possible que cette évolution ne reflète pas une évolution des habitudes de consommation, mais seulement les codes de chaque genre littéraire. La consommation de viande a principalement lieu à l'occasion des sacrifices religieux qui donnent lieu à des festins civiques : la part des dieux (graisse, fémurs et viscères) est brûlée alors que la part des hommes (viande) est grillée et distribuée aux participants. Il existe parallèlement un commerce florissant de viandes cuites ou salées, qui semblent elles aussi être issues de sacrifices. La technique bouchère grecque a ceci de particulier que l'animal n'est pas découpé suivant le type de morceau, mais en portions de poids égal : chacune d'entre elles peut donc être composée presque entièrement de graisse et d'os ou au contraire seulement de viande, et mêler morceaux à braiser, rôtir, bouillir ou griller. Un passage de comédie illustre les problèmes que la pratique suscite : « Chairéphon achetait un jour de la viande ; le boucher, dit-on, lui en coupa par hasard un morceau très osseux. Il lui dit : « Boucher, ne compte pas l'os », ce à quoi celui-ci répondit : « Mais la viande est tendre : on dit qu'elle l'est quand elle est près de l'os. » Et Chairéphon de dire : « Soit, cher ami, mais son poids supplémentaire me chagrine, où qu'il se trouve. » En Crète, les meilleures parts sont allouées aux citoyens particulièrement sages ou bons guerriers ; dans d'autres cités, comme Chéronée, les portions sont tirées au sort, ce qui donne à chacun une chance égale d'obtenir un bon ou un mauvais morceau. Par conséquent, un Grec achetant sa viande au marché ne peut guère choisir qu'entre les abats et la viande à proprement parler : aucune source n'en montre commandant une côtelette ou un gigot. Les Spartiates se nourrissent principalement d'un ragoût de porc, le brouet noir ( μέλας ζωμός / mélas zômós). Plutarque indique que « parmi les plats, celui qu'ils apprécient le plus est le brouet noir ; c'est au point que les vieillards ne demandent même pas de viande ; ils la laissent aux jeunes et font leur dîner du brouet qu'on leur verse. » C'est pour les Grecs un véritable sujet de curiosité. « Bien sûr que les Spartiates sont les plus courageux de tous les hommes », plaisante un Sybarite, « n'importe quel homme de bon sens préférerait mourir mille morts plutôt que de mener une si pauvre vie. » Le plat est composé de viandes rôties de chèvre et porc, de sel, de vinaigre et de sang. Il est complémenté de maza, de figues et de fromage et parfois gibier ou de poisson. Élien, auteur du IIe-IIIe siècle, prétend que Sparte défend à ses cuisiniers de savoir préparer autre chose que de la viande. Poisson L'attitude des Grecs face au poisson varie suivant l'époque. Comme le remarquent les Grecs eux-mêmes, on ne mange pas de poisson dans l’Iliade, mais seulement des viandes rôties. Platon l'explique par l'austérité des mœurs de l'époque mais il semble qu'au contraire, le poisson ait alors été perçu comme la nourriture des pauvres. L’Odyssée évoque bien que les compagnons d'Ulysse mangent du poisson, mais uniquement parce qu'ils sont affamés après être passés par Charybde et Scylla et parce qu'ils doivent se nourrir de ce qui leur tombe sous la main. Au contraire, à l'époque classique, le poisson devient un mets de luxe, recherché par les plus fins gourmets et suscitant, à l'époque hellénistique, des traités spécialisés, comme celui de Lyncée de Samos sur L'Art d'acheter du poisson pour pas cher. Pour autant, tous les poissons ne se valent pas. Une stèle de la fin du IIIe siècle av. J.-C. provenant de la petite cité béotienne d'Akraiphia, sur le lac Copaïs, fournit une liste de poissons et de leurs prix respectifs, probablement pour protéger les consommateurs d'augmentations excessives : le moins cher est le skaren (sans doute du perroquet de mer), tandis que la ventrèche de thon coûte trois fois plus cher. Le poète Ériphe range les seiches avec la ventrèche de thon, la tête de loup et le congre au rang des mets dignes des dieux, et que les pauvres ne peuvent pas s'offrir. Les convives du banquet mis en scène par Athénée au IIe-IIIe siècleapr. J.-C. consacrent une grande partie de leur conversation à des considérations œnophiles et gastronomiques. Ils discutent des mérites comparés de tels vins, légumes ou viandes ; évoquent des plats renommés (seiches farcies, ventrèche de thon, écrevisses de mer, laitues arrosées de vin au miel) et grands cuisiniers — ainsi de Sotéridès, cuisinier du roi Nicomède Ier de Bithynie (IIIe siècle av. J.-C.). Alors que son maître, en pleines terres, se languit d'anchois, il lui en sert des imitations : des raves femelles soigneusement découpées en forme d'anchois, huilées, salées et saupoudrées de graines de pavot noires. Cet exploit de cuisinier, la Souda, encyclopédie byzantine, l'attribue par erreur au gourmet romain M. Gavius Apicius (Ier siècle av. J.-C.) — preuve qu'alors les Grecs n'ont plus rien à envier aux Romains. Au plus bas de l'échelle, les sardines, les anchois et autre menu fretin constituent l'ordinaire des citoyens athéniens. Parmi les autres poissons de mer courants, on peut citer le thon blanc, le rouget, la raie, l'espadon ou encore l'esturgeon, mets de choix consommé salé. Le lac Copaïs est lui-même fameux pour fournir des anguilles, renommées dans toute la Grèce et chantées par le héros des Acharniens. Parmi les autres poissons d'eau douce, on peut citer le brochet, la carpe ou le peu apprécié poisson-chat. Les Grecs apprécient également les œufs de poisson et fruits de mer : coquillages, seiches ( σηπία), poulpes ( πολύπους) et calmars ( τευθίς) sont frits ou grillés et servis comme amuse-gueule, comme accompagnements ou dans les banquets quand ils sont de petite taille ; des oursins ; les spécimens de grande taille relèvent du répertoire de la grande cuisine. Seiches et poulpes sont des cadeaux traditionnels lors de la fête des Amphidromies, lorsque les parents nomment leur enfant. S'agissant des coquillages, on peut probablement reconnaître dans ceux que citent les sources le bulot, la moule, la grande nacre, l'ormeau, la palourde, la patelle, le pétoncle ou praire ou encore le troque. Galien est le premier à mentionner la consommation de l'huître ( ὄστρεον) crue. Enfin, le crabe ( καρκίνος), le homard ( ἀστακός), la langoustine ( κάραϐος), la cigale de mer ( ἄρκτος) sont appréciés. L'oursin ( ἐχῖνος) est davantage connu le long des côtes. Le poisson est issu d'une pêche le plus souvent individuelle, très près des côtes et très artisanale, voire à la main. Si l'on peut supposer l'existence de criées, la plus grande partie de la pêche semble être vendue sur les marchés des cités, sur des étals spécialisés. Le poisson se présente souvent sous forme salée. Le procédé est surtout courant pour les petits poissons : l'expression « moins cher que le poisson saur » désigne un bien extrêmement commun et très bon marché. Il est également appliqué aux poissons gras — bonite, thon, maquereau, ange de mer, esturgeon — et même aux crabes et aux oursins. Œufs et fromage Les Grecs élèvent des canards, des oies, des cailles et des poules en partie pour leurs œufs. Certains auteurs louent également les œufs de faisan et d'oie. Les oiseaux dans le commerce, chez un boucher, sont vivants et tués à la demande, mais on peut supposer qu'ils étaient assez rares. Les œufs sont consommés durs ou à la coque en tant que hors-d'œuvre ou inversement, comme desserts, ou encore gobés. Ils sont également employés, sous forme de blancs, de jaunes ou entiers, dans la fabrication de certains plats. Le lait ( γάλα / gála) est bu par les paysans mais n'est quasiment pas employé en cuisine. Le beurre ( βούτυρον / boútyron) est connu mais lui aussi peu employé : les Grecs considèrent son usage comme une caractéristique des Thraces, qu'ils considèrent volontiers comme des rustres incultes, que le poète comique Anaxandridès surnomme les « mangeurs de beurre ». En revanche, ils apprécient les produits laitiers. On sert comme friandise ce qui devait ressembler à du yaourt, le πυριατή / pyriatế. Surtout, le fromage ( τυρός / tyrós), de chèvre ou de brebis, est un aliment de base. On le vend dans des boutiques distinctes suivant qu'il est frais ou non, le premier coûtant environ les deux tiers du prix du second. On le mange seul ou en mélange avec du miel ou des légumes. Il entre également, comme ingrédient, dans la préparation de bon nombre de plats, y compris de poisson. L'unique recette préservée du cuisinier sicilien Mithécos (Ve siècle av. J.-C.) indique ainsi : « cépole : videz, enlevez la tête, rincez et levez les filets ; ajoutez de l'huile et du fromage ». Cependant, cette utilisation du fromage est controversée : Archestrate avertit ses lecteurs que les cuisiniers siciliens gâchent le bon poisson en y ajoutant du fromage. Boissons La boisson la plus répandue est évidemment l'eau. Aller chercher de l'eau est la corvée quotidienne des femmes. Si le puits est inévitable, on préfère naturellement l'eau « d'une source toujours coulante et jaillissante, qui n'est pas trouble ». L'eau est reconnue comme nourrissante — elle fait grandir les arbres et les plantes — mais aussi comme désirable. Pindare juge ainsi « agréable comme le miel » l'eau d'une fontaine. Les Grecs peuvent qualifier une eau de lourde, sèche, acide, douce ou dure, vineuse, etc. Un personnage du poète comique Antiphane jure qu'il reconnaîtrait entre toutes l'eau de l'Attique par son bon goût. Enfin, Athénée cite un certain nombre de philosophes réputés pour ne boire que de l'eau, habitude conjuguée à une alimentation végétarienne (cfr. ci-dessous). On boit aussi couramment du lait de chèvre et de l'hydromel. L'ustensile habituel pour boire est le scyphos, ustensile en bois, en terre cuite ou en métal. Critias préservé par Plutarque mentionne ainsi le cothon, gobelet spartiate qui présente l'avantage, à l'armée, de cacher à la vue la couleur de l'eau et de retenir dans ses bords la boue qui peut s'y trouver. On utilise également la coupe à boire appelée kylix (à pied et large vasque), et dans les banquets, le canthare (coupe profonde à pieds) ou encore le rhyton (cornet à boire souvent plastique, c'est-à-dire à la panse moulée en forme de tête d'homme ou d'animal). Le vin La Grèce découvre probablement la viticulture au cours des IVe et IIIe millénaires av. J.-C. Elle est bien attestée par des tablettes écrites en linéaire A et en linéaire B, qui évoquent des vignobles, des vignes associées avec des arbres ou des céréales, et des vins doux, passerillés ou miellés. Homère et Hésiode décrivent les travaux de la vigne comme des pratiques traditionnelles. Les Travaux et les Jours montrent ainsi le viticulteur vendangeant des grappes bien mûres, qu'il laisse sécher au soleil pendant dix jours pour concentrer les sucres ; la technique est utilisée jusqu'à l'époque d'Hippocrate et de Dioscoride. Les grappes sont ensuite foulées dans des foulons portatifs puis pressées. Le moût est placé dans des pithoi, sorte de jarres rendues étanches à la poix, à demi-enterrées pour assurer une température stable, et laissées à fermenter pendant 10 à 30 jours. Les jarres sont ensuite bouchées jusqu'à la fin de l'hiver, ce qui correspond en Attique à la fête des Anthestéries. Théophraste, auteur d’un Traité de l'ivresse, montre au IIIe siècle av. J.-C. dans Histoire des Plantes que le « thériclée » utilisé pour consommer le vin est un calice, lorsqu'il parle du térébinthe, expliquant que l'on ne peut distinguer ceux de térébinthe de ceux de terre. Selon Théophraste, c’est le potier de terre corinthien Thériclès, contemporain d'Aristophane, qui imagina cette sorte de récipient. Le vin a été à une époque reculée, antérieure à son époque, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l’eau, afin d’user d’une boisson bien détrempée, de sorte qu’après en avoir bu, on fût moins avide de ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. Le vin est vinifié aussi bien en rouge qu'en rosé et en blanc. Les cépages employés sont très nombreux : Pramnos, Maronée, Phanaios de Chios, biblin de Phénicie, psithia, mersitis, etc On trouve toutes sortes de productions, des grands crus en provenance de Thasos, de Lesbos, Chios ou encore Rhodes au vin de table, et même une piquette légère, rinçage à l'eau du marc de raisin mêlé de lie, réservée à la consommation personnelle du producteur. Phanias, ami et condisciple de Théophraste, a décrit une préparation du vin dans laquelle il faut verser une partie d'eau de mer sur environ cinquante de vin doux ; il devient « anthosmias ». Il ajoute que l'anthosmias est beaucoup plus fort avec du vin de jeune plant, mais on faisait aussi de l'anthosmias en écrasant du raisin qui commençait à peine à tourner. Le vin doit être vendu pur. Vendre du vin coupé est une fraude contre laquelle les Géoponiques donnent des astuces : il suffit de jeter dans le vin un objet léger comme un morceau de pomme ou de poire, ou une cigale : si le vin est pur, l'objet flotte. Le vin est généralement consommé coupé d'eau ; pur, il n'est pas recommandé pour un usage courant : il semble en effet que son degré alcoolique ait été plus élevé que le vin actuel. Ceux de Santorin, de Crète, de Messénie, d'Arcadie et d'Attique varient entre 13° et 15°, voire atteignent 17° pour les plus forts. Le vin est mélangé dans un cratère et puisé par les esclaves à l'aide d'œnochoés (cruches) pour être servi dans les kylix (coupes) des buveurs. Le vin peut également aromatisé au miel, à la cannelle ou au thym. Élien mentionne également un vin mélangé de parfum. On connaît également le vin cuit et, à Thasos, un vin qualifié de « doux ». Certains vins sont salés, comme à Lesbos, en ajoutant de l'eau de mer ou en faisant tremper les grappes séchées au soleil dans de l'eau de mer ; si le goût semble avoir été apprécié, il peut également s'agir d'un moyen pour empêcher le vin de tourner. On connaît également, à l'époque romaine, un ancêtre du retsina (vin additionné de résine de pin) et du vermouth. Le vin pur peut être en revanche employé comme médicament ; de manière générale, on prête au vin des vertus médicales étonnantes. Élien mentionne ainsi que le vin d'Héraia en Arcadie rend fous les hommes et les femmes fertiles ; inversement, un vin achéen aide les femmes désirant avorter. Hors de ces applications thérapeutiques, la société grecque réprouve la consommation de vin par les femmes. S'il faut en croire Élien, une loi de Massalia l'interdit même et prescrit aux femmes de ne boire que de l'eau. Sparte est la seule cité où les femmes boivent couramment du vin. Les vins réservés à un usage local sont stockés dans des outres de peau. Ceux destinés à la vente sont versés dans des pithoi ( πίθοι / píthoi), grandes jarres en terre cuite. On les transvase ensuite dans des amphores enduites de poix, pour les vendre au détail. Les grands crus comportent des estampilles du producteur et/ou des magistrats de la cité afin de garantir leur origine (principe des appellations d'origine contemporaines). Cycéon et ptisane Les Grecs buvaient le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge allongé d'eau et additionné d'herbes et d'aromates. Dans l’Iliade, la boisson préparée pour Machaon par une servante est un cycéon comportant du fromage de chèvre râpé en plus de l'oignon. Dans l’Odyssée, Circé y ajoute du miel et un philtre magique. Dans l’Hymne homérique à Déméter, la déesse refuse du vin rouge mais accepte un cycéon composé d'eau, de farine et de menthe pouliot. Utilisé comme boisson sacrée dans les mystères d'Éleusis, le cycéon est aussi un breuvage populaire, surtout à la campagne : Théophraste montre dans ses Caractères un rustre ayant bu force cycéon et incommodant ses voisins par son haleine à l'Assemblée. La boisson est réputée pour ses vertus digestives : dans la comédie La Paix, le dieu Hermès la recommande au héros qui a abusé de fruits secs. Décoction d'orge, la ptisane est une décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de nourriture habituelle aux malades. Hippocrate la recommande plus particulièrement dans l'alimentation des patients atteints de maladies aiguës. Régimes alimentaires particuliers À l'époque archaïque et classique, la frugalité, imposée par les conditions physiques et climatiques grecques, est érigée en vertu. Les Grecs n'ignorent pas le plaisir que l'on peut prendre à se nourrir, mais celui-ci doit rester simple. Le campagnard Hésiode, cité plus haut, considère comme un festin de la viande grillée, du lait et des galettes, le tout à l'ombre par une belle journée. Encore le meilleur repas est-il celui qui est gratuit : « bombance sans écot n'est pas à laisser perdre », remarque le philosophe Chrysippe. La recherche culinaire et gastronomique est en revanche rejetée comme un signe de mollesse toute orientale : les Perses sont considérés comme décadents en raison de leur goût du luxe, qui se manifeste dans leur gastronomie. Les auteurs grecs se complaisent à décrire la table du Grand Roi achéménide et de sa cour : Hérodote, Cléarque de Soles, Strabon et plus encore Ctésias sont unanimes dans leurs descriptions. Au contraire, les Grecs se complaisent à souligner l'austérité de leur régime alimentaire. Plutarque raconte ainsi qu'un roi du Pont, curieux de goûter le fameux « brouet noir » spartiate, achète un cuisinier laconien. Il goûte le plat et le trouve très mauvais ; le cuisinier répond « Ô roi, pour goûter ce brouet, il faut s'être d'abord baigné dans l'Eurotas. » Selon Polyen, Alexandre le Grand, en découvrant la salle à manger du palais royal perse, se moque de leur goût pour la nourriture et y voit la cause de leur défaite. Pausanias de Sparte, en découvrant les habitudes alimentaires du Perse Mardonios, aurait pareillement ridiculisé les Perses qui « ayant le moyen de vivre [ainsi], est venu attaquer [les Grecs] pour [leur] ravir ce dont [ils] viv[ent] ainsi misérablement ». Conséquence de ce culte affiché de la frugalité, la cuisine reste longtemps le domaine des femmes, qu'elles soient libres ou esclaves. Malgré tout, dès la période classique, la réalité semble ne pas correspondre totalement au tableau peint par les Grecs : on voit déjà mentionner des spécialistes de l'art culinaire. Élien et Athénée mentionnent les mille cuisiniers accompagnant, à l'époque de Clisthène, Smindyridès de Sybaris dans son voyage à Athènes — même si c'est pour stigmatiser sa « mollesse ». Platon mentionne ainsi « Théarion le cuisinier, Mithécos, l'auteur d'un traité sur la cuisine sicilienne, et Sarambos, le marchand de vins, trois éminents connaisseurs en gâteaux, en cuisine et en vins. » Certains cuisiniers écrivent des traités de cuisine. Au fil du temps, de plus en plus de Grecs se présentent comme gourmets. Élien explique ainsi : « à Rhodes, celui qui fait grand cas des poissons et les apprécie et qui dépasse tout le monde en gourmandise est, dit-on, loué par ses concitoyens comme un noble esprit. » À la période hellénistique puis romaine, malgré les revendications de frugalité, les Grecs — du moins les riches — ne se montrent guère plus austères qu'ailleurs. Le végétarisme L'orphisme et le pythagorisme, deux courants religieux et philosophiques grecs, ont proposé un mode de vie différent, fondé sur l'idée de pureté et donc de purification ( κάθαρσις / kátharsis) — c'est au sens propre une ascèse : ἄσκησις / áskêsis signifie d'abord un exercice, puis un mode de vie particulier. Dans ce cadre, le végétarisme est un élément central de l'orphisme et d'un certain nombre de variantes du pythagorisme. L'enseignement de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) est plus difficile à cerner. Les auteurs de la Comédie moyenne, comme Alexis ou Aristophon, décrivent des pythagoriciens strictement végétariens, certains subsistant même au pain et à l'eau. Cependant, d'autres traditions se contentent d'interdire la consommation de certains légumes, comme la fève, d'animaux sacrés comme le coq blanc, ou même seulement certaines parties d'animaux. En outre, même des pythagoriciens mangent de la viande de temps à autre dans le cadre des banquets sacrificiels, afin d'obéir à leurs devoirs religieux : « c'est uniquement dans les animaux qu'il est permis de sacrifier que l'âme de l'homme ne peut pas pénétrer ; c'est pourquoi il faut manger les animaux du sacrifice, si nécessaire, et jamais les autres. » Empédocle condamne la consommation de viande et adopte une position proche du végétarisme moderne. On la justifie souvent par la croyance en la transmigration des âmes et la justice que l'on doit aux créatures : « Jeûnez de la méchanceté ! » L'âme de chacune des créatures, humaines, animales ou végétales, passe d'un corps à un autre, de la mort à la naissance et de la naissance à la mort, pour se purifier. On a fait observer qu'Empédocle aurait dû également refuser de manger des végétaux, puisqu'il croit que son âme s'est déjà incarnée en buisson : Dodds voit dans le végétarisme une conséquence de l'« antique horreur du sang versé » : Orphée enseigne de ne pas verser le sang. D'autres contestent l'attribution à Empédocle de la doctrine de la métempsycose, et lient son végétarisme à la doctrine suivant laquelle tous les êtres vivants sont parents : il faut donc ne manger que les fruits des plantes à maturité. Le sacrifice aux dieux devient symbolique : « Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût une vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il distribua à toute l'assemblée des jeux Olympiques. » Dans son Manger la chair, Plutarque (Ier-IIe siècles apr. J.-C.) reprend la thématique de la barbarie du sang versé et, renversant le débat habituel, somme l'homme zoophage de justifier son choix. Le néoplatonicien Porphyre de Tyr (IIIe siècle), dans son De l'abstinence, rattache le végétarisme aux Mystères crétois et recense les végétariens du passé en commençant par Épiménide, selon qui c'est Triptolème, à qui Déméter a confié le blé pour apprendre l'agriculture à l'humanité, qui est à l'origine du végétarisme : ses trois commandements sont « honore tes parents », « honore les dieux par des fruits » et « épargne les animaux ». La diète des malades Les médecins grecs s'accordent sur la nécessité d'une diète particulière pour les malades, mais le consensus s'arrête là. Dans son Régime des maladies aigües, Hippocrate rapporte que la ptisane est souvent utilisée, parce qu'elle est facile à absorber et qu'elle est réputée calmer la fièvre. Cependant, certains l'administrent épaisse, avec ses grains d'orge, tandis que d'autres la prescrivent filtrée des grains d'orge. D'autres encore n'autorisent que les boissons jusqu'au septième jour, puis passent à la ptisane et enfin, certains interdisent toute forme de nourriture solide tout au long de la maladie. Les prescriptions d'Hippocrate sont elles-mêmes évaluées de manière diverse : certains médecins accusent le grand médecin de faire jeûner les malades ; au contraire, d'autres lui reprochent de trop les nourrir. À l'époque hellénistique, l'alexandrin Érasistrate fait grief aux disciples d'Hippocrate de contraindre les malades à ne boire qu'un peu d'eau, sans prendre de nourriture : c'est en fait la doctrine des méthodistes, qui ordonnent une diète stricte pendant les 48 premières heures de la maladie. Inversement, un certain Pétronas recommande de manger du porc rôti et de boire du vin pur. Les régimes des athlètes S'il faut en croire Élien, le premier athlète à s'être soumis à un régime alimentaire particulier est Iccos de Tarente, un athlète du Ve siècle av. J.-C.. Platon confirme qu'il suit un régime très strict, l'expression « repas d'Iccos » devenant proverbiale. Pourtant, Milon de Crotone, champion olympique de lutte, est déjà réputé avaler 7,5 litres de vin, 9 kilos de pain et autant de viande par jour. Avant lui, les athlètes de l'époque classique observent un régime à base d'aliments secs ( ξηροφαγία / xêrophagía) composé de figues sèches, de fromage frais, de noix, et de pain. Le vin leur était interdit. Pythagore (soit le philosophe, soit un maître de gymnastique) est le premier à proscrire aux athlètes de manger de la viande. Par la suite, les entraîneurs appliquent une sorte de régime standard : pour prétendre au titre olympique « on doit suivre une diète particulière, ne pas prendre de desserts (…) ; on ne peut pas boire d'eau glacée ni prendre un verre de vin quand on veut. » Ce régime semble reposer sur une consommation importante de viande : Pausanias évoque un « régime carné. » Le médecin Galien reproche aux sportifs de son temps de « toujours se gaver de viandes saignantes. » Pour lui, ce régime alimentaire conduit à un épaississement de la chair et donc l'extinction de la chaleur innée du corps, à terme à la mort de l'athlète. Au contraire, il estime que le régime diététique doit être adapté à chaque sportif et prescrit par un médecin hygiéniste. Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. //// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Pablo Rodriguez 2022-12-10T10:20:49.293000000 100 P1DT3H57M56S 2023-01-05T11:48:06.549000000 Pablo Rodriguez LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Le sujet de mon document Le titre de mon document Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description null / Prénom Nom 2023-02-22T11:50:09.377000000 18 PT22M49S Le chocolat. Contrôle continu mise en page d'un texte long. LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f 2023-02-22T12:13:00.976000000 Prénom Nom Prénom Nom Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. 22 Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. Prénom Nom Le chocolat. Le chocolat, terme d'origine mésoaméricaine1, est un aliment plus ou moins sucré produit à partir de la fève de cacao. Celle-ci est fermentée, torréfiée, broyée jusqu'à former une pâte de cacao liquide dont est extraite la matière grasse appelée beurre de cacao. Le chocolat est constitué du mélange, dans des proportions variables, de pâte de cacao, de beurre de cacao et de sucre ; auxquels sont ajoutées éventuellement des épices, comme la vanille, ou des matières grasses végétales. Consommé initialement sous forme de xocoatl2 (boisson épicée) au Mexique et en Amérique centrale, le chocolat se démocratise avec la révolution industrielle. Au XXIe siècle, il est consommé sous forme solide (chocolat noir ou au lait) ou liquide (chocolat chaud). Le chocolat se retrouve dans de nombreux desserts tels que les confiseries, biscuits, gâteaux, glaces, tartes, boissons. Offrir du chocolat, moulé de différentes manières, est devenu traditionnel lors de certaines festivités : œufs, lapins, poules, cloches, et petites figurines de poissons ou fruits de mer à Pâques, pièces de monnaie pour Hanoucca3, truffes pour Noël, cœurs pour la Saint-Valentin, ou les traditionnelles marmites de la fête de l'Escalade en Suisse dans le canton de Genève 1 Passion chocolat : De la fève à la tablette, Dorling Kindersley, 2017, 224 p, ISBN 978-2-8104-2119-0. . Étymologie. Les Aztèques associaient le chocolat avec Xochiquetzal4, la déesse de la fertilité. Les Mayas5 l'associaient aussi à leur dieu de la fertilité (voir la section Effets non prouvés). Le philologue mexicain Ignacio Davila Garibi6 suggère que les Espagnols ont inventé ce mot en associant le terme chocol et en remplaçant le mot maya haa7 (signifiant eau) par le terme nahuatl atl8. Cependant, il semble plus probable que les Aztèques eux-mêmes inventèrent le mot, ayant adopté depuis longtemps en nahuatl le mot maya pour la fève de cacao. En effet, les Espagnols eurent peu de contact avec les Mayas avant que Cortés rapporte au roi d'Espagne une boisson chocolatée connue sous le nom de xocolatl9. Wiliam Bright relève que le mot xocoatl n'apparaît pas au début de la langue espagnole ou dans les sources coloniales Nahuatl. Le verbe maya chokola'j , qui signifie « boire du chocolat ensemble », a aussi été proposé comme origine possible. Dans une étude controversée, les linguistes Karen Dakin10 et Søren Wichmann11 remarquent que dans de nombreux dialectes nahuatl, le nom est plutôt chicolatl que chocolatl. De plus, de nombreuses langues parlées au Mexique (telles que le popoluca12, le mixtèque13, le zapotèque14) et même aux Philippines, ont emprunté cette version du mot. Le mot chicol-li fait référence à des ustensiles de cuisine (toujours utilisés dans certaines régions). Depuis que le chocolat a été servi, à l'origine dans des cérémonies, avec des fouets individuels, Dakin et Wichmann considèrent qu'il semble assez probable que la forme d'origine du mot était chicolatl, ce qui pourrait signifier « boisson battue ». Dans plusieurs régions du Mexique, en effet chicolear15 signifie « battre, remuer ». Histoire. Origines. Le livre de la Genèse Maya, le Popol Vuh16, attribue la découverte du chocolat aux dieux. Dans la légende, la tête du héros Hun Hunaphu17, décapité par les seigneurs de Xibalba18, est pendue à un arbre mort qui donna miraculeusement des fruits en forme de calebasse appelés cabosses de cacao. La tête crache dans la main d'une jeune fille de Xibalba, l'inframonde maya, assurant ainsi sa fécondation magique. C'est pourquoi le peuple maya se sert du chocolat comme préliminaires au mariage. Le cacao permet aussi de purifier les jeunes enfants mayas lors d'une cérémonie. De même, le défunt est accompagné de cacao pour son voyage vers l'au-delà. Originaire des plaines tropicales d'Amérique du Sud et centrale, le cacaoyer, produisant les fèves de cacao, est cultivé depuis au moins trois millénaires dans cette région et dans l'actuel Mexique. En novembre 2007, des archéologues affirment avoir trouvé la plus ancienne preuve de l'utilisation des fèves, la situant entre 1100 et 1400 av. J.-C. : l'analyse chimique de résidus de récipients trouvés sur le site de fouilles de Puerto Escondido19 (Honduras) indique qu'à cette époque, le mucilage entourant les fèves servait à la fabrication d'une boisson fermentée. L'invention de la boisson chocolatée non alcoolisée fabriquée par la majorité des peuples mésoaméricains (y compris mayas et aztèques) fut postérieure ; cette boisson était vraisemblablement d'abord utilisée à des fins thérapeutiques ou lors de certains rituels. Le chocolat est un produit de luxe dans toute la Mésoamérique durant la civilisation précolombienne et les fèves de cacao sont souvent utilisées comme monnaie d'échange pour faire du troc, payer des impôts et acheter des esclaves et ce, dès 1 000 ans av. J.-C.. Par exemple, un Zontli20 est égal à 400 fèves, tandis que 8 000 fèves sont égales à un Xiquipilli21. Dans les hiéroglyphes mexicains, un panier contenant 8 000 fèves symbolise le nombre 8 000. Plus tard, en 1576, il faut 1 200 fèves pour obtenir un peso mexicain. Les Aztèques utilisent un système dans lequel une dinde coûte cent fèves de cacao et un avocat frais trois fèves. Les Mayas cultivent des cacaoyers et utilisaient les fèves de cacao pour fabriquer une boisson chaude, mousseuse et amère, souvent aromatisée avec de la vanille, du piment et du roucou22 nommée xocoatl. Une tombe maya du début de la période classique (460-480 av. J.-C.), retrouvée sur le site de Rio Azul23 (au Guatemala), contenait des récipients sur lesquels est représenté le caractère maya symbolisant le cacao et comportant des restes de boisson chocolatée. Une poterie contenant des traces de cacao fut découverte au Belize, ce qui confirme l'existence d'une consommation de chocolat au VIe siècle. Des documents rédigés en caractères Maya attestent que le chocolat est utilisé aussi bien pour des cérémonies que pour la vie quotidienne. Les Aztèques associent le chocolat avec Xochiquetzal24, la déesse de la fertilité. Ils pensent que le Xocoatl permet de lutter contre la fatigue et cette croyance découle probablement de la teneur en théobromine du produit. Le roi et les notables accompagnent leur viande de mole poblano25, première recette salée associant le cacao comme épice, et consomment à la fin des repas ce xocoatl en tant que boisson froide. D'autres boissons et préparations chocolatées l'associent avec des aliments tels que le gruau de maïs (qui joue le rôle d'émulsifiant), ainsi le peuple épice son atole26 avec des fèves de cacao pour consommer une sorte de purée, le champurrado27, ou l'iztac ātōlli28 à base de jus d'agave fermenté. Durant plusieurs siècles, en Europe et en Amérique du Sud, on utilise les fèves de cacao pour soigner la diarrhée (voir la section Autres bénéfices). Tous les territoires conquis par les Aztèques où poussent des cacaoyers doivent leur verser les fèves de cacao comme taxe, ou, comme les Aztèques eux-mêmes le considéraient, comme un tribut 2 Tout sur le chocolat : le guide de l'épicurien, Odile Jacob, 372 p, ISBN 978-2-7381-2354-1. . Le chocolat traverse l'océan. Originaire d'Amérique, le cacaoyer est donc inconnu ailleurs dans le monde jusqu'au XVIe siècle. En 1494, Christophe Colomb jette par-dessus bord les fèves qu'il avait reçues des Amérindiens. Il les aurait prises pour des crottes de chèvre. C'est donc plus tard, en juillet 1502 sur l'île de Guanaja29, qu'il découvre pour la première fois la boisson chocolatée. José de Acosta30, un missionnaire jésuite espagnol qui vécut au Pérou puis au Mexique à la fin du XVIe siècle, écrit : « Détestable pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'en consommer, tout en ayant une mousse ou une écume qui a très mauvais goût. Oui, c'est une boisson très estimée parmi les Indiens, dont ils régalent les nobles qui traversent leur pays. Les Espagnols, hommes et femmes, qui sont habitués au pays, sont très friands de ce chocolat. Ils disent qu'ils en font différents types, certains chauds, certains froids, certains tempérés, et mettent dedans beaucoup de ce « piment » ; ils en font une pâte, laquelle, disent-ils, est bonne pour l'estomac et pour lutter contre le rhume. » Les colons espagnols n'apprécient cette boisson amère aux épices piquantes que lorsque les religieuses d’Oaxaca31 l'édulcorent et l'aromatisent avec du miel, du sucre de canne, du musc et de l’eau de fleur d'oranger. Ce n'est qu'à partir de la conquête des Aztèques par les Espagnols que le chocolat est importé en Europe où il devient rapidement très prisé à la cour d'Espagne. Hernán Cortés32 découvre le breuvage chocolaté en 1519. Il est le premier (en 1528) à en rapporter en Europe, à ses maîtres d'Espagne : mais ce n'est qu'en 1534 que cette boisson amère, écumeuse et poivrée retient l'attention lorsqu'on y ajouta de la vanille et du miel suivant une élaboration préparée à l'Abbaye de Piedra33. Dès le XVIIe siècle, le chocolat devient une ressource très appréciée de l'aristocratie et du clergé espagnol. Son commerce s'étend alors aux autres colonies espagnoles comme les Pays-Bas espagnols. L'arrivée du chocolat en France a commencé avec l'exil des juifs séfarades ou marranes d'Espagne en 1492 puis du Portugal vers 1536, fuyant l'Inquisition et venus se réfugier dans l'Hexagone en transportant le chocolat dans leurs valises. De nombreux marranes s'installent notamment dans le quartier Saint-Esprit de Bayonne après 1609, ces premiers entrepreneurs du chocolat au Pays basque sont à l'origine de l'introduction du chocolat en France. La première expédition commerciale pour l'Europe (entre Veracruz et Séville) daterait de 1585. Le chocolat est alors toujours servi comme boisson, mais les Européens ajoutent du sucre et du lait pour neutraliser l'amertume naturelle ; ils remplacent le piment par de la vanille. Pour faire face à la forte demande pour cette nouvelle boisson, les armées espagnoles commencent à réduire en esclavage les Mésoaméricains pour produire le cacao, une activité économique à part entière se développe. Cependant ce produit d'importation reste très cher, seuls les membres de la famille royale et les initiés peuvent en boire. En parallèle, dans le nouveau monde, la consommation de cacao est très répandue chez les missionnaires et conquistadores. Deux développements permettent de réduire encore le prix : la généralisation de la culture dans les colonies de la canne à sucre et l'utilisation de main-d'œuvre africaine dans ces exploitations. À la même époque, la situation est différente en Angleterre où n'importe qui, avec suffisamment d'argent, peut en acheter. À Londres, la première chocolaterie ouvre en 1657. En 1689, l'éminent médecin et collectionneur Hans Sloane34 développe une boisson lactée au chocolat en Jamaïque qui est dans un premier temps utilisée par les apothicaires, mais vendue plus tard aux frères Cadbury35. La boisson reçoit un encouragement officiel en France par les reines françaises, infantes d'Espagne, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse d'Autriche ou par les médecins qui après avoir jugé la boisson néfaste, en vantent les bienfaits, tel Nicolas de Blégny qui rédige en 1662 Le bon usage du thé, du café et du chocolat pour la preservation & pour la guérison des maladies. La France découvre en 1615 le chocolat à Bayonne à l'occasion du mariage d'Anne d'Autriche, fille du roi d'Espagne Philippe III avec le roi de France Louis XIII. Mais c'est Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche qui font entrer le chocolat dans les habitudes de la cour du château de Versailles, la reine se faisant préparer par ses servantes le chocolat « à l'espagnole ». La marquise de Sévigné dit du chocolat, dans ses Lettres, qu’« il vous flatte pour un temps, et puis il vous allume tout d'un coup une fièvre continue ». Le chocolat est alors consommé chaud sous forme de boisson comme le café. Seule la cour du roi avait accès à cette boisson. Comme pour les boissons exotiques que sont le thé ou le café, l'Église se pose la question de savoir s'il s'agit d'un aliment ou d'une source de plaisir. En 1662, la sentence du cardinal Francisco Maria Brancaccio Liquidum36 non frangit jejunum37 (la « boisson — y compris le chocolat — ne rompt pas le jeûne ») tranche les débats théologiques : le chocolat est déclaré maigre, pouvant même être consommé pendant le Carême. Développement de l'industrie chocolatière. Durant plusieurs siècles, le mode de fabrication du chocolat reste inchangé. Dans les années 1700, les moulins mécaniques servent à extraire le beurre de cacao ce qui aide à créer du chocolat qui reste dur. Il faut attendre l'arrivée de la révolution industrielle pour que ces moulins soient utilisés à plus grande échelle. Après que la révolution s'est essoufflée, peu à peu, des entreprises promeuvent cette nouvelle invention pour vendre le chocolat sous les formes que l'on connaît aujourd'hui. Lorsque les nouvelles machines sont produites, la population commence à tester et consommer du chocolat partout dans le monde. À Bristol, en 1780, Joseph Storrs Fry38 père ouvre une manufacture de pâte de chocolat : J.S.Fry & Sons. L'essentiel de sa production est vendu aux drogueries et aux pharmacies de la ville. En 1795, son fils (Joseph Storrs II Fry) se met à utiliser une machine à vapeur pour broyer les fèves de cacao. Cela permet de produire en grande quantité la pâte de chocolat pour fabriquer des boissons chocolatées, des pastilles, des gâteaux, des bonbons ainsi que des préparations médicales. En plus d'être vendu aux apothicaires et aux pharmaciens, le chocolat de la manufacture Fry approvisionne les confiseurs, les gérants de chocolate house et les cuisiniers réputés. Au début du XIXe siècle, les premières fabriques de chocolat apparaissent en Europe ; avec les futurs grands noms de ce qui va devenir, au milieu du siècle, l'industrie chocolatière. Le chocolat est de moins en moins consommé pour ses vertus médicinales supposées, et de plus en plus par plaisir. Les manufactures de chocolat se multiplient, puis les chocolateries industrielles, principalement en France, en Suisse et aux Pays-Bas. Une usine de fabrication de chocolat est ouverte aux États-Unis en 1780, par un apothicaire nommé James Baker39. La première fabrique suisse de chocolat est créée par François-Louis Cailler en 1819. Il est suivi six ans plus tard par Philippe Suchard40, puis par Charles-Amédée Kohler41 en 1830. La première fabrique de France est fondée par le chocolatier Jules Pares, en 1814, près de Perpignan (dans les Pyrénées-Orientales). En 1815, le Hollandais Coenraad42 Johannes van Houten43 crée une première usine. De nouvelles manufactures apparaissent aussi en Angleterre. C'est par exemple le cas de Cadbury45 en 1824. À l'origine, les fabricants de chocolat sont spécialisés dans la fabrication de la pâte de chocolat. Ils vont peu à peu diversifier leurs productions avec les confiseries et les gâteaux. La mécanisation ainsi que la concurrence des producteurs de chocolats vont entraîner une baisse continue du prix du chocolat. En 1821, l’Anglais Cadbury produit le premier chocolat noir à croquer. Pour répondre aux besoins de l'industrie, les cacaoyers sont introduits en Afrique et les premières plantations créées. En 1828, Coenraad Johannes van Houten réalise la première poudre de cacao. Grâce à une presse hydraulique de son invention, il réussit à durcir le beurre de cacao sous forme de pain qui peut ensuite être réduit en poudre. Van Houten est le premier à inventer un procédé pour séparer le cacao maigre (ou tourteau) et le beurre de cacao, permettant aux industriels de doser les quantités relatives de cacao maigre et de beurre de cacao dans la pâte de cacao. Le chocolat entre alors dans l'âge industriel. La mécanisation entraîne une baisse des prix, ce qui permet de conquérir un public plus large. Van Houten, à partir de sa fabrique de chocolat d'Amsterdam, vendra ses boîtes de chocolat en poudre dans toute l'Europe. L'année 1830 voit l'apparition du chocolat aux noisettes inventé par Kohler. Antoine Brutus Menier45 crée en 1836 en France le concept de la tablette de chocolat, plaquette composée de six barres semi-cylindriques enveloppées du célèbre papier jaune Menier. Joseph, Richard et Francis Fry46, qui dirigent la maison Fry & Sons depuis la mort de leur père (en 1835), découvrent en 1847 (ou 1846 selon les sources) qu'un mélange « sucre, beurre de cacao, chocolat en poudre » permet d'obtenir une pâte molle que l'on peut verser dans des moules. Cette invention permet de consommer le chocolat d'une nouvelle manière, en plaque, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce produit est officiellement présenté lors d'une exposition à Birmingham en 1849 sous le nom de « Chocolat délicieux à manger », en français dans le texte. Vers 1860, la maison Fry & Sons devient une des principales chocolateries d'Angleterre. Francis Fry (1803-1886), resté seul à la tête de l'entreprise après la mort de ses frères en 1878 et 1879, est désigné fournisseur exclusif de chocolats pour la Royal Navy. Cela contribuera à la prospérité de la maison Fry & Sons qui devient, vers 1880, la première chocolaterie du monde. Elle emploie alors 1 500 salariés. Vers 1870, Émile Menier fait construire une usine moderne de production de chocolat à Noisiel en Seine-et-Marne. Cette usine fait fortement baisser le coût du chocolat en France. Elle est aujourd'hui en partie classée monument historique avec la cité ouvrière attenante. Plusieurs innovations (notamment en Suisse) vont bouleverser l'industrie du chocolat. En 1876, Daniel Peter crée dans sa fabrique de Vevey (Suisse) le premier chocolat au lait en utilisant du lait en poudre. En 1879, Daniel Peter s'associe avec Henri Nestlé (l'inventeur du lait concentré) pour fonder la firme Nestlé. En 1879, Rudolf Lindt47 met au point le conchage48. Ce nouveau procédé d'affinage permet de fabriquer des chocolats fondants. Sa technique consiste à laisser tourner le broyeur contenant le chocolat pendant longtemps afin de rendre la pâte de cacao plus onctueuse. Son secret ne fut rendu public qu'en 1901. Après la mort de Francis Fry en 1886, son fils Francis J. Fry lui succède. En 1919, il fusionne la maison Fry & Sons avec l'entreprise Cadbury Brothers49. Le Suisse Jean Tobler lance la barre triangulaire Toblerone52 en 1899. Philippe Suchard se met à commercialiser la tablette Milka. Au début des années 1900 apparaissent les premières barres chocolatées : le hollandais Kwatta53 invente les premières barres de chocolat de 30 grammes. L'américain Mars lance le Milky Way50 et le hollandais Nuts51, sa barre aux noisettes éponyme. Dernière grande innovation de l'industrie, le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, dans le but d'utiliser les surplus de beurre de cacao. La société ne précise pas qui est à la source de cette invention exactement. La domination de l'industrie chocolatière suisse, à la pointe de la technologie et du marketing, ne durera que la première moitié du XXe siècle jusqu'à l'arrivée des entreprises américaines Hershey's et Mars. Types de chocolats. Les trois grandes catégories. Le chocolat noir, aussi appelé chocolat fondant ou chocolat amer, est le chocolat à proprement parler. C'est un mélange de cacao et de sucre qui doit contenir au minimum 35 % de cacao. En dessous, les grandes marques utilisent « confiserie chocolatée » à défaut de terme légal. La quantité de sucre utilisée dépend de l'amertume de la variété de cacao utilisée. Le chocolat au lait est du chocolat qui est obtenu en ajoutant du lait en poudre ou du lait concentré. La loi américaine exige une concentration minimum de 10 % de cacao. Les réglementations européennes et suisse indiquent un minimum de 25 % de cacao. Il est aussi calorique que le chocolat noir - moins gras mais plus sucré. Typiquement, il contient un peu moins de 40 % de cacao. Cependant on peut trouver chez certaines enseignes de luxe des chocolats au lait à 45 % de cacao ou plus. Le chocolat au lait a été inventé par Daniel Peter. Le chocolat blanc est une préparation à base de beurre de cacao, additionné de sucre, de lait et d'arôme. Bien qu'il soit reconnu comme chocolat il n'est pas composé de cacao. Il est utilisé en confiserie pour jouer sur le contraste des couleurs, ou sous forme de plaques. Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première. Il peut être noir ou au lait, mais contient au moins 32 % de beurre de cacao, ce qui le rend très fluide pour réaliser un enrobage plus fin qu'un enrobage classique. Le chocolat sans sucre ajouté a connu une croissance de 30 % en volume par an entre 2002 et 2006. On le fabrique soit en supprimant le sucre, on obtient alors un chocolat à 99 % de cacao, soit en substituant le saccharose par du maltitol56. Les appellations. L'organisme mondial du commerce du cacao (International Cocoa Organization ou ICCO) a mis en place depuis 1994 une liste des pays producteurs de cacaos fins ou cacaos à saveurs remarquables par leur arôme et leur couleur. En France, l'Institut national de l'origine et de la qualité classifie les chocolats de qualité de la manière suivante : les « chocolats d'origine » doivent être produits à partir de cacao provenant d'un seul pays ; les « chocolats de crus » sont issus de cacao d'une région géographique identifiée voire d'une plantation unique ; les « chocolats grands crus » caractérisent les chocolats dont le cacao a un caractère particulier identifiable de façon unique ce qui justifie un prix élevé. Fabrication. La culture du cacao. Le chocolat est produit à partir de la fève de l'arbre appelé cacaoyer. On en trouve différentes espèces réparties dans les régions chaudes du monde. Sa culture est assez exigeante et le fruit produit, appelé cabosse, est récolté deux fois par an lorsqu'il est à maturité : de janvier à avril et de septembre à octobre. Le botaniste Ernest Entwistle Cheesman57 (en) met au point en 1944 une terminologie qui distingue trois principales variétés de cacaoyer : Forastero, la plus cultivée, Criollo, la moins cultivée et la plus recherchée, Trinitario58, un hybride des deux précédentes variétés. Aujourd'hui, on y ajoute le Nacional. Toutes ces variétés produisent des cacaos de différentes saveurs et arômes. Le cupuaçu59, une espèce proche du cacaoyer, permet également de produire un chocolat appelé cupulate60 au Brésil. Il faut en moyenne deux cabosses pour fabriquer une tablette de chocolat à 70 % de cacao. Aussi, un cacaoyer moyen produit chaque année de quoi fabriquer 20 tablettes de 100 g à 70 % de cacao. Les crus apportent des notes variées selon leur pays de culture. Le Forastero61 aux notes grillées de croûte de pain chaud et ses arômes de tête aux notes fleuries représente 80 à 90 % de la production. Le Criollo62 aux notes de fruits rouges ne représente que 1 à 5 % de la production. Les fèves Trinitario aux notes de fruits secs ou de torréfaction représentent 10 à 15 % de la production. Les fèves Nacional aux notes florales de jasmin et de fleur d'oranger sont produites essentiellement en Équateur. Le tableau suivant répertorie les principaux pays producteurs de fèves de cacao, les variétés qui y sont cultivées et les arômes correspondants, formés lors de la fermentation et le séchage de la fève de cacao. Les trois plus gros producteurs au monde (avec la variété Forastero) sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Indonésie. Écabossage67, fermentation et séchage. Juste après la récolte, la cabosse est généralement fendue avec une machette et vidée de ses fèves et de sa pulpe, le plus souvent à quelques mètres du lieu de récolte. Les fèves sont égrainées de l'axe central, triées, placées dans des bacs et recouvertes de feuilles de bananier. D'autres plantations laissent les graines en tas ou utilisent des paniers suivant les moyens qu'elles ont. La température varie de 40 °C à 50 °C. On les laisse reposer environ une semaine en les brassant régulièrement. Trois fermentations vont débarrasser les fèves de leur pulpe, réduire le goût amer en acidifiant le milieu, solubiliser la matière grasse formant un film autour de la phase hydrosoluble, ce qui permet l'hydrolyse enzymatique qui développe les précurseurs d’arôme (acides aminés et produits de dégradation des glucides). Une première fermentation alcoolique se déroule de façon anaérobie (= sans contact avec l'oxygène) sous les feuilles de bananiers. Des levures transforment la pulpe acide et sucrée des cabosses en éthanol durant cette phase. C'est la même fermentation que pour le moût de raisin. Une seconde fermentation, dite fermentation lactique, se déroule très rapidement pendant deux jours : les bactéries lactiques transforment l’alcool en acide lactique qui favorise la conservation naturelle du cacao. Une troisième fermentation, la fermentation acétique est favorisée par le développement de bactéries acétiques sur les jus qui s'écoulent et avec l'air qui pénètre dans les tas de fèves. La température élevée tue le germe de la fève de cacao. Durant cette phase, les fèves changent de couleur : pendant la récolte, elles sont blanches ou violettes et virent après la fermentation au violet-pourpre voire rouge à brun chocolat en profondeur. La fermentation acétique libère des hydrolases (notamment la protéase) transformant les protéines en acides aminés et les glucides complexes en glucides simples à l'origine des précurseurs d'arômes. À ce stade, elles contiennent encore 60 % d’humidité qu’il faut réduire à 7 % pour assurer une conservation et un transport optimaux. Les fèves sont alors séchées au soleil (séchage naturel) ou dans des séchoirs pendant 15 jours (ce séchage apporte une odeur de fumée au chocolat) et parfois lavées (Madagascar). Elles sont retournées de façon régulière afin d'assurer un séchage homogène. Le séchage comme la fermentation joue sur les arômes du cacao. Elles sont ensuite expédiées et le reste du traitement se déroule en chocolaterie. Le travail des fèves à la chocolaterie. Comme pour le café, les fèves sont torréfiées afin d'augmenter leur arôme. Cette phase se déroule après nettoyage des graines dans un torréfacteur. Les fèves sont cuites à cœur avec leur coque puis elles sont décortiquées. Elles sont ensuite broyées à l'aide d'une meule et transformées en éclats, que l'on appelle grué (nib en anglais). La torréfaction dure en général 40 minutes à 140 °C. Mais elle diffère suivant les variétés et les arômes que l'on désire obtenir. La torréfaction permet aussi de réduire l'humidité des fèves de 7 % à 2 %. Les grains de cacao sont broyés grossièrement (étape du décorticage séparant les cotylédons des coques et germes par un système de ventilation et de vibration) puis plus finement à chaud (50 à 60 °C) pour fondre et obtenir une pâte visqueuse malaxée : la masse de cacao (en). Chauffée à 100−110 °C, cette pâte devient liquide : c'est la liqueur de cacao. Le beurre de cacao est séparé de cette huile par pression dans une broyeuse hydraulique (constituée de plusieurs cylindres de plus en plus serrés et permettant d'affiner le broyage en réduisant la fève en grains très fins non décelables sur le palais de la bouche). Les résidus solides du broyage, les tourteaux, peuvent donner par pulvérisation le cacao en poudre. Ajout d'ingrédients et conchage. Les étapes précédentes ont permis d'obtenir une masse de cacao à laquelle on va ajouter différents ingrédients suivant le chocolat que l'on désire. Le chocolat noir est fabriqué en mélangeant beurre de cacao pour le fondant, cacao solide - également nommé « tourteau » - pour le goût, et sucre. Plus il y aura de sucre, moins le pourcentage de cacao sera élevé. Du lait en poudre est ajouté si on désire du chocolat au lait. Pour obtenir du chocolat noir, on ajoute à la pâte de cacao du sucre et éventuellement du beurre de cacao pour le fondant (ou une autre graisse végétale). Pour obtenir du chocolat au lait, on ajoute à la pâte de cacao du beurre de cacao (ou une autre graisse végétale), du lait en poudre et du sucre. Pour obtenir du chocolat blanc, on ne garde que le beurre de cacao, et on ajoute du lait en poudre et du sucre. Pour tous les chocolats, on ajoute souvent des arômes ou épices : très fréquemment de la vanille, mais aussi d'autres épices. Le conchage est le fait de chauffer le cacao afin d'augmenter l'homogénéité, l'arôme et l'onctuosité du futur chocolat. Il dure environ 12 heures et se déroule à environ 70 °C dans une mélangeuse qui brasse lentement le mélange de chocolat. Durant cette étape, on peut ajouter des émulsifiants. Les chocolats industriels contiennent presque tous un émulsifiant sous forme de lécithine de soja, qui prolonge l'homogénéité du mélange. Depuis le 23 juin 2000, une directive européenne permet d'utiliser d'autres matières grasses végétales (« MGV »), moins chères que le beurre de cacao pour la fabrication du chocolat, dans la limite de 5 % du poids total du produit fini. Sont considérés comme MGV : l'illipé, l'huile de palme, le sel, le beurre de karité, le kogum gurgi63 et les noyaux de mangue. Cette directive a été adoptée dans un souci d'harmonisation européenne pour ne pas déséquilibrer la concurrence d'une part, et d'encadrer certaines pratiques d'autre part. En effet, sous la pression des industriels du chocolat, plusieurs pays autorisaient déjà des matières végétales en proportion plus ou moins variable. Pour satisfaire la demande de certains consommateurs connaisseurs, des marques ont créé leur label « 100 % beurre de cacao » pour signaler sur certains chocolats que c'est un chocolat de dégustation qui respecte la composition traditionnelle du cacao. Techniques spécifiques. Tempérage. Le tempérage64 du chocolat consiste à amener le beurre de cacao dans sa forme cristalline la plus stable. Le beurre de cacao est composé de cinq molécules grasses différentes fondant chacune à des températures distinctes (comprises en 26 et 31 °C), et ce mélange donne au chocolat un haut degré de cristallinité : il peut cristalliser en six formes différentes. Parmi ces six états, le tempérage amène au plus stable : la forme dite bêta du beurre de cacao. Le tempérage donne au chocolat (une fois qu'il a été refroidi) un aspect brillant et lisse, une dureté et un fondant caractéristiques ainsi qu'une plus longue durée de conservation. Le chocolat fond à partir de 36 °C. La courbe de cristallisation varie selon la proportion du beurre de cacao : pour du chocolat noir, une fois que tout le chocolat est fondu il faut le refroidir jusqu'à environ 28 °C puis le réchauffer à 32 °C sans jamais dépasser cette température. Pour finir, il faut le refroidir le plus rapidement possible autour de 20 °C. Le chocolat est amené à l'état liquide au-delà de 36 °C. Il est ensuite ramené à l'état solide mais instable (température basse), stabilisé à la température haute et enfin, fixé lorsqu'il est complètement refroidi. La température basse permet d'amorcer la cristallisation, celle de travail permet aux cristaux de s'ordonner dans leur forme stable. Si le chocolat descend en dessous de la température basse ou dépasse celle de travail, il n'atteindra pas la forme bêta du beurre de cacao et des marbrures se formeront, il aura une texture pâteuse. Il suffit alors de refondre le chocolat et de recommencer autant de fois que nécessaire jusqu'à la réussite du tempérage, le chocolat ne perdant pas ses propriétés lors de l'opération. C'est le principe du cycle des tempéreuses. Différentes méthodes de tempérage. Même si le chocolat fond à 36 °C, on le chauffe à une plus haute température pour aller plus vite car c'est un mauvais conducteur de chaleur : à partir de 40 °C pour le chocolat blanc et jusqu'à 55 °C pour le chocolat noir ; au-delà il risque de brûler. Jusqu'à la dernière étape de chauffage, il est nécessaire de toujours remuer le chocolat afin que la température soit uniforme. Il faut le maintenir à la température haute exactement pendant toute la durée du travail. Il ne faut jamais faire tomber de l'eau dans le mélange, il ne pourra être tempéré. Dans la méthode industrielle, faire fondre le chocolat puis le refroidir jusqu'à la température basse : des cristaux se forment, il épaissit. Mélanger pour répartir les cristaux et réchauffer à 32 °C. Travailler et faire refroidir à 20 °C. Dans la méthode du marbre, faire fondre le chocolat, en étaler 2⁄3 sur un marbre et travailler à la spatule jusqu'à ce qu'il épaississe légèrement. Rajouter le 1⁄3 restant qui le fera remonter à 32 °C. La méthode dite d’ensemencement consiste à faire fondre 2⁄3 du chocolat, rajouter le tiers restant hors du feu et remuer jusqu'à la fonte complète. Pour une meilleure répartition de la chaleur, il est conseillé d'ajouter le chocolat solide sous forme de petits éclats, la semence. Attendre qu'il descende à la température basse et réchauffer à 32 °C. Il existe des machines qui chauffent et refroidissent le chocolat en respectant les courbes de cristallisation. Ces machines, appelées tempéreuses le mélangent en permanence et le maintiennent à la bonne température pendant toute la durée du travail. Chocolaterie. Une chocolaterie désigne, depuis le XIXe siècle, une fabrique de chocolats. Le terme est aussi plus récemment employé pour désigner un magasin spécialisé dans la vente de chocolats. La fabrique de chocolats. Bien que le chocolat soit travaillé et commercialisé à des fins médicinales dès 1780 (J.S.Fry & Sons), l'industrie chocolatière ne se développe véritablement qu'à partir du début du XIXe siècle. Les premières fabriques de chocolat apparaissent alors en Europe, notamment en Suisse (Cailler, Suchard et Kohler entre 1819 et 1830), aux Pays-Bas (Van Houten vers 1820) et en Angleterre (Cadbury, au début des années 1820 confectionne le premier chocolat noir à croquer). Ces fabriques font évoluer la pâte de cacao médicinale vers les premiers gâteaux et bonbons de chocolat de plus en plus populaires. Le concept de la tablette de chocolat (à six barres semi-cylindriques) est inventé en France par Menier en 1836. Les Anglais Fry & Sons utilisent un procédé semblable à partir de 1847 en utilisant un mélange de sucre, de beurre de cacao et de chocolat en poudre (inventé par le hollandais Van Houten) qu'ils versent dans des moules pour présenter un chocolat en plaque à partager. Le produit final est présenté au public lors d'une exposition à Birmingham en 1849 et la maison Fry & Sons devient l'une des principales chocolateries d'Angleterre dans les années 1860. Vers 1870, la famille Menier, de son côté, achète des terres au Nicaragua (l'un des principaux pays cultivateurs de cacao), ainsi que des navires permettant le transport des fèves de cacao vers leur usine moderne de production de chocolat, construite depuis peu à Noisiel en Seine-et-Marne. L’aménagement du site, avec la construction de plusieurs nouveaux bâtiments (dressage, magasins des cacaos, emballage, expédition, etc.5), suit un parcours logique de fabrication industrialisée du chocolat : chaque bâtiment est agencé en fonction de l’étape de fabrication qui le nécessite. La chocolaterie de Noisiel devient la plus importante du pays et est consacrée « Première chocolaterie du monde » lors de l’exposition universelle de Chicago en 1873. Fry & Sons, qui emploient 1 500 salariés vers 1880, acquièrent à leur tour le titre de première chocolaterie du monde, avant de fusionner, en 1919, avec Cadbury. En 1879 en Suisse, Peter, créateur du premier chocolat au lait à base de lait en poudre, s'associe avec l'inventeur du lait concentré, Henri Nestlé, pour fonder la firme Nestlé. Pendant ce temps, Lindt met au point le conchage, un procédé d'affinage permettant de fabriquer des chocolats plus fondants. Le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, en utilisant les surplus de beurre de cacao. Principales fabriques historiques. Cadbury (1824). John Cadbury, épicier, fonde sa chocolaterie en 1824 à Birmingham. Il achète un dépôt en 1831 pour installer son usine et commercialise seize sortes de boissons au chocolat différentes. En 1847, l'usine s'agrandit et se développe dans le centre de Birmingham. Cadbury fait également construire une cité ouvrière, la cité de Bournville (en), disposant notamment de son église et de son école. En 1905, après le départ à la retraite de John Cadbury, son fils George ouvre une usine importante à six kilomètres au sud de Bournville et crée un chocolat en barre. En 1919, Cadbury s'associe avec J. S. Fry & Sons. Le groupe est racheté par Kraft Foods en 2010. Callebaut (1911). La chocolaterie Callebaut a été fondée par Octaaf Callebaut en 1911, à Wieze. Entre 1911 et 1918 est créé le Finest Belgian Chocolate, qui a fait la renommée de l'entreprise. La famille invente ses premiers chocolats de couverture autour de 1920, en période d'entre-deux guerres, pour faire face au manque d'ingrédients. Callebaut exporte ses produits à partir des années 1960 et la maniabilité de son chocolat contribue à la renommée du chocolat belge. En 1996, la chocolaterie fusionne avec le français Cacao Barry. Le groupe Barry Callebaut est depuis considéré comme la « plus grande chocolaterie du monde » avec 900 tonnes de production journalière. Cemoi (1814). Il s’agit de l’une des toutes premières fabriques de chocolat en France. Elle est créée par Louis Parès à Arles-sur-Tech, dans les Pyrénées-Orientales. Cémoi Chocolatier, actuellement à Perpignan, a réalisé un chiffre d'affaires de 395 millions d'euros avec 702 salariés en 2018. Menier (1816). Antoine Brutus Menier fonde en 1816 l’entreprise Menier. Celle-ci, installée à l’origine dans le quartier du Marais à Paris, commence par produire et vendre des produits pharmaceutiques. La fabrique est créée quatre-vingt sept ans après la chocolaterie Pailhasson, la plus ancienne maison de chocolat de France,14. L'histoire de l'entreprise Menier est intimement liée à l'histoire de la ville de Noisiel, en Seine-et-Marne, où elle s'est installée à partir de 1825. En 1867, Emile-Justin Menier, le fils d'Antoine, décide de recentrer l'usine sur la fabrication de chocolat. C’est aussi le moment de l’essor de la production et des effectifs de l’entreprise, qui passent de 50 ouvriers en 1856 à plus de 320 en 1867, puis à plus de 2 000 en 1874. L'usine fait construire de nombreux bâtiments, ainsi qu'une cité ouvrière, à l'image de leur concurrent anglais Cadbury. En 1893, la chocolaterie est consacrée plus grande entreprise de production de chocolat au monde. Noisiel doit son industrialisation à l'installation de la chocolaterie, où travaille alors une grande partie de la population de la commune. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, un Noisélien sur trois y travaille. La chocolaterie ne parvient cependant pas à faire face à la concurrence après la guerre, et la famille liquide l’entreprise en 1959. Nestlé-France en devient propriétaire en 1988 et y installe son siège social en 1996. Poulain (1848). D'abord confiseur à Paris, Victor-Auguste Poulain y découvre le procédé de fabrication du chocolat vers l'âge de 14 ans. Il s'installe à Blois en tant que confiseur, puis fonde la chocolaterie Poulain dans la même ville en 1848. La première usine est construite en 1862. Albert Poulain, le fils de Victor-Auguste, fait construire un nouveau bâtiment en 1884, l'atelier sud (détruit en 1995), qui sera destiné aux activités de fabrication du chocolat, tandis que l'atelier nord déjà existant sera consacré au conditionnement. La fabrique s’étendait sur 4 hectares quand elle a fermé en 1992, à la suite de son transfert en périphérie. Lanvin (1921). Les Lanvin sont au tournant du XXe siècle une famille de fabricants de sucre du Nord de la France. Afin de fuir la concurrence, trop forte dans cette région, Auguste Lanvin prend la décision de délocaliser son usine en 1912 à Brazey-en-Plaine, près de Dijon. La « Sucrerie bourguignonne » nouvellement créée, la famille achète en 1921, une petite chocolaterie située à Dijon, rue Chabot Charny. Elle devient la « Sucrerie Bourguignonne et Chocolaterie Lanvin S.A. ». La chocolaterie se développe par la suite et prend de l'envergure en 1930 et créait en 1934 ce qui deviendra l'emblème de la marque : l'Escargot de Lanvin. Les années 1950 marquent l'essor industriel de la marque et en 1970, Lanvin tourne une publicité qui marquera les esprits : elle met en scène Salvador Dalí qu s'exclame : « Je suis fou... du chocolat Lanvin ! ». Cette époque marque l'apogée de la marque: elle détient 6 à 8 % du marché français du chocolat, et près de 20 % au moment de Noël. Aujourd'hui, la marque commerciale de chocolat Lanvin appartient à la société Helvétique Nestlé,20. L'usine est toujours basée à Dijon, dans la zone industrielle Cap Nord, sous le nom de « Chocolaterie de Bourgogne ». Cailler (1819). En 1819, François-Louis Cailler, un épicier, fonde à Vevey la chocolaterie Cailler. En 1920, il acquiert ses connaissances de la production de chocolat lors d’un voyage en Italie et loue des bâtiments pour y fabriquer du chocolat à grande échelle. Dans les années 1820, il fabrique du chocolat de manière industrielle dans le moulin Chenaux Ziegler à Corsier-sur-Vevey grâce à la force hydraulique. La chocolaterie devient la première fabrique moderne de chocolat de Suisse, et la première à automatiser sa fabrication. À partir de 1867, l'un des gendres de Cailler, Daniel Peter, fabrique du chocolat sous le nom Peter-Cailler et invente le chocolat au lait en 1875. Alexandre-Louis Cailler, petit-fils de Cailler, agrandit la chocolaterie en 1899, dans la région de Broc tandis que Daniel Peter et Charles-Amédée Kohler deviennent partenaires en 1904, créant la Société générale de chocolats. Peter & Kohler réunis. Peter et Kohler s’associent à l’entreprise Cailler en 1911 afin de faire connaître au monde entier « la qualité du chocolat suisse ». La chocolaterie devient Peter, Cailler, Kohler Chocolats Suisses S.A. avant de fusionner à Vevey avec le groupe Nestlé en 1929 pour se nommer Chocolats Peter, Cailler, Kohler, Nestlé. Suchard (1826). La chocolaterie Suchard est fondée en 1826 à Neuchâtel par le confiseur Philippe Suchard. L'année suivante, ce dernier met au point une nouvelle machine permettant un meilleur mélange du sucre avec la poudre de cacao. Sa fille Eugénie et son gendre Carl Russ reprennent l'usine en 1884, qui compte alors 200 employés,22. La chocolaterie produit du chocolat au lait sous le nom de Milka à partir de 1901. Elle appartient désormais au groupe Mondelez (Kraft Foods) et la production a été transférée à l’usine Toblerone de Berne. Lindt (1879). La chocolaterie Lindt est fondée en 1879 à Berne par Rudolf Lindt, fils de pharmacien. Il s’installe à l'époque dans une usine vétuste où il tente de mettre au point la recette de son chocolat idéal, plus fin. Il y serait parvenu en oubliant, un soir, d'éteindre les mélangeuses. En 1899, Lindt s'associe ensuite à Johann Rudolf Sprüngli-Schifferli, propriétaire de la chocolaterie de Kilchberg, au bord du lac de Zurich. En 1905, Rodolphe Lindt prend sa retraite et la société de Berne est liquidée en 1928. Kilchberg devient par conséquent le siège de Lindt & Sprüngli. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chocolaterie doit remplacer les installations obsolètes qui ont été mises à rude épreuve pendant les périodes de crise, et agrandir les locaux pour faire face à l'explosion de la demande. Le groupe dispose aujourd'hui de ses propres sites de production en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, aux États-Unis et en Autriche. Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 / Exercice - TD 2 - Fables de Jean de La Fontaine Pierre Rodriguez 2023-01-14T16:41:53.156000000 7 PT41M7S 2023-01-14T17:54:02.916000000 Pierre Rodriguez LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Le corbeau et le renardLe lièvre et la tortue Mise en forme textuelle Fable de Jean de La Fontaine Fable de Jean de La Fontaine Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Gravure du 17ième siècle par Chauveau. Cette gravure représente le corbeau et le renard. Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Le Lièvre et la Tortue Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ? Repartit l’animal léger. Ma commère, il vous faut purger Avec quatre grains d’ellébore. – Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux : Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire, Ni de quel juge l’on convint. Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ; J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D’où vient le vent, il laisse la Tortue Aller son train de Sénateur. Elle part, elle s’évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu’il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s’amuse à toute autre chose Qu’à la gageure. A la fin quand il vit Que l’autre touchait presque au bout de la carrière, Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi, l’emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ? Fable de Jean de La Fontaine Pierre Rodriguez Mise en forme textuelle 2 Gravure du 17ième siècle par Chauveau. Cette gravure représente le corbeau et le renard. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / TD informatique Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850. Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Pablo Rodriguez 2023-01-21T15:52:52.437000000 3 PT10M23S LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Mise en page d'un texte long TD informatique 2023-01-21T17:50:51.821000000 Pablo Rodriguez TD informatique Pablo Rodriguez Mise en page d'un texte long 31 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Monsieur Albert Dupuis, Rue des fleurs coupées, 75016 PARIS LETTRE D E DESISTEMENT Madame, Monsieur, Suite à notre conversation téléphonique du 15 courant, j'ai le regret de vous confirmer mon désistement à la réunion du 23 décembre 2016 suite à une convocation à la préfecture du nord. Salutations respectueuses, Albert Dupuis, Traducteur 1 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. 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Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. pierre louis 2022-06-23T17:17:22.653000000 6 PT4H57M16S 2022-06-26T11:09:54.406000000 pierre louis LibreOffice/7.3.3.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/d1d0ea68f081ee2800a922cac8f79445e4603348 null/// /////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// \ No newline at end of file + / <>/ Rowan Bean 2024-02-15T10:47:54.963000000 LibreOffice/7.4.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/723314e595e8007d3cf785c16538505a1c878ca5 2024-02-20T10:55:31.938000000 Rowan Bean PT31M4S 3 3 - 3 Didacticiel LibreOffice Writer Verum ad istam omnem orationem brevis est defensio. Nam quoad aetas M. Caeli dare potuit isti suspicioni locum, fuit primum ipsius pudore, deinde etiam patris diligentia disciplinaque munita. Qui ut huic virilem togam deditšnihil dicam hoc loco de me; tantum sit, quantum vos existimatis; hoc dicam, hunc a patre continuo ad me esse deductum; nemo hunc M. Caelium in illo aetatis flore vidit nisi aut cum patre aut mecum aut in M. Crassi castissima domo, cum artibus honestissimis erudiretur. Nec sane haec sola pernicies orientem diversis cladibus adfligebat. Namque et Isauri, quibus est usitatum saepe pacari saepeque inopinis excursibus cuncta miscere, ex latrociniis occultis et raris, alente inpunitate adulescentem in peius audaciam ad bella gravia proruperunt, diu quidem perduelles spiritus inrequietis motibus erigentes, hac tamen indignitate perciti vehementer, ut iactitabant, quod eorum capiti quidam consortes apud Iconium Pisidiae oppidum in amphitheatrali spectaculo feris praedatricibus obiecti sunt praeter morem. Fieri, inquam, Triari, nullo pacto potest, ut non dicas, quid non probes eius, a quo dissentias. quid enim me prohiberet Epicureum esse, si probarem, quae ille diceret? cum praesertim illa perdiscere ludus esset. Quam ob rem dissentientium inter se reprehensiones non sunt vituperandae, maledicta, contumeliae, tum iracundiae, contentiones concertationesque in disputando pertinaces indignae philosophia mihi videri solent. Quanta autem vis amicitiae sit, ex hoc intellegi maxime potest, quod ex infinita societate generis humani, quam conciliavit ipsa natura, ita contracta res est et adducta in angustum ut omnis caritas aut inter duos aut inter paucos iungeretur. Inter has ruinarum varietates a Nisibi quam tuebatur accitus Vrsicinus, cui nos obsecuturos iunxerat imperiale praeceptum, dispicere litis exitialis certamina cogebatur abnuens et reclamans, adulatorum oblatrantibus turmis, bellicosus sane milesque semper et militum ductor sed forensibus iurgiis longe discretus, qui metu sui discriminis anxius cum accusatores quaesitoresque subditivos sibi consociatos ex isdem foveis cerneret emergentes, quae clam palamve agitabantur, occultis Constantium litteris edocebat inplorans subsidia, quorum metu tumor notissimus Caesaris exhalaret. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / Bonaparte Napoléon 2024-01-27T18:23:36.325000000 25 PT4H39M1S LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-29T15:20:50.030000000 Pablo Rodriguez La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain en France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu'à la proclamation de Napoléon III comme empereur le 2 décembre 1852.Les causes de la révolution de 1848 sont multiples. Elles sont d'abord politiques : la monarchie de Juillet est contestée par les républicains, qui souhaitent l'instauration d'une République plus démocratique. Elles sont également économiques : la France connaît une crise économique, avec une forte augmentation du chômage et de la pauvreté.La révolution de 1848 est un moment de grande effervescence politique et sociale. Le suffrage universel masculin est rétabli, l'esclavage est aboli dans les colonies, et des mesures sociales sont prises pour améliorer la condition des ouvriers.Cependant, la Deuxième République est un régime fragile. Les tensions politiques entre les républicains modérés et les républicains radicaux sont fortes. La crise économique continue, et les ouvriers se révoltent.En 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, fait un coup d'État et instaure le Second Empire. La Deuxième République prend fin. informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long TD informatique TD informatique Pablo Rodriguez Mise en forme d'un texte long 25 Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 Mon mémoire de fin d'année Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850 . Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / / / Bonaparte Napoléon 2024-01-27T18:23:36.325000000 25 PT4H39M1S LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-29T15:20:50.030000000 Pablo Rodriguez La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain en France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu'à la proclamation de Napoléon III comme empereur le 2 décembre 1852.Les causes de la révolution de 1848 sont multiples. Elles sont d'abord politiques : la monarchie de Juillet est contestée par les républicains, qui souhaitent l'instauration d'une République plus démocratique. Elles sont également économiques : la France connaît une crise économique, avec une forte augmentation du chômage et de la pauvreté.La révolution de 1848 est un moment de grande effervescence politique et sociale. Le suffrage universel masculin est rétabli, l'esclavage est aboli dans les colonies, et des mesures sociales sont prises pour améliorer la condition des ouvriers.Cependant, la Deuxième République est un régime fragile. Les tensions politiques entre les républicains modérés et les républicains radicaux sont fortes. La crise économique continue, et les ouvriers se révoltent.En 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, fait un coup d'État et instaure le Second Empire. La Deuxième République prend fin. informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long TD informatique TD informatique Pablo Rodriguez Mise en forme d'un texte long 25 Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 Mon mémoire de fin d'année Sommaire Sommaire Deuxième République. 1 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Crépuscule d'une République avortée. 14 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Héritage de la Deuxième République. 23 Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850 . Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 4 Histoire du régime. 6 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 6 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 7 La commission exécutive et les journées de juin. 8 La République conservatrice. 10 L'élection présidentielle de décembre 1848. 11 Les élections législatives de 1849. 12 Crépuscule d'une République avortée. 14 Fin du régime. 15 La marche vers l'Empire. 16 La culture politique sous la Deuxième République. 19 Les forces politiques. 19 Une politisation progressive de la population. 20 Le rôle des femmes dans la vie politique. 21 Arts et politique. 21 Héritage de la Deuxième République. 23 Influence du régime sur la pensée politique. 23 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 24 Historiographie. 24 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Caeli dare potuit isti suspicioni locum, fuit primum ipsius pudore, deinde etiam patris diligentia disciplinaque munita. Qui ut huic virilem togam deditšnihil dicam hoc loco de me; tantum sit, quantum vos existimatis; hoc dicam, hunc a patre continuo ad me esse deductum; nemo hunc M. Caelium in illo aetatis flore vidit nisi aut cum patre aut mecum aut in M. Crassi castissima domo, cum artibus honestissimis erudiretur. Nec sane haec sola pernicies orientem diversis cladibus adfligebat. Namque et Isauri, quibus est usitatum saepe pacari saepeque inopinis excursibus cuncta miscere, ex latrociniis occultis et raris, alente inpunitate adulescentem in peius audaciam ad bella gravia proruperunt, diu quidem perduelles spiritus inrequietis motibus erigentes, hac tamen indignitate perciti vehementer, ut iactitabant, quod eorum capiti quidam consortes apud Iconium Pisidiae oppidum in amphitheatrali spectaculo feris praedatricibus obiecti sunt praeter morem. Fieri, inquam, Triari, nullo pacto potest, ut non dicas, quid non probes eius, a quo dissentias. quid enim me prohiberet Epicureum esse, si probarem, quae ille diceret? cum praesertim illa perdiscere ludus esset. Quam ob rem dissentientium inter se reprehensiones non sunt vituperandae, maledicta, contumeliae, tum iracundiae, contentiones concertationesque in disputando pertinaces indignae philosophia mihi videri solent. Quanta autem vis amicitiae sit, ex hoc intellegi maxime potest, quod ex infinita societate generis humani, quam conciliavit ipsa natura, ita contracta res est et adducta in angustum ut omnis caritas aut inter duos aut inter paucos iungeretur. Inter has ruinarum varietates a Nisibi quam tuebatur accitus Vrsicinus, cui nos obsecuturos iunxerat imperiale praeceptum, dispicere litis exitialis certamina cogebatur abnuens et reclamans, adulatorum oblatrantibus turmis, bellicosus sane milesque semper et militum ductor sed forensibus iurgiis longe discretus, qui metu sui discriminis anxius cum accusatores quaesitoresque subditivos sibi consociatos ex isdem foveis cerneret emergentes, quae clam palamve agitabantur, occultis Constantium litteris edocebat inplorans subsidia, quorum metu tumor notissimus Caesaris exhalaret. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Strabon 2024-02-15T10:55:23.993000000 PT28M48S 18 LibreOffice/7.5.9.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/cdeefe45c17511d326101eed8008ac4092f278a9 2024-02-17T17:20:47.416000000 Pablo Rodriguez Très grande étendue de terre qui présente une vaste continuité géographique, et que les océans entourent en quasi-totalité.L'inlandsis du continent groenlandais se déversant lentement mais continuellement dans les fjords par des glaciers importants, vêle des icebergs de tailles variant à l'infini […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928) informatique traitement texte Mise en forme d'un texte long Evaluation informatique Evaluation informatique En géologie Pablo Rodriguez 35 Evaluation informatique Mise en forme d'un texte long 0 / / Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. Sommaire Sommaire Histoire 2 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Définitions et applications 25 En géologie 33 Table des matières Table des matières Histoire 2 Antiquité et Moyen-Âge 2 Premiers globes encore conservés 4 Globes du XVIIe siècle 6 Les globes du XVIIIe siècle 8 Les globes du XIXe siècle à nos jours 10 Angleterre 10 Allemagne 11 Fabricants de globes 13 Symbolique du globe dans l'histoire 15 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Les premières définitions 19 L'arrivée des Européens aux Amériques 20 Le mot continent 22 Au-delà des quatre continents 23 Définitions et applications 25 Frontières des continents 26 Le statut des îles 29 Modèles de continents 30 Dénomination 30 Comparaisons : aire et population 32 En géologie 33 Caractéristiques 33 Dérive des continents 34 Index des illustrations Index des illustrations Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. 2 Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. 17 Evaluation informatique Mise en forme d'un texte long 17/02/24 Strabon Pablo Rodriguez Sommaire Sommaire Histoire 2 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Définitions et applications 25 En géologie 33 Histoire Antiquité et Moyen-Âge Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. La nature sphérique de la Terre est clairement connue des Grecs dès le IVe siècle av. J.-C. et des Romains comme le montre Pline l'Ancien qui écrivai t : « Parmi les crimes de notre ingratitude je compterai aussi notre ignorance de la nature de la terre. D'abord, quant à sa figure, le consentement unanime en décide : nous disons le globe de la terre, et nous convenons que la circonférence en est limitée par les pôles. Ce n'est pas, il est vrai, une sphère parfaite; il y a trop de montagnes élevées et de plaines étendues; mais si l'on fait passer une courbe par les extrémités des lignes, on décrira de cette façon une surface sphérique régulière. Les lois naturelles veulent qu'elle soit ronde, mais non en vertu des mêmes causes que celles que nous avons rapportées par le ciel. En effet, le ciel est une sphère creuse qui pèse de toutes parts sur son pivot, c'est-à-dire sur la Terre ; celle-ci, solide et condensée, s'arrondit comme par un mouvement de soulèvement, et se développe. Le monde tend vers le centre, la Terre tend hors du centre, et le globe immense qu'elle constitue prend la forme d'une sphère, par l'effet de la révolution perpétuelle du monde autour d'elle » Aristote en fournit des preuve s dans son ouvrage Du ciel et le mentionne dans ses Météorologiques. Les premières mentions d'une représentation de la Terre sous forme d'un globe proviennent de Strabon 1 Strabon, Géographie, livres X et XII. et Ptolémée. Strabon mentionne incidemment l'existence d'un globe terrestre construit par Cratès de Mallos au IIe siècle av. J.-C.3 . Il y découpait le globe en 4 parties dont une représentait l'écoumèn e. Ptolémée, dans son Almageste, indique comment fabriquer un globe terrestr e. On a également mention de globes terrestres construits durant l'âge d'or islamique sans qu'on puisse toutefois y distinguer la réalité de la légend e. David Woodward signale, par exemple, l'existence d'une référence à un globe terrestre construit par Jamal ad-Din et ramené de Perse à Pékin en 1276. En Europe, les mentions attestées de sphères terrestres, qui ne soient pas symboliques mais géographiques, semblent dater du début du XVe siècle, en France avec les globes de Jean Fusori s et Guillaume Hobi t, en Allemagne avec le globe du moine Fridericu s. Puis, dans le dernier tiers du XVe siècle, les témoignages sont de plus indiscutables sur la fabrication de globe s, notamment chez Nicolaus Germanus (en ). Premiers globes encore conservés Le plus ancien globe terrestre parvenu jusqu'à nous est le globe de Martin Behaim, réalisé à Nuremberg en 1492 et appelé Erdapfel. L'Amérique et l'Australie ne figurent logiquement pas sur ce globe de 51 cm de diamètre. Le cartographe Martin Waldseemüller adapte en 1507 l'imprimerie aux besoins des fabricants de globes en créant les fuseaux. Jusque-là, les globes étaient toujours peints et uniques. De plus, les cartes de Waldseemüller publiées à Saint-Dié des Vosges furent les premières à porter l'inscription « America ». Selon Monique Pelletier, il serait l'auteur en 1506 ou 1507 d'un globe manuscrit passé à la postérité sous le nom de Globe vert. Le Globus Jagellonicu s, exposé dans les locaux du Collegium Maius de l'université Jagellonne de Cracovie en Pologne, est daté de 1510 et serait le deuxième plus ancien globe montrant l'Amérique. L'Allemand Johann Schöner publie en 1515 une carte du globe sur douze fuseaux avec un manuel de mode d'emploi pour monter son globe terrestre de 27 cm de diamètre. La demande fut telle que les fabricants de globes avaient du mal à fournir. Malgré le nombre important de globes commercialisés à cette période, surtout aux Pays-Bas, il n'en reste aucun exemplaire aujourd'hui. Les plus anciens globes terrestres imprimés parvenus jusqu'à nous sont les productions du néerlandais Gemma Frisius (vers 1536). Gérard Mercator travailla notamment à la gravure des globes en 1536 et 1537. Ce dernier se mettra ensuite à son compte en produisant notamment un globe de 41 cm de diamètre. Globes du XVIIe siècle Au début du XVIIe siècle, Amsterdam s'impose comme la capitale des globes où travaille notamment Jodocus Hondius. Il ne reste aujourd'hui aucun globe signé Hondius. Seul subsiste de nos jours une copie d'un globe de 21 cm du maître néerlandais réalisé en 1615 par l'Italien Giuseppe de Rossi à partir d'un modèle datant de 1601. Parmi les autres fabricants amsterdamois, citons également Willem Blaeu, qui réalisa des globes de 68 cm de diamètre en 1616. Ils étaient alors les plus volumineux jamais construits. L'école d'Amsterdam essaime en Europe lors de la seconde partie du XVIIe siècle. En Angleterre, c'est Joseph Moxon, formé à Amsterdam chez Blaeuw, qui produit au milieu du siècle des globes de cinq dimensions. En Allemagne, citons Georg Christoph Eimmart (1638-1705). C'est toutefois l'Italie qui abrite le plus prestigieux fabricant de globes du siècle : Vincenzo Coronelli. Coronelli produit les plus spectaculaires globes de l'histoire : les Globes de Marly. Offerte à Louis XIV en 1683, cette paire de globes terrestre et céleste mesurent 3,87 mètres de diamètre sans le mobilier. En ajoutant ce dernier, l'ensemble culmine à huit mètres de hauteur pour près de 5 mètres de diamètre. Les Globes de Marly, parfois également nommés Globes de Coronelli, ne sont pas les seuls produits par le cartographe italien. On citera ainsi pour l'exemple le globe terrestre de 108 cm de diamètre ornant la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. Il existe plusieurs exemplaires de ce type de globes, surnommés les « 110 de Coronelli ». Les globes du XVIIIe siècle Dès les toutes premières années du XVIIIe siècle, le marché anglais des globes se scinde en deux branches : les globes de poche et les globes classiques. Parmi les plus fameux fabricants de globes de poche, citons Charles Price, qui opère au début du siècle, et Nathaniel Hill, actif de 1746 à 1768. La grande mode des globes miniatures culmine toutefois entre la fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle. Les Pays-Bas retrouvent en partie leur dynamisme au début du siècle sous l'impulsion de Gerard et Leonard Valk qui produisent entre 1701 et 1726 sept paires de globes terrestres et célestes de 7,75 cm à 62 cm de diamètre. L'Allemagne produit un globe étonnant et qui fera date : le globe muet. Signé par Franz Ludwig Güssefeld, ce globe de 10,3 cm de diamètre ne comporte aucune légende. Il avait un usage pédagogique, notamment pour interroger les élèves. En France, Guillaume Delisle (1675-1726), ancien élève de Jean-Dominique Cassini, signa un globe terrestre de 31 cm de diamètre vers 1700. Didier Robert de Vaugondy (1723-1786) réalise son premier globe terrestre en 1745. Il reçoit en 1751 une commande royale à destination de la marine avec des globes de 45,5 cm. Ces globes connurent plusieurs rééditions (1764 et 1773). Concernant les mises à jour liées aux nouvelles découvertes, les fabricants de globes assurent depuis l'origine une forme de service après-vente en fournissant à leurs clients des éléments de cartes à coller sur le globe. Les globes du XIXe siècle à nos jours Angleterre Les Anglais conservent toujours une solide école de fabricants de globes. La société Newton, Son & Berry produit ainsi de 1831 à 1841 des globes de poche tandis que James Wyld (1812-1887) fait sensation à l'occasion de l'exposition universelle de Londres en 1851 en construisant un globe unique de 12 mètres de diamètre. Les visiteurs pouvaient même pénétrer à l'intérieur du globe géant. Il s'agit évidemment d'une opération publicitaire pour présenter les produits de la maison Wyld. Aussi à Londres (Angleterre), le constructeur John Mowlem produit en 1887 un grand globe de pierre de Portland qu'il transporta par bateau jusqu'à sa ville natale de Swanage. Mowlem érigea le globe au sud de la ville, à Durlston Head, sur le Jurassic Coast, où il peut être vu aujourd'hui. Son diamètre est 3 mètres. Allemagne L'école de cartographie allemande était très réputée au XIXe siècle. L'Allemand Paul Oestergaard, avec son frère Peter de Columbus Erdglobus à Berlin, sont les inventeurs dès 1909 du premier globe terrestre en verre soufflé revêtu d'une carte en papier marouflé afin de le rendre translucide et de pouvoir l'éclairer par l'intérieur. Deux éditions limitées du globe Columbus furent fabriquées à Berlin au milieu des années 1930, le premier pour le parti et l'autre pour le chancelier allemand Adolf Hitler lui-mêm e. Il avait presque deux mètres de haut avec son socle. Les globes terrestres Columbus sont toujours fabriqués en Allemagne. Räthgloben Verlag est un atelier de fabrication de globes terrestres qui a été fondé en 1917 à Leipzig par Paul Räth et qui revendique d'avoir créé en 1921 le premier globe lumineux dont un exemplaire se trouve au musée des globes à la Bibliothèque nationale de Vienne. Un autre spécime n remarquable de globe de 64 cm de diamètre, fabriqué pour les paquebots de croisière de luxe de Norddeutschen Lloyd, se trouve depuis 1926 au Musée de Munich. Cette entreprise, qui a été reprise en 1999 par son concurrent italien Nova Rico S.p.A. Florence, a construit en 2001 une nouvelle usine qui a été doublée en 2021. France Outre-Manche, le Français Charles François Delamarche (1740-1817) domine le marché, notamment avec ses globes de 32,5 cm de diamètre. Delamarche [archive] avait acheté le fonds documentaire de Rober t de Vaugondy et exploita cette documentation. Ce fut le point de départ d'une dynastie de fabricants de globes de trois générations. Parmi les fabricants de globes français du début du XXe siècle, citons Girard & Barrère et Joseph Forest (1865-19..). Ce dernier a notamment fourni les écoles françaises mais a également proposé à son catalogue un globe briquet. Ce type de globe fantaisie se déclina également dans des versions globe-bar par exemple. Le dernier fabricant français de globes terrestres scolaires et professionel, l'éditeur de cartes et de plans de villes Taride à Paris, a cessé ses fabrications dans les années 1970. Fabricants de globes l n'existe aujourd'hui (2020) qu'une poignée de fabricants de globes à travers l’Europ e, réalisant encore le travail de manière artisanale. Les fabricants de globes sont de deux types : les cartographes qui éditent leurs travaux, et des éditeurs qui exploitent des travaux parfois anciens plus ou moins bien mis à jour. La fabrication de globes donna lieu à la mise en place de dynasties familiales sur plusieurs générations. On citera les Hondius, les Blaeu ou les Delamarche. Les globes terrestres Columbus sont toujours fabriqués depuis 1909 en Allemagne, les plus grands mesurent 1,30 mètres de diamètre, les plus luxueux sont toujours une carte en papier divisée en douze secteurs appliqués sur une sphère en cristal soufflé. Les modèles plus courants sont en plexiglas sérigraphié deux fois, à l'intérieur et à l'extérieur, afin de pouvoir afficher deux cartes politique ou physique selon que l'intérieur est éclairé ou pas. L'entreprise italienne de fabrication de globes terrestres Nova Rico S.p.A. à Florence propose depuis 1955 des beaux globes terrestres éducatifs, scientifiques ou décoratifs avec un diamètre allant jusqu'à 50 cm, certains ont une sphère multidirectionnelle (globe à double axe de rotation). Plusieurs modèles sont la reproduction de globes anciens. En 1999, Nova Rico s'est associé à Tecnodidattica S.p.A. de Gênes pour prendre une perticipation majoritaire dans l'entreprise allemande de globes Räthgloben 1917 Verlag de Leipzig qui a construit en 2001 une nouvelle usine, doublée en 2021. En France, le château royal d'Amboise a récemment acquis un globe fabriqué dans le dernier atelier français du genre, installé à Besançon, reprenant les techniques et la cartographie du XVIe siècl e Symbolique du globe dans l'histoire Dès le Ier siècle av. J.-C. l'empereur Auguste est représenté avec un globe, qui devient un attribut de la symbolique impérial e. Après le Moyen Âge, lorsqu’un roi s'attribue un globe, son image confère une dimension d’apothéose, de délégation sur terre d’un pouvoir divin. Au XVIe siècle, époque où les guerres de religion font rage, le globe est associé à l’instabilité du monde, la boule renvoie à la folie du monde, d'où l’expression « le monde à l’envers ». À la Renaissance, le globe, vecteur et somme des nouvelles connaissances astronomiques et géographiques, devient parallèlement un symbole de savoir érudit. Le globe représente également la vanité du monde et des accomplissements humains, leurs caractères éphémère s. Aujourd'hui, le globe connote l'universalité et la mondialisation, l’expansion mondiale de certaines grandes entreprises et la diffusion planétaire. Les images de la Terre vue de l’espace rendent visible la beauté de la planète, mais aussi sa fragilité par rapport aux pressions écologiques ou politiques. Les continents de la Terr e Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. Le mot continent vient du latin continere pour « tenir ensemble », ou continents terra, les « terres continues ». Au sens propre, ce terme désigne une vaste étendue continue de terre à la surface du globe. Cependant, cette définition strictement géographique est souvent amendée selon des critères historiques et culturels. On retrouve ainsi certains systèmes de continents qui considèrent l'Europe et l'Asie comme deux continents alors que l'Eurasie ne forme qu'une étendue de terre. La définition peu claire d'un continent a abouti à l'existence de plusieurs modèles de continents, qui acceptent actuellement de quatre à sept continents. Mais cela n'a pas toujours été le cas, et ces modèles ont varié au gré de l'Histoire et de la découverte de nouveaux territoires. Dans son acception commune, la zone continentale inclut également les petites îles à très faible distance des côtes, mais non celles séparées par des bras de mer significatifs. Histoire du concep t Les premières définition s La première distinction entre les continents a été faite par les anciens marins grecs qui ont donné les noms d'Europe et d'Asie aux terres des deux côtés du cours d'eau de la mer Égée, le détroit des Dardanelles, la mer de Marmara, le détroit de Bosphore et la mer Noire. Les penseurs de la Grèce antique ont ensuite débattu pour savoir si l'Afrique (alors appelée la Libye) devait être considérée comme faisant partie de l'Asie ou comme une tierce partie du monde. Une division en trois parties s'est finalement imposée. Du point de vue grec, la mer Égée, était le centre du monde, avec l'Asie à l'Est, l'Europe à l'Ouest et au Nord et l'Afrique au Sud. Les limites entre les continents ne sont pas fixes. Dès le début, la frontière de l'Europe avec l'Asie a été prise à partir de la mer Noire, le long de la rivière Rioni (appelée alors le Phasis) en Géorgie. Plus tard, elle était considérée comme allant de la mer Noire par le détroit de Kertch, la mer d'Azov et le long du fleuve Don (appelé alors le Tanais) en Russie. Avec la période romaine et le Moyen Âge, quelques auteurs ont pris l'isthme de Suez comme frontière entre l'Asie et l'Afrique, mais la plupart des auteurs continuent à considérer le Nil ou la frontière occidentale de l'Égypte comme frontière. L'arrivée des Européens aux Amérique s Christophe Colomb a traversé l'océan Atlantique pour atteindre les Antilles en 1492, ouvrant la voie à l'exploration et à la colonisation européenne des Amériques. Mais malgré ses quatre voyages vers l'ouest, Christophe Colomb n'a jamais su qu'il avait atteint un nouveau continent et a persisté à penser qu'il avait atteint l'Asie. En 1501, Amerigo Vespucci était le pilote d'une expédition qui naviguait le long de la côte du Brésil. De retour en Europe, Vespucci a publié un compte rendu de son voyage dans lequel on peut lire : « j'ai découvert un continent dans ces régions du sud qui est habité par plus de personnes et d'animaux qu'en Europe, en Asie ou en Afrique », première identification explicite des Amériques, un continent comme les trois autres. En 1507, Martin Waldseemüller publie une carte du monde, Cosmographia Universalis, qui est la première à montrer l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud distinctes de l'Asie et entourées par de l'eau. Un petit carton au-dessus de la carte principale explique pour la première fois que les Amériques sont à l'est de l'Asie et sont séparées de l'Asie par un océan, car les Amériques sont placées à l'extrémité gauche de la carte et l'Asie à l'extrémité droite, ce qui aurait pu créer une confusion. Waldseemüller a noté que la terre est divisée en quatre parties, l'Europe, l'Asie, l'Afrique et la quatrième partie dont il forge le nom à partir du prénom d'Amerigo Le mot continen t À partir du XVIe siècle, le nom anglais continent émerge. C'est un dérivé du terme continent land, ce qui signifie terre continue et traduit du latin terra continens. Le nom a été utilisé pour désigner « une partie de terre connectée ou continue ». Alors que le mot continent a été utilisé pour les zones relativement petites de la continuité de la terre, les géographes ont de nouveau soulevé la question de Hérodote sur les raisons pour lesquelles une seule grande masse devrait être divisée en deux continents. Dans son atlas de 1752, Emanuel Bowen définit un continent comme « un grand espace de la terre ferme comprenant de nombreux pays, sans séparation par de l'eau. Ainsi, l'Europe, l'Asie et l'Afrique sont un grand continent, l'Amérique en est un autre. ». Toutefois, la vieille idée de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique en tant que « parties » du monde a en fin de compte persisté, celles-ci étant désormais considérés comme des continents. Au-delà des quatre continent s À partir de la fin du XVIIIe siècle, certains géographes ont commencé à considérer l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud comme deux parties du monde, ce qui fait au total cinq parties. Cependant, la division par quatre fut globalement plus répandue au cours du XIXe siècle. Les Européens ont découvert l'Australie en 1606, mais pour un certain temps, elle a été vue comme une partie de l'Asie. À la fin du XVIIIe siècle, certains géographes ont considéré qu'il s'agissait d'un continent à part entière, ce qui en fait le sixième (ou le cinquième pour ceux pour qui l'Amérique est encore un seul et même continent). L'Antarctique a été aperçu en 1820 et est décrit comme un continent par Charles Wilkes sur l'Expédition Wilkes en 1838, c'est le dernier continent à être identifié, même si l'existence d'un grand territoire Antarctique avait été envisagée depuis des millénaires. En 1849, un atlas signale l'Antarctique comme un continent, mais peu d'autres atlas l'ont fait jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Le drapeau olympique, conçu en 1913, a cinq anneaux représentant les cinq terres habitées, traite l'Amérique comme un seul continent et n'inclut pas l'Antarctique. À partir du milieu du XIXe siècle, les atlas des États-Unis ont le plus souvent traité l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud comme deux continents, ce qui est compatible avec la compréhension de la géologie et de la tectonique des plaques. Mais il n'était toujours pas rare que les atlas américains les traitent comme un seul continent, du moins jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. C'est d'ailleurs cette dernière vision qui prévaut encore de nos jours en Europe. Toutefois, au cours des dernières années, il y a eu une poussée pour que l'Europe et l'Asie, traditionnellement considérées comme deux continents, soient considérées comme un seul continent, appelé « Eurasie » — là aussi compatible avec la compréhension de la géologie et de la tectonique des plaques. Dans ce modèle, le monde est divisé en six continents (si l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud sont considérés comme des continents distincts). Définitions et application s Il n'y a pas de définition unique d'un continent. C'est pourquoi les cultures et les sciences ont des listes différentes de continents. En général, un continent doit être une grande étendue, composée de terre ferme avec des limites géologiques significatives. Bien que certains considèrent qu'il n'y ait que quatre ou cinq continents, on considère habituellement qu'il y en a six ou sept. Le critère d'origine pour désigner un continent, le critère géographique, est ignoré au profit de critères plus arbitraires, souvent historiques et culturels. Sur les sept continents les plus couramment retenus, seuls l'Antarctique et l'Océanie sont séparés des autres continents. Frontières des continent s Étant donné que la définition d'un continent est souvent arbitraire, les séparations entre ceux-ci ne sont pas toujours clairement définies. Le détroit de Gibraltar marque conventionnellement la limite entre l'Afrique et l'Europe. La séparation de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud correspond à l'isthme de Panamá, une étroite bande de terre. La frontière entre l'Asie et l'Afrique est généralement fixée à l'isthme de Suez ce qui exclut le Sinaï de l'Afrique. L'Égypte se retrouvant à cheval sur deux continents, certains géographes proposent cependant de déplacer la limite entre ces deux continents à la frontière israélo-égyptienne. Par commodité, la frontière entre l'Asie et l'Amérique est fixée à la frontière russo-américaine, aux alentours du détroit de Béring. Les îles Komandorski sont donc asiatiques tandis que le reste des îles Aléoutiennes sont américaines. La séparatio n entre l'Océanie et l'Asie est encore aujourd'hui très discutée. En 1831, l'explorateur et géographe Jules Dumont d'Urville découpe l'Océanie en quatre régions : la Polynésie, la Micronésie, la Mélanésie et l'Insulinde (alors appelée Malaisie). Cette dernière partie sera ensuite rattachée à l'Asie ce qui explique la frontière actuelle entre Asie et Océanie : l'ensemble des îles indonésiennes est asiatique à l'exception de la Nouvelle-Guinée et des îles toutes proches. Mais le caractère arbitraire de cette limite amène les géographes à repenser cette frontière. Certains pensent qu'il serait plus approprié d'utiliser la ligne Wallace, d'autres voudraient inclure entièrement l'Indonésie en Asie en excluant le Timor oriental. La frontière la plus contestée est sans doute celle entre l'Asie et l'Europe, les limites de l'Europe ayant été déplacés aux cours des siècles et étant peu clairement définies. Au XVIIIe siècle, le Tsar Pierre Ier désire faire de la Russie une puissance européenne. Son géographe Tatitchev propose alors en 1703 que les monts Oural, le fleuve Oural et le Caucase constituent la frontière entre Europe et Asie en lieu et place du Don qui incluait alors la Russie dans l'Asie. Avec l'extension récente de l'Union européenne aux portes de l'Asie tant dans les Balkans qu'en Europe de l'Est se pose une nouvell e fois le problème du tracé exact de la limite entre Europe et Asie. Certains géographes, par commodité, voudraient repousser la limite au-delà du Caucase afin d'inclure notamment l'Arménie et la Géorgie en Europe. D'autres, à l'inverse, voudraient voir cette frontière fixée à la dépression de Kouma-Manytch située au nord du Caucase dans le but d'inclure les peuples turcs du Caucase dans l'Asie. Le statut des île s Les parties du monde sont des continents dans un sens élargi. D'une part, toute île fait partie d'une partie du monde puisque les parties du monde contiennent toutes les terres émergées, mais les îles ne font pas partie des continents (au sens commun, ou au sens scientifique) puisque leur territoire n'est pas continu avec le reste du continent. Elles sont donc habituellement considérées comme appartenant au continent dont elles sont le plus proche. Par exemple, les Canaries — quoique espagnoles — sont rattachées à l'Afrique, les Baléares font partie de l'Europe et les îles du Pacifique appartiennent à l'Océanie. Il en est de même pour l'île de la Réunion ou l'île Maurice qui, malgré la distance qui les sépare de l'Afrique, sont considérées comme des îles africaines. Modèles de continent s Deux des plus grandes oppositions portent sur l'Europe et l'Asie qui pourraient être unifiées (Eurasie) et sur l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud qui formeraient l'Amérique. Quelques géographes proposent de regrouper l'Europe, l'Asie et l'Afrique en une Afro-Eurasie. Le modèle à sept continents est souvent utilisé en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. Le modèle à six continents (Eurasie) est très utilisé en Amérique du Nord, et est le modèle de choix pour la communauté scientifique. Enfin, le modèle unissant l'Amérique est utilisé en Europe de l'Est, en Amérique du Sud et également dans certains endroits de la partie septentrionale de l'Amérique. Dénominatio n Afrique, adopté dès l'Antiquité comme nom de l'actuelle Tunisie. Amérique (du latin America), du nom d'Amerigo Vespucci, sur proposition de Martin Waldseemüller. Antarctique du latin antarcticus, du grec ancien antí, « contre », et arktikos (« Arctique »), ce dernier mot étant formé à partir de arktos (« ours »). L'Arctique a été appelé ainsi car il correspond à la moitié du globe qui est du côté de la constellation de la Grande Ourse. L'Antarctique, qui est à l'opposé, est donc « l'anti-Arctique ». Asie, soit du nom de l'Océanide Asie (plus communément appelée Clymène), soit un dérivé d'Assuwa, un État confédéré situé dans l'Ouest de l'Anatolie et dont le nom proviendrait du hittite assu qui signifie « bon ». Europe, composition des mots grecs eurýs (« large ») et ops (« visage »). Océanie vient du latin oceanus, « océan ». Comparaisons : aire et populatio n Le schéma suivant donne la superficie, la population, la densité de population et le nombre de pays de chaque continent, suivant le modèle à sept continents. La superficie totale des continents est 148 647 000 km², ou approximativement 29 % de la surface de la Terre (510 065 600 km²). En géologi e Caractéristique s Pour les géologues, il existe à la surface de la Terre deux éléments structurels distincts : la croûte continental e, formée pour l'essentiel de granite et de roches associées, et la croûte océanique, de basalte et de gabbro. Aussi, la limite entre domaine continental et domaine océanique se trouve sous la surface de la mer : il est alors question de « plateau continental » qui se prolonge parfois à plusieurs kilomètres au-delà du trait de côte. Lors de la dernière époque glaciaire (à l'apogée de la glaciation de Würm il y a 20 000 ans), en Europe occidentale, le plateau continental s'étendait à plusieurs dizaines de kilomètres à l'ouest du littoral actuel. Dérive des continent s Au début du XXe siècle, Alfred Wegener remarque que par la disposition des continents, la côte est de l'Amérique du Sud semble s'emboiter parfaitement dans la côte ouest de l'Afrique. Il est le premier à alors proposer, à partir de cette observation, la théorie de la dérive des continents : un supercontinent, la Pangée, se serait fragmenté au début de l'ère secondaire et, depuis cette date, les masses continentales issues de cette fragmentation dériveraient à la surface de la Terre. Au cours du XXe siècle, il fut accepté par les géologues que les continents bougent à la surface de la planète, à l'échell e des temps géologiques. Ce processus est connu sous le nom de « dérive des continents » et est expliqué par la tectonique des plaques. La surface de la Terre est constituée de sept plaques tectoniques majeures (ainsi que de nombreuses mineures). Ce sont celles-ci qui dérivèrent, se séparèrent et s'assemblèrent pour former au fil du temps les continents que nous connaissons aujourd'hu i. Par conséquent, il existait d'autres continents dans le passé géologique, les paléocontinents. On a pu déterminer qu'il y a eu des époques de l'histoire de la Terre où il n'y avait qu'un seul grand continent à sa surface. Le plus récent, la Pangée remonte à 180 millions d'années. Le prochain « continent unique » devrait apparaître dans 250 millions d'années par le rapprochement de l'Afrique, de l'Eurasie et des Amériques, il s'agirait de la Pangée ultime Table des matières Table des matières Histoire 2 Antiquité et Moyen-Âge 2 Premiers globes encore conservés 4 Globes du XVIIe siècle 6 Les globes du XVIIIe siècle 8 Les globes du XIXe siècle à nos jours 10 Angleterre 10 Allemagne 11 Fabricants de globes 13 Symbolique du globe dans l'histoire 15 Les continents de la Terre 17 Histoire du concept 19 Les premières définitions 19 L'arrivée des Européens aux Amériques 20 Le mot continent 22 Au-delà des quatre continents 23 Définitions et applications 25 Frontières des continents 26 Le statut des îles 29 Modèles de continents 30 Dénomination 30 Comparaisons : aire et population 32 En géologie 33 Caractéristiques 33 Dérive des continents 34 Index des illustrations Index des illustrations Illustration 1: Strabon d'Amasée, gravure du XVIe siècle. 2 Illustration 2: Carte montrant les différents systèmes de continents. 17 Résumé : Très grande étendue de terre qui présente une vaste continuité géographique, et que les océans entourent en quasi-totalité.L'inlandsis du continent groenlandais se déversant lentement mais continuellement dans les fjords par des glaciers importants, vêle des icebergs de tailles variant à l'infini […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928) choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description ////// / Pablo Rodriguez 2020-07-04T15:15:32.048000000 PT32M50S 7 LibreOffice/6.4.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/a726b36747cf2001e06b58ad5db1aa3a9a1872d6 TD MEPTL Mise en page d’un texte long Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. 2020-09-18T13:21:25.725000000 Pablo Rodriguez 2020-07-02 UFR Histoire TD n°1 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine Mise en page d’un texte long 28/ 39 / / Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. Sommaire Sommaire A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 § C.3 - Déclin et destruction 9 § C.4 - Redécouverte 11 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 § D.2 - Équipements 22 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 § D.4 - Cour et jardin 31 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 § E.2 - Espace de représentation 37 Table des matières Table des matières A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 C.2.a Des origines à l'épanouissement 6 C.2.b Premières occupations dans le secteur 7 C.2.c Maison au petit péristyle 8 C.2.d Maison au grand péristyle 9 § C.3 - Déclin et destruction 9 C.3.a Maison à la mosaïque en damier 9 C.3.b Destruction progressive 10 § C.4 - Redécouverte 11 C.4.a Fouilles 11 C.4.b Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique 12 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 D.1.a Organisation générale 14 D.1.b Organisation du rez-de-chaussée 15 D.1.c Emprise de l'ancienne maison orientale 16 D.1.d Emprise de l'ancienne maison occidentale 18 D.1.e Incertitude sur l'organisation de l'étage 20 D.1.f Aile occidentale 21 D.1.g Aile septentrionale 21 § D.2 - Équipements 22 D.2.a Chauffage 22 D.2.b Eau 22 D.2.c Autres équipements 24 D.2.d Décor 24 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 D.3.a Fresques et stucs 25 D.3.b Mosaïques 29 D.3.c Décor architectural 30 D.3.d Colonnes de la galerie de façade 30 D.3.e Piliers 30 § D.4 - Cour et jardin 31 D.4.a Colonnes du péristyle 31 D.4.b Jardin central 32 D.4.c Colonnes du laraire et du balcon 33 D.4.d Mobilier statuaire 34 D.4.e Statue dite tutela 34 D.4.f Autres éléments 35 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 E.1.a Témoignage de la romanisation 36 E.1.b Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement 36 § E.2 - Espace de représentation 37 E.2.a Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire 37 E.2.b Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux 38 Index des plans Index des plans Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. 4 Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. 8 Index des photographies Index des photographies Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. 9 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine Mise en page d’un texte long Pablo Rodriguez UFR Histoire TD n°1 02/07/2020 Sommaire Sommaire A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 § C.3 - Déclin et destruction 9 § C.4 - Redécouverte 11 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 § D.2 - Équipements 22 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 § D.4 - Cour et jardin 31 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 § E.2 - Espace de représentation 37 Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée  domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. La cité est créée au ier siècle et connaît son apogée aux IIe et IIIe siècles. Touchée par les invasions du IIIe siècle, la cité n'est pas pourvue d'une enceinte et ne devient pas le siège d'un évêché. Le territoire des Viducasses dont Aregenua est la capitale, est absorbé par la cité de Bayeux de manière attestée au début du Ve siècle et la cité cesse d'exister comme centre urbain, même si le site reste occupé de façon continue. La maison du bas de Vieux est un édifice particulier dont l'apogée est daté des IIe siècle et IIIe siècle. Du fait de la ruralisation de la cité à partir du Ve siècle, les vestiges de l'ancienne cité sont accessibles à la recherche et font l'objet de fouilles précoces à partir de la fin du XVIIe siècle. Le site de la maison est plus systématiquement fouillé au XIXe siècle puis surtout à la fin des années 1980. La fouille exhaustive a également permis de retracer l'histoire de l' insula sur laquelle elle est située, du ier au Ve siècle apr. J.-C.. L'ampleur des découvertes est à l'origine du projet d'ouverture d'un musée de site, le musée archéologique de Vieux-la-Romaine, inauguré en 2002. Les enduits ont été réétudiés en 2010. Par ses proportions et l'état de conservation de ses éléments de décor, dont un ensemble de colonnes sculptées, la Maison au grand péristyle est unique au nord de la Loire. Édifice non exceptionnel tant dans sa taille que dans son décor, il est cependant un archétype, un « cas sans doute banal » selon Vipard de ce genre de maison appartenant aux élites désireuses de jouer un rôle social et politique, au-delà du rôle d'habitat individuel. La maison témoigne donc à la fois de la diffusion des modèles architecturaux méditerranéens dans les élites gauloises, du processus de romanisation et du rôle de ces édifices dans la vie sociale. Localisation Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. La commune de Vieux-la-Romainese situe à 10 km environ au sud-ouest de Caen et occupe le site de la ville antique d'Aregenua, centre urbain du peuple gaulois des Viducasses qui s'étendait sur une surface de 2 300 km ². La Maison au grand péristyle dont la façade est reliée au cardo se situe sur le coteau de la Guigne dans le quartier des thermes, un quartier dense disposant d'un « système de rues à galerie de façade » et d'un réseau de voies constitué au IIe siècle. 1 Pascal Vipard, La cité d'Aregenua (Vieux, Calvados); chef-lieu des Viducasses. état des connaissances , Château-Gonthier, 2004, p57. Vestiges du forum de Vieux présentés lors des Journées européennes du patrimoine de 2016. À proximité de l'édifice ont été retrouvées des bornes chasse-roues qui laissent supposer qu'une fontaine était présente. À environ 40 m au sud-ouest se trouve un second édifice thermal, fouillé aux XVIIIe et XIXe siècles. Cet édifice d'environ 90 m sur 50 m disposant d'une probable bipartition entre hommes et femmes a été offert à la ville par deux notables gallo-romains du nom de Sollemninus et de Titus Sennius Sollemnis à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle selon l'inscription honorifique gravée sur le piédestal appelé marbre de Thorigny. Dans le voisinage immédiat de la maison se trouvent à l'est des  insulae composées en bois et en torchis ainsi qu'une  domus de taille modeste sur son côté nord et une seconde située à proximité de boutiques, et au nord des thermes datés du milieu du IIe siècle et fouillés au XIXe siècle. Non loin de là se situe également le forum de la cité, qui a fait l'objet de fouilles au XIXe siècle et également à la fin du XXe siècle et début du xxie siècle. Le mur de façade de la Maison au grand péristyle est visible au nord-ouest du site. Les archéologues, n'ayant pas découvert d'autres vestiges au sud de la maison, en déduisent qu'elle correspond à la limite de la cité antique. Histoire Histoire de la cité La cité d'Aregenua, siège de la tribu des Viducasses, est fondée au ier siècle et connait son apogée aux IIe siècle et IIIe siècle sous la dynastie des Sévères. Au cours des troubles qui affectent l'Empire romain au IIIe siècle, la ville est durement touchée mais n'est pas dotée d'une enceinte contrairement à d'autres cités voisines comme Jublains, Lisieux, Bayeux ou encore Évreux. Si le site continue d'être habité, il perd toutefois de son importance au profit de Bayeux qui devient le siège d'un évêché. À la fin du IIIe siècle et au début du ive siècle, le déclin amorcé devient encore plus net : la ville fusionne avec Bayeux au début du ive siècle puis disparaît administrativement avant l'an 400. Une grande partie de la population quitte alors la ville. Histoire de l'édifice Des origines à l'épanouissement Les fouilles ont mis en évidence l'histoire du quartier ; les archéologues ont pu démontrer que les matériaux de construction utilisés pour les maisons du secteur se sont améliorés et qu'un luxe croissant caractérise l'évolution de l'édifice. Premières occupations dans le secteur Les premières occupations du site, datées du ier et IIe siècles apr. J.-C., consistent en constructions légères en bois, torchis et sols en terre battue. Le secteur de la  domus possédait probablement une vocation artisanale comprenant des ateliers de bronziers ou de verriers. Le quartier est quadrillé de voies à partir de 125-150 apr. J.-C.A 1. C'est à cette période que l'utilisation de la pierre dans la construction se généralise à Aragenua. L' insula du milieu du IIe siècle est occupée par deux constructions, la maison orientale (de 751 m2) et la maison occidentale, qui sont davantage connues pour la réutilisation de certains de leurs éléments dans des constructions ultérieures. La maison occidentale est, quant à elle, en partie rasée. Maison au petit péristyle Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. Les maisons du troisième quart du IIe siècle sont déjà des bâtiments de grande taille. L'un d'entre eux est détruit vers 170-180 apr. J.-C. afin de permettre l'extension d'un second bâtiment que les archéologues baptisent Maison au petit péristyle du fait de la présence d'un péristyle de modeste dimension. Outre cette extension, des changements affectent tout l'édifice : une aile est adjointe à la maison, des pièces sont ajoutées côté sud et des restructurations ont lieu dans l'aile ouest. La maison obéit désormais à un plan rectangulaire gréco-italique classique d'environ 50 m sur 30 m. La superficie de l'édifice est augmentée par l'ajout d'un jardin, et il est pourvu dans le même temps d'un décor luxueux. La cour mesure 5,30 m sur 7,90 m avec un bassin en briques fermé par un portique large de 2,70 m et comptant 10 colonnes d'un décor rare. La maison possède également un  tablinum qui constitue un archaïsme pour l'époque, bien qu'une disposition similaire soit attestée dans la maison au Dauphin de Vasio. Maison au grand péristyle Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. À la fin du IIe ou au début du IIIe siècle ont lieu des aménagements importants : un  viridarium vient occuper la cour et le péristyle double de surface, justifiant ainsi l'appellation de Maison au grand péristyle. La maison est occupée jusqu'au dernier quart du IIIe siècle. Déclin et destruction Maison à la mosaïque en damier La bâtisse subit un incendie au cours de la seconde moitié du IIIe siècle mais elle est réparée et reçoit le nom de Maison à la mosaïque en damier du fait de l'apparition de ce nouvel élément de décor. La qualité de vie baisse et des artisans, métallurgistes et bouchers, s'installent dans la maison. Le plan architectural ne change pas et les aménagements témoignent d'une poursuite de l'occupation. Le système d'hypocauste ne semble toutefois plus utilisé, et une mosaïque est restaurée avec du mortier de tuileau, démontrant l'incapacité des occupants à réparer l'œuvre au moyen d'artisans locaux. Le système d'alimentation en eau des bassins est hors service et une évacuation d'eau est créée pour pallier la défaillance d'une canalisation. Destruction progressive Dans le premier tiers du ive siècle, un nouvel incendie ruine l'édifice déjà quasiment abandonné et les récupérations de matériaux débutent. Le  cardo perce les ruines vers 330-340, et génère « des destructions considérables », en particulier dans l'aile ouest puisque ce percement détruit les 3/4 des salles qui la composent. L'occupation du site semble toutefois perdurer comme en témoigne la découverte, dans une fosse remplie de déchets de boucherie, d'« un lot de 38 antoniniens, mais aussi (… d') une monnaie de Gratien frappée entre 368 et 375 », ainsi que celle, ailleurs sur le site, d'« une monnaie très usée de Flavius Arcadius, frappée entre 368 et 375 ». La maison sert par la suite de ressource pour la récupération de matériaux de construction, de manière ponctuelle d'abord, puis à plus grande échelle entre 475 et 550, comme l'atteste la découverte sur le site d'une hache franque de 13,50 cm. Les récupérateurs de matériaux taillent en particulier les colonnes et acheminent de nombreux fragments dans des fours à chaux afin de procéder à « une récupération très poussée » des éléments récupérés, ne laissant que des éléments non réutilisables (torchis, enduits, petites pierres...) qui créent une couche de destruction, mais qui préservent paradoxalement certains fragments permettant de reconstituer aujourd'hui une partie du décor. La maison disparaît physiquement du paysage à cette période. Beaucoup plus tard, sans doute au XVIIIe siècle, de la terre végétale est apportée pour mettre en culture la zone qui gagne alors « une physionomie tout à fait rurale ». Redécouverte Fouilles Les fouilles débutent à Vieux dès 1697, soit près d'un demi-siècle avant celles de Pompéi et plus d'un siècle après la découverte du marbre de Thorigny. En 1812, une partie de la zone méridionale de la maison est explorée par le propriétaire, qui découvre une mosaïque. La société des antiquaires de Normandie procède à une nouvelle fouille en 1826, mais seul un fragment de mosaïque est retrouvé. Les autres fouilles menées à Vieux au XIXe siècle ne concernent pas l'édifice. À partir de 1988, le Conseil général du Calvados lance un programme de fouilles dans la commune en axant prioritairement ses recherches sur l'habitat. La maison est alors fouillée par Pascal Vipard entre 1988 et 1991. Ce dernier parvient à mener efficacement ses travaux du fait de l'absence de toute construction au-dessus du site antique, faisant de ces fouilles les plus importantes menées à Vieux depuis 1864A 7. La maison au grand péristyle constitue d'ailleurs le sujet de thèse de doctorat de Pascal Vipard, soutenue en 1996 à Paris IV sous la direction de François Hinard : « Une  domus du quartier des thermes d'Aregenua (Vieux, Calvados). Contribution à l'histoire de l'habitat urbain en Gaule romaine ». L'étude du site permet de suivre l'évolution de la maison de sa construction à sa destructionA 7 et de mettre en évidence six périodes. 677 pièces de monnaies sont ainsi découvertes, dont aucune comprise entre les règnes de Commode et Gallien, ainsi que 770 kg de céramique réparties en 140 800 tessons, ce qui prouve l'intégration de la cité aux voies commerciales du Haut-Empire. Les tessons de céramiques communes proviennent ainsi essentiellement de l'actuelle Sarthe, de la Picardie et du Dorset, tandis que les céramiques plus luxueuses ont pour origine le centre de la Gaule. Les restes d'amphores correspondent principalement à des amphores du type Dressel 20 destinées au transport d'huile de Bétique, de vin de Gaule narbonnaise ou plus rarement d'Asie mineure, « denrée très coûteuse ». Le site livre également 3 576 tessons de verre ainsi que la statue dite tutela de Vieux-la-Romaine en août 1988. Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique Dès sa découverte, la maison apparaît comme le seul édifice d'époque romaine visitable en Basse-Normandie et la seule maison à péristyle conservée dans le nord de la France. Après avoir été aménagée à l'initiative du Conseil général du Calvados à partir du mois de septembre 1992, la maison fait l'objet d'une présentation au public à partir de juillet 1993. Les choix de restauration sont à mi-chemin entre sauvegarde du site et visées pédagogiques, comme à Saint-Romain-en-Gal ou à Jublains. Les élévations n'ont pas été restituées, mais un hypocauste est remis en place ainsi que des copies d'éléments de décor assurés. La construction présentée au public est celle de la maison au grand péristyle de la fin du IIe siècle - début du IIIe siècle, à l'exception du maintien de la percée dans la construction du ive siècle. Toutefois, la restauration a nécessité des choix qui ont pu être infirmés par des études ultérieures. La partie sud en particulier n'a été étudiée qu'après la mise en valeur du site ayant entraîné une restitution à certains égards non conforme à la réalité. Les enduits peints, étudiés partiellement au début des années 1990, ont été réétudiés en 2010 : cette nouvelle analyse, qui a permis de relever des incohérences dans les restitutions proposées jusqu'alors, a soulevé des questions déontologiques sur l'étude de vestiges non traités « en une seule étude », ainsi que le problème de la réversibilité des restaurations effectuées. 2 Julien Boislève, « La Maison au Grand Péristyle à Aregenua (Vieux -Calvados), une relecture du programme décoratif peint et stuqué » , dans Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’antiquité, Ier-IVe siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique, Actes du colloque de Caen, 7-8 avril 2011 , Chauvigny-Caen, 2011, p. 135-154. Description de l'édifice à l'époque de son apogée Architecture Organisation générale La maison s’étend sur une surface de 1 250−1 500 m2, d'après un plan gréco-italique de 50,80 m sur 30,80 m dont un espace clos de 1 421 m2. Sa superficie la classe « parmi les plus grandes demeures de Gaule ». Le rez-de-chaussée comporte 14 pièces et 5 couloirs, et l'étage n'est pas connu mais estimé par les archéologues à 572 m2. L'édifice comporte en outre une galerie de façade. La maison, localisée dans le centre-ville, était importante et visible sur trois côtés au moins. L'ampleur des destructions rend toutefois difficile de déterminer les fonctions des différentes pièces résidentielles. Les fondations de l'édifice, d'une profondeur allant jusqu'à deux mètres, sont puissantes et constituées de blocs de grès. Les murs sont en opus vittatum ou en petit appareil de calcaire local, mais certains comportent des rangs de briques. Parmi les matériaux utilisés, la pierre de Caen et le travertin ont été identifiés et comportent des traces d'outils. La maison a été bâtie avec des matériaux locaux et à l'aide d'une main d’œuvre locale, ce qui a pu minorer le coût de la construction, même si la fortune du propriétaire devait être conséquente (l'achat de l'emplacement, souvent construit, représentait une part non négligeable de l'opération). Organisation du rez-de-chaussée Le rez-de-chaussée comprenait 14 pièces, plus 12 pièces de service et 5 couloirs et circulations. La maison s'organisait autour d’une cour centrale, ornée d’un bassin et entourée d’un péristyle. Un système d'hypocauste assurait le chauffage de plusieurs pièces. La  domus a conservé aussi une partie de son dallage d’origine en calcaire. La galerie, large d'environ 3,30 m, occupait toute la façade de la maison et protégeait ses occupants de la pluie, du fait de son orientation au nord, tout en permettant de soutenir un étage. Le sol de la galerie était composé de dalles de marbre rose local, fait inhabituel pour cette cité. Des colonnes lisses en façade, attestées par la découverte d'éboulis, supposent l'existence d'un étage. Une baie à deux arcades signalait l'entrée de la maison. Cette entrée monumentale faisait face au  cardo II et était destinée à marquer le rang social de son propriétaire en s’inspirant de l'architecture officielle, notamment des portes des villes d'alors. Emprise de l'ancienne maison orientale L'entrée comportait une porte en chêne à deux battants d'environ un mètre, dont on a retrouvé la serrure dans les couches de destruction faisant suite à un incendie. Cette porte permettait l'accès des clients du maître de la maison. Le vestibule était organisé en deux parties et mesurait 3,60 m sur 2,50 m. Deux pilastres hauts de 4,50 m étaient ornés de figures mythologiques et probablement du portrait des propriétaires. Le second espace correspondait à des  fauces (vestibules) également ornés de piliers. La loge, très grande car mesurant 6 m sur 4,30 m, possédait des murs en  opus vittatum, en torchis et en bois. Le sol était constitué d'un plancher large de 0,21 m et épais de 3 cm. Sa surface semble correspondre à un lieu de stockage ou à une boutique ; par ailleurs les archéologues ont reconnu la trémie d'un escalier d'accès à l'étage. Une cuisine de 4,50 m sur 4,75 m avec un sol en mortier était munie d'un puits. D'autres pièces de service étaient présentes dans le même secteur, dont des latrines — témoignage de la richesse de l'habitation — couvertes de chaux et par lesquelles passait une conduite se dirigeant vers l’égout extérieur. Plusieurs pièces de la maison étaient chauffées par hypocauste et un  praefurnium était situé non loin. Une des pièces chauffées, de 3,20 m sur 4,80 m, contenait un riche décor de divinité orientale. L'hypocauste, bien conservé, a été restauré et peut être aujourd'hui observé en écorché sur praefurnium le site ; il conservait des éléments d’enduit de tuileau ainsi que des  tubuli. La taille de la pièce laisse penser qu'il s'agissait d'un bureau ou d'une chambre. Le  praefurnium était accessible depuis la rue. La chambre ainsi qu’une autre pièce, sûrement une antichambre, communiquaient avec le portique par un vestibule. Certaines pièces assez grandes, dont une de 6 m sur 5,80 m, n’ont pu être identifiées précisément dans la partie sud de l'édifice, même si Vipard suppose que l’une d'entre elles, munie de cloisons de torchis, était un lieu de rassemblement où les occupants avaient pour habitude de boire ensemble. La présence de monnaies datant de Vespasien à Marc Aurèle, ainsi que de nombreux tessons de céramique et de verre allant du IIe siècle au ive siècle, semble étayer cette hypothèse. Une pièce de 6,60 m sur 6 m environ n’a également pas pu être identifiée. Un long couloir de presque 19 m de long sur 3 m de large comportait des murs revêtus d’enduits portant des cercles. Cette coursive disposait d'une porte secondaire ou  posticum donnant sur le  cardo I et sûrement destinée à un usage privé par les occupants de la maison. La partie ouest du couloir ne menait vraisemblablement nulle part. Les vestiges des pièces localisées au sud étaient mal conservés et certaines salles ne sont aujourd'hui connues que par des négatifs de murs. Une loge de portier, au sol en galets, a été identifiée et une pièce à proximité avait probablement une fonction de réserve pour le bois destiné au  praefurnium du secteur. La fouille de 1826 est située à proximité, les vestiges en place ont cependant permis une étude stratigraphique : la pièce était chauffée et la mosaïque possédait un décor géométrique qui a été remplacé à l’époque tardive par une nouvelle mosaïque contemporaine, lorsque cette dernière fut transformée en salle froide. Une cour à ciel ouvert de plus de 50 m2 avait un sol en terre et pierre, et une porte donnant accès vers le sud est supposée. Des traces d'enduit rouge ont été trouvées sur un des murs. Des caves, d'une contenance de 4 m3 à 10 m3 et fermées au moyen d'une serrure et d'une couverture de tuiles, se sont succédé dans le secteur. Un bac à huîtres a été découvert, et outre le stockage alimentaire, le secteur a livré des traces d'artisanat de textile et de travail de bronze. Emprise de l'ancienne maison occidentale Au sud-ouest, les archéologues ont dégagé un  praefurnium et un balnéaire qui appartenaient à la Maison occidentale préexistant à la Maison au petit péristyle. L'alimentation du  praefurnium se faisait par l'extérieur. Le secteur a été endommagé par le passage du  cardo au milieu de l'édifice durant la période du Bas-Empire. Une baignoire était située dans le  caldarium. Du fait de l'état de conservation du secteur, les conduites d'eau et d'évacuation n'ont pu être reconnues. La conservation de ces pièces en dépit des transformations profondes de l'édifice peut s'expliquer par cette installation. La pièce en forme de L qui est contiguë a probablement servi d' apodyterium ou de  frigidarium. Un balnéaire privé était réservé aux demeures les plus riches et témoigne donc ici du haut niveau social des propriétaires. La pièce cesse cependant d'être chauffée alors que la  domus reste occupée : cet abandon est probablement dû à la proximité immédiate d'édifices thermaux très bien équipés et propices à la vie sociale. Une salle de réception située au nord du complexe balnéaire, mesurant environ 8 m sur plus de 6 m, a livré un très riche décor conservé en dépit du percement du  cardo. La pièce était potentiellement ouverte sur le  viridarium et d'un niveau différent de 15 cm par rapport au portique. Elle était destinée aux repas et également à la réception d'invités et de clients du fait de son décor. Les salons étaient en effet des espaces publics ouverts sur le jardin. Au nord de cette pièce se situe la plus grande salle de la maison, de 9,20 m sur 7,80 m. Cet espace de réception a souffert de l'incendie de l'édifice, du percement de la rue et de prédations liées aux récupérations de matériaux. La présence de deux pièces de réception contiguës est connue par la maison de Méléagre de Pompéi ; elles étaient sans doute utilisées en fonction de l'effectif accueilli. La salle n'est toutefois pas un  triclinium puisque les gallo-romains ne mangeaient pas couchés. Elle a conservé des traces d'enduits initialement interprétés comme des indices attestant la présence d'un escalier pour rejoindre l'étage, sur le mur sud ou ouest. Cette interprétation a été battue en brèche par l'analyse de 2010, et le rapprochement avec des éléments similaires retrouvés à Chartres incitent Boislève à interpréter ces enduits comme des encadrements de fenêtres. Une pièce de 7,80 m sur 7,20 m, s'apparentant à une boutique, est présente sur la façade nord de la maison. Elle est décorée simplement, avec un sol en mortier recouvert d'un enduit datant de l'époque de la maison occidentale. La boutique, qui était louée ou tenue par du personnel de maison, a été détruite par le percement du  cardo. Une pièce située à sa gauche, également très simple, conserve un pan de mur de la maison orientale qui est « le plus ancien conservé ». Le péristyle a fait l'objet d'un doublement de sa surface à son apogée monumental et était alors pourvu d'un jardin ou  viridarium. Sa surface était supérieure à 322 m2 dont 130 m2 pour le jardin et 192 m2 pour les portiques. Le lieu s'agrémentait d'un sol en béton de tuileau et d'un décor de qualité. Un laraire était installé dans sa partie nord, relié à un balcon ou à une galerie située à l'étage. Trois côtés du péristyle s'ornaient de colonnes, tandis que le portique en comportait sept sur le long côté et quatre sur les petits. Les fouilles ont révélé de nombreux fragments de verre à vitre. L'accès au péristyle se faisait par une salle de réception. Sur la façade sud de l'édifice, les archéologues ont dégagé peu de choses : des traces d'appentis et des foyers d'un type commun dans les  villae, placés de façon à limiter les risques d'incendies. Cet espace semble avoir également servi de cuisine secondaire, comme en attestent les coquillages, moules, huîtres et bulots qui y ont été retrouvés. Les limites d'autres espaces situés au sud et à l'ouest n'ont pu être définies. Incertitude sur l'organisation de l'étage À l'origine, les maisons à étages étaient principalement destinées aux catégories les plus modestes, mais sous l'Empire les maisons nobles adoptent progressivement cette configuration afin d'obtenir un surcroît de place et de surplomber les autres constructions. Dans la Maison au grand péristyle, la présence d'un étage semble confirmée par le faible nombre de chambres retrouvées — le nombre de pièces d'habitation de cet étage, d'une superficie estimée à 570 m2, reste toutefois à ce jour inconnu. Les archéologues supposent que seules les ailes occidentale et septentrionale comportaient un second niveau, absence vraisemblablement liée à la nécessité de laisser entrer la lumière tout en permettant aux ailes dépourvues d'étage d'avoir des pièces chauffées. Aile occidentale L'épaisseur des murs et les traces d'un enduit impliquant la présence d'un escalier viennent conforter l'existence d'un niveau supérieur pour l'aile occidentale. Un mur éboulé dans le jardin et non détruit lors des récupérations de matériaux constitue également un indice supplémentaire. Les salles de l'étage étaient accessibles par une pièce richement décorée, induisant « l'existence de pièces nobles à l'étage ». Dans le jardin, un massif de maçonnerie a été mis au jour non loin du vestibule, et a pu servir à soutenir un balcon à l'étage pourvu de colonnes à décor bachique et peut-être un laraire au rez-de-chaussée, selon une disposition traditionnelle. Aile septentrionale Les éboulis, présents dans l'aile septentrionale, attestent également la présence d'un étage, tout comme l'espacement des colonnes de la galerie de façade qui évoque un étage surplombant le portique extérieur. Une cage d'escalier a aussi été mise en évidence. Cet étage existait peut-être dès les premiers états de l'édifice. Les fouilles ont découvert des vestiges de torchis, de bois et de clous : ce mode de construction permettait d'avoir une structure plus légère. Équipements Chauffage Le plan méditerranéen de la maison sous ces latitudes septentrionales a nécessité des adaptations au niveau de l'édifice, comme en témoigne l'usage de torchis, la présence d'un système d'obturation du portique et une installation de chauffage. Quatre pièces disposent d'un système d'hypocauste, d'autres devant disposer de braseros. Un foyer construit en tuiles est installé tardivement dans un pièce, du temps de la Maison à la mosaïque en damier. Cet équipement témoigne de la dégradation des conditions de vie des habitants de la maison à basse époque. Eau La cité comportait un réseau d’égouts « peu sophistiqué ». La maison nécessitait un système d'évacuation d'eau, notamment d'eaux de pluie, du fait des 1 300 m2 de toitures et d'eaux usées. Une conduite en briques et béton a ainsi été retrouvée, menant de la maison au  decumanus, à laquelle devaient également s'ajouter d'autres conduites en bois. Les conduites en plomb ont fait l'objet d'une récupération ; la fouille a livré une conduite en chêne assemblée par du fer. La maison possédait deux puits destinés à son approvisionnement en eau, dont l'un, profond de 6,60 m, était situé entre le jardin et le portique. La fouille de ce puits a livré des vestiges du ier siècle au ive siècle. La fouille du second puits, situé dans une pièce en bordure de la colonnade, n'a quant à lui rien donné. La maison était en outre raccordée au système de conduite d'eau publique, les éléments d'agrément du jardin nécessitant pour fonctionner une eau sous pression. L'eau était acheminée vers la salle de bains de l'aile ouest, tandis qu'une autre conduite menait l'eau du bassin du jardin aux latrines et passait dans l'angle nord-est du portique, où elle était divisée en trois sections. L'eau provenant du système public constituait un privilège réservé à quelques-uns, peut-être membres du collège des décurions ; c'est un témoignage de l'adoption d'un mode de vie et « un besoin de représentation sociale », témoin du luxe de l'édifice : la présence de fontaines et de jets d'eau rapprochaient ainsi l'édifice des thermes. Autres équipements Les fouilles ont permis de retrouver des éléments d'éclairage : trois lampes à huile, dont l'une portant le nom de Vibianus, ainsi que des supports pour des chandelles ou des torches. Le seul élément de bronze retrouvé sur le site est d'ailleurs un fragment de candélabre. De nombreuses serrures et clés ont été retrouvées lors des fouilles ; les clés étaient destinées surtout aux différentes pièces et permettaient de réguler l'accès des différents visiteurs. Les fouilles ont livré également des éléments liés à l'écriture, boîtes à sceller, stylets : l'écriture était donc une pratique répandue parmi les occupants de la demeure. Décor Les fouilles ont permis de mettre au jour un décor composé de peintures et de mosaïques relativement commun pour ce type de demeure, ainsi qu'un décor sculpté exceptionnel même s'il est très fragmenté. Un décor de qualité a été mis en évidence pour les espaces officiels de la maison, entrée,  viridarium et salons. Fresques et mosaïques Fresques et stucs Tout l'intérieur de la maison était peint et l'édifice devait donc présenter « un aspect très coloré ». La gamme chromatique utilisée était variée, et comportait du rouge vermillon, coloris très coûteux. 850 caisses de vestiges d'enduits ont ainsi été collectées pendant les fouilles. La maison a conservé cependant peu d'enduits peints identifiables : la chaux et le sable constituant les principaux éléments découverts dans les couches de destruction. Toutefois, cinq pièces ont livré des éléments de décor datés de l'époque de la Maison au petit péristyle. Une des pièces pourvue d'un hypocauste était munie d'un décor complexe, dont « un fronton peint sur champ vermillon ». À cet emplacement devait se trouver une statue de dieu oriental en stuc, coiffée d'un bonnet phrygien et identifié comme Attis bien qu'aucun indice ne prouve la présence d'une niche. Cette divinité a fait l'objet d'un traitement maladroit, tant pour les proportions que pour le visage. L'usage du cinabre et du relief stuqué est un indice des moyens utilisés pour les décors de la maison, qui prend place « parmi les ensembles luxueux connus en Gaule ». Les maisons servaient, outre le laraire, à honorer des divinités diverses selon la préférence des propriétaires. L'étude de 2010 a permis de préciser des éléments : la zone inférieure était pourvue d'un décor d'imitation de marbre vert et jaune, de panneaux rouge vermillon et d'espaces rouge bordeaux, pourvus de frontons et les bordures étaient ornées de scènes dont des Amours. Des stucs étaient disposés dans les bordures et fixés au moyen de clous. Julien Boislève a mis en évidence la présence d'un décor de plafond, peint et également stuqué. Dans la partie sud de la maison, un long couloir comportait un décor de cercles ocres et rouges, sécants et tangents de 0,25 m (ou 0,27 m) de haut, sur fond blanc. La bande fait environ 0,39 m et comporte aux extrémités haute et basse une bande rouge ainsi que des cercles réalisés au compas. La fresque a été retrouvée à plat et le fouilleur en a déduit une localisation dans la partie inférieure des murs. La nouvelle étude des enduits de 2010 a mis en évidence de nouveaux fragments s'imbriquant sur les éléments remontés au musée et pose la question de la réversibilité des restaurations. La comparaison avec les usages connus du motif dans d'autres maisons du IIe siècle et IIIe siècle (Mané-Véchen, Bavay ou Andigny-en-Bassigny) ainsi que l'observation du revers des fragments, plutôt lisse, invite à considérer le décor plutôt comme lié à une bordure de plafond. Le motif convient aux couloirs ou cryptoportiques. Une pièce située au nord de ce couloir comportait une imitation de placage de marbre. De l'autre côté du couloir, une autre salle a révélé un décor d'imitation de marbre de fresques et de stucs. La pièce située à gauche de l'entrée principale de la maison a livré des vestiges de stucs pouvant être considérés comme des éléments de plafond. Une salle de l'ancienne maison occidentale, vaste de 52 m2, a livré, malgré la destruction liée au passage du  cardo, des fragments de fresque dont un panneau de 0,50 m de côté représentant une scène mythologique. Au centre d'un cadre architecturé, un homme est assis sur un siège de bois, un pommeau de glaive à la main ; à sa droite une femme vêtue d'une tunique grecque tient des boucliers ; un autre personnage féminin tend un casque au héros. La scène est peut-être issue de l'Iliade, de l'épisode de la remise d'armes avant la guerre de Troie. Il s'agirait d'une fresque d’Achille et Thétis datée de l'époque de la Maison au petit péristyle : Thétis rapporte au héros les armes forgées par Héphaïstos ; le second personnage féminin serait Briséis. Ce genre de scène correspondait au «  nec plus ultra de la décoration peinte » ; celle-ci est « l'œuvre d'un peintre talentueux » et d'« un atelier particulièrement qualifié ». Ces scènes sont connues surtout pour le troisième et quatrième style pompéien. L'étude réalisée en 2010 a permis de reconnaître deux autres représentations très partiellement conservées : une scène d'extérieur pour l'une, avec un torse masculin et un bras tendu ; des fragments de main ou de patte pour l'autre. Boislève évoque la possibilité d'un décor de tableaux mythologiques, d'un « cycle cohérent », peut-être celui d'Achille. Des tableaux successifs abordant une seule et même thématique sont attestés de manière fréquente dans les salles d'apparat de Pompéi, mais plus rarement dans les demeures en Gaule. La pièce possédait une autre scène ainsi qu'une mosaïque polychrome, et une statue de divinité supposée être la  tutela d'Aregenua. Dans la pièce de 72 m2 contiguë à la salle où a été découvert le tableau de Thétis et Achille, a été retrouvé un décor peint interprété initialement comme appartenant à un escalier. La pièce comportait une scène avec des personnages indéterminés ainsi qu'un plafond peint de motifs géométriques. La nouvelle analyse de 2010 change l'interprétation de ces vestiges : le décor initialement attribué au plafond est finalement à attribuer aux parties basses des murs, formées d'un décor à bases de boucliers. La partie médiane du mur comportait un motif classique d'encadrement et d'inter-panneaux ornés de candélabres végétaux. Un personnage à moitié nu et pourvu d'un drapé bleu a été identifié, et des indices laissent supposer la représentation d'une danseuse. La partie haute du mur comportait probablement une corniche de stuc. La composition de l'ensemble est originale et la partie inférieure est « la véritable originalité de ce décor ». Des éléments de faux marbre et d'architecture, un chapiteau ionique, ont également été identifiés, tout comme des fragments de personnages à l'échelle1/2. La présence de colonnes dans le décor a pour objectif d'ajouter à son prestige tandis que les fragments de scènes peintes avaient peut-être une finalité commémorative. Dans le jardin, parmi de nombreux éléments, seule a pu être identifiée une frise de poissons, dont sept sont conservés. La fresque, de « haute qualité », ornait selon Vipard le bord du bassin périphérique et longeait le stylobate des portiques. Elle se situait selon lui au-dessus d'une toiture, cependant des fragments analysés en 2010 peuvent contredire cette interprétation : des éléments de corps dévêtu semblent pouvoir être rattachés à l'ensemble, et la fresque semble devoir se poursuivre au-dessus de la frise des poissons, ce qui bouleverse la présentation faite au musée et issue des premières recherches. Les poissons, inscrits dans un fond bleu de 0,15 m de haut, ne sont pas réalistes mais avaient pour rôle principal de peupler le bassin. L'association d'une telle peinture avec un bassin constitue selon Alix Barbet « un exemple remarquable ». Mosaïques Il y a peu de mosaïques à Vieux. Sur les dix œuvres découvertes sur le site, cinq sont issues de la Maison au grand péristyle. Les mosaïques géométriques ont été étudiées dans leur contexte archéologique, ce qui diffère de trouvailles anciennes comme la Grande mosaïque de chasse de Lillebonne. Les matériaux étudiés ne sont pas uniquement locaux et laissent envisager la présence d'artisans Éduens. Une des mosaïques a été détruite aux trois quarts lors du percement de la maison par le  cardo III et devait à l'origine mesurer près de 12 m2. Son dessin géométrique comportait des bandes obliques, des carrés droits ainsi que des carrés sur la pointe munis d'un décor floral, avec un fleuron à quatre pétales sur les uns et une croix bulbeuse sur les autres. Ce type de composition a déjà été observé en Germanie supérieure et daterait de la dynastie des Sévères. Une autre pièce située au sud de l'édifice et ayant possédé un hypocauste a livré des fragments d'une mosaïque dont le motif, répandu à Vienna, a pu être en partie reconstitué. Le fond comportait des motifs de nids d'abeille et des hexagones, de petite et grande taille. Les archéologues ont également retrouvé des tesselles en pâte de verre et des fragments de « motifs figurés » qui remplissaient les hexagones. Deux fragments d'une mosaïque ayant succédé à cette œuvre ont été retrouvés lors des fouilles du XIXe siècle et sont conservés au Musée de Normandie. D'autres tesselles ont été exhumées en 1990 et datent probablement de la Maison à la mosaïque en damier. Décor architectural La salle d’apparat, la cour et le jardin étaient richement décorés et toutes les sculptures étaient réalisées en pierre de Caen. Colonnes de la galerie de façade Les colonnes de la galerie de façade étaient lisses et possédaient une base attique, leur taille variant en fonction de l'inclinaison du sol. La galerie avait pour fonction de soutenir un étage et date vraisemblablement de la Maison au petit péristyle. L'entrée de la maison possédait deux colonnes géminées. Piliers L'entrée de la maison s'ornait d'un décor sur piliers partiellement conservés et datant de l'apogée monumental de l'édifice. Le portique, d'une hauteur estimée à 4,50 m, présentait un décor en bas-relief sur deux de ses faces, que les fragments retrouvés ne permettent toutefois pas de reconstituer. Les piliers portaient une cinquantaine de scènes, probablement liés à la mythologie et à l'idéologie impériale. Cependant, les vestiges conservés ne permettent pas de corroborer cette hypothèse. Seuls quelques indices retrouvés au cours des fouilles permettent d'établir des hypothèses quant aux scènes représentés. Ont ainsi été découverts : un fragment avec une fleur et des griffons affrontés, attribut d'Apollon et de Dionysos et « gardiens domestiques », des divinités incertaines (Apollon ou Diane), ainsi que Marsyas, un  putto, etc.. Les propriétaires étaient peut-être également représentés sur les piliers. Une Vénus anadyomène a été identifiée sur un bloc de 600 kg. Un personnage situé à sa gauche a disparu suite à « un prélèvement assez soigneux ». Cour et jardin Colonnes du péristyle Les fouilles ont permis de dégager des éléments de décoration exceptionnels, tels que des colonnes ciselées de motifs végétaux, des piliers ornés de bas-reliefs et des mosaïques. Il existe une continuité entre les piliers sculptés du vestibule et les colonnes du portique, « cœur de la  domus ». Les colonnes du péristyle proviennent de deux étapes de la construction : des fleurs inscrites dans des losanges pour les plus anciennes et imbriquées pour celles de l'extension, les deux types étant alternés. Les colonnes appartiennent à l'ordre toscan provincial et mesurent environ 2,70 m. Les colonnes sont pourvues de motifs habituellement liés, selon les spécialistes, à des bâtiments publics. Certains décors de ciselure et d'imbrication sont répandus surtout dans ce cadre. Les colonnes de la maison ont pu être rapprochés de celles des thermes de la ville. Certaines colonnes possèdent un décor de feuillage stylisé « extrêmement répandu », d'autres un décor de losanges avec des motifs végétaux et des feuilles d'acanthe. Ces dernières sont très rares, seuls quatre cas d'usage de ce décor sont connus en Gaule ou en Germanie, datant de la Maison au petit péristyle : ce décor est originaire d'Orient et se répand en Gaule au IIe siècle et IIIe siècle. L'usage dans des maisons est attesté à Rouen et à Bourges afin de leur « conférer un caractère plus solennel ». Les colonnes possèdent une rainure sur les côtés opposés, identifiée comme étant « un système d'obturation du portique par des panneaux de bois » afin de prendre en compte les contraintes climatiques locales et l'extension de l'ouverture lors de l'élaboration de la maison au grand péristyle. Cet aménagement est attesté également en Italie dès le milieu du ier siècle. Jardin central La fouille n'a pas permis d'identifier les végétaux présents dans le jardin. Un bassin périphérique en brique, mortier et blocage, apparenté aux « modèles italiques tardo-républicains », a été retrouvé et possédait probablement un système de jets d'eau composé de tuyaux de plomb. Une frise à motifs de poissons orne trois des côtés, suscitant « une illusion de faune aquatique ». Une faune de poissons similaire est connue dans la domus des Bouquets-Vesunna de Périgueux, et une fresque ichtyene a également été retrouvée à Lisieux. Un bassin central polylobé, d'environ 2 m sur 3,60 m, a été dégagé et comportait des absides tant sur les longs que sur les petits côtés. Sa hauteur originelle n'est pas connue. Une fontaine alimentée par un conduit placé à l'est se trouvait sans doute à cet endroit, selon un modèle connu dans des maisons de Pompéi (la Maison de la grande fontaine ou celle de Méléagre). L'alimentation en eau était située au nord-est. Des fragments sculptés de  putto et d'animaux étaient alors peut-être reliés à la fontaine sculptée. Colonnes du laraire et du balcon Deux paires de colonnes ont été retrouvées, liées selon les fouilleurs à un balcon ou une galerie de l'étage, une d'environ 3,40 m et l'autre de 2,40 m environ. Les colonnes les plus hautes comportaient des génies végétaux. Ces colonnes sont pourvues d'un riche décor de rinceaux de vigne et d'animaux et personnages dionysiaques : il avait un rôle ornemental et se trouvait aussi dans les édifices publics, temples ou autres. Sur une des colonnes se trouve un visage végétal avec des lièvres et des serpents dans les cheveux, sur un décor de personnages, de feuilles de vigne et de grappes de raisin. Il y a un personnage muni d'une serpe de vigneron, un satyre et un Amour. Les autres colonnes, les moins hautes, sont d'« une qualité nettement supérieure » : on trouve deux boucliers d'Amazones et un motif de vigne sortant d'un canthare, avec des personnages et des oiseaux, ainsi que trois représentations de satyres, mais sous forme humaine, dont l'un sous la forme d'Hercule au jardin des Hespérides, avec le serpent Ladon et un pied de vigne à droite. Mobilier statuaire Le site a livré des reliefs bacchiques mais également une statue exceptionnelle de  tutela, en plus de statuettes en terre-cuite blanche plus communes exhumées lors des fouilles. Statue dite  tutela La statue dite tutela a été découverte au cours des fouilles de la salle d'apparat située au rez-de-chaussée de l'aile occidentale. Six fragments dont cinq identifiables ont ainsi été découverts dans une couche correspondant à l'incendie qui ravagea la maison à la fin du IIIe siècle. L’œuvre, réalisée en calcaire local, de la pierre de Caen devait mesurer 1,10 m et comporte, au niveau de la tête, des traces de polychromie. L’œuvre a peut-être été sculptée par les mêmes artistes qui ont réalisé les piliers d'entrée de la demeure. Le personnage féminin, vêtu d'une tunique et d'un manteau, tient une corne d'abondance de la main gauche et une patère de la main droite. Elle porte sur la tête une couronne pourvue de tourelles et sur la face antérieure une représentation d'arc de triomphe ou de porte de ville. La coiffure correspond à une mode capillaire attestée au cours du règne des Antonins et que l'on peut observer sur les bustes de Faustine la Jeune ou Bruttia Crispina. Les archéologues identifient la statue comme une Fortuna ou Tyché, génie du lieu ou Tutela : la divinité civique est liée au culte impérial. La présence d'une telle représentation dans la maison d'un membre de l'élite locale est « naturelle et plausible », d'autant plus dans un salon officiel ; elle sous-entend une fonction publique au lieu, donnant corps à « l'officialisation du décor ». Autres éléments Les archéologues ont retrouvé des fragments d'éléments de mobilier ayant pu appartenir à un laraire : des statuettes de terre cuite blanche d'un modèle assez commun, une Vénus et une déesse-mère. Interprétation Témoignage de l'acculturation des élites locales Témoignage de la romanisation Ce type de maison à péristyle, peu adapté à certaines contrées, y est rare et lié à la romanisation. La maison témoigne de l'« universalité du type à péristyle en Gaule », même si des adaptations rendues nécessaires par « le climat normand » sont à souligner. Les fouilles ont mis en évidence une demeure typiquement méditerranéenne prouvant l’assimilation de l’architecture romaine par les Gaulois du Nord et leur « intégration à l'élite de la civilisation romaine », qui tend vers « une uniformité de pensée et de comportement ». Elle est un indicateur de la romanisation et de l'« uniformité culturelle » existante à la fin des Antonins, ainsi que de la brève période d'apogée qui s'étend jusqu'aux Sévères. Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement L'édifice est « un cas moyen » des maisons urbaines, « assez représentatif » de ce qu'on pouvait trouver dans l'habitat des élites. Elle est selon le fouilleur « représentative des grandes demeures aristocratiques provinciales […] et présentant un caractère ostentatoire très affirmé ». La maison n'est pas caractéristique des demeures présentes sur le site, où prédomine un habitat plus modeste représenté par la maison à la cour en U, fouillée dans les années 1990 et mise en valeur sous un préau  in situ, à proximité immédiate du musée archéologique de Vieux-la-Romaine. La  domus a été entièrement fouillée, ce qui est exceptionnel pour ce type d'habitat, surtout au nord de la Gaule. La disparition du caractère urbain du site a permis la préservation et l'accès aux vestiges, dont la fouille a apporté beaucoup à la connaissance de l'histoire et de la topographie de la ville. Espace de représentation Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire Les maisons à péristyle sont surtout situées dans les chefs-lieux de cités. Ce type de demeure est le cadre de la vie des élites tant pour l'otium que pour le negotium. Le propriétaire, qui occupait « une place de choix dans la cité », recherchait l'ostentation, et ce dès l'extérieur de la demeure, avec la colonnade et l'entrée aménagée telle une porte de ville. Les décors sculptés, les mosaïques, les marbres et stucs ainsi que les enduits peints vont dans le sens d'une demeure aménagée « sans viser à l'économie ». Le décor est proche de ce qui se trouve en Gaule belgique ou lyonnaise ; cette richesse du décor est peut-être « une particularité des Trois Gaules et non un mode d'expression universel ». Les artisans ne peuvent être connus : seule a pu être déterminée l'origine bourguignonne des auteurs des mosaïques par l'analyse des matériaux utilisés. Quant aux stucs en reliefs, ils sont présents dans les pièces les plus importantes de la demeure ; certaines pièces de moindre importance étaient peu ou pas décorées. Les enduits peints à thème mythologique sont rares en Gaule et les pigments utilisés à Vieux étaient coûteux. Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux La maison joue un rôle dans « l'affirmation d'un statut social, au sein même de la sphère privée » : le propriétaire souhaite ainsi faire passer aux visiteurs « un message politique, culturel ou religieux ». Selon la  Lex Ursonensis, les décurions devaient habiter le chef-lieu, même s'il existait de grandes disparités de richesse dans l'ordre. La possession d'une telle maison correspondait alors à une « manifestation de la  dignitas », « forme consciente d'ostentation », permettant d'accéder aux fonctions publiques, génératrices de dépenses élevées. Le décor mis en scène dans la demeure n'a pas qu'un but esthétique, il est lié à « l'expression et […] l'exercice du pouvoir », d'où une proximité avec ce qu'on trouve dans les bâtiments publics. Cet aspect est commun à tout l'Empire romain, et l'usage dans l'architecture domestique de formes ou décors architecturaux officiels — édifices civils ou religieux, dans les espaces publics — est une manifestation de « puissance politique ». Cependant, le rôle politique des maisons à péristyle est moins bien documenté pour l'Empire que pour la fin de la République romaine ; la manifestation architecturale du pouvoir et du rang social perdure malgré tout sous l'Empire, même si la finalité est un pouvoir régional ou local. La maison à péristyle de Vieux a donc possédé un but politique, même s'il s'agit d'un exemple tardif. Le décor dionysiaque retrouvé est « de très bonne qualité » pour un site du nord de la Loire, même s'il reste inférieur à ce qui se trouve en Italie. Le décor chargé des colonnes est « une caractéristique provinciale », la thématique bacchique ayant surtout un rôle symbolique et iconographique. L'inspiration dionysiaque est peut-être liée à un aspect religieux ou social, ou les deux car le culte dionysiaque est la « religion de la classe possédante » à partir du règne de Trajan. Le thème avec son esthétique connaît alors un grand succès en Gaule Lyonnaise. Les éléments retrouvés à Vieux permettent de considérer le site comme suivant « une mode générale » et la maison présente un décor typique des maisons les plus riches. L'édifice acquiert un « caractère grandiose et officiel », « la maison est […] un instrument de pouvoir et de promotion personnelle permettant d'afficher sa richesse et sa puissance sociale et politique ». La maison de Vieux, tardive car datée de la fin du IIe siècle, représente finalement un exemple du mode de vie des élites provinciales. Table des matières Table des matières A - Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine 2 B - Localisation 4 C - Histoire 6 § C.1 - Histoire de la cité 6 § C.2 - Histoire de l'édifice 6 C.2.a Des origines à l'épanouissement 6 C.2.b Premières occupations dans le secteur 7 C.2.c Maison au petit péristyle 8 C.2.d Maison au grand péristyle 9 § C.3 - Déclin et destruction 9 C.3.a Maison à la mosaïque en damier 9 C.3.b Destruction progressive 10 § C.4 - Redécouverte 11 C.4.a Fouilles 11 C.4.b Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique 12 D - Description de l'édifice à l'époque de son apogée 14 § D.1 - Architecture 14 D.1.a Organisation générale 14 D.1.b Organisation du rez-de-chaussée 15 D.1.c Emprise de l'ancienne maison orientale 16 D.1.d Emprise de l'ancienne maison occidentale 18 D.1.e Incertitude sur l'organisation de l'étage 20 D.1.f Aile occidentale 21 D.1.g Aile septentrionale 21 § D.2 - Équipements 22 D.2.a Chauffage 22 D.2.b Eau 22 D.2.c Autres équipements 24 D.2.d Décor 24 § D.3 - Fresques et mosaïques 25 D.3.a Fresques et stucs 25 D.3.b Mosaïques 29 D.3.c Décor architectural 30 D.3.d Colonnes de la galerie de façade 30 D.3.e Piliers 30 § D.4 - Cour et jardin 31 D.4.a Colonnes du péristyle 31 D.4.b Jardin central 32 D.4.c Colonnes du laraire et du balcon 33 D.4.d Mobilier statuaire 34 D.4.e Statue dite tutela 34 D.4.f Autres éléments 35 E - Interprétation 36 § E.1 - Témoignage de l'acculturation des élites locales 36 E.1.a Témoignage de la romanisation 36 E.1.b Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement 36 § E.2 - Espace de représentation 37 E.2.a Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire 37 E.2.b Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux 38 Index des plans Index des plans Plan 1: Plan simplifié d'Aregenua. 4 Plan 2: Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle. 8 Index des photographies Index des photographies Photographie 1: Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison. 9 La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée domus du bas de Vieux est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description / 2019-04-05T15:59:47.336000000 PT28M43S 9 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. Mise en page d'un texte long L'aviation et son histoire Pablo Rodriguez 2023-02-09T11:22:10.125000000 Pablo Rodriguez 2019-01-20 Mon département Mon groupe Partie D : Typologie : les différents types d'avions Mise en page d'un texte long 16/ 17 L'aviation et son histoire 17 / 17 Mise en page d'un texte long / / Avion 1: L’avion III de Clément Ader Avion 2: Avion des frères Wright,1903 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Bernard Marck, Histoire de l’aviation, 2: Jean-Jacques Dufour, Une histoire de l’aviation commerciale, Sommaire Sommaire Partie A : Introduction 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 Table des matières Table des matières Partie A : Introduction 2 § A.1 - Étymologie et histoire 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 § B.1 - Morphologie 6 § B.2 - Les précurseurs 6 § B.3 - Premiers planeurs 7 § B.4 - Premier décollage motorisé 8 § B.5 - Premier vol motorisé contrôlé 8 § B.6 - Premiers vols motorisés contrôlés autonomes 9 § B.7 - Le perfectionnement des machines (1906-1914) 9 § B.8 - Le premier vol commercial 10 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 § C.1 - Comment un avion vole-t-il ? 12 § C.2 - La physique du vol 12 § C.3 - La technique du vol : le pilotage 13 § C.4 - Impact sur l'environnement 13 § C.5 - Les émissions de CO2 13 § C.6 - En termes d'écobilan 14 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 § D.1 - Avions civils 16 § D.2 - Avions militaires 16 § D.3 - Concurrence entre Airbus et Boeing 17 § D.4 - Histoire 17 Index des avions Index des avions Avion 1: L’avion III de Clément Ader 2 Avion 2: Avion des frères Wright,1903 9 L'aviation et son histoire Mise en page d'un texte long Mon département Pablo Rodriguez Mon groupe 20/01/2019 Sommaire Sommaire Partie A : Introduction 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 Introduction Avion 1: L’avion III de Clément Ader Un avion, selon la définition officielle de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), est un aéronef plus lourd que l'air, entraîné par un organe moteur (dans le cas d'un engin sans moteur, on parlera de planeur), dont la sustentation en vol est obtenue principalement par des réactions aérodynamiques sur des surfaces qui restent fixes dans des conditions données de vol. Celui ou celle qui le dirige est appelé pilote ou aviateur/aviatrice. Un avion qui est muni d'un dispositif lui permettant de décoller et de se poser sur l'eau (amerrir) est un type d'avion dénommé hydravion. Étymologie et histoire Le mot aviation (du latin avis, oiseau et actio, action) a été employé pour la première fois par Gabriel de La Landelle, en 1863, dans le livre Aviation ou navigation aérienne sans ballon, un ouvrage rendant compte des tentatives d'envol de Jean-Marie Le Bris dans un appareil plus lourd que l'air. Le terme avion sera ensuite créé en 1875 par Clément Ader pour désigner sa série d'appareils volants, puis breveté par lui. C'est ainsi qu'il a appelé l'appareil baptisé Éole, avec lequel il décolle le 9 octobre 1890 puis rase le sol sur 50 mètres à 20 cm au-dessus de la piste. Cet événement ne sera toutefois pas homologué comme étant le premier vol : la hauteur atteinte était insuffisante pour le qualifier de tel. De fait, la performance de cette génération d'engins ne fera pas se bousculer les entrepreneurs car n'ayant pas assez de maîtrise de son domaine. Mais dans les premières années de l'aéronautique, après les exploits des frères Wright à partir du 17 décembre 1903, on ne parle guère d'avion mais d'aéroplane. En 1911, pour honorer la mémoire de Clément Ader, le Général Roques, créateur de l'aviation militaire, a décidé que tous les aéroplanes militaires s'appelleraient des avions. Mais ce n'est qu'avec la Première Guerre mondiale que les mots avion et aviation deviennent communs. Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, les tensions grandissantes en Europe incitent les gouvernements à s'intéresser à l'aviation en tant qu'arme de guerre. D'où l'organisation par la France du fameux concours d’aéroplanes militaires de Reims (octobre et novembre 1911), premier concours de ce type de l'histoire mondiale de l'aviation. Les différents constructeurs, français et britanniques notamment, se livrent à une course contre la montre pour tenter d'obtenir des commandes à l'export. Léopold Trescartes, titulaire du brevet civil de l'Aéroclub de France no 842 délivré le 16 avril 1912, effectue le 7 septembre 1912 le premier vol au-dessus de Porto (Portugal) à bord d'un biplan de type MF-4 fabriqué par Maurice Farman. Cet avion, officiellement acheté par un journal de Porto et dont les exhibitions servent, pour le grand public, à financer la construction d'une crèche, est en réalité un modèle destiné à convaincre le gouvernement portugais d'acheter des avions français dans le cadre de la création d'une force aérienne. Après de nombreuses démonstrations, en présence notamment du ministre de la guerre portugais, le choix des autorités portugaises se portera finalement sur un appareil britannique de marque Avro, type Avro 500. Le MF-4 de démonstration sera ultérieurement offert au gouvernement portugais et sera utilisé au sein du bataillon Aerosteiros puis à l'école militaire d'aéronautique de Vila Nova da Rainha. Avions et pilotes pionniers (volontaires détachés d'autres unités qui gardaient leur uniforme d'origine, surtout recrutés dans la cavalerie) sont réquisitionnés pour des missions de reconnaissance. Cibles des deux camps au sol, ils sont décimés. Les grandes nations se dotent très vite d'une aviation militaire où les avions se spécialisent : reconnaissance, chasseurs, bombardiers. Une course aux records est engagée pour prendre l'avantage sur l'ennemi, l'armement étant amélioré avec l'apparition des premières mitrailleuses synchronisées. Le parachute fait son apparition, mais est seulement utilisé par les pilotes de dirigeables, les avions volant trop bas pour qu'il soit efficace. Au sol, on construit des aérodromes, et l'avion est fabriqué en séries. Le 5 octobre 1914, tout près de Reims, se déroule au-dessus du point de jonction des communes de Jonchery-sur-Vesle, de Prouilly et de Muizon, le premier combat aérien de l’histoire mondiale de l’aviation militaire, avec un avion abattu. Le combat est remporté par le pilote Joseph Frantz et le mécanicien Louis Quenault de l'escadrille V 24 sur un Voisin III, contre le sergent Wilhelm Schlichting (pilote) et l'oberleutnant Fritz von Zagen (observateur) sur un Aviatik allemand. À la suite, les duels aériens se multiplient. Si les premiers combats sont très rares et dangereux (fusils embarqués, qui nécessitent une dextérité extrême), le développement des mitrailleuses synchronisées (faisant suite aux hélices blindées sur le passage des balles, invention de l'aviateur français Roland Garros) améliore l'efficacité des batailles. Notamment parce que ce dispositif permettait de tirer les balles d'une mitraillette à travers les hélices des avions. Contrairement à l'horreur des tranchées (boue, bombardements constants…) la guerre aérienne est vue comme une guerre propre (si tant est que cela soit possible). Dans les représentations des pilotes comme des civils et de l'infanterie, qui suivent avec assiduité la guerre du ciel, l'aviation possède un côté noble, chevaleresque ; Guynemer refusera d'abattre Ernst Udet car sa mitrailleuse s'était enrayée. Il y a une grande compétition entre les « As », tant entre ennemis qu'au sein d'un même camp. Les grandes figures de cette époque sont les Français Guynemer et René Fonck (plus grand As français et de la guerre selon la méthode de calcul), ainsi que les Allemands Manfred von Richthofen (surnommé Le Baron Rouge), et Ernst Udet. Le soir du 10 juin 1916 a lieu le premier combat aéronaval de l’Histoire, en Afrique équatoriale. Un hydravion de fabrication britannique de type Netta, piloté par les lieutenants belges Behaeghe et Collignon, bombarde avec succès la canonnière allemande Graf von Götzen dans le port de Kigoma (actuelle Tanzanie) sur le lac Tanganyika à l’aide d’une de ses deux bombes de 65 livres qui l’atteint au gaillard d'arrière mettant hors d'état sa gouvern. Le navire est ainsi neutralisé ce qui brise le verrou allemand sur le lac, entre le Congo belge et l’Est Africain allemand qui avait été mis en place deux ans plus tôt. Les canonniers allemands n’ont pu riposter contre cette attaque aérienne car leurs pièces d’artillerie, prévues pour des cibles côtières ou navales (nous n'étions qu'au début de l'aviation), ne s’élevaient pas selon un angle suffisant pour menacer des avions (considérés par les Allemands comme inexistants en Afrique équatoriale). L’hydravion rejoignit sa base néanmoins avec 20 atteintes de balles de mitrailleuses tirées de Kigoma et un flotteur percé. À la fin de la guerre, il y a : 4 500 avions français ; 3 500 avions britanniques ; 2 500 avions allemands. Marie Marvingt invente en 1914 l'aviation sanitaire. Histoire de l’aviation et technique Morphologie Un avion est constitué : D'une cellule comprenant le fuselage, les train d'atterrissages, la voilure (aile et empennage) et les éléments mobiles de la voilure (ailerons, gouvernes, volets), y compris éléments aux fonctions combinées (aérofreinset gouvernes de profondeurs) ; D'un ou de plusieurs groupes moteurs et propulseurs à hélice ou à réaction; De commandes de vol capables de transmettre les actions du pilote aux gouvernes; D'instruments de bord d'indications et de contrôle pour informer le pilote sur le déroulement du vol : on parle d'avionique si ces instruments sont électroniques ; De servitudes de bord. Les précurseurs L'homme a probablement très tôt rêvé d'imiter le vol des oiseaux et la légende, telle celle d'Icare, ou de nombreux récits apocryphes revendiquent des tentatives de vol par des hommes harnachés d'ailes et s'élançant à partir d'une tour. Quelle que soit leur identité, ils tentaient d'imiter un mécanisme, celui de l'aile d'oiseau, dont ils n'imaginaient pas la complexité. Les égyptiens déjà fabriquent des jouets ou maquettes en bois de balsa ayant la capacité de s'élever et de planer dans les airs. On attribue à Archytas de Tarente l'invention d'une colombe en bois capable de voler. Vers 1500, Léonard de Vinci a dessiné et proposé plusieurs idées de « machines volantes » mais elles étaient basées, pour la plupart, sur le concept des ailes battantes. En 1655, Robert Hooke, mathématicien, physicien et inventeur anglais, concluait à l'impossibilité du vol humain sans l'assistance d'un moteur « artificiel ». Hezârfen Ahmed Çelebi (1609 — 1640) est un inventeur ottoman considéré comme l'un des premiers pionniers de l'aviation pour avoir plané depuis la Tour de Galata à Istanbul. En 1783, les frères Montgolfier grâce au ballon à air chaud et Jacques Charles grâce au ballon à gaz permettent à l'homme de s'élever dans l'atmosphère mais sans contrôle de la trajectoire. La solution viendra de l'étude d'un jouet, le cerf-volant, connu en Orient depuis l'Antiquité mais qui ne sera introduit en Europe qu'au XIIIe siècle. Le Britannique George Cayley (1773-1857), est le véritable précurseur de l'aviation. Il découvre les principes de base de l'aérodynamique et comprend que le poids et la traînée sont les deux forces qu'il faut vaincre. Il comprend également qu'il est inutile de reproduire le vol battu des oiseaux et que les ailes doivent être fixes ; il prévoit la nécessité d'un empennage pour stabiliser le vol. Il établit ainsi la forme de base de l'avion. S'inspirant des travaux des Français Launoy, il construit un hélicoptère en 1796 puis, en 1808, un « ornithoptère » à l'échelle humaine et, en 1809, un planeur qui volera sans passager. William Samuel Henson et John Stringfellow, reprenant les travaux de Cayley, font voler un modèle réduit d'aéroplane à vapeur. Néanmoins, les moteurs puissants pour les appareils à taille réelle sont beaucoup trop lourds pour leur permettre de décoller. En 1837, Isidore Didion en conclusion d'une étude théorique fine conclut que « La navigation aérienne n'aura de succès que si l'on trouve un moteur capable de produire une force motrice dont le rapport avec le poids de la machine qu'elle exigerait pour être soutenue, soit plus grand que les machines à vapeur actuelles, ou que chez l'homme ou la plupart des animaux ». Les progrès vont donc d'abord passer par les planeurs et par l'étude de l'aérodynamique. Entre 1857 et 1868, le Français Jean-Marie Le Bris essaie successivement deux planeurs de son invention, d'abord depuis les collines de la baie de Douarnenez (Finistère), puis sur la hauteur du Polygone de la Marine, près de Brest (Finistère), reprenant ainsi en France les travaux des pionniers britanniques de la décennie précédente. En 1863, le terme « aviation » est inventé par Gabriel de La Landelle. Le Britannique Francis Herbert Wenham, en 1871, construit ce qui est probablement la première soufflerie, qui va permettre d'expérimenter des maquettes. Le français Louis Mouillard s'inspire de l'aile d'oiseau pour concevoir des planeurs dont la voilure est courbée. Il propose le gauchissement des ailes. Entre 1857 et 1877, les Français Félix et Louis du Temple essaient des modèles réduits à moteur à ressort, en les aidant d'un plan incliné, puis peut-être un engin, muni d'un moteur à vapeur, monté par un matelot. Les essais de planeurs se succèdent, et s'y prêtent tour à tour l'Allemand Otto Lilienthal, le Britannique Percy Pilcher, les Américains John Joseph Montgomery et Maloney, et les Français Ferdinand Ferber, Maurice Colliex ainsi que les frères Voisin. Premiers planeurs Le premier homme ayant volé en contrôlant la trajectoire de sa machine est Otto Lilienthal, qui a effectué entre 1891 et 1896 deux mille vols planés depuis une colline artificielle à proximité de Berlin. Les premiers vols sur une machine volante pilotée par gouvernes agissant sur les trois axes (tangage, roulis, lacet) ont été réalisés par les frères Wright sur leur planeur en 1902. Premier décollage motorisé Le premier homme ayant déclaré avoir volé à l'aide d'un moteur est le Français Clément Ader, aux commandes de son Avion. La réalité de ces vols est discutée, à cause du manque de témoins et par l'absence de contrôle en vol de ses engins. La première tentative a lieu en 1890 aux commandes de l'Éole ; les marques laissées par les roues dans le sol meuble auraient présenté un endroit où elles étaient moins marquées et auraient totalement disparu sur une vingtaine ou une cinquantaine de mètres. Son engin volant aurait ainsi effectué un bond ; il n'y avait pas de témoins autres que des employés d'Ader. La même machine, essayée devant des témoins officiels en 1891, ne donne pas d'autres résultats. Les essais suivants d'Ader furent effectués au camp militaire de Satory, à Versailles, où avait été établie une aire circulaire de 450 mètres de diamètre pour effectuer une démonstration officielle. Le 12 octobre 1897, Ader effectua un premier tour sur ce circuit à bord de son Avion III. Il sentit à plusieurs reprises l'appareil quitter le sol, puis reprendre contact. Deux jours plus tard, alors que le vent est fort, Clément Ader lance sa machine devant deux officiels du ministère de la Guerre qui déclarent : « Il fut cependant facile de constater, d'après le sillage des roues, que l'appareil avait été fréquemment soulevé de l'arrière et que la roue arrière formant le gouvernail n'avait pas porté constamment sur le sol ». Les deux membres de la commission le virent sortir brusquement de la piste, décrire une demi-conversion, s'incliner sur le côté et enfin rester immobile (il semble que, les roues n'ayant plus assez d'adhérence du fait de la sustentation, le pilote ait perdu le contrôle directionnel de sa machine qui est alors sortie de la piste puis s'est renversée sous l'effet du vent). À la question « [...] l'appareil a [-t-il] tendance à se soulever quand il est lancé à une certaine vitesse ? » la réponse est « [...] la démonstration… n'a pas été faite dans les deux expériences qui ont été effectuées sur le terrain ». Devant cet échec, le ministère de la Guerre coupe les crédits à Ader. On peut conclure que, ce 14 octobre 1897, le Français Clément Ader aurait peut-être effectué le premier décollage motorisé – mais non contrôlé – d'un plus lourd que l'air. Premier vol motorisé contrôlé Après la mise au point en vol de leur planeurs entre 1900 et 1903, avec plus de 700 vols en 1902, les frères Wright ont expérimenté leur premier avion, le Flyer, dans les dunes de Kitty Hawk [1] le 17 décembre 1903. Les deux frères pilotent à leur tour ; ils effectuent quatre vols, le dernier étant le plus long : Orville vole sur 284 mètres pendant 59 secondes. Ces vols sont généralement considérés comme les premiers vols motorisés et contrôlés d'un plus lourd que l'air. Leurs détracteurs, notamment les partisans d'Alberto Santos-Dumont et de Gabriel Voisin, leur reprochent d'avoir eu besoin d'un rail fixé au sol et d'une catapulte à contre poids pour le décollage, le Flyer étant dépourvu de roues ; la faible puissance du moteur ne permettait pas non plus le décollage par vent faible. Le souhait des inventeurs de protéger leur invention à partir des vols du Flyer III en 1905, l'absence de démonstrations publiques et le faible nombre de témoins de leurs vols jouèrent un rôle négatif pour leur publicité. La maîtrise de la technique de vol des Wright a été reconnue plus tard lors des différentes démonstrations que les Wright effectuèrent en France, notamment à Auvours dans la Sarthe en 1908. Des recherches historiques révèlent que le premier vol motorisé aurait été réalisé par l'ingénieur américain d'origine allemande Gustav Weißkopf en 1899. La journaliste américaine Stella Randolpha publié un ouvrage sur cet ingénieur en 1930 : Before the Wrights flew (Avant que les Wrigths ne volent) et ses travaux sont en voie d'être confirmés par l'historien de l'aéronautique John Brown. Ferdinand Ferber effectue à Chalais-Meudon le 27 mai 1905 le premier vol d'un avion à moteur en Europe. Le capitaine Ferber, polytechnicien et officier d'artillerie, était en contact avec les frères Wright. Comme eux il avait commencé par apprendre à piloter les planeurs qu'il construisait, puis en 1903 il avait motorisé et testé sous un portique son avion n°6 avant d'effectuer le premier vol libre. Comme le premier Flyer des frères Wright, son moteur n'était pas assez puissant pour assurer un décollage sans l'aide d'un dispositif de lancement. Pionnier oublié de l'histoire de l'aviation, il meurt en septembre 1909. Premiers vols motorisés contrôlés autonomes Avion 2: Avion des frères Wright,1903 Traian Vuia vola à Montesson le 18 mars 1906 avec un appareil plus lourd que l'air autopropulsé (sans mécanisme de lancement) sur une distance d'environ 12 mètres à une altitude d'un mètre. Ce vol se terminant par un accident, Vuia ne reprit ses essais qu'à partir du mois de juillet après avoir réparé et modifié son appareil. Le 19 août 1906 il vola sur une distance de 25 mètres à une altitude de 2,5 mètres à Issy-les-Moulineaux. Le Brésilien Alberto Santos-Dumont vola à Bagatelle le 23 octobre 1906 sur soixante mètres à une altitude de deux à trois mètres. Grâce à ce vol à bord du 14 Bis, il remporta devant un large public le prix Archdeacon décerné par l'Aéro-Club de France pour le vol d'un plus lourd que l'air autopropulsé (sans mécanisme de lancement). Ses détracteurs – entre autres les partisans des frères Wright – lui reprochent de ne pouvoir voler qu'en effet de sol, alors que le Flyer III pouvait déjà prendre de l'altitude lorsqu'il vola sur 39,5 kilomètres le 5 octobre 1905. Le perfectionnement des machines (1906-1914) En 1905, Robert Esnault-Pelterie invente l’aileron en modifiant un avion de sa construction conçu d'après le Flyer des frères Wright. En 1906, il invente le moteur en étoile. En décembre, il dépose le brevet du manche à balai. Le 30 octobre 1908, au Bouy aviation décolle Henri Farman au volant de son Voisin pour la réalisation du premier vol inter-villes, il atteint Reims après un vol de 17 min et a parcouru 27 km. Le 3 juillet 1909, au Champ d'aviation de la Brayelle près de Douai est organisé le premier meeting aérien au monde, Louis Blériot avec son monoplan vole 47 km en 1 h 7, Louis Paulhan avec son biplan, bat le record de hauteur avec 150 mètres. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot traverse la Manche aux commandes de son Blériot XI. L’évènement a un grand retentissement. Le Daily Mail, organisateur du concours, titre : « L'Angleterre n'est plus une île ». Du 22 au 29 août 1909, fut organisé le premier meeting international d'aviation de l'histoire : la prestigieuse « Grande semaine d'aviation de la Champagne » de Reims – qui se déroula très exactement sur la commune de Bétheny, à l'emplacement de l'ancienne Base aérienne 112 Reims-Champagne, fermée le 30 juin 2011 – à laquelle participèrent tous les grands pilotes de l'époque : Louis Blériot, Henri Farman, René Moineau, Louis Paulhan, Hubert Latham, Glenn Curtiss… Près d'un million de spectateurs y assistèrent. En 1909, fut établie à Pau la première école d'aviation organisée au monde par les frères Wright, suivie peu après par celle créée Louis Blériot qu'il put ouvrir grâce à sa traversée réussie de la Manche et dont il confia la direction à Henri Sallenave. Entraînée au pilotage par Léon Delagrange sur son biplan Voisin, Thérèse Peltier effectue son premier vol solo en septembre 1908, devenant de ce fait la première femme pilote. Le 8 Mars 1910, Élise Deroche (1882-1919) se voit décerner par l'Aéro-Club de France le brevet de pilote no 36 et devient la première femme brevetée au monde. Le premier vol autonome d'un hydravion fut réalisé par Henri Fabre, qui décolla le 28 mars 1910 de l'étang de Berre, à Martigues, en France, avec son hydro-aéroplane « Canard ». L'exploit fut constaté par huissier. Le premier vol autonome d'un avion monoplan muni d'un moteur à réaction, conçu et piloté par l'ingénieur roumain Henri Coandă et construit dans l'atelier de carrosserie de Joachim Caproni, eu lieu en octobre 1910 au deuxième Salon international de l'aéronautique et de l'espace de Paris-Le Bourget : l'air était aspiré à l'avant par un compresseur, puis dirigé vers une chambre de combustion (une de chaque côté, à l'avant de l'appareil) qui fournissait la poussée. Le compresseur était mis en mouvement par un moteur à piston classique et non par une turbine comme dans les réacteurs modernes. Le premier vol commercial Les premiers vols sont le fait d'aventuriers, de sportifs et aussi, considérant le coût, le terrain de jeux de quelques riches individus. Les avions étaient petits et peu de gens leur imaginaient un avenir commercial. Pourtant, dès 1914, un entrepreneur américain P.E. Fansler ouvre la première ligne aérienne régulière entre St. Petersburg et Tampa, en Floride, en utilisant un hydravion Benoist capable d'emporter un passager [2]. La compagnie survivra pendant quatre mois et transportera 1 205 passagers avant de cesser ses opérations. La Poste est, elle aussi, intéressée par le transport aérien du courrier mais la Première guerre mondiale interrompt les projets qui ne reprendront qu'en 1918. Le 10 février 1919, Georges Boulard ouvre la première ligne commerciale aérienne régulière à l'international, de capitale à capitale en concluant le Paris – Bruxelles. Fonctionnement : le vol Comment un avion vole-t-il ? Il faut d'abord rappeler qu'un avion vole grâce au vent relatif (l'écoulement d'air que subit l'aéronef s'il a de la vitesse). On peut d'ailleurs simuler ce vent relatif en soufflerie grâce à de puissants ventilateurs. Quand le vent relatif passe au-dessus et au-dessous de l'aile, l'air qui passe sur l'extrados va plus vite que l'air qui passe sur l'intrados, obéissant ainsi à la condition de Kutta. La pression à l'extrados va être plus faible que celle à l'intrados. La dépression sur l'extrados et la pression sur l'intrados engendrent une force sur l'aile appelée portance. Plus l'angle formé entre l'aile et le vent relatif (angle appelé incidence) est important, plus la résultante aérodynamique sera grande. Ceci reste vrai jusqu'au point de décrochage, où la portance commence à décroître à cause de la séparation des flux d'air. La résultante aérodynamique est orientée vers le haut et légèrement vers l'arrière. La résultante aérodynamique Ra est décomposée conventionnellement en deux forces correspondant à ces deux effets : la portance, perpendiculaire au vent relatif, la traînée, parallèle au vent relatif. La physique du vol Un avion subit trois types de forces : la poussée du réacteur ou la traction de l'hélice entraînée par le moteur ; le poids, effet de la gravité terrestre sur la masse de l'appareil ; la résultante des forces aérodynamiques décomposée en portance et en traînée : la portance, créée par le déplacement dans l'air d'une aile profilée, la traînée, somme des résistances aérodynamiques est opposée au mouvement. Ces forces sont représentées par 4 vecteurs : la traction vers l'avant s'oppose à la traînée vers l'arrière, la portance vers le haut s'oppose au poids vers le bas. Quand l'avion vole en palier à vitesse constante le poids est équilibré par la portance, la traînée est compensée par la traction. À partir de cette position d'équilibre, toute modification de l'un des paramètres entraîne une modification de l'équilibre. Si le pilote réduit les gaz, la traction diminue, la traînée devient prépondérante et la vitesse diminue. Étant proportionnelle au carré de la vitesse, la portance diminue avec la vitesse : l'avion s'inscrit dans une trajectoire descendante, entraîné par son poids. En descendant, l'avion accélère à nouveau : la portance croît à nouveau, égale et dépasse le poids : l'avion remonte. En remontant, la vitesse diminue, et ainsi de suite... Lorsque les oscillations s'amortissent du fait de la stabilité en tangage, l'avion se stabilise en un nouveau point d'équilibre : soit en descente à la même vitesse, soit en palier à une vitesse plus faible suivant son attitude de vol. La technique du vol : le pilotage Le pilotage dans le plan vertical (en tangage) consiste à intervenir sur la portance et la traction. Le pilotage dans le plan horizontal (en virage) consiste à intervenir en plus sur le roulis (inclinaison latérale) et le lacet (la direction). Impact sur l'environnement L'avion a, comme d'autres moyens de transport motorisé, un impact sur l'environnement, notamment en contribuant au dérèglement climatique. C'est au décollage, quand les réacteurs fonctionnent à pleine puissance qu'il pollue le plus (CO2, NOx, Métaux lourds contenus dans le kérosène ou provenant de l'usure des tuyères, imbrûlés...). Les avions sont aussi une source de pollution sonore importante aux abords des aéroports et sous les zones d’entraînement d'avions militaires. Les aérosols et la vapeur d'eau émise par les tuyères contribuent aussi à la formation de nuages artificiels (trainées de condensation) qui modifient le système atmosphérique et climatique, avec un effet de refroidissement à court terme, mais de réchauffement à long terme. Les émissions de CO2 Pour l'aviation civile, par passager et par vol, sont bien supérieures à celle du transport ferroviaire, (30 fois plus environ par passager). Par contre, s'il est rempli, et pour les longues distances, un passager n'émet, en moyenne, pas plus de gaz à effet de serre par passager qu'une voiture. Par exemple le nouvel A380 ne consomme que 3 à 4,5 l/100km par passager contre 1.5 à 15 litres pour une automobile (le chiffre varie avec le nombre de passagers, le type de moteur et la taille du véhicule). Les avions émettent aussi d'importantes quantités de NOx (oxydes d'azote, polluant et également contributeur au réchauffement climatique). Ces NOx ne peuvent être traités par des pots catalytiques comme dans les cas des voitures modernes. Globalement, on évalue aujourd'hui à 3% de la libération totale de gaz à effet de serre la part due à l'aviation, mais c'est le secteur, qui avec la marine marchande augmente le plus rapidement, sans être soumis au protocole de Kyoto. En termes d'écobilan La conception des avions fait appel à des matériaux dont la production est également en amont source d'impacts énergétiques écologiques et sanitaires. Et le traitement des avions en fin de vie pose encore problème, avec un nombre d'avions à démanteler de plus en plus élevé (environ 6 000, soit 300 avions/an à traiter, sans compter les épaves déjà stockées à proximité des aéroports dans le monde. Des avions ont été transformés en récifs artificiels, mais avec des controverses sur les impacts de ce type d'opération. Les avions contiennent des matériaux précieux et dont la fabrication a causé l'émission d'importantes quantité de gaz à effet de serre et de métaux lourds, mais les carlingues n'ont pas été conçu pour faciliter la récupération de ces matériaux en fin de vie. Typologie : les différents types d'avions Les deux grandes catégories sont les avions civils (commerciaux ou de tourisme) et les avions militaires (susceptibles de jouer un rôle dans la guerre). Avions civils Les avions civils peuvent être classés comme ; ultra légers ; avions légers ; avions d'affaire ; avions de ligne. Les avions de ligne sont également classés selon leur rayon d'action : court-courrier, moyen-courrier, long-courrier. Cette dénomination date de l'époque où les avions étaient principalement utilisés pour acheminer les lettres et colis postaux, l'Aéropostale. Avions militaires Les avions militaires sont généralement classés selon leur emploi : avion de chasse, ou chasseur, conçu pour l'interception et la destruction d'autres avions (Dassault Mirage III, Lockheed F-22 Raptor). bombardier (tactique, stratégique ou nucléaire), dont la mission est de délivrer une ou plusieurs bombes (Boeing B-17 Flying Fortress, Boeing B-52 Stratofortress). avion d'interception, ou intercepteur, conçu pour abattre les bombardiers ennemis avant que ceux-ci n'atteignent le territoire national (F-106 Delta Dart, Mig-31 Foxhund). avion de transport, chargé de transporter du fret et/ou du personnel (parachutistes par ex.) (A400M, Lockheed C-130 Hercules, C-160 Transall). avion d'entraînement, avion conçu pour l'entraînement initial (Fouga Magister) ou avancé (Alpha Jet) -Aero L-39 Albatros des futurs pilotes militaires. avion de reconnaissance ou de surveillance (U2, Lockheed SR-71 Blackbird), qui doit ramener des informations (électronique, photo, etc.) ou les transmettre en temps réel (Système de détection et de commandement aéroporté (SDCA)). l'avion multirôle (le Rafale par exemple), qui doit cumuler plusieurs de ces missions. l' ASV, avion sans pilote (Dassault nEUROn) Concurrence entre Airbus et Boeing Depuis la fin des années 1990, Boeing, dont l'activité de défense est considérable, et Airbus s'affrontent essentiellement dans le domaine des avions civils. Boeing est également concurrent d'EADS, maison mère d'Airbus, dans d'autres domaines, notamment celui des avions militaires et des lanceurs. Histoire Le duel Boeing/Airbus commence doucement en 1972 quand le nouveau constructeur d'avion dénommé Airbus met sur le marché son premier avion : l'Airbus A300. Il s'agit du premier biréacteur à large fuselage, et qui permit à Airbus de naître ; l'A300 s'est vendu depuis à environ 850 exemplaires toutes versions confondues. Un dérivé suivra dix ans plus tard, également à large fuselage : l'A310 en 1982. En 1988, Airbus met en service l'A320, biréacteur moyen courrier, monocouloir (donc à fuselage plus étroit), et qui intègre des concepts révolutionnaires pour l'époque. Les avions de cette famille (A318, A319, A320, A321) vont se vendre très largement (plus de 3 000 exemplaires livrés jusqu'en janvier 2007), et ce large succès (à hauteur de la réussite commerciale du Boeing 737 concurrent) va aider grandement Airbus à rattraper Boeing. Au début des années 1990, Airbus met en service deux autres long courriers à larges fuselages (même diamètre que l'A300 et l'A310) : l'A330 et l'A340, qui ont beaucoup d'éléments en commun, mais qui diffèrent sur le nombre de réacteurs : l'A330 est un biréacteur, l'A340 un quadriréacteur. À la fin des années 1990, Airbus conçoit son propre "jumbojet", alors nommé l'A3XX, destiné à concurrencer le Boeing 747. L'avion sera lancé quelques années plus tard, sous le nom de "A380", et le premier vol a eu lieu en avril 2005. Le premier exemplaire commercial a été livré à Singapore Airlines le 15 octobre 2007, et mis en service le 25 octobre sur la ligne Singapour-Sidney. Table des matières Table des matières Partie A : Introduction 2 § A.1 - Étymologie et histoire 2 Partie B : Histoire de l’aviation et technique 6 § B.1 - Morphologie 6 § B.2 - Les précurseurs 6 § B.3 - Premiers planeurs 7 § B.4 - Premier décollage motorisé 8 § B.5 - Premier vol motorisé contrôlé 8 § B.6 - Premiers vols motorisés contrôlés autonomes 9 § B.7 - Le perfectionnement des machines (1906-1914) 9 § B.8 - Le premier vol commercial 10 Partie C : Fonctionnement : le vol 12 § C.1 - Comment un avion vole-t-il ? 12 § C.2 - La physique du vol 12 § C.3 - La technique du vol : le pilotage 13 § C.4 - Impact sur l'environnement 13 § C.5 - Les émissions de CO2 13 § C.6 - En termes d'écobilan 14 Partie D : Typologie : les différents types d'avions 16 § D.1 - Avions civils 16 § D.2 - Avions militaires 16 § D.3 - Concurrence entre Airbus et Boeing 17 § D.4 - Histoire 17 Index des avions Index des avions Avion 1: L’avion III de Clément Ader 2 Avion 2: Avion des frères Wright,1903 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Bernard Marck, Histoire de l’aviation, 2: Jean-Jacques Dufour, Une histoire de l’aviation commerciale, Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. Résumé :De l'Antiquité aux mission lunaires, l'humanité a toujours été fascinée par le ciel. Ce livre superbement illustré présente un panorama historique de l'aviation. les premiers pionniers comme les frères Wright, Alcock et Brown, Clément Ader ou Louis Blériot tissent la trame de cette aventure humaine exceptionnelle, aux côtés d'inventeurs plus proches de nous, comme les ingénieurs du Concorde. Les exploits et les dangers évoqués dans cet ouvrage forment une longue épopée, des premières montgolfières à la technologie complexe des chasseurs à réactions, sans oublier la magie de la conquête spatiale qui permit à l'homme de s'affranchir de la pesanteur. L'Histoire de l'Aviation propose un panorama des évolutions civiles et militaires de ce mode de transport devenu omniprésent en moins d'un siècle. Cet ouvrage est, de plus, enrichi de 20 fac-similé, présentant, entre autres, les plans du planeur de George Cayley (1849), la " une " du Matin annonçant le vol historique de Blériot au-dessus de la Manche, ou le rapport de mission d'Apollo 11. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description null / / Pablo Rodriguez 2018-03-30T12:40:15.812000000 2023-04-03T18:29:22.807000000 Prénom Nom PT9H26M55S 68 LibreOffice/7.5.1.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/fcbaee479e84c6cd81291587d2ee68cba099e129 Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Mise en page d'un texte long Frontière entre l'Espagne et la France Pablo Rodriguez 2019-03-17 Mon département Mon groupe Frontière entre l'Espagne et la France 40 35/ Mise en page d'un texte long 3. Économie frontalière et transfrontalière Mise en page d'un texte long 41 / 35 / / Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Frontière entre l'Espagne et la France Mise en page d'un texte long Mon département Prénom Nom Mon groupe 17/03/2019 Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Frontière entre l'Espagne et la France Propos liminaire Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol Le vocable frontière provient du substantif front ; il induit une notion d’opposition entre deux zones séparées par ce même front, comme une « troupe qui, se mettant en bataille pour combattre, fait frontière […] » [1]. Il apparaît pour la première fois en France au XIVe siècle et demeure réservé, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, aux limites les plus menacées du royaume. Du côté espagnol, le terme frontière semble avoir coexisté avec celui plus général de limites, désignant une zone abstraite entre les royaumes chrétiens d'Espagne ; il décrit également la réalité physique d'une opposition, comme la ligne de forteresses séparant la Castille des provinces musulmanes. L'époque de l'apparition du terme frontière correspond à celle de la constitution des États européens — par confrontations successives, dont les traductions guerrières ont été des facteurs d'indentification, de différenciation et d'unification— et à celle de la distinction entre droit public et droit privé. Jean de Terrevermeille défend en 1418 l'idée que le royaume n'est pas la propriété d'un monarque ; celui-ci n’en serait que le « bénéficier », induisant en cela que le royaume est devenu un territoire géré par un prince. Cette interprétation se trouve renforcée au cours du temps et, au XVIe siècle, du fait de la consolidation de la cohésion politique interne, de militaires les frontières deviennent la traduction politique d'une souveraineté territoriale. Le développement du concept d’État engendre une nouvelle dimension de la notion de frontière : celle-ci dessine dorénavant la limite des compétences juridiques et de police de l’organisation politique au pouvoir. Elle circonscrit, en outre, un espace administratif, enrichi d'une institution fiscale et de sa composante douanière. « […] ces frontières peuvent être dissociées : la frontière militaire est souvent éloignée de la frontière juridique ; la frontière douanière peut ne pas coïncider avec la frontière politique, comme en Espagne où l’Èbre a longtemps été une barrière douanière au sud d'une vaste zone franche ; la frontière ecclésiastique peut ignorer la frontière politique, comme ce fut le cas pour le diocèse de Bayonne qui englobait jusqu’en 1566 le Valcarlos et le bassin de la Bidassoa, avec la vallée du Baztan, qui faisait partie de la Navarre, et le nord du Guipuzcoa jusqu’à Saint-Sébastien, qui était castillan […]. » Maïté Lafourcade, La frontière franco-espagnole : lieu de conflits interétatiques et de collaboration interrégionale, 1998, p. 2. L’analyse de Maïté Lafourcade montre que plusieurs conceptions coexistent et décident du tracé d’une frontière ; ainsi une frontière pourra suivre ou non des éléments naturels —ligne de partage des eaux, ligne de crête, cours d’eau, limite de propriété privée ; elle pourra être définie par une ligne précise ou par une zone No man's land par exemple ; elle pourra encore caractériser un lieu d’échanges, résultant de l’isolement d'une zone montagneuse s’étalant sur plusieurs vallées partageant la même langue, ou une zone d’affrontements politiques ou religieux. La frontière entre l’Espagne et la France ne déroge pas à la logique décrite ci-dessus ; elle est en effet le résultat de l’histoire politique et économique d’une zone qui dépasse celle circonscrite par la barrière physique que constitue la chaîne des Pyrénées. Cette dimension de zone se trouve d'autant plus vérifiée que la construction de l’Espace européen entraîne un réaménagement du concept de frontière, impliquant la disparition des frontières intérieures de la Communauté s’appliquant aux travailleurs, aux marchandises, aux capitaux et aux services. En conséquence, après une longue période durant laquelle elle s’est construit un profil linéaire, en réponse aux pressions militaires, politiques, puis juridiques, la frontière acquiert une dimension supplémentaire, interne à un espace communautaire, au sein d’une construction complexe du principe de territorialité. « [La frontière], expression de l’exclusivisme territorial, est inapte à rendre compte des devoirs qu’entraîne entre États voisins une communauté d’intérêts, qui appelle non l’arrêt des compétences, mais leur collaboration […]. » Charles de Visscher, Problèmes de confins en droit international public, 1969, p. 7. La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 Nombreux sont les peuples qui, du nord au sud et du sud au nord, ont traversé la chaîne des Pyrénées, que ce soit pour des migrations définitives, des conquêtes guerrières ou pour pratiquer des activités d’échanges économiques. Maïté Lafourcade dénombre ainsi les Celtes, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Suèves, les Wisigoths, les Maures, les Francs, les Anglais, les Français et les Espagnols. Les Pyrénées ont, pour la première fois, formalisé une limite sous l’Empire romain, séparant l’Hispanie romaine — province de Tarraconaise — au sud, des Gaules au nord Gaule narbonnaise et Gaule aquitaine. Il s'agit, à cette époque, d’une optimisation administrative visant à une administration territoriale plus efficace. Le royaume wisigoth, de 418 à 711, englobe les Pyrénées, et il faut attendre Clovis, qui repousse les Wisigoths au sud de la chaîne montagneuse, pour voir les Pyrénées commencer à jouer un rôle de frontière naturelle. Il ne s’agit pas encore d’une véritable frontière, mais d’une limite, Clovis étant roi des Francs, mais pas d’un territoire. Charlemagne, à son tour, franchit les Pyrénées, et établit au tournant des VIIIe et IXe siècles, la marche d'Espagne entre le massif montagneux et jusqu’aux rives de l’Èbre. Le démembrement de l’Empire carolingien à partir de 843 laisse à Charles le Chauve la Francia occidentalis, qui sur le versant nord des Pyrénées, s’appuie sur des seigneuries qui regroupent plusieurs vallées, telles Béarn, Bigorre, Nébouzan, Comminges, Couserans, comté de Foix, Roussillon, Cerdagne. Les Vascons occupent alors un territoire à cheval sur les Pyrénées, divisé en deux comtés dont Charles le Chauve reconnaît respectivement en 852 et en 860 les dirigeants. La frontière se caractérise par sa mouvance, du fait de « l’importance donnée aux hommes plutôt qu’aux territoires […] et de l’enchevêtrement des droits et des fiefs ». La lutte contre l’invasion arabe concourt à la formation d’un futur État par la constitution de la Castille, qui s’unit au royaume de León au XIIIe siècle, et des royaumes d’Aragon et de Navarre qui, à eux deux, contrôlent le sud des Pyrénées. En 1035, la mort de Sanche le Grand — sous l’autorité duquel toutes les terres basques sont réunies, y compris ce qui constitue le Pays basque français d’aujourd’hui  engendre le démembrement de la Navarre. Le duché d'Aquitaine absorbe le Labourd et la Soule, avant de passer sous le contrôle du royaume d'Angleterre en 1152, par le mariage d’Aliénor d'Aquitaine avec Henri II d’Angleterre. Le 12 mai 1258, la signature du traité de Corbeil acte l’abandon des prétentions du royaume de France. dont le roi est, à cette époque, Louis IX. sur la Catalogne, en échange de celui du roi d’Aragon. Jacques Ier. sur une partie du Languedoc et la Provence. Le sud du massif des Corbières détermine alors la frontière entre le royaume de France et celui d’Aragon. Alors qu’en 1449, Mauléon est conquise par le royaume de France, et qu’en 1451, la Couronne de France s'empare du Labourd, le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon en 1469 unit les deux royaumes du sud des Pyrénées. Le souverain navarrais, Jean d’Albret, perd à son tour ses possessions espagnoles, après l’invasion des troupes du duc d’Albe, Fadrique Álvarez de Toledo, aux ordres de Ferdinand d’Aragon, dit le Catholique ; il ne conserve que les terres d'ultra-puertos, connues aujourd’hui sous le nom de Basse-Navarre. L’héritier des rois catholiques et de la maison de Habsbourg, Charles Quint se retrouve à la tête d’« une Espagne à la dimension du monde […] ». Commence alors un conflit qui dure près d’un siècle et demi, initié par les deux souverains, François Ier et Charles Quint, alors que jusque-là, la paix avait régné entre les deux royaumes, à l’exception des points sensibles concernant le Roussillon et le val d'Aran, revendiqués par les deux parties. Bien qu’encore imprécis, le tracé d’un front militaire se dessine alors. Sur le flanc nord, le Roussillon et le val d’Aran demeurent espagnols, alors que l’Andorre et la Basse-Navarre jouissent d’une suzeraineté indépendante des deux pays antagonistes. Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé Le pays Quint est de nouveau la proie d’affrontements violents, de 1827 à 1856, qui sont demeurés sous le nom de guerre des limites. Ces conflits n’étant pas isolés le long de la frontière, les souverains Napoléon III et Isabelle II parviennent à s’entendre sur une frontière qui tient compte « des vœux et des besoins des populations frontalières ». Si l’acte final est signé le 26 mai 1866, il fait suite à trois traités préalables paraphés à Bayonne le 2 décembre 1856 pour la section occidentale — de l’embouchure de la Bidassoa jusqu’au point où confinent le département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre —, le 14 avril 1862 pour la portion centrale s’achevant au « val d’Andorre », et le 26 mai 1866 pour la partie orientale, d’Andorre à la mer Méditerranée. La commission internationale des Pyrénées de 1875 La commission internationale des Pyrénées (CIP) est créée en mai 1875, et, malgré la mise en application de l’accord de Schengen signé en 1985 et la création de l’espace homonyme définitivement en vigueur à partir du traité d'Amsterdam en 1999, elle est toujours active au 1er juin 2015, soit 140 ans après sa création. La commission, qu’il ne faut pas confondre avec la commission de délimitation des Pyrénées, responsable de 1853 à 1868 de la définition de la frontière franco-espagnole, est créée à l’initiative de Louis Decazes, ministre des Affaires étrangères français, à la suite de différends frontaliers survenus en 1872, puis le 7 mars 1874 à l’embouchure de la Bidassoa, et ayant provoqué localement une situation de quasi-guerre civile, à un moment où la troisième guerre carliste complique les relations entre la France et l’Espagne. Cette commission mixte, menée à l’origine par le duc Decazes pour la partie française, et par le ministre d’État de Castro, du côté espagnol, n’a pas vocation à survivre au règlement du différend frontalier qui a justifié sa création en 1875, mais dès janvier 1880, un autre conflit se déclare, portant sur les droits de pêche au saumon sur la Bidassoa, repoussant la dissolution annoncée de la commission. Sa compétence est alors élargie à l’élaboration d'un règlement général sur la pêche côtière dans le golfe de Gascogne [2]. En 1885, le différend entre Llívia et le village d’Err, portant sur un canal d’irrigation — quoique réglé directement par les chancelleries — provoque une prise de conscience des deux gouvernements de la nécessité de « […] soumettre dorénavant à l’examen des délégués espagnols et français à la commission internationale de la frontière pyrénéenne les questions litigieuses qui peuvent surgir sur les limites des deux pays ». Cette reconnaissance officielle de la commission, dans ses compétences élargies — qui, au passage, reçoit son nom de baptême — est actée le 12 avril 1888 par une lettre de Segismundo Moret, ministre espagnol, à Paul Cambon, ambassadeur de France à Madrid. Elle siège depuis l’origine à Bayonne. Au début du XXe siècle, les ministères de l’Agriculture, des Travaux publics et de la Guerre rejoignent la commission, qui interrompt ses sessions lors de la Première Guerre mondiale et qui vit au ralenti entre les deux guerres mondiales avec seulement trois réunions (1921, 1927 et 1934). À nouveau, les sessions sont suspendues, en raison de la guerre d'Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. Les décennies qui suivent voient l’intensification des échanges et des réunions — qui deviennent biennales — et le renforcement des structures. Plus d’une centaine d’experts et de fonctionnaires se répartissent entre comités techniques et sous-commissions, qui prennent en compte, de manière élargie, les besoins des populations locales ; les discussions de la commission portent à présent sur les projets de voirie et de travaux publics, d’agriculture et d’économie, d’équipements hydroélectriques et d’environnement. Le traité de Bayonne de 1995 Depuis les années 1980, les régions ou départements français et les communautés autonomes espagnoles ont pris à leur compte l’initiative des contacts et des collaborations, donnant, par exemple, naissance en 1983, à la communauté de travail des Pyrénées, ou à des structures territoriales comme l’Eurocité basque Bayonne - San Sebastián — l’objectif de cette dernière structure est la création d’une métropole européenne, qui, en l’état actuel, regroupe près de 600 000 habitants, par la mise en commun de moyens techniques et politiques concernant « les infrastructures, les services urbains et les instruments de gouvernement »— ou le consorcio Bidasoa-Txingudi. La création de groupements européens de coopération territoriale comme l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi et le GECT Pyrénées-Méditerranée sont à porter à l’actif des efforts de coopération décentralisée. Ces initiatives sont à présent encadrées et facilitées par une base législative nationale et des accords internationaux, dont le traité de Bayonne, signé le 10 mars 1995 et relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales de France et d’Espagne, est une illustration importante ; il est étendu à la principauté d’Andorre le 16 février 2010. « Sous l’emprise de ce texte, les collectivités frontalières pourront enfin traiter dans leur globalité des domaines aussi divers que ceux ayant trait à l’urbanisme, l’environnement, l’utilisation des infrastructures ou la gestion urbaine. Lieu de passage économique et humain, la frontière passe enfin de l’état de limite administrative à celui de point de rencontre […] » Pierre Cambot, La frontière franco-espagnole : commentaire du traité de Bayonne du 10 mars 1995 relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, 1998, p. 129. Histoire militaire et fortifications Plusieurs épisodes politiques ou guerriers ont entraîné la construction de lignes de protection, matérialisées par des châteaux ou des redoutes. Il en est ainsi de la Reconquista, qui correspond à la reconquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. Elle commence en 718 dans les Asturies, et s'achève le 2 janvier 1492 quand Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille chassent le dernier souverain musulman de la péninsule, Boabdil de Grenade. Ainsi, Sanche Ier d’Aragon renforce le château de Loarre et pas moins de dix autres entre Sos et Barbatros, comme le fort d’Alquézar et les tours d’Abizanda et de La Fueva. Le début du conflit entre François Ier et Charles Quint, dès 1520, est également à l’origine de la fortification de la frontière, de Bayonne à Mont-Louis. La fin du XVIIIe siècle et le début du siècle suivant voient des combats violents se dérouler dans la partie occidentale des Pyrénées. La campagne de 1793 - 1795 a lieu en particulier à proximité de la Bidassoa. Les combats commencés tout d’abord au val d’Aran, c’est-à-dire en Catalogne— se concentrent dans les vallées de la Bidassoa et de la Nivelle. En 1793, le Comité de salut public qui, par décret du 1er mai 1793 vient de créer l’armée des Pyrénées occidentales, fait construire une redoute au sommet de la Rhune, sur l’emplacement de l’ermitage préalablement détruit. Celle-ci est rapidement prise par les troupes espagnoles, qui s’y installent le 1er mai. Après la défaite de Vitoria, le 21 juin 1813. qui voit la retraite des troupes françaises escortant Joseph Bonaparte. suivie de celles de Sorauren, le 28 juillet, et de San Marcial, le 31 août, les troupes de Wellington se trouvent sur les rives de la Bidassoa. Wellington déclenche une grande offensive le 10 novembre et lance 40 000 hommes contre les fortifications de la Rhune et dans la vallée de la Nivelle. Malgré une résistance farouche des troupes du maréchal Soult, Wellington s’empare des fortifications, et pénètre dans Saint-Pée-sur-Nivelle dans la journée. De 1941 à 1943, le fort du Portalet, dont la construction débute dans les années 1840 pour contrôler la route du col du Somport, sert de prison politique pour des personnalités de la Troisième République comme Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Georges Mandel ou Maurice Gamelin. Il abrite un temps une garnison allemande avant d’être repris par la Résistance en 1944. Il accueille le maréchal Pétain du 15 août au 16 novembre 1945. L'opération Reconquista de España, lancée pour établir un pouvoir républicain dans le val d'Aran, rassemble 13 000 vétérans de la guerre d'Espagne et de la Résistance française aux points de recrutement de Foix et de Toulouse. De 4 000 à 7 000 hommes se portent volontaires pour participer à l'opération. Le 3 octobre 1944, une première formation franchit la frontière peu avant le col de Roncevaux. Le 5 octobre, une brigade pénètre dans la vallée de Roncal. Les incursions se multiplient alors, avec le versant français comme base de repli, jusqu’au 19 octobre, date de l’invasion principale. Un moment prises par surprise, les troupes espagnoles basées le long de la frontière réagissent et stoppent l’avancée de l’invasion ; le soulèvement populaire espéré ne se produit pas. Le 27 octobre, l’état-major de la guérilla auquel participe Santiago Carrillo décide la retraite. La France, sur décision de son gouvernement, a totalement fermé ses frontières terrestres avec l'Espagne entre le 1er mars 1946 et le 10 février 1948 à la suite des problèmes politiques entre le régime franquiste et le gouvernement provisoire français. Dès les années 1930, l’essor du nationalisme en Pays basque espagnol s’étend à la France, et en 1934 naît le mouvement eskualherriste et son journal Aintzina. À partir du début des années 1970, le conflit basque, qui est jusque-là circonscrit à l’Espagne, se caractérisant par la lutte d'Euskadi ta Askatasuna (ETA) contre le régime franquiste pour la reconnaissance des spécificités politiques et culturelles des Basques et l’indépendance du Pays basque, s’étend au nord de la frontière. Iparretarrak, bientôt rejoint par Euskal Zuzentasuna, milite pour l’autonomie du Pays basque français et multiplie les attentats. La coopération entre les deux États conduit à l’arrestation d’activistes d’ETA tant en France qu’en Espagne — en 2011, 35 etarras sont interpellés en France et 22 sur le territoire espagnol, faisant suite à 138 arrestations en 2010, dont 28 en France. En 1957, un tribunal arbitral tranche un différend entre les deux États, portant sur l'affaire dite du « lac Lanoux ». Ce lac situé en France est alimenté par le Carol, un affluent de la rivière espagnole, le Sègre. Voulant dévier le cours d'eau afin de le faire passer via une usine hydroélectrique, la France se trouve alors confrontée à un véto espagnol persistant ; ce conflit local ne trouve sa résolution que par la décision arbitrale du 16 novembre 1957 qui donne raison à la demande française, qui s'engageait à restituer à volume égal les eaux dérivées, par une galerie sous le col du Puymorens. Caractéristiques géographiques La frontière terrestre au XXIe siècle La frontière terrestre franco-espagnole s'étend sur 623 kilomètres, au sud-ouest de la France et au nord-est de l'Espagne, plus longue frontière terrestre de la France métropolitaine devant celle avec la Belgique (620 km). Elle débute à l'ouest sur le golfe de Gascogne au niveau de la commune française d'Hendaye et de la ville espagnole d'Irun. La frontière suit ensuite une direction générale vers l'est, respectant à peu près la ligne de partage des eaux des Pyrénées jusqu'en Andorre, au pic de Médécourbe. La principauté interrompt la frontière entre l'Espagne et la France sur 33 kilomètres. Elle reprend à l'est de la principauté et se poursuit jusqu'à la Méditerranée, qu'elle atteint au niveau de Cerbère en France et de Portbou en Espagne. Pour l'Espagne, et d'ouest en est, la frontière borde le nord de la province du Guipuscoa (communauté autonome du Pays basque), la Navarre, la province de Huesca (Aragon), la province de Lérida (Catalogne) avec le val d'Aran, et enfin la province de Gérone (Catalogne). En ce qui concerne la France, et toujours d'ouest en est, ce sont les limites sud des Pyrénées-Atlantiques (région Nouvelle-Aquitaine), des Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), de la Haute-Garonne (Midi-Pyrénées), de l'Ariège (Midi-Pyrénées) et des Pyrénées-Orientales (Languedoc-Roussillon) qui sont définies par la frontière. Matérialisation de la frontière terrestre La frontière est matérialisée par 602 bornes, numérotées d'ouest en est à partir de 1856, en respectant un tracé souvent ancien. Certaines bornes pastorales ont été placées avant la seconde moitié du XIXe siècle et viennent compléter le bornage officiel. Le traité de 1856 détermine l’emplacement de 272 bornes ou croix, de l'Atlantique à la Table des Trois Rois ; celui de 1862 ajoute 154 bornes, numérotées de 273 à 426, de la Table des Trois Rois au port de Bouet, à la frontière ouest avec l'Andorre ; enfin l’acte de 1866 détermine 176 bornes supplémentaires, de 427 à 602, au départ du tripoint est France - Espagne - Andorre, jusqu’à la Méditerranée. La borne no 1 se situe sur les bords de la Bidassoa, à environ 8,5 km en amont du pont ferroviaire entre Hendaye et Irun, à l'endroit où la frontière ne suit plus ce fleuve et s'incurve vers l'est. Cette borne est ainsi située entre la commune de Vera de Bidassoa et la commune de Biriatou. Le col du Somport accueille la borne no 305 et celui de Pourtalet, la borne no 310. D'autres ports recèlent eux aussi une balise, comme le port qui permet le passage de Cauterets à Panticosa (borne no 313), ou le port de Venasque (borne no 332) entre la vallée de la Pique en France et celle de l'Ésera en Espagne. La borne no 602 est matérialisée par une croix située sur les pentes du cap Cerbère, dominant la mer Méditerranée entre les communes de Portbou et Cerbère. De plus, 45 bornes marquent la frontière autour de l'enclave de Llívia. Elles sont numérotées dans le sens anti-horaire à partir de la borne no 1 située au niveau de l'entrée de la route neutre RD 68 des Pyrénées-Orientales dans l'enclave. Ce point marque aussi la rencontre entre les communes françaises de Bourg-Madame et Ur, avec la commune espagnole de Llívia. Particularités territoriales L’histoire a fortement marqué le tracé de la frontière et il demeure encore aujourd’hui des particularités territoriales dont l’origine remonte aux conflits et accords du Moyen Âge, et qui relèvent d’un droit international qui a dû s’adapter à ces anciennes règles. La principauté d’Andorre, dont le territoire est entièrement enclavé entre l’Espagne et la France dans la chaîne des Pyrénées, est une nation souveraine dont la création remonte à l’an 780, sous le règne de Charlemagne. Elle est régie par un contrat de droit féodal, le paréage, qui concède le trône andorran à deux coprinces, l'évêque espagnol d'Urgell et le chef d'État français. Elle possède une superficie de 468 km2 et une population estimée à 85 458 habitants en 2014. L'Andorre adhère à certains programmes de coopération frontalière établis entre l’Espagne et la France. Peu après le début occidental de la frontière, alors que celle-ci suit le cours de la Bidassoa, se trouve l'île des Faisans, au milieu du fleuve. Elle possède un régime frontalier particulier, l'île étant un condominium, dont la souveraineté est partagée entre les deux pays. Autre particularité, la ville de Llívia, ancienne capitale de la Cerdagne, est une enclave espagnole en territoire français, dans les Pyrénées-Orientales. Une route « neutre » c’est-à-dire sans contrôle douanier ; il s’agit de la route espagnole N-154 entre Puigcerdà et Llívia, qui coupe N20 entre Bourg-Madame et Ur la relie à l'Espagne. Son sort d’enclave semble être décidé lors du traité des Pyrénées de 1659, mais il faut attendre le traité de Bayonne de 1866 pour que la situation soit définitive. Plus à l’est, le village français du Perthus, dont le territoire n’est définitivement fixé qu’à partir du 29 avril 1851, est situé à cheval sur la frontière qu’il partage en ce point avec la commune espagnole de la Jonquera ; particularité géographique, le village se situe au sud de la ligne de crêtes. La frontière est marquée par l’épaulement est de la RN 9 située en France sur toute sa largeur. La traversée piétonne de la route permettant le passage d’un pays à l'autre, cette situation est restée favorable au trafic incontrôlé de marchandises, jusqu’à la disparition des frontières douanières en 1995. La vallée des Aldudes s’étend en zone frontalière de la Haute et de la Basse-Navarre. Une ordonnance du 12 octobre 1200 fixe les modalités de répartition de cette région indivise entre les différentes vallées limitrophes. Nombre de conflits et de procès émaillent l’histoire des relations entre ces vallées ; pas moins de huit sentences prononcées au XVIe siècle confirment que « la propriété et possession des Aldudes appartiennent à Valderro ». La notion de jouissance apparaît pour la première fois lors des capitulations signées le 25 septembre 1614 par les représentants des suzerains français et espagnols. La fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle sont marqués par des conflits armés, telle l’action du marquis de Valero en 1695, pour contrer les incursions des pasteurs et des troupeaux de Baïgorry, qui ne manquent pas d’avoir des retentissements internationaux. Un « aménagement des frontières » a lieu le 23 août 1769 à Ispéguy, et le bornage est vérifié le 9 octobre suivant en présence du représentant royal et de ceux des villages et vallées concernés, bientôt modifié en 1785 dans un traité des limites. Las, la Révolution vient bouleverser ce bel ordonnancement, et la France ne reconnaît pas le traité, malgré ceux de Bâle en 1795 et de Paris en 1814. Le début du XIXe siècle voit de nouvelles tentatives d’accords qui aboutissent le 21 novembre 1829 à une première transaction divisant la jouissance du pays Quint. Ce pays Quint est un territoire de 25 km2, situé au sud de la vallée des Aldudes, à la limite des communes d'Aldudes, d'Urepel et de Banca. Le traité de Bayonne de 1856 accorde la propriété du territoire à l’Espagne, et la jouissance à la France. Plusieurs dispositions d’application ont été encore nécessaires — ordre du 22 décembre 1948 portant sur celui du 31 juillet 1892— pour faciliter l’application du traité de 1856. Au début des années 2010, la France verse toujours une somme forfaitaire aux vallées du Baztan et d’Erro, pour l’utilisation des pâturages, et les habitants du pays Quint paient l’impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France. Enfin, il faut noter que les représentants français et espagnols à la commission d'abornement de la frontière entre les deux États ont constaté des différences d'appréciation sur son tracé, notamment au pic du Néoulous, sommet du massif des Albères. Passages et voies de communication terrestres Le col du Perthus est emprunté en 218 av. J.-C. par Hannibal et son armée accompagnée d'éléphants lors de la Deuxième guerre punique. Plus à l'est, au col de Panissars où se dresse le trophée de Pompée, et que les Romains nomment Summum Pyrenaeum, se trouve le point de jonction de la Via Domitia au nord — entreprise depuis 118 av. J.-C. — et de la Via Augusta au sud. Le site de Panissar est partagé entre l’Espagne et la France depuis le traité des Pyrénées ; il a fait l’objet de fouilles et de publications conjointes menées par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon et son homologue de la généralité de Catalogne. Le trophée de Pompée, dont la construction est estimée des années 70 av. J.-C., possède une symbolique forte puisqu’il incarne la restauration en 1659 de la frontière franco-espagnole perdue lors du traité de Corbeil de 1258, également appelé « acte de paix ». Le 27 novembre 711, les armées musulmanes débarquent au djebel Tarik ou Gibraltar et s’emparent de Narbonne en 720, après avoir traversé les Pyrénées en provenance de Barcelone. La bataille de Roncevaux, le 15 août 778, voit l'arrière-garde commandée par Roland, neveu de Charlemagne, attaquée et détruite par les Vascons, alors que Charlemagne et le reste de l'armée franque franchissent le col sans être inquiétés. Près de trois siècles plus tard, en 1064, l’armée catalane d’Armengol, comte d’Urgell, à laquelle se sont alliés des contingents venus d’Italie, et celle de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine, renforcée de la chevalerie normande, flamande, champenoise et bourguignonne, traversent les Pyrénées par le col du Somport pour mettre le siège devant Barbastro. Le réseau d’autoroutes et de routes nationales franchissant la frontière est assez distendu ; le relief montagneux force les voies de communication à privilégier les zones côtières et quelques cols de la chaine pyrénéenne. À l'est et à l'ouest de la chaine des Pyrénées, deux autoroutes permettent des échanges routiers entre l'Espagne et la France. Il s'agit de la route européenne qui, venant de Narbonne sous le nom d'autoroute A9, rejoint Perpignan, puis se dirige vers Barcelone, sous le nom d'autoroute AP-7, après avoir passé la frontière au Perthus. De son côté, la route européenne E80 qui vient de Toulouse, rejoint, au niveau de Bayonne, la route européenne E70 en provenance de Bordeaux, et pénètre en Espagne à Biriatou / Irun. Avant son passage en Espagne, la voie se nomme autoroute A63, puis, dès le passage de la frontière, autoroute AP-8. Peu de routes nationales ou départementales permettent aux véhicules routiers le franchissement de la frontière, en reliant les réseaux routiers des deux pays. À l’extrême est, dans les Pyrénées-Orientales, la route départementale 86 (RD 86) franchit la frontière à Cerbère / Portbou, en suivant la côte méditerranéenne. En se dirigeant vers l’ouest, le col du Perthus, à 290 mètres d’altitude, connecte l’Espagne et la France par la route européenne 15. Il permet également le raccordement de la route nationale 9 française, en provenance de Perpignan, à la RN espagnole N-II qui se dirige vers Barcelone. En provenance de Céret, l’ancienne route nationale 615 parvient au col d’Ares, à 1 513 mètres d’altitude, sous le nom de RD 115. Elle rejoint alors la route espagnole C 38 qui se dirige vers Camprodon. Contournant l’enclave de Llívia, la RN 116 et la RN 20 retrouvent l’autoroute espagnole C-16 après avoir atteint Bourg-Madame / Puigcerdà. La RN 20, quitte Ax-les-Thermes vers le sud ; elle se divise en trois à l'Hospitalet-près-l'Andorre ; avant le col de Puymorens, elle se raccorde à la route desservant la principauté d'Andorre par le port d'Envalira et le tunnel d'Envalira sous les noms de CG 2 et CG 1, avant de rejoindre la N 14 espagnole. En Haute-Garonne, la RN 125 relie Montréjeau au Pont du Roi à Fos, desservant Vielha e Mijaran dans le val d'Aran par la N 230. En provenance d'Aínsa-Sobrarbe, la route espagnole A 138 traverse la frontière par le tunnel d'Aragnouet-Bielsa, long de 3 070 mètres, avant de remonter vers Lannemezan par la départementale D 173. En continuant vers l'ouest, le prochain passage d'importance est le col du Somport dans les Pyrénées-Atlantiques, à 1 632 mètres d'altitude. La route nationale 134 emprunte la vallée d'Aspe avant de franchir la frontière et de se diriger vers Canfranc par la route espagnole N 330. Puis, au sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, la D 933 se dirige vers Arnéguy, franchit la frontière sur le pont international et trouve la route nationale 135 qui se dirige vers le col de Roncevaux et Pampelune. À partir de Saint-Jean-Pied-de-Port, le réseau routier transfrontalier secondaire se fait plus dense, au fur et à mesure de la réduction de l'altitude. Le long de l'océan, la RN 10 est à présent doublée par l'autoroute A63, et le passage entre la France et l'Espagne se fait à Béhobie, sur la commune d'Urrugne, point de jonction avec la N 1 espagnole. Plusieurs voies ferrées franchissent la frontière entre l'Espagne et la France ; elles font l’objet d'une convention entre États signée à Paris le 18 août 1904. La ligne de Perpignan à Figueras est une ligne ferroviaire à grande vitesse adaptée pour les trains de voyageurs et de fret à écartement standard UIC. Elle franchit la frontière franco-espagnole par un tunnel de 8,3 kilomètres. La ligne de Portet-Saint-Simon à Puigcerda est une voie ferrée secondaire. Le tronçon Latour-de-Carol - Puigcerda comporte deux voies, une voie à écartement standard et une voie à écartement espagnol. En d'autres points, compte tenu de la différence d'écartement des voies, la frontière est encadrée par deux gares terminus des réseaux nationaux. Il en est ainsi pour la ligne de Narbonne à Port-Bou. La jonction avec le train de la Renfe s'effectue dans le tunnel entre Cerbère et Portbou. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le transfert des fruits en gare de Cerbère des trains espagnols sur des wagons français, dont l’écartement des roues diffère, se fait à dos de femmes appelées les transbordeuses d’oranges. Celles-ci déclenchent en 1906 une grève qui dure plus d’un an et qui constitue la première grève féminine française. Quoique le terminus se situe en Espagne une fois franchie la Bidassoa, la ligne de Bordeaux-Saint-Jean à Irun, à écartement standard, électrifiée et à double voie, s'arrête à Irun, où arrive la ligne espagnole de Madrid à Irun. Enfin, la ligne de Pau à Canfranc est une ligne internationale, à voie unique et à écartement standard, qui est fermée au trafic depuis un accident survenu le 27 mars 1970. L'exploitation de la ligne est depuis lors réduite à la section Pau - Bedous. Les chemins de Compostelle Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Au début du XIe siècle, Sanche III de Navarre, dit « le Grand », le monarque le plus puissant des royaumes chrétiens de la péninsule ibérique, transforme le pèlerinage de Compostelle, jusque-là circonscrit à la péninsule ibérique, en un pèlerinage international. En occupant et développant Nájera, il permet aux pèlerins qui viennent de franchir les cols pyrénéens, d’emprunter l’ancienne voie romaine qui passe par Astorga. L’action d’Alphonse le Batailleur, allié à Gaston le Croisé lors de la Reconquista, permet de libérer le bassin supérieur de l’Èbre, sécurisant ainsi l’accès à Saint-Jacques-de-Compostelle. « […] Il y a quatre routes qui, menant à Saint Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol. L'une passe par Saint-Gilles-du-Gard, Montpellier, Toulouse et le Somport. La route qui passe par Sainte-Foy-de-Conques, celle qui traverse Saint-Léonard-en-Limousin et celle qui passe par Saint-Martin-de-Tours se réunissent auprès d'Ostabat, et après avoir franchi le col de Cize (ou de Roncevaux) elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport. De là, un seul chemin conduit à Saint-Jacques […]. Trois colonnes nécessaires entre toutes au soutien de ses pauvres ont été établies par Dieu en ce monde : l’hospice de Jérusalem, l’hospice du Mont-Joux [Grand Saint-Bernard] et l’hospice de Sainte-Christine sur le Somport […]. » Texte attribué à Aimery Picaud et daté des années 1130. L’hospice de Sainte-Christine et le chemin passant par le Somport connaissent leur apogée vers le milieu du XIIe siècle, avant que l’itinéraire passant par le col de Roncevaux et son hospice, fondé par Alphonse le Batailleur, ne les supplantent. Selon Pierre Tucoo-Chala, les routes médiévales entre Béarn et Aragon empruntent les ports de Vénasque, à 2 444 mètres d’altitude entre Bagnères-de-Luchon et Benasque ; plus à l’ouest les cols d’Aragnouet et de la brèche de Roland permettent de rejoindre Bielsa ; puis viennent les cols du Pourtalet, des Moines, du Somport, de Pau, de la Pierre-Saint-Martin et de Larrau, sans oublier le chemin qui, passant par Sainte-Engrâce, est le principal accès aux XIIe et XIIIe siècles. En ce début de XXIe siècle, trois des chemins contemporains — la via Turonensis, la via Lemovicensis et la via Podiensis — s'unissent à Ostabat, la traversée de la frontière se faisant par le col de Bentarte ou par Valcarlos, en amont du col de Roncevaux. La via Tolosane emprunte, quant à elle, le col du Somport pour franchir les Pyrénées. Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens La chaîne des Pyrénées est parcourue par de nombreux chemins de randonnée, qui empruntent parfois des voies traditionnelles pastorales ou antiques (romaines). Ces chemins font l'objet de balisages locaux, à l'initiative des communes. Certains d'entre eux se distinguent néanmoins parce qu'ils relient des points particuliers ou qu'ils parcourent des lieux chargés d'histoire. Le sentier de grande randonnée 10 (GR 10) est un sentier situé en France uniquement, qui traverse la totalité de la chaîne montagneuse depuis Hendaye sur la Côte basque, à Banyuls-sur-Mer sur la Côte Vermeille. Long de 910 km, il suit un itinéraire de moyenne montagne, alors que la Haute randonnée pyrénéenne suit les lignes de crête. Sur le versant espagnol, le sentier espagnol de grande randonnée 11 relie également les deux extrémités pyrénéennes du cap Higuer, sur l'Atlantique, au cap de Creus, côté méditérannéen. D’autres sentiers de randonnées sont référencés, comme le chemin des Bonshommes (GR 107), long de 224 km entre Foix en Ariège et Berga en Catalogne. Il franchit la frontière au col de la Porteille Blanche à 2 517 m et rencontre les châteaux de Foix et de Montségur, l'église de Mérens-Les-Vals et l'abbaye de Bellver de Cerdany. Le sentier cathare (GR 367) mène, quant à lui, de Port-la-Nouvelle (Aude) à Foix, en suivant 221 km de sentier qui font découvrir les châteaux d’Aguilar, Padern, Quéribus, Peyrepertuse, Puivert, Montségur, Roquefixade et enfin, celui de Foix. Le sentier dit « chemin Walter-Benjamin » relie Banyuls à Portbou. Cet ancien chemin de contrebandiers, long de 17 km, a vu le suicide du philosophe allemand Walter Benjamin, le 26 septembre 1940. ,Le « chemin de la Liberté », à travers le Couserans, part de Saint-Girons et conduit, par le mont Valier, à Sort sur 72 km. Il commémore le passage de près de 3 000 fugitifs durant la Seconde Guerre mondiale et de leurs passeurs. Les Pyrénées offrent, de part et d’autre de la ligne de crête, des refuges de montagne aux randonneurs et alpinistes ; du côté français, la plupart sont gérés par le club alpin français (CAF), et sur le versant sud, par des clubs affiliés à la federación Española de déportes de montaña y escalada (FEDME). La frontière maritime Deux zones, à l’ouest et à l’est de la frontière terrestre, font ou on fait l’objet d’une négociation en vue d’une délimitation maritime afin de déterminer la frontière maritime, l’une dans le golfe de Gascogne et l’autre en mer Méditerranée. En termes de frontières maritimes, le droit applicable est désormais celui défini par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, amendée par le protocole du 28 juillet 1994. La France et l’Espagne — et pour la mer Celtique, la France, l'Irlande et le Royaume-Uni — ont déposé le 19 mai 2006 une « demande conjointe à la commission des limites du plateau continental pour étendre leur plateau continental au-delà de la limite des 200 milles de la zone économique exclusive dans la région du golfe de Gascogne ». Les frontières maritimes font l’objet d’un désaccord entre l’Espagne et la France depuis les années 1970, et n’est toujours pas définitive au Ier janvier 2015. Voies maritimes Deux autoroutes de la mer ont été établies pour transporter des poids lourds entre l’Espagne et la France sur la façade atlantique, au départ de Gijón et de Vigo vers Saint-Nazaire. La ligne au départ de Gijón reliait les Asturies à la Loire-Atlantique en quatorze heures. Faute de rentabilité, elle est interrompue à compter du 14 septembre 2014 et remplacée en 2015 par la ligne partant de Vigo. L’île des Faisans L’île des Faisans, située dans l’estuaire de la Bidassoa entre Béhobie et Irun, est un cas particulier de la frontière entre les deux États. Elle possède le statut de condominium et elle est gérée alternativement par l’Espagne et par la France. Elle demeure dans l’histoire comme le lieu où le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne est âprement négocié en 1659 par le cardinal Mazarin et don Luis de Haro, en parallèle du traité des Pyrénées. En vertu de l'article 25 du traité de Bayonne de 1856, toute embarcation naviguant, passant ou pêchant dans la Bidassoa est soumise à la seule juridiction du pays auquel elle appartient. Néanmoins, « […] pour prévenir les abus et difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage [doit être] considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du pays auquel appartient cette rive ». L'île a pour dimensions une longueur d'environ 210 m et une largeur maximum de 40 m. Sa superficie est de 6 820 m2. Les commandants de Marine installés à Bayonne et à Saint-Sébastien sont chargés à tour de rôle, par période de six mois, de faire appliquer la convention franco-espagnole qui régit l'estuaire de la Bidassoa ainsi que de l'entretien de l'île ; ils portent tous deux le titre de vice-roi de l’Ile des Faisans. L'un d'eux est le lieutenant de vaisseau Louis Marie Julien Viaud, plus connu sous le nom de plume Pierre Loti. Économie frontalière et transfrontalière Tourisme et migrations transfrontalières Les chemins de Compostelle ont engendré des échanges économiques que, dès la fin du XIe siècle, Sanche Ramirez tente de contrôler en imposant des droits de douane prélevés sur les produits de luxe à Jaca et Pampelune. Les produits concernés sont principalement les armes — lances, épées, écus et hauberts fabriqués en France — et les textiles, ces derniers provenant de Bruges, de Byzance ou d’Al-Andalus. Un millénaire plus tard, en 2011, plus de neuf millions de touristes français ont franchi la frontière — terrestre, maritime ou aérienne — pour se rendre en Espagne et cinq millions de touristes espagnols ont visité la France, alors que le transport routier a représenté pour cette même année le passage transfrontalier de 6 millions de poids lourds, essentiellement au Perthus et à Biriatou. Énergie et transports La zone frontalière fait l’objet de plusieurs projets dans les domaines de l’énergie et des transports. Ainsi, la ligne enterrée à très haute tension entre Baixas (Pyrénées-Orientales) et Santa Llogaia d'Àlguema (Catalogne), d'une longueur de 65 km, emprunte un tunnel de 8 km sous les Pyrénées dont le percement a commencé le 15 février 2012. La mise en service commerciale de cette nouvelle ligne de 1 400 mégawatts a eu lieu en juin 2015. Elle vient doubler un ensemble existant de quatre autres lignes — Arkale - Argia, Hernani - Argia, Biescas - Pragnères et Vic - Baixas — d’une capacité de 1 400 mégawatts. D’autre part, les deux États ont entrepris l’étude de faisabilité d’une ligne sous-marine d’une puissance supérieure à 2 000 mégawatts reliant le nord de la Gironde au Pays basque espagnol. Le réseau gazier à deux sens existant en 2012 se trouve renforcé en 2013 et 2015 par deux nouvelles liaisons sur la façade ouest résultant de deux investissements privés, l’un à Larrau et l’autre à Biriatou, contribuant à l’intégration des marchés gaziers des deux pays sur l’axe Afrique-Espagne-France. Ces investissements portent les échanges gaziers annuels entre les deux pays et dans les deux sens à 7,5 Mds m3. Économie et accords frontaliers Conséquence du relief montagneux et de la configuration des vallées, isolées les unes des autres, les populations pyrénéennes ont développé, depuis l’Antiquité et en toute indépendance, des systèmes juridiques et économiques propres. Insensibles aux changements politiques qui ont marqué l'histoire des deux versants du massif pyrénéen, elles ont passé, de vallée à vallée, des accords qui ont continué à se développer bien après la constitution des États espagnol et français. Dans une économie traditionnelle pastorale, qui jouit du régime de la propriété indivise des terres, un « système de démocratie directe à base familiale » se développe à partir de la cellule que constitue la maison. Compte tenu de l’absence de frontière précise entre versants opposés, ou sur le même versant, les communautés se sont souvent trouvées confrontées à des problèmes de voisinage, le plus souvent liés à l’utilisation des pâturages. Elles ont alors développé des conventions, ou faceries, permettant un usage consensuel et pacifique des pâturages. Cette pratique est avérée de l’ouest à l’est de la chaîne pyrénéenne. Les faceries les plus anciennes, dont des conventions écrites nous sont parvenues, datent de 1171 - 1175 ; elles régissent les relations entre Bagnères-de-Bigorre et le Lavedan, deux territoires situés sur le versant français. Un autre accord attesté date de 1314, entre Saint-Savin, en France, et Panticosa sur le versant espagnol. Nombreuses à partir du XIVe siècle, les faceries établissent avec précision les limites des pacages communs ou respectifs, leur bornage et les sanctions frappant les auteurs d’infractions. Alors que les États se constituent et que la frontière acquiert sa notion de limite militaire, politique, puis douanière, les faceries intègrent des dimensions nouvelles à partir du XVe siècle, qui consistent en la protection de l’économie locale et la liberté des transactions, indépendamment des conflits nationaux et des règles fiscales propres à chaque royaume. Dans le prolongement de cette évolution se développe un concept politique de « petites républiques », qui donne naissance à des traités de lies et passeries, c’est-à-dire de neutralité ou de surséance à la guerre. Durant la guerre de Succession d'Espagne, au début du XVIIIe siècle, les populations pyrénéennes « [refusent] de contribuer à l’effort militaire demandé par leur souverain respectif. Ils [préviennent] même leurs voisins du versant opposé à l’approche des troupes, afin qu’ils puissent se mettre à l’abri avec leur bétail, voire se défendre et attaquer […] ». Malgré les pressions centralisatrices des XVIIIe et XIXe siècles, les faceries perdurent et sont même officiellement reconnues dans le traité de 1856 ; certaines d’entre elles sont toujours en vigueur, comme la convention existant depuis une sentence arbitrale de 1375 entre la vallée de Barétous et celle de Roncal, ou celle renouvelée le 3 novembre 1997 au col de Lizarrieta entre les « nobles et valeureuses villes frontières de Vera de Bidassoa et de Sare ». Traités de Bonne Correspondance La notion de neutralité vis-à-vis des conflits entre États est l’idée centrale des traités de Bonne Correspondance. En cela, et même si les premiers d’entre eux semblent dater de la fin du XIIIe siècle et du début du siècle suivant — 1284, 1306, 1309, 1311 et 1328 ; il s'agissait à cette époque de régulariser la restitution de pinasses volées autant par des habitants de Bayonne ou de Biarritz que par ceux de Santander ou de Castro-Urdiales — ils prennent véritablement leur sens à partir du XVIe siècle, c’est-à-dire après la consolidation du concept d’État et au moment des premiers heurts d’importance entre François Ier et Charles Quint. Ces traités concernent la partie ouest de la chaîne des Pyrénées et plus précisément le Labourd, Bayonne — qui est anglaise jusqu’en 1451 —, le Guipuscoa et la Biscaye. Ils visent à régler les rapports et échanges maritimes entre ces entités dans le but de faire prospérer les ports, permettant par exemple aux bateaux labourdins de venir hiverner dans les ports basques espagnols, notamment celui de Pasajes, compte tenu de l’insuffisance des abris dans les ports français ou anglais (Bayonne). La collaboration interrégionale est en effet mise à mal par la survenue de guerres, permettant en particulier l'activité des corsaires. À la différence des lies et faceries, la signature des traités de Bonne Correspondance requiert l’approbation des suzerains espagnols et français. Le roi de France accorde une autorisation préalable. Il entend, en outre, confirmer expressément chacun des traités. Le 20 septembre 1694, le duc de Grammont représente « à Bayonne la ratification du traité de Correspondance fait par le Roy entre le gouverneur de Bayonne, le syndic du Labourd, la province du Guipuzcoa et la seigneurie de Biscaye ». Il en est de même pour la partie espagnole puisque l'article 12 du traité de 1653 prévoit qu'« il sera réciproquement ratifié par Leurs Majestés Très Chrétiennes et Très Catholiques » et enregistré dans les « Admirautez de France et dans celles d'Espagne ». Ces traités sont conclus suivant une structure type et un formalisme renforcé à partir du milieu du XVIIe siècle. Ils ouvrent la voie à la notion moderne d'eaux territoriales. En effet, un traité de 1719 fixe à « quatre lieues à partir des côtes l'étendue de la mer territoriale qui forme un prolongement fictif du territoire national ». Il ajoute qu'« aucun acte de guerre ne pourra avoir lieu dans cette zone […] » et que « si deux navires ennemis se rencontrent dans le même port, l'un ne pourra en sortir que vingt-quatre heures après l'autre […] ». À partir du traité de 1653, la course est réglementée dans le périmètre de la mer territoriale, que le corsaire soit basque ou belligérant étranger aux trois provinces signataires. Enfin, deux articles du traité de 1653 tentent de réguler les actes de contrebande qui pourraient résulter d’une application large du principe de neutralité, rappelant notamment les dispositions prises par le roi d’Espagne en la matière. Les marchandises de contrebande introduites à tort dans les ports sont menacées de saisie et les contrevenants de mesures strictes de justice. En 1808, alors que les deux États sont engagés dans la guerre d'indépendance espagnole, Napoléon ne déroge pas à la règle suivie par les rois qui l’ont précédé ; il autorise en effet les Bayonnais à approvisionner Irun, autorisation qu’il étend en 1810 à tout le Guipuscoa et à la Biscaye. Économie frontalière Les échanges de travailleurs transfrontaliers de la zone frontière France-Andorre-Espagne sont relativement limités, comparés à ceux d’autres frontières comme celle entre la France et la Suisse. Ils sont estimés en 2007 à 4 600 dans le sens France vers le sud, et autant dans le sens Espagne vers le nord. Compte tenu de l’ampleur de la crise espagnole depuis les années 2000, les flux nord-sud s’avèrent depuis sensiblement inférieurs. Ils se concentrent aux deux extrémités du massif, avec une estimation de 2 500 personnes en 2007 dans la bande littorale basque, dans le sens nord - sud, et 300 personnes à destination de la Catalogne. La zone centrale, principalement du côté espagnol, est faiblement peuplée et à dominante agricole et pastorale. En conséquence, les coopérations transnationales portent surtout sur le développement de l’économie rurale, du tourisme, de la culture et de la protection de l’environnement et des ressources. Ainsi, l’association de droit français Xareta regroupe sur un territoire à cheval sur la frontière, les villages d’Ainhoa, Sare, Urdax et de Zugarramurdi ; elle a pour objectif l’organisation économique autour des atouts touristiques, agricoles et naturels de la zone. Autre exemple, à l’initiative du comité Izpegi, des Amis de la Vieille Navarre et du gouvernement de Navarre, la communauté de communes de Garazi-Baigorri (Pyrénées-Atlantiques) et 16 communes espagnoles de la communauté forale de Navarre — vallées du Baztan, d'Erro et d'Esteribar ainsi que les villages de Valcarlos et de Burguete — ont signé en 2005 une convention ayant pour objectif le développement du tourisme autour des richesses patrimoniales locales. La coopération portant sur l’environnement est illustrée par les conventions développées entre des parcs nationaux de chaque côté de la frontière, comme celle rapprochant le parc national des Pyrénées et le parc national d'Ordesa et du Mont-Perdu, ou encore entre le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et celui de Pallars Sobira. D’autres aspects de l’économie frontalière trouvent leurs racines dans les relations de communautés transfrontalières, souvent familiales et culturelles, comme c’est le cas par exemple dans la zone frontalière de Sare (Pyrénées-Atlantiques). L’activité pastorale a donné lieu très tôt à une compascuité naturelle, toujours d’actualité et présente tout au long du massif pyrénéen ; les disparités de taxes et la solidarité entre les communautés de part et d’autre de la frontière sont à l’origine de deux phénomènes économiques singuliers, l’apparition d'une part de points de vente peu après la frontière, du côté espagnol, les ventas, et l’émergence d’autre part de la contrebande, qui concernait initialement des produits de première nécessité, échangés entre les vallées. Le phénomène des ventas existe en d’autres points de la frontière, en particulier à l’est du massif pyrénéen, où se trouve l’autre grande voie de passage touristique. Le village de La Jonquera est devenu une ville-supermarché souhaitant attirer touristes et professionnels de la route. La contrebande est également un phénomène présent dans la partie orientale de la frontière — de même qu’à la frontière avec Andorre — et les douanes perpignanaises effectuent une grande partie des prises de contrebande de tabac du territoire français. En Roussillon également, l’activité économique liée à la contrebande est ancienne, datant de l’application du traité de 1659. Coopération transfrontalière institutionnelle La coopération transfrontalière institutionnelle est encadrée par le traité de Bayonne de 1995, mais également par le programme opérationnel de coopération territoriale Espagne - France - Andorre appelé programme Interreg IV POCTEFA. Le soutien financier communautaire prodigué vise à soutenir l'intégration économique et sociale de la zone frontalière franco-espagnole. Les axes de travail qui ont été privilégiés sont de « […] renforcer l’intégration transfrontalière en valorisant les complémentarités dans le domaine des activités économiques, de l’innovation et du capital humain, [de] valoriser les territoires, le patrimoine naturel et culturel dans une logique durable, [de] protéger et gérer les ressources environnementales et [d’]améliorer la qualité de vie des populations à travers des stratégies communes de structuration territoriale et de développement durable ». La gestion du programme est assurée par le consorcio de la communauté de travail des Pyrénées (CTP). La CTP est créée en 1983 et gérée en consorcio depuis 2005 pour contribuer au développement du massif pyrénéen, en suscitant et améliorant les relations entre territoires et acteurs. Elle propose et engage des actions transfrontalières en réponse à des problèmes et des enjeux partagés par les deux versants du massif. Sa compétence s'adresse à une zone couvrant plus de 220 000 km2 et regroupant près de 18 millions d'habitants. D’ouest en est, des groupements européens de coopération territoriale (GECT) recouvrent le massif pyrénéen en intégrant les régions des deux versants. Il s’agit de l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi, du GECT Espace Pourtalet, du GECT Pyrénées-Cerdagne et du GECT Pyrénées-Méditerranée. La coopération entre France et Espagne s’exprime également en matière de santé par la création de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá, dans le but de fournir des soins médicaux à environ 30 000 habitants de la vallée de Cerdagne, de part et d'autre de la frontière franco-espagnole. De même, l’éducation fait l’objet de rapprochements transfrontaliers comme l’institut franco-catalan transfrontalier, au sein de l’université de Perpignan, ou encore un programme de la faculté de Bayonne, proposant un master « Affaires européennes et internationales » avec une spécialisation « Coopération transfrontalière et interrégionale ». Douane et contrôles frontaliers La France et l’Espagne adhèrent à l’union douanière de l'Union européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 1968, et sont toutes deux membres de l’espace Schengen depuis le 26 mars 1995. Depuis lors, les postes-frontière ont été fermés ; le Code frontières Schengen en vigueur depuis le 13 octobre 2006 stipule en effet, que les États participants doivent supprimer tous les obstacles à la libre circulation dans les frontières internes de l’espace. Les contrôles douaniers font l’objet d’une coopération bilatérale entre la France et l’Espagne, formalisée par le traité du 7 juillet 1998 ; ce dernier prévoit des échanges d’agents entre les services ou unités douanières des deux parties, en particulier dans le domaine des stupéfiants. En 2011, 188 personnes ont été interpellées dans les deux pays, dans le cadre de cette collaboration. Un groupe de liaison anti-drogue (GLAD) a été créé en 2008 pour améliorer la coopération judiciaire contre le crime organisé. De même des équipes communes d’enquêtes (ECE) existent depuis juillet 2003 pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme. Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description nullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnullnull/////// // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Yves Mairesse 2011-09-18T11:21:18 2022-12-12T19:18:16.012000000 PT18H14M28S 61 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Yves Mairesse 2011-10-19T07:16:41 Capacité mémoire et numérisation Pablo Rodriguez Capacité mémoire et numérisation Yves Mairesse 10 61 Capacité mémoire et numérisation Capacité mémoire et numérisation Yves Mairesse 7 61 1 2 3 2 4 2 5 2 1 2 6 2 3 2 4 2 7 2 1 2 4 Table des matières Table des matières La compression des fichiers « textes » 2 Capacité de la mémoire des ordinateurs 3 Bits et octets 3 La mémoire et le courant électrique 3 Les bits et les multiples 3 Intérêt de grouper des bits 3 Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits 3 Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits 4 Petit détour par le système décimal 4 Et en binaire 4 Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits 4 Comment lire un nombre décimal ? 4 Comment lire un nombre binaire ? 4 Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? 5 Et les autres nombres ? 5 Multiples de l'octet 5 Préfixes multiplicateurs habituels 5 Préfixes multiplicateurs en informatique 5 Images numériques 5 Image numérique = mosaïque de points 5 Les images en noir 6 Les images en couleur 6 Nombre de couleurs et poids des images 8 Définition des images 8 Résolution des images 8 Résolution à l'écran 8 Résolution pour l'impression 8 Résolution pour la projection 8 Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids 9 Méthode non destructrice 9 Méthode destructrice 9 Les principaux formats d'images 9 Capacité mémoire et numérisation La compression des fichiers « textes » Lorsqu'il s'agit de transmettre un document volumineux par mail, il sera souvent intéressant de procéder à la compression du document. Il s'agit alors toujours d'une compression non-destructrice ! Les algorithmes qui permettent de réduire la taille des fichiers sont souvent complexes. Il n'est pas question d'envisager de les expliquer ici. Contentons-nous de montrer comment il serait possible de comprimer un fichier contenant un texte. Un texte est formé d'un certain nombre de mots. Prenons, par exemple, la phrase « une petite faute ou une toute petite faute est une faute » La phrase donnée en exemple contient 56 caractères, y compris les « espaces ». Il est cependant possible de compresser un peu le fichier correspondant en repérant les différents mots et en composant un « dictionnaire ». On y trouve les mots indiqués dans le tableau ci-contre. Ce qui fait un total de 25 caractères + 7 codes associés à chacun des mots (la première colonne) = 32 signes. Il suffit donc d'enregistrer ce dictionnaire et les codes correspondants aux différents mots qu'il contient. Ensuite, il faut enregistrer les mots sous forme de suites de codes : 1 2 3 2 4 2 5 2 1 2 6 2 3 2 4 2 7 2 1 2 4 soit 21 signes. Cela nous mène donc à un total de 53 signes à enregistrer au lieu de 56. Lors de la réception du document compressé, il suffit de le reconstituer. Un format de compression très classique est le format ZIP. Il faut noter que les documents au format .odt et les documents au format .docx sont automatiquement contenus dans des fichiers compressés au format .zip. On ne gagne pas souvent à les compresser. Capacité de la mémoire des ordinateurs Bits et octets La mémoire et le courant électrique Un ordinateur est formé d'un certain nombre (très grand) de circuits électriques. Nous n'évoquerons ici que les mémoires d'ordinateur. Une mémoire est constituée de circuits électriques dans lesquels : un courant passe. On considère que ce circuit contient la valeur numérique 1. le courant ne passe pas. On considère que ce circuit contient la valeur numérique 0. L'ordinateur ne peut accueillir d'autres valeurs que 0 ou 1 dans ses mémoires. Un circuit ouvert contient la valeur 0 ; un circuit fermé contient la valeur 1. L'ordinateur est un système binaire : il ne connaît que deux états. Les bits et les multiples Un circuit électrique élémentaire d'un ordinateur qui peut contenir la valeur 0 ou la valeur 1 est appelé « binary digit » abrévié en « bit ». Le symbole du « bit » est un « b » minuscule. Dans les mémoires d'ordinateur, on groupe généralement les « bits » en groupes. Un groupe de « bits » est appelé un « byte » (symbole « B ») Le groupe de « bits » fréquent est formé de l'association de 8 « bits ». Ce « byte » est appelé « octet » (symbole « o »), en français. 8 bits = 1 octet Les processeurs des ordinateurs peuvent généralement traiter des paquets de 8 bits. Mais souvent plus. On parle de processeur 16 bits, 32 bits ou 64 bits. Plus le nombre de bits qu'ils peuvent traiter en même temps est grand, plus le processeur est puissant. Intérêt de grouper des bits Dans 1 bit, la mémoire de l'ordinateur peut contenir une valeur 0 ou 1. Mais pas de nombre plus grand. En groupant des bits, on peut représenter des valeurs plus grandes. Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits Comme on le ferait en décimal, les chiffres s'ajoutent par la droite. Les bits sont numérotés en commençant par la droite. On commence à la valeur 0. Pour représenter le nombre 0 sur 8 bits, on place donc des « 0 » dans chacun des bits. Pour représenter le nombre 1, on place la valeur « 1 » dans le bit 0 (le plus à droite) et des « 0 » partout ailleurs. On voit clairement que l'on perd 7 bits pour rien... Mais c'est un sacrifice indispensable si l'on veut pouvoir utiliser des nombres > 1. Il faut une convention : on ne peut pas représenter un nombre en utilisant 4 bits et un autre en utilisant 8 bits. Tant pis s'il y a des bits perdus. Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits Petit détour par le système décimal Le chiffre 9 étant le plus grand chiffre existant en système décimale, il faut utiliser le système de changement de rang, lorsque l'on veut écrire un nombre plus grand que 9. 9 + 1 = 0, je reporte 1. Et en binaire En binaire, le plus grand chiffre est 1. Pour écrire un nombre plus grand que 1, il faut aussi utiliser le système de changement de rang. 1 + 1 = 0, je reporte 1 Le nombre 2 s'exprime donc sous la forme « 10 » en binaire. Le nombre 2, codé en binaire et présenté sur un octet se présente donc comme suit : Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits Dès que l'on admet le système de changement de rang au-delà de 1, la suite est simple. Le nombre 3 se calcule 3 = 2 + 1. En binaire, il se note donc 11. Le nombre 4 se calcule 4 = 3+1 Il y a maintenant deux changements de rang. Le nombre 4 se note 100, en binaire. Et ainsi de suite... Exercice : Quelle est la valeur décimale du nombre représenté dans le tableau ci-contre ? Comment lire un nombre décimal ? En partant de la droite, on voit que le nombre décimal 72 604 est formé de 4 unités, 0 dizaines, 6 centaines,etc. Le chiffre qui est dans la case de rang 0 (ici, le chiffre 4) est à multiplier par 10^0. Le chiffre qui est dans la case de rang 1 (ici, le chiffre 0) est à multiplier par 10^1. Le chiffre qui est dans la case de rang 2 (ici, le chiffre 6) est à multiplier par 10^2. etc... Comment lire un nombre binaire ? Le principe est le même que pour les nombres décimaux. Mais ici, la base est 2 et non 10. Le nombre binaire 10111 est donc (attention, on lit à l'envers, de droite à gauche) 1x2^0 + 1x2^1 + 1x2^2 + 0x2^3 + 1x2^4 = 1 + 2 + 4 + 0 + 16 = 23 en décimal. Quel est le plus grand nombre que l'on puisse stocker dans un octet (8 bits) ? Le tableau montre qu'il s'agit de 1x2^0 + 1x2^1 + 1x2^2 + 1x2^3 + 1x2^4 + 1x2^5 + 1x2^6 + 1x2^7= 1 + 2 + 4 + 8 + 16 + 32 + 64 + 128 = 255 Le plus petit nombre (positif) que l'on puisse mettre dans un octet est donc 0 et le plus grand 255. Ce qui fait 256 valeurs possibles. Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? Pour stocker des nombres entiers plus grands que 255, il suffit d'utiliser plus d'un octet. On vérifiera aisément que le plus grand nombre qu'il soit possible de stocker dans 16 bits (2 octets) est 65535. Si l'on veut des nombres encore plus grands, on peut grouper 24, 32, 40, ... bits. Sur 24 bits, on peut donc coder des nombres aussi grands que 16.777.215. Sur 32 bits, on peut aller jusqu'à 4.294.967.295. Et les autres nombres ? Il faut aussi pouvoir représenter des nombres plus petits et plus grands. Y compris en négatif. Pour ces nombres (encore parfois appelés des réels ou des nombres à virgule flottante), on utilise d'autres conventions. Mais on n'utilise, bien sûr, que des 0 et des 1. Multiples de l'octet Si l'on groupe les octets par 2, 3 ou 4, la mémoire de l'ordinateur en contient beaucoup plus. On parle aisément de milliards d'octets et même bien plus. Préfixes multiplicateurs habituels Les préfixes multiplicateurs habituels peuvent être utilisés. 10^3 octets = 1000 octets = 1 Ko ou 1 KB (kilo-octet) 10^6 octets = 10^3 x 10^3 = 1.000.000 octets = 1 Mo ou 1 MB (méga-octet) 10^9 octets = 10^3 x 10^3 x 10^3 = 1.000.000.000 octets = 1 Go ou 1 GB (giga-octet) 10^12 octets = 10^3 x 10^3 x 10^3 x 10^3 = 1.000.000.000.000 octets = 1 To ou TB (téra-octet) Préfixes multiplicateurs en informatique Le nombre 1000 (10^3) et ses multiples est difficile à représenter dans un ordinateur. Le nombre 1024 est plus simple. Il s'écrit : 10000000000 en binaire et 2^10 en décimal. Idem pour 10^6 auquel on préférera souvent 1048576 qui s'écrit 100000000000000000000 en binaire et 2^20 en décimal. etc... 1024 octets = 2^10 octets = 1 Kio, à prononcer kibioctet 1024 x 1024 octets = 2^20 octets = 1 Mio à prononcer mébioctet 1024 x 1024 x 1024 = 2^30 octets = 1 Gio à prononcer gibioctet 1024 x 1024 x 1024 x 1024 = 2^40 octets = 1 Tio à prononcer tébioctet 1024 x 1024 x 1024 x 1024 x 1024 = 2^50 octets = 1 Pio à prononcer pébioctet On fait souvent la confusion entre Ko et Kio. C'est une petite faute. Par contre, il ne faut pas confondre Kb et KB ou le Mb et le MB. Images numériques Image numérique = mosaïque de points Toutes les images numériques sont formées d'une mosaïque de points, contrairement à une peinture. La numérisation d'un tableau de maître consiste à transformer les informations continues de couleurs (le passage du pinceau) en une série points juxtaposés plus ou moins rapprochés. Ces points sont appelés « pixels » (de l'anglais « picture elements »). Dans tous les cas, les images numériques sont basées sur le même principe que les images des « postit wars » Les images en noir L'image d'un petit robot, en noir et blanc, est composée d'une mosaïque de points : . Cette image est reproduite très agrandie ci-contre. Comment cette image est-elle représentée dans un ordinateur ? Pour chaque point, il existe deux possibilités: il peut être noir ou être blanc. La convention généralement admise est que : un point noir est représenté par un " 0 " et un point blanc est représenté par un " 1 ". Un bit permet donc de coder un pixel de l'image en noir et blanc. Pour stocker une image en noir et blanc, il suffit donc de convenir que le noir est codé par le chiffre " 0 " et le blanc par le chiffre " 1 ". Mais comment faire alors pour coder une image qui compterait plus de couleurs ? Les images en couleur Pour déposer la même image que précédemment, mais en couleurs, en mémoire centrale, il suffit de convenir que chaque point de l'image est représenté par un nombre ce nombre correspond à une certaine couleur dans une palette de couleurs. Dans l'exemple ci-dessus, la couleur 1 serait le noir, la couleur 2 serait le jaune, etc. Pour une image en 16 couleurs, il faut que chaque point de l'image soit codé par un nombre en 4 bits (compris donc entre 0 et 15). Chaque nombre désigne la couleur dans la palette. Si l'on souhaite que l'image puisse contenir 256 couleurs différentes, il faut convenir que chaque point est représenté par une valeur sur 8 bits. La palette contient alors 256 couleurs différentes. L'image ci-contre à droite représente le dessin d'une lettre A présentée en 3 couleurs. L'image inférieure en 3D détaille la composition de l'image dans la mémoire de l'ordinateur. Si l'on souhaite que l'image contienne plus de couleurs, on pourra utiliser plus de bits pour chaque pixel. Le codage sur 16 bits permet d'obtenir 65536 couleurs différentes. Le codage sur 24 bits permet d'obtenir plus de 16 millions de couleurs (2 24 couleurs). On considère souvent qu'un codage sur 32 bits permet de coder plus de couleurs que l’œil humain peut en distinguer. Une photo de haute qualité est codée sur 32 bits. On peut se contenter de 24 bits (soit 3 octets). Chaque octet représente une nuance des trois couleurs fondamentales : rouge, vert et bleu, qui sont mélangées. Nombre de couleurs et poids des images Plus le nombre de nuances de couleurs est importante, plus le poids de l'image est grand. Exercice : enregistrer une image au format .BMP en 24 bits, en 16 bits en 8 bits Comparer les images ; comparer les poids. Définition des images Les capteurs des appareils photo numériques, en 2011, sont souvent capables de produire des images dont la définition atteint 12 Mpixels 1 https://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/projet/les_capteurs_dans_un_smartphone/ . Est-il forcément nécessaire d'utiliser toute la capacité de définition de ces appareils. Généralement pas. Sauf si l'on réalise de grands agrandissements destinés à être exposés ou si l'on souhaite agrandir un détail de l'image. Dans les deux cas, il ne faut pas oublier que la qualité de l'objectif de l'appareil photo donne aussi une limite : un objectif médiocre donnera une image peu nette, même si le capteur de l'appareil est très performant. Il est évident qu'une image prise avec un capteur d'une définition de 12 Mpx sera généralement plus lourde qu'une image prise avec un capteur limité à 6 Mpx. Question : quel est le poids théorique, en KB d'une photo en 24 bits par px prise avec un appareil photo dont la définition du capteur atteint 12 Mpx ? Résolution des images La « résolution » d'une image est une caractéristique de l'image qui indique sa qualité. Meilleure est la résolution, plus l'image sera « lisible ». Une image dotée d'une mauvaise résolution est difficile à lire. L'image ci-contre est dotée d'une très mauvaise résolution Pour des raisons historiques, la résolution d'une image est mesurée en « dpi » : « dots per inch » que l'on peut traduire par « points par pouce ». Le nombre de points est le nombre de pixels. Un pouce est l'unité de mesure qui vaut approximativement 2,54 cm. Résolution à l'écran Pour la présentation sur des écrans d'ordinateur, il suffit généralement d'utiliser des images dont la résolution approche les 72 dpi. Une meilleure résolution permettrait d'agrandir l'image, mais elle n'est pas nécessaire pour une page web, par exemple. Résolution pour l'impression Les images destinées à être imprimées doivent être de meilleure qualité du point de vue de la résolution. On considère généralement que 300 dpi sont nécessaires à une image de très bonne qualité. Résolution pour la projection La résolution nécessaire pour des images destinées à la projection dépend de la qualité de l'appareil de projection, mais aussi de la taille de l'image projetée. Pour les travaux présentés en classe, on peut souvent se satisfaire d'une résolution du même type que sur écran. Exercices : Pour un travail scolaire illustré, je souhaite intégrer une image de 4cm x 5cm dans mon texte. Je dispose de cette image dans une dimension 4000px x 5000 px. Quelle opération pourrait être utile ? Ce travail sera ensuite publié sur un blog en ligne. Cela change-t-il quelque chose pour cette image ? Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids Le poids des images tel qu'il a été discuté ci-avant peut rester un problème lorsqu'il s'agit de les transmettre par mail ou de les publier sur un site web, par exemple. Des méthodes de compression d'images ont toutefois été inventées pour pallier les inconvénients des images trop lourdes. Il existe des méthodes de compression non-destructrices et des méthodes destructrices. Méthode non destructrice Soit une image monochrome de dimension1000px x 1000px en 24 bits = 3 Mo Si chaque pixel a la même couleur, il n'est pas besoin de transmettre 3 Mo d'informations pour décrire l'image. Il est possible de simplifier l'enregistrement. Pour reconstituer l'image, il suffit de connaître : les dimensions de l'image (1000px x 1000px) la profondeur de couleur (24 bits) la couleur de chaque pixel (une seule information à retenir) Clairement, on peut gagner de la place. Dans des exemples moins triviaux, on peut couper l'image en différentes plages (que l'on décrit) et dont on donne la caractéristique unique (cas d'une seule couleur). On peut ensuite reconstituer l'image sans aucune perte. Les algorithmes de compression non-destructrice sont souvent plus complexes que ce qui est indiqué ci-dessus, mais le principe est conservé. Méthode destructrice Dans une image complexe, il serait possible pour chaque groupe de pixels, de déterminer la couleur moyenne de ces pixels et de n'enregistrer que cette moyenne. Si l'on groupe 4 pixels, on peut enregistrer des images 4 fois moins grosses. Mais ici, la qualité de l'image est dégradée. Les principaux formats d'images BMP : pas de compression, profondeur de couleurs au choix JPG : compression possible ; qualité entre 0 et 100%. Perte de qualité. Profondeur de couleurs au choix. Bien adapté aux photos. GIF : compression sans perte de qualité. 256 couleurs max PNG : compression sans perte. Intéressant pour les images avec peu de couleurs (schémas) mais pas pour des photos Table des matières Table des matières La compression des fichiers « textes » 2 Capacité de la mémoire des ordinateurs 3 Bits et octets 3 La mémoire et le courant électrique 3 Les bits et les multiples 3 Intérêt de grouper des bits 3 Représentation du nombre 0 et 1 sur 8 bits 3 Représentation du nombre 2 en binaire et sur 8 bits 4 Petit détour par le système décimal 4 Et en binaire 4 Représentation du nombre 3 et de quelques suivants sur 8 bits 4 Comment lire un nombre décimal ? 4 Comment lire un nombre binaire ? 4 Comment stocker des nombres entiers plus grands que 255 ? 5 Et les autres nombres ? 5 Multiples de l'octet 5 Préfixes multiplicateurs habituels 5 Préfixes multiplicateurs en informatique 5 Images numériques 5 Image numérique = mosaïque de points 5 Les images en noir 6 Les images en couleur 6 Nombre de couleurs et poids des images 8 Définition des images 8 Résolution des images 8 Résolution à l'écran 8 Résolution pour l'impression 8 Résolution pour la projection 8 Comprimer les images enregistrées pour gagner du poids 9 Méthode non destructrice 9 Méthode destructrice 9 Les principaux formats d'images 9 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Le chocolat. 22 Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. Prénom Nom Le chocolat. Le chocolat, terme d'origine mésoaméricaine1, est un aliment plus ou moins sucré produit à partir de la fève de cacao. Celle-ci est fermentée, torréfiée, broyée jusqu'à former une pâte de cacao liquide dont est extraite la matière grasse appelée beurre de cacao. Le chocolat est constitué du mélange, dans des proportions variables, de pâte de cacao, de beurre de cacao et de sucre ; auxquels sont ajoutées éventuellement des épices, comme la vanille, ou des matières grasses végétales. Consommé initialement sous forme de xocoatl2 (boisson épicée) au Mexique et en Amérique centrale, le chocolat se démocratise avec la révolution industrielle. Au XXIe siècle, il est consommé sous forme solide (chocolat noir ou au lait) ou liquide (chocolat chaud). Le chocolat se retrouve dans de nombreux desserts tels que les confiseries, biscuits, gâteaux, glaces, tartes, boissons. Offrir du chocolat, moulé de différentes manières, est devenu traditionnel lors de certaines festivités : œufs, lapins, poules, cloches, et petites figurines de poissons ou fruits de mer à Pâques, pièces de monnaie pour Hanoucca3, truffes pour Noël, cœurs pour la Saint-Valentin, ou les traditionnelles marmites de la fête de l'Escalade en Suisse dans le canton de Genève 1 Passion chocolat : De la fève à la tablette, Dorling Kindersley, 2017, 224 p, ISBN 978-2-8104-2119-0. . Étymologie. Les Aztèques associaient le chocolat avec Xochiquetzal4, la déesse de la fertilité. Les Mayas5 l'associaient aussi à leur dieu de la fertilité (voir la section Effets non prouvés). Le philologue mexicain Ignacio Davila Garibi6 suggère que les Espagnols ont inventé ce mot en associant le terme chocol et en remplaçant le mot maya haa7 (signifiant eau) par le terme nahuatl atl8. Cependant, il semble plus probable que les Aztèques eux-mêmes inventèrent le mot, ayant adopté depuis longtemps en nahuatl le mot maya pour la fève de cacao. En effet, les Espagnols eurent peu de contact avec les Mayas avant que Cortés rapporte au roi d'Espagne une boisson chocolatée connue sous le nom de xocolatl9. Wiliam Bright relève que le mot xocoatl n'apparaît pas au début de la langue espagnole ou dans les sources coloniales Nahuatl. Le verbe maya chokola'j , qui signifie « boire du chocolat ensemble », a aussi été proposé comme origine possible. Dans une étude controversée, les linguistes Karen Dakin10 et Søren Wichmann11 remarquent que dans de nombreux dialectes nahuatl, le nom est plutôt chicolatl que chocolatl. De plus, de nombreuses langues parlées au Mexique (telles que le popoluca12, le mixtèque13, le zapotèque14) et même aux Philippines, ont emprunté cette version du mot. Le mot chicol-li fait référence à des ustensiles de cuisine (toujours utilisés dans certaines régions). Depuis que le chocolat a été servi, à l'origine dans des cérémonies, avec des fouets individuels, Dakin et Wichmann considèrent qu'il semble assez probable que la forme d'origine du mot était chicolatl, ce qui pourrait signifier « boisson battue ». Dans plusieurs régions du Mexique, en effet chicolear15 signifie « battre, remuer ». Histoire. Origines. Le livre de la Genèse Maya, le Popol Vuh16, attribue la découverte du chocolat aux dieux. Dans la légende, la tête du héros Hun Hunaphu17, décapité par les seigneurs de Xibalba18, est pendue à un arbre mort qui donna miraculeusement des fruits en forme de calebasse appelés cabosses de cacao. La tête crache dans la main d'une jeune fille de Xibalba, l'inframonde maya, assurant ainsi sa fécondation magique. C'est pourquoi le peuple maya se sert du chocolat comme préliminaires au mariage. Le cacao permet aussi de purifier les jeunes enfants mayas lors d'une cérémonie. De même, le défunt est accompagné de cacao pour son voyage vers l'au-delà. Originaire des plaines tropicales d'Amérique du Sud et centrale, le cacaoyer, produisant les fèves de cacao, est cultivé depuis au moins trois millénaires dans cette région et dans l'actuel Mexique. En novembre 2007, des archéologues affirment avoir trouvé la plus ancienne preuve de l'utilisation des fèves, la situant entre 1100 et 1400 av. J.-C. : l'analyse chimique de résidus de récipients trouvés sur le site de fouilles de Puerto Escondido19 (Honduras) indique qu'à cette époque, le mucilage entourant les fèves servait à la fabrication d'une boisson fermentée. L'invention de la boisson chocolatée non alcoolisée fabriquée par la majorité des peuples mésoaméricains (y compris mayas et aztèques) fut postérieure ; cette boisson était vraisemblablement d'abord utilisée à des fins thérapeutiques ou lors de certains rituels. Le chocolat est un produit de luxe dans toute la Mésoamérique durant la civilisation précolombienne et les fèves de cacao sont souvent utilisées comme monnaie d'échange pour faire du troc, payer des impôts et acheter des esclaves et ce, dès 1 000 ans av. J.-C.. Par exemple, un Zontli20 est égal à 400 fèves, tandis que 8 000 fèves sont égales à un Xiquipilli21. Dans les hiéroglyphes mexicains, un panier contenant 8 000 fèves symbolise le nombre 8 000. Plus tard, en 1576, il faut 1 200 fèves pour obtenir un peso mexicain. Les Aztèques utilisent un système dans lequel une dinde coûte cent fèves de cacao et un avocat frais trois fèves. Les Mayas cultivent des cacaoyers et utilisaient les fèves de cacao pour fabriquer une boisson chaude, mousseuse et amère, souvent aromatisée avec de la vanille, du piment et du roucou22 nommée xocoatl. Une tombe maya du début de la période classique (460-480 av. J.-C.), retrouvée sur le site de Rio Azul23 (au Guatemala), contenait des récipients sur lesquels est représenté le caractère maya symbolisant le cacao et comportant des restes de boisson chocolatée. Une poterie contenant des traces de cacao fut découverte au Belize, ce qui confirme l'existence d'une consommation de chocolat au VIe siècle. Des documents rédigés en caractères Maya attestent que le chocolat est utilisé aussi bien pour des cérémonies que pour la vie quotidienne. Les Aztèques associent le chocolat avec Xochiquetzal24, la déesse de la fertilité. Ils pensent que le Xocoatl permet de lutter contre la fatigue et cette croyance découle probablement de la teneur en théobromine du produit. Le roi et les notables accompagnent leur viande de mole poblano25, première recette salée associant le cacao comme épice, et consomment à la fin des repas ce xocoatl en tant que boisson froide. D'autres boissons et préparations chocolatées l'associent avec des aliments tels que le gruau de maïs (qui joue le rôle d'émulsifiant), ainsi le peuple épice son atole26 avec des fèves de cacao pour consommer une sorte de purée, le champurrado27, ou l'iztac ātōlli28 à base de jus d'agave fermenté. Durant plusieurs siècles, en Europe et en Amérique du Sud, on utilise les fèves de cacao pour soigner la diarrhée (voir la section Autres bénéfices). Tous les territoires conquis par les Aztèques où poussent des cacaoyers doivent leur verser les fèves de cacao comme taxe, ou, comme les Aztèques eux-mêmes le considéraient, comme un tribut 2 Tout sur le chocolat : le guide de l'épicurien, Odile Jacob, 372 p, ISBN 978-2-7381-2354-1. . Le chocolat traverse l'océan. Originaire d'Amérique, le cacaoyer est donc inconnu ailleurs dans le monde jusqu'au XVIe siècle. En 1494, Christophe Colomb jette par-dessus bord les fèves qu'il avait reçues des Amérindiens. Il les aurait prises pour des crottes de chèvre. C'est donc plus tard, en juillet 1502 sur l'île de Guanaja29, qu'il découvre pour la première fois la boisson chocolatée. José de Acosta30, un missionnaire jésuite espagnol qui vécut au Pérou puis au Mexique à la fin du XVIe siècle, écrit : « Détestable pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'en consommer, tout en ayant une mousse ou une écume qui a très mauvais goût. Oui, c'est une boisson très estimée parmi les Indiens, dont ils régalent les nobles qui traversent leur pays. Les Espagnols, hommes et femmes, qui sont habitués au pays, sont très friands de ce chocolat. Ils disent qu'ils en font différents types, certains chauds, certains froids, certains tempérés, et mettent dedans beaucoup de ce « piment » ; ils en font une pâte, laquelle, disent-ils, est bonne pour l'estomac et pour lutter contre le rhume. » Les colons espagnols n'apprécient cette boisson amère aux épices piquantes que lorsque les religieuses d’Oaxaca31 l'édulcorent et l'aromatisent avec du miel, du sucre de canne, du musc et de l’eau de fleur d'oranger. Ce n'est qu'à partir de la conquête des Aztèques par les Espagnols que le chocolat est importé en Europe où il devient rapidement très prisé à la cour d'Espagne. Hernán Cortés32 découvre le breuvage chocolaté en 1519. Il est le premier (en 1528) à en rapporter en Europe, à ses maîtres d'Espagne : mais ce n'est qu'en 1534 que cette boisson amère, écumeuse et poivrée retient l'attention lorsqu'on y ajouta de la vanille et du miel suivant une élaboration préparée à l'Abbaye de Piedra33. Dès le XVIIe siècle, le chocolat devient une ressource très appréciée de l'aristocratie et du clergé espagnol. Son commerce s'étend alors aux autres colonies espagnoles comme les Pays-Bas espagnols. L'arrivée du chocolat en France a commencé avec l'exil des juifs séfarades ou marranes d'Espagne en 1492 puis du Portugal vers 1536, fuyant l'Inquisition et venus se réfugier dans l'Hexagone en transportant le chocolat dans leurs valises. De nombreux marranes s'installent notamment dans le quartier Saint-Esprit de Bayonne après 1609, ces premiers entrepreneurs du chocolat au Pays basque sont à l'origine de l'introduction du chocolat en France. La première expédition commerciale pour l'Europe (entre Veracruz et Séville) daterait de 1585. Le chocolat est alors toujours servi comme boisson, mais les Européens ajoutent du sucre et du lait pour neutraliser l'amertume naturelle ; ils remplacent le piment par de la vanille. Pour faire face à la forte demande pour cette nouvelle boisson, les armées espagnoles commencent à réduire en esclavage les Mésoaméricains pour produire le cacao, une activité économique à part entière se développe. Cependant ce produit d'importation reste très cher, seuls les membres de la famille royale et les initiés peuvent en boire. En parallèle, dans le nouveau monde, la consommation de cacao est très répandue chez les missionnaires et conquistadores. Deux développements permettent de réduire encore le prix : la généralisation de la culture dans les colonies de la canne à sucre et l'utilisation de main-d'œuvre africaine dans ces exploitations. À la même époque, la situation est différente en Angleterre où n'importe qui, avec suffisamment d'argent, peut en acheter. À Londres, la première chocolaterie ouvre en 1657. En 1689, l'éminent médecin et collectionneur Hans Sloane34 développe une boisson lactée au chocolat en Jamaïque qui est dans un premier temps utilisée par les apothicaires, mais vendue plus tard aux frères Cadbury35. La boisson reçoit un encouragement officiel en France par les reines françaises, infantes d'Espagne, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse d'Autriche ou par les médecins qui après avoir jugé la boisson néfaste, en vantent les bienfaits, tel Nicolas de Blégny qui rédige en 1662 Le bon usage du thé, du café et du chocolat pour la preservation & pour la guérison des maladies. La France découvre en 1615 le chocolat à Bayonne à l'occasion du mariage d'Anne d'Autriche, fille du roi d'Espagne Philippe III avec le roi de France Louis XIII. Mais c'est Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche qui font entrer le chocolat dans les habitudes de la cour du château de Versailles, la reine se faisant préparer par ses servantes le chocolat « à l'espagnole ». La marquise de Sévigné dit du chocolat, dans ses Lettres, qu’« il vous flatte pour un temps, et puis il vous allume tout d'un coup une fièvre continue ». Le chocolat est alors consommé chaud sous forme de boisson comme le café. Seule la cour du roi avait accès à cette boisson. Comme pour les boissons exotiques que sont le thé ou le café, l'Église se pose la question de savoir s'il s'agit d'un aliment ou d'une source de plaisir. En 1662, la sentence du cardinal Francisco Maria Brancaccio Liquidum36 non frangit jejunum37 (la « boisson — y compris le chocolat — ne rompt pas le jeûne ») tranche les débats théologiques : le chocolat est déclaré maigre, pouvant même être consommé pendant le Carême. Développement de l'industrie chocolatière. Durant plusieurs siècles, le mode de fabrication du chocolat reste inchangé. Dans les années 1700, les moulins mécaniques servent à extraire le beurre de cacao ce qui aide à créer du chocolat qui reste dur. Il faut attendre l'arrivée de la révolution industrielle pour que ces moulins soient utilisés à plus grande échelle. Après que la révolution s'est essoufflée, peu à peu, des entreprises promeuvent cette nouvelle invention pour vendre le chocolat sous les formes que l'on connaît aujourd'hui. Lorsque les nouvelles machines sont produites, la population commence à tester et consommer du chocolat partout dans le monde. À Bristol, en 1780, Joseph Storrs Fry38 père ouvre une manufacture de pâte de chocolat : J.S.Fry & Sons. L'essentiel de sa production est vendu aux drogueries et aux pharmacies de la ville. En 1795, son fils (Joseph Storrs II Fry) se met à utiliser une machine à vapeur pour broyer les fèves de cacao. Cela permet de produire en grande quantité la pâte de chocolat pour fabriquer des boissons chocolatées, des pastilles, des gâteaux, des bonbons ainsi que des préparations médicales. En plus d'être vendu aux apothicaires et aux pharmaciens, le chocolat de la manufacture Fry approvisionne les confiseurs, les gérants de chocolate house et les cuisiniers réputés. Au début du XIXe siècle, les premières fabriques de chocolat apparaissent en Europe ; avec les futurs grands noms de ce qui va devenir, au milieu du siècle, l'industrie chocolatière. Le chocolat est de moins en moins consommé pour ses vertus médicinales supposées, et de plus en plus par plaisir. Les manufactures de chocolat se multiplient, puis les chocolateries industrielles, principalement en France, en Suisse et aux Pays-Bas. Une usine de fabrication de chocolat est ouverte aux États-Unis en 1780, par un apothicaire nommé James Baker39. La première fabrique suisse de chocolat est créée par François-Louis Cailler en 1819. Il est suivi six ans plus tard par Philippe Suchard40, puis par Charles-Amédée Kohler41 en 1830. La première fabrique de France est fondée par le chocolatier Jules Pares, en 1814, près de Perpignan (dans les Pyrénées-Orientales). En 1815, le Hollandais Coenraad42 Johannes van Houten43 crée une première usine. De nouvelles manufactures apparaissent aussi en Angleterre. C'est par exemple le cas de Cadbury45 en 1824. À l'origine, les fabricants de chocolat sont spécialisés dans la fabrication de la pâte de chocolat. Ils vont peu à peu diversifier leurs productions avec les confiseries et les gâteaux. La mécanisation ainsi que la concurrence des producteurs de chocolats vont entraîner une baisse continue du prix du chocolat. En 1821, l’Anglais Cadbury produit le premier chocolat noir à croquer. Pour répondre aux besoins de l'industrie, les cacaoyers sont introduits en Afrique et les premières plantations créées. En 1828, Coenraad Johannes van Houten réalise la première poudre de cacao. Grâce à une presse hydraulique de son invention, il réussit à durcir le beurre de cacao sous forme de pain qui peut ensuite être réduit en poudre. Van Houten est le premier à inventer un procédé pour séparer le cacao maigre (ou tourteau) et le beurre de cacao, permettant aux industriels de doser les quantités relatives de cacao maigre et de beurre de cacao dans la pâte de cacao. Le chocolat entre alors dans l'âge industriel. La mécanisation entraîne une baisse des prix, ce qui permet de conquérir un public plus large. Van Houten, à partir de sa fabrique de chocolat d'Amsterdam, vendra ses boîtes de chocolat en poudre dans toute l'Europe. L'année 1830 voit l'apparition du chocolat aux noisettes inventé par Kohler. Antoine Brutus Menier45 crée en 1836 en France le concept de la tablette de chocolat, plaquette composée de six barres semi-cylindriques enveloppées du célèbre papier jaune Menier. Joseph, Richard et Francis Fry46, qui dirigent la maison Fry & Sons depuis la mort de leur père (en 1835), découvrent en 1847 (ou 1846 selon les sources) qu'un mélange « sucre, beurre de cacao, chocolat en poudre » permet d'obtenir une pâte molle que l'on peut verser dans des moules. Cette invention permet de consommer le chocolat d'une nouvelle manière, en plaque, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce produit est officiellement présenté lors d'une exposition à Birmingham en 1849 sous le nom de « Chocolat délicieux à manger », en français dans le texte. Vers 1860, la maison Fry & Sons devient une des principales chocolateries d'Angleterre. Francis Fry (1803-1886), resté seul à la tête de l'entreprise après la mort de ses frères en 1878 et 1879, est désigné fournisseur exclusif de chocolats pour la Royal Navy. Cela contribuera à la prospérité de la maison Fry & Sons qui devient, vers 1880, la première chocolaterie du monde. Elle emploie alors 1 500 salariés. Vers 1870, Émile Menier fait construire une usine moderne de production de chocolat à Noisiel en Seine-et-Marne. Cette usine fait fortement baisser le coût du chocolat en France. Elle est aujourd'hui en partie classée monument historique avec la cité ouvrière attenante. Plusieurs innovations (notamment en Suisse) vont bouleverser l'industrie du chocolat. En 1876, Daniel Peter crée dans sa fabrique de Vevey (Suisse) le premier chocolat au lait en utilisant du lait en poudre. En 1879, Daniel Peter s'associe avec Henri Nestlé (l'inventeur du lait concentré) pour fonder la firme Nestlé. En 1879, Rudolf Lindt47 met au point le conchage48. Ce nouveau procédé d'affinage permet de fabriquer des chocolats fondants. Sa technique consiste à laisser tourner le broyeur contenant le chocolat pendant longtemps afin de rendre la pâte de cacao plus onctueuse. Son secret ne fut rendu public qu'en 1901. Après la mort de Francis Fry en 1886, son fils Francis J. Fry lui succède. En 1919, il fusionne la maison Fry & Sons avec l'entreprise Cadbury Brothers49. Le Suisse Jean Tobler lance la barre triangulaire Toblerone52 en 1899. Philippe Suchard se met à commercialiser la tablette Milka. Au début des années 1900 apparaissent les premières barres chocolatées : le hollandais Kwatta53 invente les premières barres de chocolat de 30 grammes. L'américain Mars lance le Milky Way50 et le hollandais Nuts51, sa barre aux noisettes éponyme. Dernière grande innovation de l'industrie, le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, dans le but d'utiliser les surplus de beurre de cacao. La société ne précise pas qui est à la source de cette invention exactement. La domination de l'industrie chocolatière suisse, à la pointe de la technologie et du marketing, ne durera que la première moitié du XXe siècle jusqu'à l'arrivée des entreprises américaines Hershey's et Mars. Types de chocolats. Les trois grandes catégories. Le chocolat noir, aussi appelé chocolat fondant ou chocolat amer, est le chocolat à proprement parler. C'est un mélange de cacao et de sucre qui doit contenir au minimum 35 % de cacao. En dessous, les grandes marques utilisent « confiserie chocolatée » à défaut de terme légal. La quantité de sucre utilisée dépend de l'amertume de la variété de cacao utilisée. Le chocolat au lait est du chocolat qui est obtenu en ajoutant du lait en poudre ou du lait concentré. La loi américaine exige une concentration minimum de 10 % de cacao. Les réglementations européennes et suisse indiquent un minimum de 25 % de cacao. Il est aussi calorique que le chocolat noir - moins gras mais plus sucré. Typiquement, il contient un peu moins de 40 % de cacao. Cependant on peut trouver chez certaines enseignes de luxe des chocolats au lait à 45 % de cacao ou plus. Le chocolat au lait a été inventé par Daniel Peter. Le chocolat blanc est une préparation à base de beurre de cacao, additionné de sucre, de lait et d'arôme. Bien qu'il soit reconnu comme chocolat il n'est pas composé de cacao. Il est utilisé en confiserie pour jouer sur le contraste des couleurs, ou sous forme de plaques. Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première. Il peut être noir ou au lait, mais contient au moins 32 % de beurre de cacao, ce qui le rend très fluide pour réaliser un enrobage plus fin qu'un enrobage classique. Le chocolat sans sucre ajouté a connu une croissance de 30 % en volume par an entre 2002 et 2006. On le fabrique soit en supprimant le sucre, on obtient alors un chocolat à 99 % de cacao, soit en substituant le saccharose par du maltitol56. Les appellations. L'organisme mondial du commerce du cacao (International Cocoa Organization ou ICCO) a mis en place depuis 1994 une liste des pays producteurs de cacaos fins ou cacaos à saveurs remarquables par leur arôme et leur couleur. En France, l'Institut national de l'origine et de la qualité classifie les chocolats de qualité de la manière suivante : les « chocolats d'origine » doivent être produits à partir de cacao provenant d'un seul pays ; les « chocolats de crus » sont issus de cacao d'une région géographique identifiée voire d'une plantation unique ; les « chocolats grands crus » caractérisent les chocolats dont le cacao a un caractère particulier identifiable de façon unique ce qui justifie un prix élevé. Fabrication. La culture du cacao. Le chocolat est produit à partir de la fève de l'arbre appelé cacaoyer. On en trouve différentes espèces réparties dans les régions chaudes du monde. Sa culture est assez exigeante et le fruit produit, appelé cabosse, est récolté deux fois par an lorsqu'il est à maturité : de janvier à avril et de septembre à octobre. Le botaniste Ernest Entwistle Cheesman57 (en) met au point en 1944 une terminologie qui distingue trois principales variétés de cacaoyer : Forastero, la plus cultivée, Criollo, la moins cultivée et la plus recherchée, Trinitario58, un hybride des deux précédentes variétés. Aujourd'hui, on y ajoute le Nacional. Toutes ces variétés produisent des cacaos de différentes saveurs et arômes. Le cupuaçu59, une espèce proche du cacaoyer, permet également de produire un chocolat appelé cupulate60 au Brésil. Il faut en moyenne deux cabosses pour fabriquer une tablette de chocolat à 70 % de cacao. Aussi, un cacaoyer moyen produit chaque année de quoi fabriquer 20 tablettes de 100 g à 70 % de cacao. Les crus apportent des notes variées selon leur pays de culture. Le Forastero61 aux notes grillées de croûte de pain chaud et ses arômes de tête aux notes fleuries représente 80 à 90 % de la production. Le Criollo62 aux notes de fruits rouges ne représente que 1 à 5 % de la production. Les fèves Trinitario aux notes de fruits secs ou de torréfaction représentent 10 à 15 % de la production. Les fèves Nacional aux notes florales de jasmin et de fleur d'oranger sont produites essentiellement en Équateur. Le tableau suivant répertorie les principaux pays producteurs de fèves de cacao, les variétés qui y sont cultivées et les arômes correspondants, formés lors de la fermentation et le séchage de la fève de cacao. Les trois plus gros producteurs au monde (avec la variété Forastero) sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Indonésie. Écabossage67, fermentation et séchage. Juste après la récolte, la cabosse est généralement fendue avec une machette et vidée de ses fèves et de sa pulpe, le plus souvent à quelques mètres du lieu de récolte. Les fèves sont égrainées de l'axe central, triées, placées dans des bacs et recouvertes de feuilles de bananier. D'autres plantations laissent les graines en tas ou utilisent des paniers suivant les moyens qu'elles ont. La température varie de 40 °C à 50 °C. On les laisse reposer environ une semaine en les brassant régulièrement. Trois fermentations vont débarrasser les fèves de leur pulpe, réduire le goût amer en acidifiant le milieu, solubiliser la matière grasse formant un film autour de la phase hydrosoluble, ce qui permet l'hydrolyse enzymatique qui développe les précurseurs d’arôme (acides aminés et produits de dégradation des glucides). Une première fermentation alcoolique se déroule de façon anaérobie (= sans contact avec l'oxygène) sous les feuilles de bananiers. Des levures transforment la pulpe acide et sucrée des cabosses en éthanol durant cette phase. C'est la même fermentation que pour le moût de raisin. Une seconde fermentation, dite fermentation lactique, se déroule très rapidement pendant deux jours : les bactéries lactiques transforment l’alcool en acide lactique qui favorise la conservation naturelle du cacao. Une troisième fermentation, la fermentation acétique est favorisée par le développement de bactéries acétiques sur les jus qui s'écoulent et avec l'air qui pénètre dans les tas de fèves. La température élevée tue le germe de la fève de cacao. Durant cette phase, les fèves changent de couleur : pendant la récolte, elles sont blanches ou violettes et virent après la fermentation au violet-pourpre voire rouge à brun chocolat en profondeur. La fermentation acétique libère des hydrolases (notamment la protéase) transformant les protéines en acides aminés et les glucides complexes en glucides simples à l'origine des précurseurs d'arômes. À ce stade, elles contiennent encore 60 % d’humidité qu’il faut réduire à 7 % pour assurer une conservation et un transport optimaux. Les fèves sont alors séchées au soleil (séchage naturel) ou dans des séchoirs pendant 15 jours (ce séchage apporte une odeur de fumée au chocolat) et parfois lavées (Madagascar). Elles sont retournées de façon régulière afin d'assurer un séchage homogène. Le séchage comme la fermentation joue sur les arômes du cacao. Elles sont ensuite expédiées et le reste du traitement se déroule en chocolaterie. Le travail des fèves à la chocolaterie. Comme pour le café, les fèves sont torréfiées afin d'augmenter leur arôme. Cette phase se déroule après nettoyage des graines dans un torréfacteur. Les fèves sont cuites à cœur avec leur coque puis elles sont décortiquées. Elles sont ensuite broyées à l'aide d'une meule et transformées en éclats, que l'on appelle grué (nib en anglais). La torréfaction dure en général 40 minutes à 140 °C. Mais elle diffère suivant les variétés et les arômes que l'on désire obtenir. La torréfaction permet aussi de réduire l'humidité des fèves de 7 % à 2 %. Les grains de cacao sont broyés grossièrement (étape du décorticage séparant les cotylédons des coques et germes par un système de ventilation et de vibration) puis plus finement à chaud (50 à 60 °C) pour fondre et obtenir une pâte visqueuse malaxée : la masse de cacao (en). Chauffée à 100−110 °C, cette pâte devient liquide : c'est la liqueur de cacao. Le beurre de cacao est séparé de cette huile par pression dans une broyeuse hydraulique (constituée de plusieurs cylindres de plus en plus serrés et permettant d'affiner le broyage en réduisant la fève en grains très fins non décelables sur le palais de la bouche). Les résidus solides du broyage, les tourteaux, peuvent donner par pulvérisation le cacao en poudre. Ajout d'ingrédients et conchage. Les étapes précédentes ont permis d'obtenir une masse de cacao à laquelle on va ajouter différents ingrédients suivant le chocolat que l'on désire. Le chocolat noir est fabriqué en mélangeant beurre de cacao pour le fondant, cacao solide - également nommé « tourteau » - pour le goût, et sucre. Plus il y aura de sucre, moins le pourcentage de cacao sera élevé. Du lait en poudre est ajouté si on désire du chocolat au lait. Pour obtenir du chocolat noir, on ajoute à la pâte de cacao du sucre et éventuellement du beurre de cacao pour le fondant (ou une autre graisse végétale). Pour obtenir du chocolat au lait, on ajoute à la pâte de cacao du beurre de cacao (ou une autre graisse végétale), du lait en poudre et du sucre. Pour obtenir du chocolat blanc, on ne garde que le beurre de cacao, et on ajoute du lait en poudre et du sucre. Pour tous les chocolats, on ajoute souvent des arômes ou épices : très fréquemment de la vanille, mais aussi d'autres épices. Le conchage est le fait de chauffer le cacao afin d'augmenter l'homogénéité, l'arôme et l'onctuosité du futur chocolat. Il dure environ 12 heures et se déroule à environ 70 °C dans une mélangeuse qui brasse lentement le mélange de chocolat. Durant cette étape, on peut ajouter des émulsifiants. Les chocolats industriels contiennent presque tous un émulsifiant sous forme de lécithine de soja, qui prolonge l'homogénéité du mélange. Depuis le 23 juin 2000, une directive européenne permet d'utiliser d'autres matières grasses végétales (« MGV »), moins chères que le beurre de cacao pour la fabrication du chocolat, dans la limite de 5 % du poids total du produit fini. Sont considérés comme MGV : l'illipé, l'huile de palme, le sel, le beurre de karité, le kogum gurgi63 et les noyaux de mangue. Cette directive a été adoptée dans un souci d'harmonisation européenne pour ne pas déséquilibrer la concurrence d'une part, et d'encadrer certaines pratiques d'autre part. En effet, sous la pression des industriels du chocolat, plusieurs pays autorisaient déjà des matières végétales en proportion plus ou moins variable. Pour satisfaire la demande de certains consommateurs connaisseurs, des marques ont créé leur label « 100 % beurre de cacao » pour signaler sur certains chocolats que c'est un chocolat de dégustation qui respecte la composition traditionnelle du cacao. Techniques spécifiques. Tempérage. Le tempérage64 du chocolat consiste à amener le beurre de cacao dans sa forme cristalline la plus stable. Le beurre de cacao est composé de cinq molécules grasses différentes fondant chacune à des températures distinctes (comprises en 26 et 31 °C), et ce mélange donne au chocolat un haut degré de cristallinité : il peut cristalliser en six formes différentes. Parmi ces six états, le tempérage amène au plus stable : la forme dite bêta du beurre de cacao. Le tempérage donne au chocolat (une fois qu'il a été refroidi) un aspect brillant et lisse, une dureté et un fondant caractéristiques ainsi qu'une plus longue durée de conservation. Le chocolat fond à partir de 36 °C. La courbe de cristallisation varie selon la proportion du beurre de cacao : pour du chocolat noir, une fois que tout le chocolat est fondu il faut le refroidir jusqu'à environ 28 °C puis le réchauffer à 32 °C sans jamais dépasser cette température. Pour finir, il faut le refroidir le plus rapidement possible autour de 20 °C. Le chocolat est amené à l'état liquide au-delà de 36 °C. Il est ensuite ramené à l'état solide mais instable (température basse), stabilisé à la température haute et enfin, fixé lorsqu'il est complètement refroidi. La température basse permet d'amorcer la cristallisation, celle de travail permet aux cristaux de s'ordonner dans leur forme stable. Si le chocolat descend en dessous de la température basse ou dépasse celle de travail, il n'atteindra pas la forme bêta du beurre de cacao et des marbrures se formeront, il aura une texture pâteuse. Il suffit alors de refondre le chocolat et de recommencer autant de fois que nécessaire jusqu'à la réussite du tempérage, le chocolat ne perdant pas ses propriétés lors de l'opération. C'est le principe du cycle des tempéreuses. Différentes méthodes de tempérage. Même si le chocolat fond à 36 °C, on le chauffe à une plus haute température pour aller plus vite car c'est un mauvais conducteur de chaleur : à partir de 40 °C pour le chocolat blanc et jusqu'à 55 °C pour le chocolat noir ; au-delà il risque de brûler. Jusqu'à la dernière étape de chauffage, il est nécessaire de toujours remuer le chocolat afin que la température soit uniforme. Il faut le maintenir à la température haute exactement pendant toute la durée du travail. Il ne faut jamais faire tomber de l'eau dans le mélange, il ne pourra être tempéré. Dans la méthode industrielle, faire fondre le chocolat puis le refroidir jusqu'à la température basse : des cristaux se forment, il épaissit. Mélanger pour répartir les cristaux et réchauffer à 32 °C. Travailler et faire refroidir à 20 °C. Dans la méthode du marbre, faire fondre le chocolat, en étaler 2⁄3 sur un marbre et travailler à la spatule jusqu'à ce qu'il épaississe légèrement. Rajouter le 1⁄3 restant qui le fera remonter à 32 °C. La méthode dite d’ensemencement consiste à faire fondre 2⁄3 du chocolat, rajouter le tiers restant hors du feu et remuer jusqu'à la fonte complète. Pour une meilleure répartition de la chaleur, il est conseillé d'ajouter le chocolat solide sous forme de petits éclats, la semence. Attendre qu'il descende à la température basse et réchauffer à 32 °C. Il existe des machines qui chauffent et refroidissent le chocolat en respectant les courbes de cristallisation. Ces machines, appelées tempéreuses le mélangent en permanence et le maintiennent à la bonne température pendant toute la durée du travail. Chocolaterie. Une chocolaterie désigne, depuis le XIXe siècle, une fabrique de chocolats. Le terme est aussi plus récemment employé pour désigner un magasin spécialisé dans la vente de chocolats. La fabrique de chocolats. Bien que le chocolat soit travaillé et commercialisé à des fins médicinales dès 1780 (J.S.Fry & Sons), l'industrie chocolatière ne se développe véritablement qu'à partir du début du XIXe siècle. Les premières fabriques de chocolat apparaissent alors en Europe, notamment en Suisse (Cailler, Suchard et Kohler entre 1819 et 1830), aux Pays-Bas (Van Houten vers 1820) et en Angleterre (Cadbury, au début des années 1820 confectionne le premier chocolat noir à croquer). Ces fabriques font évoluer la pâte de cacao médicinale vers les premiers gâteaux et bonbons de chocolat de plus en plus populaires. Le concept de la tablette de chocolat (à six barres semi-cylindriques) est inventé en France par Menier en 1836. Les Anglais Fry & Sons utilisent un procédé semblable à partir de 1847 en utilisant un mélange de sucre, de beurre de cacao et de chocolat en poudre (inventé par le hollandais Van Houten) qu'ils versent dans des moules pour présenter un chocolat en plaque à partager. Le produit final est présenté au public lors d'une exposition à Birmingham en 1849 et la maison Fry & Sons devient l'une des principales chocolateries d'Angleterre dans les années 1860. Vers 1870, la famille Menier, de son côté, achète des terres au Nicaragua (l'un des principaux pays cultivateurs de cacao), ainsi que des navires permettant le transport des fèves de cacao vers leur usine moderne de production de chocolat, construite depuis peu à Noisiel en Seine-et-Marne. L’aménagement du site, avec la construction de plusieurs nouveaux bâtiments (dressage, magasins des cacaos, emballage, expédition, etc.5), suit un parcours logique de fabrication industrialisée du chocolat : chaque bâtiment est agencé en fonction de l’étape de fabrication qui le nécessite. La chocolaterie de Noisiel devient la plus importante du pays et est consacrée « Première chocolaterie du monde » lors de l’exposition universelle de Chicago en 1873. Fry & Sons, qui emploient 1 500 salariés vers 1880, acquièrent à leur tour le titre de première chocolaterie du monde, avant de fusionner, en 1919, avec Cadbury. En 1879 en Suisse, Peter, créateur du premier chocolat au lait à base de lait en poudre, s'associe avec l'inventeur du lait concentré, Henri Nestlé, pour fonder la firme Nestlé. Pendant ce temps, Lindt met au point le conchage, un procédé d'affinage permettant de fabriquer des chocolats plus fondants. Le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, en utilisant les surplus de beurre de cacao. Principales fabriques historiques. Cadbury (1824). John Cadbury, épicier, fonde sa chocolaterie en 1824 à Birmingham. Il achète un dépôt en 1831 pour installer son usine et commercialise seize sortes de boissons au chocolat différentes. En 1847, l'usine s'agrandit et se développe dans le centre de Birmingham. Cadbury fait également construire une cité ouvrière, la cité de Bournville (en), disposant notamment de son église et de son école. En 1905, après le départ à la retraite de John Cadbury, son fils George ouvre une usine importante à six kilomètres au sud de Bournville et crée un chocolat en barre. En 1919, Cadbury s'associe avec J. S. Fry & Sons. Le groupe est racheté par Kraft Foods en 2010. Callebaut (1911). La chocolaterie Callebaut a été fondée par Octaaf Callebaut en 1911, à Wieze. Entre 1911 et 1918 est créé le Finest Belgian Chocolate, qui a fait la renommée de l'entreprise. La famille invente ses premiers chocolats de couverture autour de 1920, en période d'entre-deux guerres, pour faire face au manque d'ingrédients. Callebaut exporte ses produits à partir des années 1960 et la maniabilité de son chocolat contribue à la renommée du chocolat belge. En 1996, la chocolaterie fusionne avec le français Cacao Barry. Le groupe Barry Callebaut est depuis considéré comme la « plus grande chocolaterie du monde » avec 900 tonnes de production journalière. Cemoi (1814). Il s’agit de l’une des toutes premières fabriques de chocolat en France. Elle est créée par Louis Parès à Arles-sur-Tech, dans les Pyrénées-Orientales. Cémoi Chocolatier, actuellement à Perpignan, a réalisé un chiffre d'affaires de 395 millions d'euros avec 702 salariés en 2018. Menier (1816). Antoine Brutus Menier fonde en 1816 l’entreprise Menier. Celle-ci, installée à l’origine dans le quartier du Marais à Paris, commence par produire et vendre des produits pharmaceutiques. La fabrique est créée quatre-vingt sept ans après la chocolaterie Pailhasson, la plus ancienne maison de chocolat de France,14. L'histoire de l'entreprise Menier est intimement liée à l'histoire de la ville de Noisiel, en Seine-et-Marne, où elle s'est installée à partir de 1825. En 1867, Emile-Justin Menier, le fils d'Antoine, décide de recentrer l'usine sur la fabrication de chocolat. C’est aussi le moment de l’essor de la production et des effectifs de l’entreprise, qui passent de 50 ouvriers en 1856 à plus de 320 en 1867, puis à plus de 2 000 en 1874. L'usine fait construire de nombreux bâtiments, ainsi qu'une cité ouvrière, à l'image de leur concurrent anglais Cadbury. En 1893, la chocolaterie est consacrée plus grande entreprise de production de chocolat au monde. Noisiel doit son industrialisation à l'installation de la chocolaterie, où travaille alors une grande partie de la population de la commune. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, un Noisélien sur trois y travaille. La chocolaterie ne parvient cependant pas à faire face à la concurrence après la guerre, et la famille liquide l’entreprise en 1959. Nestlé-France en devient propriétaire en 1988 et y installe son siège social en 1996. Poulain (1848). D'abord confiseur à Paris, Victor-Auguste Poulain y découvre le procédé de fabrication du chocolat vers l'âge de 14 ans. Il s'installe à Blois en tant que confiseur, puis fonde la chocolaterie Poulain dans la même ville en 1848. La première usine est construite en 1862. Albert Poulain, le fils de Victor-Auguste, fait construire un nouveau bâtiment en 1884, l'atelier sud (détruit en 1995), qui sera destiné aux activités de fabrication du chocolat, tandis que l'atelier nord déjà existant sera consacré au conditionnement. La fabrique s’étendait sur 4 hectares quand elle a fermé en 1992, à la suite de son transfert en périphérie. Lanvin (1921). Les Lanvin sont au tournant du XXe siècle une famille de fabricants de sucre du Nord de la France. Afin de fuir la concurrence, trop forte dans cette région, Auguste Lanvin prend la décision de délocaliser son usine en 1912 à Brazey-en-Plaine, près de Dijon. La « Sucrerie bourguignonne » nouvellement créée, la famille achète en 1921, une petite chocolaterie située à Dijon, rue Chabot Charny. Elle devient la « Sucrerie Bourguignonne et Chocolaterie Lanvin S.A. ». La chocolaterie se développe par la suite et prend de l'envergure en 1930 et créait en 1934 ce qui deviendra l'emblème de la marque : l'Escargot de Lanvin. Les années 1950 marquent l'essor industriel de la marque et en 1970, Lanvin tourne une publicité qui marquera les esprits : elle met en scène Salvador Dalí qu s'exclame : « Je suis fou... du chocolat Lanvin ! ». Cette époque marque l'apogée de la marque: elle détient 6 à 8 % du marché français du chocolat, et près de 20 % au moment de Noël. Aujourd'hui, la marque commerciale de chocolat Lanvin appartient à la société Helvétique Nestlé,20. L'usine est toujours basée à Dijon, dans la zone industrielle Cap Nord, sous le nom de « Chocolaterie de Bourgogne ». Cailler (1819). En 1819, François-Louis Cailler, un épicier, fonde à Vevey la chocolaterie Cailler. En 1920, il acquiert ses connaissances de la production de chocolat lors d’un voyage en Italie et loue des bâtiments pour y fabriquer du chocolat à grande échelle. Dans les années 1820, il fabrique du chocolat de manière industrielle dans le moulin Chenaux Ziegler à Corsier-sur-Vevey grâce à la force hydraulique. La chocolaterie devient la première fabrique moderne de chocolat de Suisse, et la première à automatiser sa fabrication. À partir de 1867, l'un des gendres de Cailler, Daniel Peter, fabrique du chocolat sous le nom Peter-Cailler et invente le chocolat au lait en 1875. Alexandre-Louis Cailler, petit-fils de Cailler, agrandit la chocolaterie en 1899, dans la région de Broc tandis que Daniel Peter et Charles-Amédée Kohler deviennent partenaires en 1904, créant la Société générale de chocolats. Peter & Kohler réunis. Peter et Kohler s’associent à l’entreprise Cailler en 1911 afin de faire connaître au monde entier « la qualité du chocolat suisse ». La chocolaterie devient Peter, Cailler, Kohler Chocolats Suisses S.A. avant de fusionner à Vevey avec le groupe Nestlé en 1929 pour se nommer Chocolats Peter, Cailler, Kohler, Nestlé. Suchard (1826). La chocolaterie Suchard est fondée en 1826 à Neuchâtel par le confiseur Philippe Suchard. L'année suivante, ce dernier met au point une nouvelle machine permettant un meilleur mélange du sucre avec la poudre de cacao. Sa fille Eugénie et son gendre Carl Russ reprennent l'usine en 1884, qui compte alors 200 employés,22. La chocolaterie produit du chocolat au lait sous le nom de Milka à partir de 1901. Elle appartient désormais au groupe Mondelez (Kraft Foods) et la production a été transférée à l’usine Toblerone de Berne. Lindt (1879). La chocolaterie Lindt est fondée en 1879 à Berne par Rudolf Lindt, fils de pharmacien. Il s’installe à l'époque dans une usine vétuste où il tente de mettre au point la recette de son chocolat idéal, plus fin. Il y serait parvenu en oubliant, un soir, d'éteindre les mélangeuses. En 1899, Lindt s'associe ensuite à Johann Rudolf Sprüngli-Schifferli, propriétaire de la chocolaterie de Kilchberg, au bord du lac de Zurich. En 1905, Rodolphe Lindt prend sa retraite et la société de Berne est liquidée en 1928. Kilchberg devient par conséquent le siège de Lindt & Sprüngli. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chocolaterie doit remplacer les installations obsolètes qui ont été mises à rude épreuve pendant les périodes de crise, et agrandir les locaux pour faire face à l'explosion de la demande. Le groupe dispose aujourd'hui de ses propres sites de production en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, aux États-Unis et en Autriche. Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 null/ / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. nullnull///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. // / Pablo Rodriguez 2018-03-30T12:40:15.812000000 2023-02-06T08:58:23.603000000 Pablo Rodriguez PT7H43M4S 64 LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Mise en page d'un texte long Frontière entre l'Espagne et la France Pablo Rodriguez 2019-03-17 Mon département Mon groupe Frontière entre l'Espagne et la France 33 35/ Mise en page d'un texte long 3. Économie frontalière et transfrontalière Mise en page d'un texte long 32 / 35 / / Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Frontière entre l'Espagne et la France Mise en page d'un texte long Mon département Pablo Rodriguez Mon groupe 17/03/2019 Sommaire Sommaire 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 2. Caractéristiques géographiques 16 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 Frontière entre l'Espagne et la France Propos liminaire Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol Le vocable frontière provient du substantif front ; il induit une notion d’opposition entre deux zones séparées par ce même front, comme une « troupe qui, se mettant en bataille pour combattre, fait frontière […] » [1]. Il apparaît pour la première fois en France au XIVe siècle et demeure réservé, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, aux limites les plus menacées du royaume. Du côté espagnol, le terme frontière semble avoir coexisté avec celui plus général de limites, désignant une zone abstraite entre les royaumes chrétiens d'Espagne ; il décrit également la réalité physique d'une opposition, comme la ligne de forteresses séparant la Castille des provinces musulmanes. L'époque de l'apparition du terme frontière correspond à celle de la constitution des États européens — par confrontations successives, dont les traductions guerrières ont été des facteurs d'indentification, de différenciation et d'unification— et à celle de la distinction entre droit public et droit privé. Jean de Terrevermeille défend en 1418 l'idée que le royaume n'est pas la propriété d'un monarque ; celui-ci n’en serait que le « bénéficier », induisant en cela que le royaume est devenu un territoire géré par un prince. Cette interprétation se trouve renforcée au cours du temps et, au XVIe siècle, du fait de la consolidation de la cohésion politique interne, de militaires les frontières deviennent la traduction politique d'une souveraineté territoriale. Le développement du concept d’État engendre une nouvelle dimension de la notion de frontière : celle-ci dessine dorénavant la limite des compétences juridiques et de police de l’organisation politique au pouvoir. Elle circonscrit, en outre, un espace administratif, enrichi d'une institution fiscale et de sa composante douanière. « […] ces frontières peuvent être dissociées : la frontière militaire est souvent éloignée de la frontière juridique ; la frontière douanière peut ne pas coïncider avec la frontière politique, comme en Espagne où l’Èbre a longtemps été une barrière douanière au sud d'une vaste zone franche ; la frontière ecclésiastique peut ignorer la frontière politique, comme ce fut le cas pour le diocèse de Bayonne qui englobait jusqu’en 1566 le Valcarlos et le bassin de la Bidassoa, avec la vallée du Baztan, qui faisait partie de la Navarre, et le nord du Guipuzcoa jusqu’à Saint-Sébastien, qui était castillan […]. » Maïté Lafourcade, La frontière franco-espagnole : lieu de conflits interétatiques et de collaboration interrégionale, 1998, p. 2. L’analyse de Maïté Lafourcade montre que plusieurs conceptions coexistent et décident du tracé d’une frontière ; ainsi une frontière pourra suivre ou non des éléments naturels —ligne de partage des eaux, ligne de crête, cours d’eau, limite de propriété privée ; elle pourra être définie par une ligne précise ou par une zone No man's land par exemple ; elle pourra encore caractériser un lieu d’échanges, résultant de l’isolement d'une zone montagneuse s’étalant sur plusieurs vallées partageant la même langue, ou une zone d’affrontements politiques ou religieux. La frontière entre l’Espagne et la France ne déroge pas à la logique décrite ci-dessus ; elle est en effet le résultat de l’histoire politique et économique d’une zone qui dépasse celle circonscrite par la barrière physique que constitue la chaîne des Pyrénées. Cette dimension de zone se trouve d'autant plus vérifiée que la construction de l’Espace européen entraîne un réaménagement du concept de frontière, impliquant la disparition des frontières intérieures de la Communauté s’appliquant aux travailleurs, aux marchandises, aux capitaux et aux services. En conséquence, après une longue période durant laquelle elle s’est construit un profil linéaire, en réponse aux pressions militaires, politiques, puis juridiques, la frontière acquiert une dimension supplémentaire, interne à un espace communautaire, au sein d’une construction complexe du principe de territorialité. « [La frontière], expression de l’exclusivisme territorial, est inapte à rendre compte des devoirs qu’entraîne entre États voisins une communauté d’intérêts, qui appelle non l’arrêt des compétences, mais leur collaboration […]. » Charles de Visscher, Problèmes de confins en droit international public, 1969, p. 7. La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 Nombreux sont les peuples qui, du nord au sud et du sud au nord, ont traversé la chaîne des Pyrénées, que ce soit pour des migrations définitives, des conquêtes guerrières ou pour pratiquer des activités d’échanges économiques. Maïté Lafourcade dénombre ainsi les Celtes, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Suèves, les Wisigoths, les Maures, les Francs, les Anglais, les Français et les Espagnols. Les Pyrénées ont, pour la première fois, formalisé une limite sous l’Empire romain, séparant l’Hispanie romaine — province de Tarraconaise — au sud, des Gaules au nord Gaule narbonnaise et Gaule aquitaine. Il s'agit, à cette époque, d’une optimisation administrative visant à une administration territoriale plus efficace. Le royaume wisigoth, de 418 à 711, englobe les Pyrénées, et il faut attendre Clovis, qui repousse les Wisigoths au sud de la chaîne montagneuse, pour voir les Pyrénées commencer à jouer un rôle de frontière naturelle. Il ne s’agit pas encore d’une véritable frontière, mais d’une limite, Clovis étant roi des Francs, mais pas d’un territoire. Charlemagne, à son tour, franchit les Pyrénées, et établit au tournant des VIIIe et IXe siècles, la marche d'Espagne entre le massif montagneux et jusqu’aux rives de l’Èbre. Le démembrement de l’Empire carolingien à partir de 843 laisse à Charles le Chauve la Francia occidentalis, qui sur le versant nord des Pyrénées, s’appuie sur des seigneuries qui regroupent plusieurs vallées, telles Béarn, Bigorre, Nébouzan, Comminges, Couserans, comté de Foix, Roussillon, Cerdagne. Les Vascons occupent alors un territoire à cheval sur les Pyrénées, divisé en deux comtés dont Charles le Chauve reconnaît respectivement en 852 et en 860 les dirigeants. La frontière se caractérise par sa mouvance, du fait de « l’importance donnée aux hommes plutôt qu’aux territoires […] et de l’enchevêtrement des droits et des fiefs ». La lutte contre l’invasion arabe concourt à la formation d’un futur État par la constitution de la Castille, qui s’unit au royaume de León au XIIIe siècle, et des royaumes d’Aragon et de Navarre qui, à eux deux, contrôlent le sud des Pyrénées. En 1035, la mort de Sanche le Grand — sous l’autorité duquel toutes les terres basques sont réunies, y compris ce qui constitue le Pays basque français d’aujourd’hui  engendre le démembrement de la Navarre. Le duché d'Aquitaine absorbe le Labourd et la Soule, avant de passer sous le contrôle du royaume d'Angleterre en 1152, par le mariage d’Aliénor d'Aquitaine avec Henri II d’Angleterre. Le 12 mai 1258, la signature du traité de Corbeil acte l’abandon des prétentions du royaume de France. dont le roi est, à cette époque, Louis IX. sur la Catalogne, en échange de celui du roi d’Aragon. Jacques Ier. sur une partie du Languedoc et la Provence. Le sud du massif des Corbières détermine alors la frontière entre le royaume de France et celui d’Aragon. Alors qu’en 1449, Mauléon est conquise par le royaume de France, et qu’en 1451, la Couronne de France s'empare du Labourd, le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon en 1469 unit les deux royaumes du sud des Pyrénées. Le souverain navarrais, Jean d’Albret, perd à son tour ses possessions espagnoles, après l’invasion des troupes du duc d’Albe, Fadrique Álvarez de Toledo, aux ordres de Ferdinand d’Aragon, dit le Catholique ; il ne conserve que les terres d'ultra-puertos, connues aujourd’hui sous le nom de Basse-Navarre. L’héritier des rois catholiques et de la maison de Habsbourg, Charles Quint se retrouve à la tête d’« une Espagne à la dimension du monde […] ». Commence alors un conflit qui dure près d’un siècle et demi, initié par les deux souverains, François Ier et Charles Quint, alors que jusque-là, la paix avait régné entre les deux royaumes, à l’exception des points sensibles concernant le Roussillon et le val d'Aran, revendiqués par les deux parties. Bien qu’encore imprécis, le tracé d’un front militaire se dessine alors. Sur le flanc nord, le Roussillon et le val d’Aran demeurent espagnols, alors que l’Andorre et la Basse-Navarre jouissent d’une suzeraineté indépendante des deux pays antagonistes. Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé Le pays Quint est de nouveau la proie d’affrontements violents, de 1827 à 1856, qui sont demeurés sous le nom de guerre des limites. Ces conflits n’étant pas isolés le long de la frontière, les souverains Napoléon III et Isabelle II parviennent à s’entendre sur une frontière qui tient compte « des vœux et des besoins des populations frontalières ». Si l’acte final est signé le 26 mai 1866, il fait suite à trois traités préalables paraphés à Bayonne le 2 décembre 1856 pour la section occidentale — de l’embouchure de la Bidassoa jusqu’au point où confinent le département des Basses-Pyrénées, l'Aragon et la Navarre —, le 14 avril 1862 pour la portion centrale s’achevant au « val d’Andorre », et le 26 mai 1866 pour la partie orientale, d’Andorre à la mer Méditerranée. La commission internationale des Pyrénées de 1875 La commission internationale des Pyrénées (CIP) est créée en mai 1875, et, malgré la mise en application de l’accord de Schengen signé en 1985 et la création de l’espace homonyme définitivement en vigueur à partir du traité d'Amsterdam en 1999, elle est toujours active au 1er juin 2015, soit 140 ans après sa création. La commission, qu’il ne faut pas confondre avec la commission de délimitation des Pyrénées, responsable de 1853 à 1868 de la définition de la frontière franco-espagnole, est créée à l’initiative de Louis Decazes, ministre des Affaires étrangères français, à la suite de différends frontaliers survenus en 1872, puis le 7 mars 1874 à l’embouchure de la Bidassoa, et ayant provoqué localement une situation de quasi-guerre civile, à un moment où la troisième guerre carliste complique les relations entre la France et l’Espagne. Cette commission mixte, menée à l’origine par le duc Decazes pour la partie française, et par le ministre d’État de Castro, du côté espagnol, n’a pas vocation à survivre au règlement du différend frontalier qui a justifié sa création en 1875, mais dès janvier 1880, un autre conflit se déclare, portant sur les droits de pêche au saumon sur la Bidassoa, repoussant la dissolution annoncée de la commission. Sa compétence est alors élargie à l’élaboration d'un règlement général sur la pêche côtière dans le golfe de Gascogne [2]. En 1885, le différend entre Llívia et le village d’Err, portant sur un canal d’irrigation — quoique réglé directement par les chancelleries — provoque une prise de conscience des deux gouvernements de la nécessité de « […] soumettre dorénavant à l’examen des délégués espagnols et français à la commission internationale de la frontière pyrénéenne les questions litigieuses qui peuvent surgir sur les limites des deux pays ». Cette reconnaissance officielle de la commission, dans ses compétences élargies — qui, au passage, reçoit son nom de baptême — est actée le 12 avril 1888 par une lettre de Segismundo Moret, ministre espagnol, à Paul Cambon, ambassadeur de France à Madrid. Elle siège depuis l’origine à Bayonne. Au début du XXe siècle, les ministères de l’Agriculture, des Travaux publics et de la Guerre rejoignent la commission, qui interrompt ses sessions lors de la Première Guerre mondiale et qui vit au ralenti entre les deux guerres mondiales avec seulement trois réunions (1921, 1927 et 1934). À nouveau, les sessions sont suspendues, en raison de la guerre d'Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. Les décennies qui suivent voient l’intensification des échanges et des réunions — qui deviennent biennales — et le renforcement des structures. Plus d’une centaine d’experts et de fonctionnaires se répartissent entre comités techniques et sous-commissions, qui prennent en compte, de manière élargie, les besoins des populations locales ; les discussions de la commission portent à présent sur les projets de voirie et de travaux publics, d’agriculture et d’économie, d’équipements hydroélectriques et d’environnement. Le traité de Bayonne de 1995 Depuis les années 1980, les régions ou départements français et les communautés autonomes espagnoles ont pris à leur compte l’initiative des contacts et des collaborations, donnant, par exemple, naissance en 1983, à la communauté de travail des Pyrénées, ou à des structures territoriales comme l’Eurocité basque Bayonne - San Sebastián — l’objectif de cette dernière structure est la création d’une métropole européenne, qui, en l’état actuel, regroupe près de 600 000 habitants, par la mise en commun de moyens techniques et politiques concernant « les infrastructures, les services urbains et les instruments de gouvernement »— ou le consorcio Bidasoa-Txingudi. La création de groupements européens de coopération territoriale comme l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi et le GECT Pyrénées-Méditerranée sont à porter à l’actif des efforts de coopération décentralisée. Ces initiatives sont à présent encadrées et facilitées par une base législative nationale et des accords internationaux, dont le traité de Bayonne, signé le 10 mars 1995 et relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales de France et d’Espagne, est une illustration importante ; il est étendu à la principauté d’Andorre le 16 février 2010. « Sous l’emprise de ce texte, les collectivités frontalières pourront enfin traiter dans leur globalité des domaines aussi divers que ceux ayant trait à l’urbanisme, l’environnement, l’utilisation des infrastructures ou la gestion urbaine. Lieu de passage économique et humain, la frontière passe enfin de l’état de limite administrative à celui de point de rencontre […] » Pierre Cambot, La frontière franco-espagnole : commentaire du traité de Bayonne du 10 mars 1995 relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, 1998, p. 129. Histoire militaire et fortifications Plusieurs épisodes politiques ou guerriers ont entraîné la construction de lignes de protection, matérialisées par des châteaux ou des redoutes. Il en est ainsi de la Reconquista, qui correspond à la reconquête des royaumes musulmans de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. Elle commence en 718 dans les Asturies, et s'achève le 2 janvier 1492 quand Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille chassent le dernier souverain musulman de la péninsule, Boabdil de Grenade. Ainsi, Sanche Ier d’Aragon renforce le château de Loarre et pas moins de dix autres entre Sos et Barbatros, comme le fort d’Alquézar et les tours d’Abizanda et de La Fueva. Le début du conflit entre François Ier et Charles Quint, dès 1520, est également à l’origine de la fortification de la frontière, de Bayonne à Mont-Louis. La fin du XVIIIe siècle et le début du siècle suivant voient des combats violents se dérouler dans la partie occidentale des Pyrénées. La campagne de 1793 - 1795 a lieu en particulier à proximité de la Bidassoa. Les combats commencés tout d’abord au val d’Aran, c’est-à-dire en Catalogne— se concentrent dans les vallées de la Bidassoa et de la Nivelle. En 1793, le Comité de salut public qui, par décret du 1er mai 1793 vient de créer l’armée des Pyrénées occidentales, fait construire une redoute au sommet de la Rhune, sur l’emplacement de l’ermitage préalablement détruit. Celle-ci est rapidement prise par les troupes espagnoles, qui s’y installent le 1er mai. Après la défaite de Vitoria, le 21 juin 1813. qui voit la retraite des troupes françaises escortant Joseph Bonaparte. suivie de celles de Sorauren, le 28 juillet, et de San Marcial, le 31 août, les troupes de Wellington se trouvent sur les rives de la Bidassoa. Wellington déclenche une grande offensive le 10 novembre et lance 40 000 hommes contre les fortifications de la Rhune et dans la vallée de la Nivelle. Malgré une résistance farouche des troupes du maréchal Soult, Wellington s’empare des fortifications, et pénètre dans Saint-Pée-sur-Nivelle dans la journée. La période qui s’étend de 1936 à 1945 a vu des mouvements importants individuels ou de populations traverser la frontière dans les deux sens, conséquences de deux conflits majeurs, la guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale. Si la France, par la voix de Léon Blum défend officiellement un pacte de non-intervention et doit assurer le respect d'un embargo sur les armes dans les Pyrénées, les premiers volontaires des Brigades internationales franchissent la frontière dès 1936. L’offensive de Catalogne, qui voit la victoire des troupes nationalistes le 10 février 1939, provoque l’exode frontalier de près de 450 000 Espagnols qui fuient les représailles franquistes et se réfugient en France, dans un mouvement nommé la Retirada ; ils sont regroupés dans des camps improvisés mis en place le long de la côte méditerranéenne, notamment à Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Agde, Bayonne et Gurs. Le fort de Bellegarde, qui contrôle le col du Perthus et dont la rénovation est souhaitée au XVIIe siècle par Louvois et initiée par Vauban, sert de camp d'internement au début de 1939. Peu avant la signature des accords de Munich, des bombardements semblent avoir été perpétrés par l’aviation allemande le 26 mai 1938 à Cerbère et le 5 juin suivant à Orgeix. Cette action de « piraterie aérienne » à proximité de la frontière, initialement attribuée à l’aviation républicaine espagnole, semble bien être le fait d’un raid aérien de la Légion Condor, utilisant des appareils maquillés. Le 23 octobre 1940 a lieu l’entrevue d’Hendaye, entre Francisco Franco et Adolf Hitler, sur l’éventuelle entrée en guerre de l'Espagne aux côtés des forces de l'Axe, créé le 27 septembre 1940. Cette rencontre ne débouche sur aucune décision. À partir de la déroute de juin 1940, à laquelle succèdent l'occupation de la France par les forces allemandes et la constitution de l'État français de Vichy dès le 10 juillet 1940, un ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** exode continu se met en place du nord au sud de la frontière, notamment par des Juifs fuyant les persécutions. D'autres, comme certains résistants ou militaires voulant rejoindre l'Angleterre ou l'Afrique du Nord, empruntent les mêmes chemins et font appel aux mêmes réseaux. Si certaines vallées bénéficient pendant un temps de la complicité des forces de l'ordre locales — comme en vallée d'Aure —, l'irruption des Allemands en zone libre à partir du 11 novembre 1942 vient bouleverser la situation. Selon Émilienne Eychenne, pas moins de 27 réseaux se spécialisent alors dans le passage clandestin vers l'Espagne, tels les réseaux « Maurice » ou « Françoise », héritier du réseau toulousain de Pat O'Leary. De 1940 à 1944, près de 19 000 Français, hommes et femmes appelés « évadés de France », franchissent la frontière pour s’engager dans les forces françaises combattantes ; après plusieurs mois d’internement dans des camps espagnols, ils rejoignent la 2e division blindée pour près de 5 000 d’entre eux et les forces françaises d’Afrique du Nord. De 1941 à 1943, le fort du Portalet, dont la construction débute dans les années 1840 pour contrôler la route du col du Somport, sert de prison politique pour des personnalités de la Troisième République comme Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Georges Mandel ou Maurice Gamelin. Il abrite un temps une garnison allemande avant d’être repris par la Résistance en 1944. Il accueille le maréchal Pétain du 15 août au 16 novembre 1945. L'opération Reconquista de España, lancée pour établir un pouvoir républicain dans le val d'Aran, rassemble 13 000 vétérans de la guerre d'Espagne et de la Résistance française aux points de recrutement de Foix et de Toulouse. De 4 000 à 7 000 hommes se portent volontaires pour participer à l'opération. Le 3 octobre 1944, une première formation franchit la frontière peu avant le col de Roncevaux. Le 5 octobre, une brigade pénètre dans la vallée de Roncal. Les incursions se multiplient alors, avec le versant français comme base de repli, jusqu’au 19 octobre, date de l’invasion principale. Un moment prises par surprise, les troupes espagnoles basées le long de la frontière réagissent et stoppent l’avancée de l’invasion ; le soulèvement populaire espéré ne se produit pas. Le 27 octobre, l’état-major de la guérilla auquel participe Santiago Carrillo décide la retraite. La France, sur décision de son gouvernement, a totalement fermé ses frontières terrestres avec l'Espagne entre le 1er mars 1946 et le 10 février 1948 à la suite des problèmes politiques entre le régime franquiste et le gouvernement provisoire français. Dès les années 1930, l’essor du nationalisme en Pays basque espagnol s’étend à la France, et en 1934 naît le mouvement eskualherriste et son journal Aintzina. À partir du début des années 1970, le conflit basque, qui est jusque-là circonscrit à l’Espagne, se caractérisant par la lutte d'Euskadi ta Askatasuna (ETA) contre le régime franquiste pour la reconnaissance des spécificités politiques et culturelles des Basques et l’indépendance du Pays basque, s’étend au nord de la frontière. Iparretarrak, bientôt rejoint par Euskal Zuzentasuna, milite pour l’autonomie du Pays basque français et multiplie les attentats. La coopération entre les deux États conduit à l’arrestation d’activistes d’ETA tant en France qu’en Espagne — en 2011, 35 etarras sont interpellés en France et 22 sur le territoire espagnol, faisant suite à 138 arrestations en 2010, dont 28 en France. En 1957, un tribunal arbitral tranche un différend entre les deux États, portant sur l'affaire dite du « lac Lanoux ». Ce lac situé en France est alimenté par le Carol, un affluent de la rivière espagnole, le Sègre. Voulant dévier le cours d'eau afin de le faire passer via une usine hydroélectrique, la France se trouve alors confrontée à un véto espagnol persistant ; ce conflit local ne trouve sa résolution que par la décision arbitrale du 16 novembre 1957 qui donne raison à la demande française, qui s'engageait à restituer à volume égal les eaux dérivées, par une galerie sous le col du Puymorens. Caractéristiques géographiques La frontière terrestre au XXIe siècle La frontière terrestre franco-espagnole s'étend sur 623 kilomètres, au sud-ouest de la France et au nord-est de l'Espagne, plus longue frontière terrestre de la France métropolitaine devant celle avec la Belgique (620 km). Elle débute à l'ouest sur le golfe de Gascogne au niveau de la commune française d'Hendaye et de la ville espagnole d'Irun. La frontière suit ensuite une direction générale vers l'est, respectant à peu près la ligne de partage des eaux des Pyrénées jusqu'en Andorre, au pic de Médécourbe. La principauté interrompt la frontière entre l'Espagne et la France sur 33 kilomètres. Elle reprend à l'est de la principauté et se poursuit jusqu'à la Méditerranée, qu'elle atteint au niveau de Cerbère en France et de Portbou en Espagne. Pour l'Espagne, et d'ouest en est, la frontière borde le nord de la province du Guipuscoa (communauté autonome du Pays basque), la Navarre, la province de Huesca (Aragon), la province de Lérida (Catalogne) avec le val d'Aran, et enfin la province de Gérone (Catalogne). En ce qui concerne la France, et toujours d'ouest en est, ce sont les limites sud des Pyrénées-Atlantiques (région Nouvelle-Aquitaine), des Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), de la Haute-Garonne (Midi-Pyrénées), de l'Ariège (Midi-Pyrénées) et des Pyrénées-Orientales (Languedoc-Roussillon) qui sont définies par la frontière. Matérialisation de la frontière terrestre La frontière est matérialisée par 602 bornes, numérotées d'ouest en est à partir de 1856, en respectant un tracé souvent ancien. Certaines bornes pastorales ont été placées avant la seconde moitié du XIXe siècle et viennent compléter le bornage officiel. Le traité de 1856 détermine l’emplacement de 272 bornes ou croix, de l'Atlantique à la Table des Trois Rois ; celui de 1862 ajoute 154 bornes, numérotées de 273 à 426, de la Table des Trois Rois au port de Bouet, à la frontière ouest avec l'Andorre ; enfin l’acte de 1866 détermine 176 bornes supplémentaires, de 427 à 602, au départ du tripoint est France - Espagne - Andorre, jusqu’à la Méditerranée. La borne no 1 se situe sur les bords de la Bidassoa, à environ 8,5 km en amont du pont ferroviaire entre Hendaye et Irun, à l'endroit où la frontière ne suit plus ce fleuve et s'incurve vers l'est. Cette borne est ainsi située entre la commune de Vera de Bidassoa et la commune de Biriatou. Le col du Somport accueille la borne no 305 et celui de Pourtalet, la borne no 310. D'autres ports recèlent eux aussi une balise, comme le port qui permet le passage de Cauterets à Panticosa (borne no 313), ou le port de Venasque (borne no 332) entre la vallée de la Pique en France et celle de l'Ésera en Espagne. La borne no 602 est matérialisée par une croix située sur les pentes du cap Cerbère, dominant la mer Méditerranée entre les communes de Portbou et Cerbère. De plus, 45 bornes marquent la frontière autour de l'enclave de Llívia. Elles sont numérotées dans le sens anti-horaire à partir de la borne no 1 située au niveau de l'entrée de la route neutre RD 68 des Pyrénées-Orientales dans l'enclave. Ce point marque aussi la rencontre entre les communes françaises de Bourg-Madame et Ur, avec la commune espagnole de Llívia. Particularités territoriales L’histoire a fortement marqué le tracé de la frontière et il demeure encore aujourd’hui des particularités territoriales dont l’origine remonte aux conflits et accords du Moyen Âge, et qui relèvent d’un droit international qui a dû s’adapter à ces anciennes règles. La principauté d’Andorre, dont le territoire est entièrement enclavé entre l’Espagne et la France dans la chaîne des Pyrénées, est une nation souveraine dont la création remonte à l’an 780, sous le règne de Charlemagne. Elle est régie par un contrat de droit féodal, le paréage, qui concède le trône andorran à deux coprinces, l'évêque espagnol d'Urgell et le chef d'État français. Elle possède une superficie de 468 km2 et une population estimée à 85 458 habitants en 2014. L'Andorre adhère à certains programmes de coopération frontalière établis entre l’Espagne et la France. Peu après le début occidental de la frontière, alors que celle-ci suit le cours de la Bidassoa, se trouve l'île des Faisans, au milieu du fleuve. Elle possède un régime frontalier particulier, l'île étant un condominium, dont la souveraineté est partagée entre les deux pays. Autre particularité, la ville de Llívia, ancienne capitale de la Cerdagne, est une enclave espagnole en territoire français, dans les Pyrénées-Orientales. Une route « neutre » c’est-à-dire sans contrôle douanier ; il s’agit de la route espagnole N-154 entre Puigcerdà et Llívia, qui coupe N20 entre Bourg-Madame et Ur la relie à l'Espagne. Son sort d’enclave semble être décidé lors du traité des Pyrénées de 1659, mais il faut attendre le traité de Bayonne de 1866 pour que la situation soit définitive. Plus à l’est, le village français du Perthus, dont le territoire n’est définitivement fixé qu’à partir du 29 avril 1851, est situé à cheval sur la frontière qu’il partage en ce point avec la commune espagnole de la Jonquera ; particularité géographique, le village se situe au sud de la ligne de crêtes. La frontière est marquée par l’épaulement est de la RN 9 située en France sur toute sa largeur. La traversée piétonne de la route permettant le passage d’un pays à l'autre, cette situation est restée favorable au trafic incontrôlé de marchandises, jusqu’à la disparition des frontières douanières en 1995. La vallée des Aldudes s’étend en zone frontalière de la Haute et de la Basse-Navarre. Une ordonnance du 12 octobre 1200 fixe les modalités de répartition de cette région indivise entre les différentes vallées limitrophes. Nombre de conflits et de procès émaillent l’histoire des relations entre ces vallées ; pas moins de huit sentences prononcées au XVIe siècle confirment que « la propriété et possession des Aldudes appartiennent à Valderro ». La notion de jouissance apparaît pour la première fois lors des capitulations signées le 25 septembre 1614 par les représentants des suzerains français et espagnols. La fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle sont marqués par des conflits armés, telle l’action du marquis de Valero en 1695, pour contrer les incursions des pasteurs et des troupeaux de Baïgorry, qui ne manquent pas d’avoir des retentissements internationaux. Un « aménagement des frontières » a lieu le 23 août 1769 à Ispéguy, et le bornage est vérifié le 9 octobre suivant en présence du représentant royal et de ceux des villages et vallées concernés, bientôt modifié en 1785 dans un traité des limites. Las, la Révolution vient bouleverser ce bel ordonnancement, et la France ne reconnaît pas le traité, malgré ceux de Bâle en 1795 et de Paris en 1814. Le début du XIXe siècle voit de nouvelles tentatives d’accords qui aboutissent le 21 novembre 1829 à une première transaction divisant la jouissance du pays Quint. Ce pays Quint est un territoire de 25 km2, situé au sud de la vallée des Aldudes, à la limite des communes d'Aldudes, d'Urepel et de Banca. Le traité de Bayonne de 1856 accorde la propriété du territoire à l’Espagne, et la jouissance à la France. Plusieurs dispositions d’application ont été encore nécessaires — ordre du 22 décembre 1948 portant sur celui du 31 juillet 1892— pour faciliter l’application du traité de 1856. Au début des années 2010, la France verse toujours une somme forfaitaire aux vallées du Baztan et d’Erro, pour l’utilisation des pâturages, et les habitants du pays Quint paient l’impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France. Enfin, il faut noter que les représentants français et espagnols à la commission d'abornement de la frontière entre les deux États ont constaté des différences d'appréciation sur son tracé, notamment au pic du Néoulous, sommet du massif des Albères. Passages et voies de communication terrestres Le col du Perthus est emprunté en 218 av. J.-C. par Hannibal et son armée accompagnée d'éléphants lors de la Deuxième guerre punique. Plus à l'est, au col de Panissars où se dresse le trophée de Pompée, et que les Romains nomment Summum Pyrenaeum, se trouve le point de jonction de la Via Domitia au nord — entreprise depuis 118 av. J.-C. — et de la Via Augusta au sud. Le site de Panissar est partagé entre l’Espagne et la France depuis le traité des Pyrénées ; il a fait l’objet de fouilles et de publications conjointes menées par la direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon et son homologue de la généralité de Catalogne. Le trophée de Pompée, dont la construction est estimée des années 70 av. J.-C., possède une symbolique forte puisqu’il incarne la restauration en 1659 de la frontière franco-espagnole perdue lors du traité de Corbeil de 1258, également appelé « acte de paix ». Le 27 novembre 711, les armées musulmanes débarquent au djebel Tarik ou Gibraltar et s’emparent de Narbonne en 720, après avoir traversé les Pyrénées en provenance de Barcelone. La bataille de Roncevaux, le 15 août 778, voit l'arrière-garde commandée par Roland, neveu de Charlemagne, attaquée et détruite par les Vascons, alors que Charlemagne et le reste de l'armée franque franchissent le col sans être inquiétés. Près de trois siècles plus tard, en 1064, l’armée catalane d’Armengol, comte d’Urgell, à laquelle se sont alliés des contingents venus d’Italie, et celle de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine, renforcée de la chevalerie normande, flamande, champenoise et bourguignonne, traversent les Pyrénées par le col du Somport pour mettre le siège devant Barbastro. Le réseau d’autoroutes et de routes nationales franchissant la frontière est assez distendu ; le relief montagneux force les voies de communication à privilégier les zones côtières et quelques cols de la chaine pyrénéenne. À l'est et à l'ouest de la chaine des Pyrénées, deux autoroutes permettent des échanges routiers entre l'Espagne et la France. Il s'agit de la route européenne qui, venant de Narbonne sous le nom d'autoroute A9, rejoint Perpignan, puis se dirige vers Barcelone, sous le nom d'autoroute AP-7, après avoir passé la frontière au Perthus. De son côté, la route européenne E80 qui vient de Toulouse, rejoint, au niveau de Bayonne, la route européenne E70 en provenance de Bordeaux, et pénètre en Espagne à Biriatou / Irun. Avant son passage en Espagne, la voie se nomme autoroute A63, puis, dès le passage de la frontière, autoroute AP-8. Peu de routes nationales ou départementales permettent aux véhicules routiers le franchissement de la frontière, en reliant les réseaux routiers des deux pays. À l’extrême est, dans les Pyrénées-Orientales, la route départementale 86 (RD 86) franchit la frontière à Cerbère / Portbou, en suivant la côte méditerranéenne. En se dirigeant vers l’ouest, le col du Perthus, à 290 mètres d’altitude, connecte l’Espagne et la France par la route européenne 15. Il permet également le raccordement de la route nationale 9 française, en provenance de Perpignan, à la RN espagnole N-II qui se dirige vers Barcelone. En provenance de Céret, l’ancienne route nationale 615 parvient au col d’Ares, à 1 513 mètres d’altitude, sous le nom de RD 115. Elle rejoint alors la route espagnole C 38 qui se dirige vers Camprodon. Contournant l’enclave de Llívia, la RN 116 et la RN 20 retrouvent l’autoroute espagnole C-16 après avoir atteint Bourg-Madame / Puigcerdà. La RN 20, quitte Ax-les-Thermes vers le sud ; elle se divise en trois à l'Hospitalet-près-l'Andorre ; avant le col de Puymorens, elle se raccorde à la route desservant la principauté d'Andorre par le port d'Envalira et le tunnel d'Envalira sous les noms de CG 2 et CG 1, avant de rejoindre la N 14 espagnole. En Haute-Garonne, la RN 125 relie Montréjeau au Pont du Roi à Fos, desservant Vielha e Mijaran dans le val d'Aran par la N 230. En provenance d'Aínsa-Sobrarbe, la route espagnole A 138 traverse la frontière par le tunnel d'Aragnouet-Bielsa, long de 3 070 mètres, avant de remonter vers Lannemezan par la départementale D 173. En continuant vers l'ouest, le prochain passage d'importance est le col du Somport dans les Pyrénées-Atlantiques, à 1 632 mètres d'altitude. La route nationale 134 emprunte la vallée d'Aspe avant de franchir la frontière et de se diriger vers Canfranc par la route espagnole N 330. Puis, au sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, la D 933 se dirige vers Arnéguy, franchit la frontière sur le pont international et trouve la route nationale 135 qui se dirige vers le col de Roncevaux et Pampelune. À partir de Saint-Jean-Pied-de-Port, le réseau routier transfrontalier secondaire se fait plus dense, au fur et à mesure de la réduction de l'altitude. Le long de l'océan, la RN 10 est à présent doublée par l'autoroute A63, et le passage entre la France et l'Espagne se fait à Béhobie, sur la commune d'Urrugne, point de jonction avec la N 1 espagnole. Plusieurs voies ferrées franchissent la frontière entre l'Espagne et la France ; elles font l’objet d'une convention entre États signée à Paris le 18 août 1904. La ligne de Perpignan à Figueras est une ligne ferroviaire à grande vitesse adaptée pour les trains de voyageurs et de fret à écartement standard UIC. Elle franchit la frontière franco-espagnole par un tunnel de 8,3 kilomètres. La ligne de Portet-Saint-Simon à Puigcerda est une voie ferrée secondaire. Le tronçon Latour-de-Carol - Puigcerda comporte deux voies, une voie à écartement standard et une voie à écartement espagnol. En d'autres points, compte tenu de la différence d'écartement des voies, la frontière est encadrée par deux gares terminus des réseaux nationaux. Il en est ainsi pour la ligne de Narbonne à Port-Bou. La jonction avec le train de la Renfe s'effectue dans le tunnel entre Cerbère et Portbou. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le transfert des fruits en gare de Cerbère des trains espagnols sur des wagons français, dont l’écartement des roues diffère, se fait à dos de femmes appelées les transbordeuses d’oranges. Celles-ci déclenchent en 1906 une grève qui dure plus d’un an et qui constitue la première grève féminine française. Quoique le terminus se situe en Espagne une fois franchie la Bidassoa, la ligne de Bordeaux-Saint-Jean à Irun, à écartement standard, électrifiée et à double voie, s'arrête à Irun, où arrive la ligne espagnole de Madrid à Irun. Enfin, la ligne de Pau à Canfranc est une ligne internationale, à voie unique et à écartement standard, qui est fermée au trafic depuis un accident survenu le 27 mars 1970. L'exploitation de la ligne est depuis lors réduite à la section Pau - Bedous. Les chemins de Compostelle Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Au début du XIe siècle, Sanche III de Navarre, dit « le Grand », le monarque le plus puissant des royaumes chrétiens de la péninsule ibérique, transforme le pèlerinage de Compostelle, jusque-là circonscrit à la péninsule ibérique, en un pèlerinage international. En occupant et développant Nájera, il permet aux pèlerins qui viennent de franchir les cols pyrénéens, d’emprunter l’ancienne voie romaine qui passe par Astorga. L’action d’Alphonse le Batailleur, allié à Gaston le Croisé lors de la Reconquista, permet de libérer le bassin supérieur de l’Èbre, sécurisant ainsi l’accès à Saint-Jacques-de-Compostelle. « […] Il y a quatre routes qui, menant à Saint Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol. L'une passe par Saint-Gilles-du-Gard, Montpellier, Toulouse et le Somport. La route qui passe par Sainte-Foy-de-Conques, celle qui traverse Saint-Léonard-en-Limousin et celle qui passe par Saint-Martin-de-Tours se réunissent auprès d'Ostabat, et après avoir franchi le col de Cize (ou de Roncevaux) elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport. De là, un seul chemin conduit à Saint-Jacques […]. Trois colonnes nécessaires entre toutes au soutien de ses pauvres ont été établies par Dieu en ce monde : l’hospice de Jérusalem, l’hospice du Mont-Joux [Grand Saint-Bernard] et l’hospice de Sainte-Christine sur le Somport […]. » Texte attribué à Aimery Picaud et daté des années 1130. L’hospice de Sainte-Christine et le chemin passant par le Somport connaissent leur apogée vers le milieu du XIIe siècle, avant que l’itinéraire passant par le col de Roncevaux et son hospice, fondé par Alphonse le Batailleur, ne les supplantent. Selon Pierre Tucoo-Chala, les routes médiévales entre Béarn et Aragon empruntent les ports de Vénasque, à 2 444 mètres d’altitude entre Bagnères-de-Luchon et Benasque ; plus à l’ouest les cols d’Aragnouet et de la brèche de Roland permettent de rejoindre Bielsa ; puis viennent les cols du Pourtalet, des Moines, du Somport, de Pau, de la Pierre-Saint-Martin et de Larrau, sans oublier le chemin qui, passant par Sainte-Engrâce, est le principal accès aux XIIe et XIIIe siècles. En ce début de XXIe siècle, trois des chemins contemporains — la via Turonensis, la via Lemovicensis et la via Podiensis — s'unissent à Ostabat, la traversée de la frontière se faisant par le col de Bentarte ou par Valcarlos, en amont du col de Roncevaux. La via Tolosane emprunte, quant à elle, le col du Somport pour franchir les Pyrénées. Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens La chaîne des Pyrénées est parcourue par de nombreux chemins de randonnée, qui empruntent parfois des voies traditionnelles pastorales ou antiques (romaines). Ces chemins font l'objet de balisages locaux, à l'initiative des communes. Certains d'entre eux se distinguent néanmoins parce qu'ils relient des points particuliers ou qu'ils parcourent des lieux chargés d'histoire. Le sentier de grande randonnée 10 (GR 10) est un sentier situé en France uniquement, qui traverse la totalité de la chaîne montagneuse depuis Hendaye sur la Côte basque, à Banyuls-sur-Mer sur la Côte Vermeille. Long de 910 km, il suit un itinéraire de moyenne montagne, alors que la Haute randonnée pyrénéenne suit les lignes de crête. Sur le versant espagnol, le sentier espagnol de grande randonnée 11 relie également les deux extrémités pyrénéennes du cap Higuer, sur l'Atlantique, au cap de Creus, côté méditérannéen. D’autres sentiers de randonnées sont référencés, comme le chemin des Bonshommes (GR 107), long de 224 km entre Foix en Ariège et Berga en Catalogne. Il franchit la frontière au col de la Porteille Blanche à 2 517 m et rencontre les châteaux de Foix et de Montségur, l'église de Mérens-Les-Vals et l'abbaye de Bellver de Cerdany. Le sentier cathare (GR 367) mène, quant à lui, de Port-la-Nouvelle (Aude) à Foix, en suivant 221 km de sentier qui font découvrir les châteaux d’Aguilar, Padern, Quéribus, Peyrepertuse, Puivert, Montségur, Roquefixade et enfin, celui de Foix. Le sentier dit « chemin Walter-Benjamin » relie Banyuls à Portbou. Cet ancien chemin de contrebandiers, long de 17 km, a vu le suicide du philosophe allemand Walter Benjamin, le 26 septembre 1940. ,Le « chemin de la Liberté », à travers le Couserans, part de Saint-Girons et conduit, par le mont Valier, à Sort sur 72 km. Il commémore le passage de près de 3 000 fugitifs durant la Seconde Guerre mondiale et de leurs passeurs. Les Pyrénées offrent, de part et d’autre de la ligne de crête, des refuges de montagne aux randonneurs et alpinistes ; du côté français, la plupart sont gérés par le club alpin français (CAF), et sur le versant sud, par des clubs affiliés à la federación Española de déportes de montaña y escalada (FEDME). La frontière maritime Deux zones, à l’ouest et à l’est de la frontière terrestre, font ou on fait l’objet d’une négociation en vue d’une délimitation maritime afin de déterminer la frontière maritime, l’une dans le golfe de Gascogne et l’autre en mer Méditerranée. En termes de frontières maritimes, le droit applicable est désormais celui défini par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, amendée par le protocole du 28 juillet 1994. La France et l’Espagne — et pour la mer Celtique, la France, l'Irlande et le Royaume-Uni — ont déposé le 19 mai 2006 une « demande conjointe à la commission des limites du plateau continental pour étendre leur plateau continental au-delà de la limite des 200 milles de la zone économique exclusive dans la région du golfe de Gascogne ». Les frontières maritimes font l’objet d’un désaccord entre l’Espagne et la France depuis les années 1970, et n’est toujours pas définitive au Ier janvier 2015. Voies maritimes Deux autoroutes de la mer ont été établies pour transporter des poids lourds entre l’Espagne et la France sur la façade atlantique, au départ de Gijón et de Vigo vers Saint-Nazaire. La ligne au départ de Gijón reliait les Asturies à la Loire-Atlantique en quatorze heures. Faute de rentabilité, elle est interrompue à compter du 14 septembre 2014 et remplacée en 2015 par la ligne partant de Vigo. L’île des Faisans L’île des Faisans, située dans l’estuaire de la Bidassoa entre Béhobie et Irun, est un cas particulier de la frontière entre les deux États. Elle possède le statut de condominium et elle est gérée alternativement par l’Espagne et par la France. Elle demeure dans l’histoire comme le lieu où le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne est âprement négocié en 1659 par le cardinal Mazarin et don Luis de Haro, en parallèle du traité des Pyrénées. En vertu de l'article 25 du traité de Bayonne de 1856, toute embarcation naviguant, passant ou pêchant dans la Bidassoa est soumise à la seule juridiction du pays auquel elle appartient. Néanmoins, « […] pour prévenir les abus et difficultés qui pourraient résulter de l'application de cette clause, il est convenu que toute embarcation touchant à l'une des rives, y étant amarrée ou s'en trouvant assez rapprochée pour qu'il soit possible d'y entrer directement du rivage [doit être] considérée comme se trouvant déjà sur le territoire du pays auquel appartient cette rive ». L'île a pour dimensions une longueur d'environ 210 m et une largeur maximum de 40 m. Sa superficie est de 6 820 m2. Les commandants de Marine installés à Bayonne et à Saint-Sébastien sont chargés à tour de rôle, par période de six mois, de faire appliquer la convention franco-espagnole qui régit l'estuaire de la Bidassoa ainsi que de l'entretien de l'île ; ils portent tous deux le titre de vice-roi de l’Ile des Faisans. L'un d'eux est le lieutenant de vaisseau Louis Marie Julien Viaud, plus connu sous le nom de plume Pierre Loti. Économie frontalière et transfrontalière Tourisme et migrations transfrontalières Les chemins de Compostelle ont engendré des échanges économiques que, dès la fin du XIe siècle, Sanche Ramirez tente de contrôler en imposant des droits de douane prélevés sur les produits de luxe à Jaca et Pampelune. Les produits concernés sont principalement les armes — lances, épées, écus et hauberts fabriqués en France — et les textiles, ces derniers provenant de Bruges, de Byzance ou d’Al-Andalus. Un millénaire plus tard, en 2011, plus de neuf millions de touristes français ont franchi la frontière — terrestre, maritime ou aérienne — pour se rendre en Espagne et cinq millions de touristes espagnols ont visité la France, alors que le transport routier a représenté pour cette même année le passage transfrontalier de 6 millions de poids lourds, essentiellement au Perthus et à Biriatou. Énergie et transports La zone frontalière fait l’objet de plusieurs projets dans les domaines de l’énergie et des transports. Ainsi, la ligne enterrée à très haute tension entre Baixas (Pyrénées-Orientales) et Santa Llogaia d'Àlguema (Catalogne), d'une longueur de 65 km, emprunte un tunnel de 8 km sous les Pyrénées dont le percement a commencé le 15 février 2012. La mise en service commerciale de cette nouvelle ligne de 1 400 mégawatts a eu lieu en juin 2015. Elle vient doubler un ensemble existant de quatre autres lignes — Arkale - Argia, Hernani - Argia, Biescas - Pragnères et Vic - Baixas — d’une capacité de 1 400 mégawatts. D’autre part, les deux États ont entrepris l’étude de faisabilité d’une ligne sous-marine d’une puissance supérieure à 2 000 mégawatts reliant le nord de la Gironde au Pays basque espagnol. Le réseau gazier à deux sens existant en 2012 se trouve renforcé en 2013 et 2015 par deux nouvelles liaisons sur la façade ouest résultant de deux investissements privés, l’un à Larrau et l’autre à Biriatou, contribuant à l’intégration des marchés gaziers des deux pays sur l’axe Afrique-Espagne-France. Ces investissements portent les échanges gaziers annuels entre les deux pays et dans les deux sens à 7,5 Mds m3. Économie et accords frontaliers Conséquence du relief montagneux et de la configuration des vallées, isolées les unes des autres, les populations pyrénéennes ont développé, depuis l’Antiquité et en toute indépendance, des systèmes juridiques et économiques propres. Insensibles aux changements politiques qui ont marqué l'histoire des deux versants du massif pyrénéen, elles ont passé, de vallée à vallée, des accords qui ont continué à se développer bien après la constitution des États espagnol et français. Dans une économie traditionnelle pastorale, qui jouit du régime de la propriété indivise des terres, un « système de démocratie directe à base familiale » se développe à partir de la cellule que constitue la maison. Compte tenu de l’absence de frontière précise entre versants opposés, ou sur le même versant, les communautés se sont souvent trouvées confrontées à des problèmes de voisinage, le plus souvent liés à l’utilisation des pâturages. Elles ont alors développé des conventions, ou faceries, permettant un usage consensuel et pacifique des pâturages. Cette pratique est avérée de l’ouest à l’est de la chaîne pyrénéenne. Les faceries les plus anciennes, dont des conventions écrites nous sont parvenues, datent de 1171 - 1175 ; elles régissent les relations entre Bagnères-de-Bigorre et le Lavedan, deux territoires situés sur le versant français. Un autre accord attesté date de 1314, entre Saint-Savin, en France, et Panticosa sur le versant espagnol. Nombreuses à partir du XIVe siècle, les faceries établissent avec précision les limites des pacages communs ou respectifs, leur bornage et les sanctions frappant les auteurs d’infractions. Alors que les États se constituent et que la frontière acquiert sa notion de limite militaire, politique, puis douanière, les faceries intègrent des dimensions nouvelles à partir du XVe siècle, qui consistent en la protection de l’économie locale et la liberté des transactions, indépendamment des conflits nationaux et des règles fiscales propres à chaque royaume. Dans le prolongement de cette évolution se développe un concept politique de « petites républiques », qui donne naissance à des traités de lies et passeries, c’est-à-dire de neutralité ou de surséance à la guerre. Durant la guerre de Succession d'Espagne, au début du XVIIIe siècle, les populations pyrénéennes « [refusent] de contribuer à l’effort militaire demandé par leur souverain respectif. Ils [préviennent] même leurs voisins du versant opposé à l’approche des troupes, afin qu’ils puissent se mettre à l’abri avec leur bétail, voire se défendre et attaquer […] ». Malgré les pressions centralisatrices des XVIIIe et XIXe siècles, les faceries perdurent et sont même officiellement reconnues dans le traité de 1856 ; certaines d’entre elles sont toujours en vigueur, comme la convention existant depuis une sentence arbitrale de 1375 entre la vallée de Barétous et celle de Roncal, ou celle renouvelée le 3 novembre 1997 au col de Lizarrieta entre les « nobles et valeureuses villes frontières de Vera de Bidassoa et de Sare ». Traités de Bonne Correspondance La notion de neutralité vis-à-vis des conflits entre États est l’idée centrale des traités de Bonne Correspondance. En cela, et même si les premiers d’entre eux semblent dater de la fin du XIIIe siècle et du début du siècle suivant — 1284, 1306, 1309, 1311 et 1328 ; il s'agissait à cette époque de régulariser la restitution de pinasses volées autant par des habitants de Bayonne ou de Biarritz que par ceux de Santander ou de Castro-Urdiales — ils prennent véritablement leur sens à partir du XVIe siècle, c’est-à-dire après la consolidation du concept d’État et au moment des premiers heurts d’importance entre François Ier et Charles Quint. Ces traités concernent la partie ouest de la chaîne des Pyrénées et plus précisément le Labourd, Bayonne — qui est anglaise jusqu’en 1451 —, le Guipuscoa et la Biscaye. Ils visent à régler les rapports et échanges maritimes entre ces entités dans le but de faire prospérer les ports, permettant par exemple aux bateaux labourdins de venir hiverner dans les ports basques espagnols, notamment celui de Pasajes, compte tenu de l’insuffisance des abris dans les ports français ou anglais (Bayonne). La collaboration interrégionale est en effet mise à mal par la survenue de guerres, permettant en particulier l'activité des corsaires. À la différence des lies et faceries, la signature des traités de Bonne Correspondance requiert l’approbation des suzerains espagnols et français. Le roi de France accorde une autorisation préalable. Il entend, en outre, confirmer expressément chacun des traités. Le 20 septembre 1694, le duc de Grammont représente « à Bayonne la ratification du traité de Correspondance fait par le Roy entre le gouverneur de Bayonne, le syndic du Labourd, la province du Guipuzcoa et la seigneurie de Biscaye ». Il en est de même pour la partie espagnole puisque l'article 12 du traité de 1653 prévoit qu'« il sera réciproquement ratifié par Leurs Majestés Très Chrétiennes et Très Catholiques » et enregistré dans les « Admirautez de France et dans celles d'Espagne ». Ces traités sont conclus suivant une structure type et un formalisme renforcé à partir du milieu du XVIIe siècle. Ils ouvrent la voie à la notion moderne d'eaux territoriales. En effet, un traité de 1719 fixe à « quatre lieues à partir des côtes l'étendue de la mer territoriale qui forme un prolongement fictif du territoire national ». Il ajoute qu'« aucun acte de guerre ne pourra avoir lieu dans cette zone […] » et que « si deux navires ennemis se rencontrent dans le même port, l'un ne pourra en sortir que vingt-quatre heures après l'autre […] ». À partir du traité de 1653, la course est réglementée dans le périmètre de la mer territoriale, que le corsaire soit basque ou belligérant étranger aux trois provinces signataires. Enfin, deux articles du traité de 1653 tentent de réguler les actes de contrebande qui pourraient résulter d’une application large du principe de neutralité, rappelant notamment les dispositions prises par le roi d’Espagne en la matière. Les marchandises de contrebande introduites à tort dans les ports sont menacées de saisie et les contrevenants de mesures strictes de justice. En 1808, alors que les deux États sont engagés dans la guerre d'indépendance espagnole, Napoléon ne déroge pas à la règle suivie par les rois qui l’ont précédé ; il autorise en effet les Bayonnais à approvisionner Irun, autorisation qu’il étend en 1810 à tout le Guipuscoa et à la Biscaye. Économie frontalière Les échanges de travailleurs transfrontaliers de la zone frontière France-Andorre-Espagne sont relativement limités, comparés à ceux d’autres frontières comme celle entre la France et la Suisse. Ils sont estimés en 2007 à 4 600 dans le sens France vers le sud, et autant dans le sens Espagne vers le nord. Compte tenu de l’ampleur de la crise espagnole depuis les années 2000, les flux nord-sud s’avèrent depuis sensiblement inférieurs. Ils se concentrent aux deux extrémités du massif, avec une estimation de 2 500 personnes en 2007 dans la bande littorale basque, dans le sens nord - sud, et 300 personnes à destination de la Catalogne. La zone centrale, principalement du côté espagnol, est faiblement peuplée et à dominante agricole et pastorale. En conséquence, les coopérations transnationales portent surtout sur le développement de l’économie rurale, du tourisme, de la culture et de la protection de l’environnement et des ressources. Ainsi, l’association de droit français Xareta regroupe sur un territoire à cheval sur la frontière, les villages d’Ainhoa, Sare, Urdax et de Zugarramurdi ; elle a pour objectif l’organisation économique autour des atouts touristiques, agricoles et naturels de la zone. Autre exemple, à l’initiative du comité Izpegi, des Amis de la Vieille Navarre et du gouvernement de Navarre, la communauté de communes de Garazi-Baigorri (Pyrénées-Atlantiques) et 16 communes espagnoles de la communauté forale de Navarre — vallées du Baztan, d'Erro et d'Esteribar ainsi que les villages de Valcarlos et de Burguete — ont signé en 2005 une convention ayant pour objectif le développement du tourisme autour des richesses patrimoniales locales. La coopération portant sur l’environnement est illustrée par les conventions développées entre des parcs nationaux de chaque côté de la frontière, comme celle rapprochant le parc national des Pyrénées et le parc national d'Ordesa et du Mont-Perdu, ou encore entre le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et celui de Pallars Sobira. D’autres aspects de l’économie frontalière trouvent leurs racines dans les relations de communautés transfrontalières, souvent familiales et culturelles, comme c’est le cas par exemple dans la zone frontalière de Sare (Pyrénées-Atlantiques). L’activité pastorale a donné lieu très tôt à une compascuité naturelle, toujours d’actualité et présente tout au long du massif pyrénéen ; les disparités de taxes et la solidarité entre les communautés de part et d’autre de la frontière sont à l’origine de deux phénomènes économiques singuliers, l’apparition d'une part de points de vente peu après la frontière, du côté espagnol, les ventas, et l’émergence d’autre part de la contrebande, qui concernait initialement des produits de première nécessité, échangés entre les vallées. Le phénomène des ventas existe en d’autres points de la frontière, en particulier à l’est du massif pyrénéen, où se trouve l’autre grande voie de passage touristique. Le village de La Jonquera est devenu une ville-supermarché souhaitant attirer touristes et professionnels de la route. La contrebande est également un phénomène présent dans la partie orientale de la frontière — de même qu’à la frontière avec Andorre — et les douanes perpignanaises effectuent une grande partie des prises de contrebande de tabac du territoire français. En Roussillon également, l’activité économique liée à la contrebande est ancienne, datant de l’application du traité de 1659. Coopération transfrontalière institutionnelle La coopération transfrontalière institutionnelle est encadrée par le traité de Bayonne de 1995, mais également par le programme opérationnel de coopération territoriale Espagne - France - Andorre appelé programme Interreg IV POCTEFA. Le soutien financier communautaire prodigué vise à soutenir l'intégration économique et sociale de la zone frontalière franco-espagnole. Les axes de travail qui ont été privilégiés sont de « […] renforcer l’intégration transfrontalière en valorisant les complémentarités dans le domaine des activités économiques, de l’innovation et du capital humain, [de] valoriser les territoires, le patrimoine naturel et culturel dans une logique durable, [de] protéger et gérer les ressources environnementales et [d’]améliorer la qualité de vie des populations à travers des stratégies communes de structuration territoriale et de développement durable ». La gestion du programme est assurée par le consorcio de la communauté de travail des Pyrénées (CTP). La CTP est créée en 1983 et gérée en consorcio depuis 2005 pour contribuer au développement du massif pyrénéen, en suscitant et améliorant les relations entre territoires et acteurs. Elle propose et engage des actions transfrontalières en réponse à des problèmes et des enjeux partagés par les deux versants du massif. Sa compétence s'adresse à une zone couvrant plus de 220 000 km2 et regroupant près de 18 millions d'habitants. D’ouest en est, des groupements européens de coopération territoriale (GECT) recouvrent le massif pyrénéen en intégrant les régions des deux versants. Il s’agit de l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi, du GECT Espace Pourtalet, du GECT Pyrénées-Cerdagne et du GECT Pyrénées-Méditerranée. La coopération entre France et Espagne s’exprime également en matière de santé par la création de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdá, dans le but de fournir des soins médicaux à environ 30 000 habitants de la vallée de Cerdagne, de part et d'autre de la frontière franco-espagnole. De même, l’éducation fait l’objet de rapprochements transfrontaliers comme l’institut franco-catalan transfrontalier, au sein de l’université de Perpignan, ou encore un programme de la faculté de Bayonne, proposant un master « Affaires européennes et internationales » avec une spécialisation « Coopération transfrontalière et interrégionale ». Douane et contrôles frontaliers La France et l’Espagne adhèrent à l’union douanière de l'Union européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 1968, et sont toutes deux membres de l’espace Schengen depuis le 26 mars 1995. Depuis lors, les postes-frontière ont été fermés ; le Code frontières Schengen en vigueur depuis le 13 octobre 2006 stipule en effet, que les États participants doivent supprimer tous les obstacles à la libre circulation dans les frontières internes de l’espace. Les contrôles douaniers font l’objet d’une coopération bilatérale entre la France et l’Espagne, formalisée par le traité du 7 juillet 1998 ; ce dernier prévoit des échanges d’agents entre les services ou unités douanières des deux parties, en particulier dans le domaine des stupéfiants. En 2011, 188 personnes ont été interpellées dans les deux pays, dans le cadre de cette collaboration. Un groupe de liaison anti-drogue (GLAD) a été créé en 2008 pour améliorer la coopération judiciaire contre le crime organisé. De même des équipes communes d’enquêtes (ECE) existent depuis juillet 2003 pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme. Table des matières Table des matières 1. Frontière entre l'Espagne et la France 2 § 1.a - Propos liminaire 2 § 1.b - Le concept de frontière : application au contexte franco-espagnol 2 § 1.c - La frontière avant le traité des Pyrénées de 1659 4 § 1.d - Les conséquences du traité des Pyrénées et l’évolution du tracé 6 § 1.e - La commission internationale des Pyrénées de 1875 8 § 1.f - Le traité de Bayonne de 1995 10 § 1.g - Histoire militaire et fortifications 10 2. Caractéristiques géographiques 16 § 2.a - La frontière terrestre au XXIe siècle 16 § 2.b - Matérialisation de la frontière terrestre 16 § 2.c - Particularités territoriales 17 § 2.d - Passages et voies de communication terrestres 19 § 2.e - Les chemins de Compostelle 22 § 2.f - Les sentiers de randonnée et autres chemins pyrénéens 24 § 2.g - La frontière maritime 25 § 2.h - Voies maritimes 25 § 2.i - L’île des Faisans 25 3. Économie frontalière et transfrontalière 28 § 3.a - Tourisme et migrations transfrontalières 28 § 3.b - Énergie et transports 28 § 3.c - Économie et accords frontaliers 29 § 3.d - Traités de Bonne Correspondance 30 § 3.e - Économie frontalière 31 § 3.f - Coopération transfrontalière institutionnelle 33 § 3.g - Douane et contrôles frontaliers 34 Index des cartes Index des cartes Carte 1: Expansion des royaumes francs de 481 à 814. Le trait rouge représente la frontière entre le royaume wisigoth et le royaume franc avant la bataille de Vouillé 2 Carte 2: Chemins contemporains en Europe pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. 22 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes : 418-781, naissance d'une région., 2: Jean Sermet, La Frontière hispano-française des Pyrénées, Résumé :Cet article traite de la frontière pyrénéenne entre l’Espagne et la France et de ses prolongements maritimes directs. Il n’aborde pas les anciennes frontières ayant existé entre les deux pays dans des territoires où l’un des deux États, ou les deux, n’est plus présent. C’est le cas, par exemple, de l’île d'Hispaniola ; celle-ci a vu la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, et la colonie espagnole — où la Capitainerie générale de Saint-Domingue est installée dans ce qui est aujourd’hui la République dominicaine — s’affronter et définir une frontière mouvante en fonction des différents conflits. Ces deux possessions coloniales sont aujourd’hui devenues des États indépendants et leurs frontières, anciennes ou présentes, ne sont pas prises en compte dans les développements qui suivent. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Pablo Rodriguez 2018-04-09T19:31:56.176000000 2020-04-30T10:12:23.151000000 Pablo Rodriguez PT4H42M47S 35 LibreOffice/6.3.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/dd0751754f11728f69b42ee2af66670068624673 Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Mise en page d'un texte long Alimentation en Grèce antique Votre prénom et votre nom 2018-04-10 Histoire ou Géographie Votre groupe de TD Alimentation en Grèce antique 9 / 27 Mise en page d'un texte long B -Régimes alimentaires particuliers Mise en page d'un texte long 10 / 27 / / Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Alimentation en Grèce antique Mise en page d'un texte long Histoire ou Géographie Votre prénom et votre nom Votre groupe de TD 10/04/2018 Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Alimentation e n Grèce antique Repas Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin. Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches) [1]. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Le beurre est connu, mais on lui préfère l'huile d'olive. La nourriture s'accompagne de vin (rouge, blanc ou rosé) étendu d'eau et parfois aromatisé. L’alimentation des Grecs est connue par des sources à la fois littéraires et artistiques : les comédies d'Aristophane et les extraits d'œuvres préservées par le grammairien Athénée d'une part, les vases peints et les figurines en terre cuite d'autre part. En famille Les Grecs font trois repas par jour : Le premier, froid, est composé de pain d'orge trempé dans du vin pur, éventuellement agrémenté de figues entre autres fruits ; fromage et olives. Le second, sommaire, est pris vers midi ou au début de l'après-midi. Le troisième, le plus important de la journée, a généralement lieu à la nuit tombée. Il peut s'y ajouter un goûter en début de soirée ; littéralement un déjeuner dînatoire, peut être servi tard dans l'après-midi à la place du dîner. Les femmes sont rares lors des repas et des banquets, et elles s'y tenaient dans la plus grande réserve, et le silence. Il était d'usage qu'elles sortent lorsque les convives, ayant cessé de manger, se livrent à la conversation libre. Il semble que, dans la plupart des cas, les femmes prennent leurs repas à part. Si la taille de la maison ne le permet pas, les hommes mangent les premiers, les femmes passant à table une fois que ces derniers ont terminé leur repas. Les esclaves assurent le service. Dans les familles les plus pauvres, ce sont les femmes et les enfants, s'il faut en croire Aristote, qui pallient le manque d'esclaves. L'usage de déposer dans des tombes de petits modèles en terre cuite représentant des pièces du mobilier nous permet aujourd'hui d'avoir une bonne idée des meubles grecs. Les Grecs mangent assis, l'usage de banquettes étant réservé aux banquets ou aux aristocrates. Les tables, hautes pour les repas ordinaires et basses pour les banquets, sont d'abord de forme rectangulaire. Au IVe siècle av. J.-C., la table habituelle prend une forme ronde, souvent à pieds zoomorphes (par exemple en forme de pattes de lion). Les galettes de pain peuvent servir d'assiette, mais les écuelles en terre cuite ou en métal sont plus courantes. La vaisselle se raffine au fil du temps et l'on trouve des assiettes en matériaux précieux ou en verre pendant l'époque romaine. Les couverts sont peu utilisés à table : l'usage de la fourchette étant inconnu, on mange avec les doigts. On s'aide d'un couteau pour la viande et d'une cuillère semblable aux cuillères occidentales contemporaines pour manger soupes et bouillies. Des morceaux de pain ( ἀπομαγδαλία / apomagdalía) peuvent être utilisés pour se saisir de la nourriture ou, en guise de serviettes, pour s'essuyer les doigts. En société L'histoire des banquets publics (repas et symposion) montre de grandes différences entre, par exemple, le banquet aristocratique archaïque (du VIIIe au VIe siècle) et le banquet public organisé par la cité ou les évergètes dans les cités hellénistiques. Dans tous les cas, cependant, comme le dit J.-P. Vernant « il y a des formes et des degrés divers de sacré, plutôt qu'une polarité sacré-profane » et le religieux est présent autant dans le repas que dans le symposion. Enfin, le fait de manger et boire ensemble fonde la communauté civique. Le lieu le plus fréquent est le sanctuaire du dieu en l'honneur duquel se font les sacrifices, dans le hieron ou le temenos. La plupart des sanctuaires attiques, recevaient des banquets publics. Le lieu du symposion était aussi, souvent, situé au cœur de la cité : à Thasos sur un côté de l'agora archaïque, à Athènes le prytanée ne sert, au début du Ve siècle, qu'au banquet des prytanes, et la stoa sud comportait des salles de banquet pour 500 lits de table. Sur l'Acropole, la Pinacothèque pouvait être aménagée pour recevoir 17 lits (entre 440 et 430), tout ceci pour les « officiels ». Dans le quartier du Céramique, le Pompeion, de la fin du Ve siècle, et ses abords pouvaient recevoir les masses lors des banquets publics. Cependant d'autres espaces pouvaient convenir en certaines occasions. « Ainsi un bienfaiteur à Metropolis a fait lors des jours bachiques une hestiasis pour le dèmos « dans la montagne », ce qui n'est guère surprenant dans une fête en l'honneur de Dionysos. » Le συμπόσιον / sympósion — traditionnellement traduit par « banquet », plus littéralement « réunion de buveurs » — est l’un des « loisirs » préférés des Grecs. Il comprend deux parties : la première est consacrée à la nourriture, généralement assez simple, et la seconde à la boisson. En réalité, on consomme tragếmata également du vin avec le repas, et les boissons sont accompagnées des τραγήματα / tragếmata ou friandises à grignoter : châtaignes, fèves, grains de blé grillés ou encore gâteaux au miel, chargés d'absorber l'alcool et de prolonger la beuverie. Certains banquets font d'ailleurs partie de rituels qui en manifestent la dimension « sacrée ». La seconde partie est inaugurée par une ou plusieurs libations, un péan ou une simple prière, généralement en l’honneur de Dionysos. Puis l’on discute ou l’on joue à divers jeux de table, comme le cottabe — en effet, les convives sont allongés sur des banquettes. Des danseuses, des acrobates et des musiciens de location peuvent agrémenter la soirée. Le philosophe péripatéticien Théophraste montre dans ses Caractères le propriétaire d’un esclave qui a loué des filles, musiciennes et danseuses qui peuvent assurer tous les plaisirs des convives. Un « roi du banquet », tiré au sort, est chargé d'indiquer aux esclaves la proportion à observer entre le vin et l'eau dans la préparation de la boisson. Le chant ou la prière sont assez libres de composition ; la libation est composée d'une partie offerte à Zeus et aux dieux olympiens, une deuxième offerte au bon démon, et la troisième à Hermès [2]. Une coupe est remplie, qui passe de main en main chez les participants qui formulent une prière. Les libations obéissent à certaines règles : le nombre de libations par personne n'est pas limité, mais l'invocation ne va pas sans la libation. Après le repas et avant la beuverie, on couvre la tête des participants de bandelettes ou des couronnes de rubans. Théophraste montre dans ses Caractères un avare qui fait une petite libation, et de surcroît compte le nombre de coupes vidées, puis se plaint du prix des bandelettes et autres rubans (les objets rituels nécessaires s'échangeaient). Strictement réservé aux hommes — à l'exception des danseuses et des courtisanes, les femmes se devaient de rester entre elles dans Le Banquet de Platon, Aristodème prie la joueuse d'aulos de rejoindre les femmes de la maison dans la pièce qui leur est réservée ; celle qui se mêle aux hommes est vue comme une esclave, comme tout sauf de condition libre, passible d'attaque en justice — le banquet est un élément essentiel de la sociabilité grecque. Il peut être organisé à l'instigation d'un particulier conviant ses amis ou sa famille, à l'instar de modernes invitations à dîner. Il peut également rassembler, de manière régulière, les membres d'une association religieuse ou d'une hétairie (sorte de club aristocratique). Les grands banquets sont évidemment l'apanage des plus riches, mais dans la plupart des foyers grecs, les fêtes religieuses ou les événements familiaux sont l'occasion de banquets plus modestes. Le philosophe péripatéticien Hippoloque de Macédoine, ami et condisciple de Lyncée de Samos, lui a écrit une lettre au sujet d'un banquet de mariage auquel il a été convié : on servit du vin, puis un pain d'égale largeur, des poules, des canards, du pigeon (ramier), etc. Chacun ayant pris ce qu'on lui présentait, le donna avec le plat aux esclaves ; on présenta aussi à la ronde nombre d'autres différents mets. Ce service fut suivi d'un autre, dont faisait partie un grand pain, des oies, des lièvres, des chevreaux, des tourtereaux, des perdrix. Les mêmes mets furent aussi donnés aux esclaves. Ayant ainsi pris assez de nourriture, les invités se sont lavé les mains, et des joueuses de flûtes, des musiciens, et des harpistes rhodiennes couvertes d'un voile[style à revoir]. Elles se retirèrent après un court début : aussitôt il en parut d'autres, portant chacune deux pots de parfum. On servit ensuite à chacun, pour souper, un plat contenant un très gros cochon rôti. Hippoloque ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** mentionne des grives rôties, des becfigues où l'on avait versé des jaunes d'œufs, des huîtres, des pétoncles. « Le cochon fut suivi d'un autre chevreau bouillant dans la sauce sur un autre plat. Dès que nous fûmes débarrassés de ce monde, nous nous mîmes à boire. » La dernière partie du banquet, celle consacrée à la beuverie, était également prétexte à la danse ; inviter une danseuse sans être au moins éméché est très mal vu en société ; l'ivresse doit servir de prétexte. Le banquet a servi de cadre à une littérature de genre : Le Banquet de Platon, Le Banquet de Xénophon, les Propos de table de Plutarque ou encore le Banquet des Deipnosophistes d’Athénée. Syssities Les syssities ( τὰ συσσίτια / tà syssítia) sont des repas obligatoires pris en commun dans le cadre de groupes sociaux ou religieux rassemblant hommes et jeunes gens. Ils concernent principalement la Crète et Sparte et prennent le nom d’hetairia, pheiditia, ou andreia. Ils fonctionnent comme des clubs aristocratiques et comme un mess militaire. Comme les banquets, les syssities sont le domaine exclusif des hommes ; quelques références décrivent également des syssities exclusivement féminines. Au contraire des banquets, cependant, les repas se caractérisent par la simplicité et la tempérance. Pain Les céréales ( σῖτος / sĩtos) constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur ( πύρος / pýros), d'épeautre ( ζειά / zeiá) et d'orge ( κριθαί / krithaí). Mondé par trempage, le blé peut être transformé de deux manières principales : réduit en gruau, il sera employé en bouillie ; moulu en farine ( ἀλείατα / aleíata) et pétri, il sert à fabriquer du pain ( ἄρτος / ártos) ou des galettes, simples ou mélangées à du fromage ou du miel. Le levain est connu ; à partir de l'époque romaine, les Grecs utilisent un composé alcalin ou de la levure de vin comme agent levant. Les pâtons sont cuits à la maison dans un four en argile (ἰπνός / ipnos) surélevé par des pieds. Une technique de cuisson plus rustique consiste à déposer des charbons ardents sur le sol en terre et de recouvrir le tas d'un couvercle en cloche ( πνιγεὐς / pnigeus) ; quand le sol est suffisamment chaud, on pousse les charbons sur le côté, on dépose les pâtons et le couvercle est remis en place, sous les charbons. Le four en pierre n'apparaît qu'à l'époque romaine. D'après une prescription de Solon, législateur athénien du VIe siècle av. J.-C., le pain de froment doit être réservé aux jours de fête. Cependant, dès l'époque classique et pour peu qu'on en ait les moyens, on le trouve tous les jours chez la boulangère, profession qui apparaît à Athènes au Ve siècle. L'orge est plus facile à produire mais peu panifiable. Elle donne des pains nourrissants mais très lourds. De ce fait, elle est plutôt grillée puis moulue pour donner une farine ( ἄλφιτα / álphita), laquelle sert à fabriquer (le plus souvent sans cuisson puisque les grains ont déjà été grillés) la μᾶζα / mãza, le plat de base grec, comme le souligne le surnom de « mangeurs d'orge » dont les Romains affublaient les Grecs. Dans la Paix, Aristophane emploie l'expression ἔσθειν κριθὰς μόνας, littéralement « ne manger que de l'orge », équivalent du français « être au pain sec et à l'eau ». Nous connaissons plusieurs recettes de la maza : elle peut être servie cuite ou crue, sous forme de bouillie, de boulettes ou de galettes. Là encore, la maza peut être agrémentée de fromage ou de miel. Fruits et légumes Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin La présence de figues carbonisées, près des restes de raisin, laisse supposer qu'elles ont servi d'adjuvant sucré pour camoufler l'amertume du jus des vignes sauvages. Les céréales sont souvent servies avec un accompagnement appelé génériquement ὄψον / ópson. Le mot désigne d'abord tout ce qui se prépare sur le feu, et par extension tout ce qui accompagne le pain. À partir de l'époque classique, il s'agit de poisson et de légumes : choux, oignons, lentilles, fèves, différentes espèce de gesses, vesces ou encore pois chiches. Ils sont servis en soupe, bouillis ou en purée ( ἔτνος / étnos), assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre, de γάρον / gáron — sauce de poisson proche du nuoc mam vietnamien — et d'herbes. S'il faut en croire Aristophane, la purée est l'un des plats favoris d'Héraclès, toujours représenté comme un goinfre dans la comédie. Les plus pauvres consomment couramment des glands de chêne ( βάλανοι / bálanoi). Les olives sont une garniture fréquente, qu'elles soient crues ou confites. En ville, les légumes frais sont chers et peu consommés : les citadins peu fortunés se rabattent sur les légumes secs. La soupe de lentilles ( φακῆ / phakễ) est le plat typique de l'ouvrier. Les rations militaires typiques contiennent de l'ail, des oignons et du fromage. Aristophane évoque ainsi le « rot de mangeur d'oignon » typique du soldat ; ailleurs, le chœur chante la paix et sa « joie d'être délivré du casque / du fromage et des oignons ». Les fruits, frais ou secs, sont mangés en dessert. Ce sont principalement les figues, les grenades, les noix et noisettes. Les figues sèches sont également consommées en apéritif, en buvant du vin. Dans ce cas, elles sont souvent accompagnées de graines de lupin, de châtaignes, de pois chiches ou de faines grillées. Viande Manger de la viande est chose rare, sauf aux fêtes ou autres banquets. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée mais aussi son implantation : à la campagne, la chasse (principalement le piégeage pour les petites gens) permet de consommer du lièvre et des oiseaux. Les paysans possèdent également des basses-cours les fournissant en poulets et en oies ; les propriétaires un peu aisés ou riches pratiquent un élevage d'appoint de chèvres, porcs et moutons, et les chasseurs s'offrent le produit de leurs prises : sangliers, cerfs. À la ville, les viandes sont chères, à l'exception de la viande de porc : à l'époque d'Aristophane, un cochon de lait coûte trois drachmes, soit trois jours de travail d'un ouvrier de chantier public. Les riches comme les pauvres consomment des saucisses. Des boudins faits d'estomac de chèvre bourrés de graisse et de sang sont déjà mentionnés dans l'Odyssée. La civilisation mycénienne pratiquait l'élevage de bovins pour leur viande. Au VIIIe siècle av. J.-C. encore, Hésiode décrit son idéal de festin campagnard : « puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Byblos, une galette bien gonflée et du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée ». La viande est beaucoup moins mentionnée dans les textes de l'époque classique que dans la poésie archaïque ; il est possible que cette évolution ne reflète pas une évolution des habitudes de consommation, mais seulement les codes de chaque genre littéraire. La consommation de viande a principalement lieu à l'occasion des sacrifices religieux qui donnent lieu à des festins civiques : la part des dieux (graisse, fémurs et viscères) est brûlée alors que la part des hommes (viande) est grillée et distribuée aux participants. Il existe parallèlement un commerce florissant de viandes cuites ou salées, qui semblent elles aussi être issues de sacrifices. La technique bouchère grecque a ceci de particulier que l'animal n'est pas découpé suivant le type de morceau, mais en portions de poids égal : chacune d'entre elles peut donc être composée presque entièrement de graisse et d'os ou au contraire seulement de viande, et mêler morceaux à braiser, rôtir, bouillir ou griller. Un passage de comédie illustre les problèmes que la pratique suscite : « Chairéphon achetait un jour de la viande ; le boucher, dit-on, lui en coupa par hasard un morceau très osseux. Il lui dit : « Boucher, ne compte pas l'os », ce à quoi celui-ci répondit : « Mais la viande est tendre : on dit qu'elle l'est quand elle est près de l'os. » Et Chairéphon de dire : « Soit, cher ami, mais son poids supplémentaire me chagrine, où qu'il se trouve. » En Crète, les meilleures parts sont allouées aux citoyens particulièrement sages ou bons guerriers ; dans d'autres cités, comme Chéronée, les portions sont tirées au sort, ce qui donne à chacun une chance égale d'obtenir un bon ou un mauvais morceau. Par conséquent, un Grec achetant sa viande au marché ne peut guère choisir qu'entre les abats et la viande à proprement parler : aucune source n'en montre commandant une côtelette ou un gigot. Les Spartiates se nourrissent principalement d'un ragoût de porc, le brouet noir ( μέλας ζωμός / mélas zômós). Plutarque indique que « parmi les plats, celui qu'ils apprécient le plus est le brouet noir ; c'est au point que les vieillards ne demandent même pas de viande ; ils la laissent aux jeunes et font leur dîner du brouet qu'on leur verse. » C'est pour les Grecs un véritable sujet de curiosité. « Bien sûr que les Spartiates sont les plus courageux de tous les hommes », plaisante un Sybarite, « n'importe quel homme de bon sens préférerait mourir mille morts plutôt que de mener une si pauvre vie. » Le plat est composé de viandes rôties de chèvre et porc, de sel, de vinaigre et de sang. Il est complémenté de maza, de figues et de fromage et parfois gibier ou de poisson. Élien, auteur du IIe-IIIe siècle, prétend que Sparte défend à ses cuisiniers de savoir préparer autre chose que de la viande. Poisson L'attitude des Grecs face au poisson varie suivant l'époque. Comme le remarquent les Grecs eux-mêmes, on ne mange pas de poisson dans l’Iliade, mais seulement des viandes rôties. Platon l'explique par l'austérité des mœurs de l'époque mais il semble qu'au contraire, le poisson ait alors été perçu comme la nourriture des pauvres. L’Odyssée évoque bien que les compagnons d'Ulysse mangent du poisson, mais uniquement parce qu'ils sont affamés après être passés par Charybde et Scylla et parce qu'ils doivent se nourrir de ce qui leur tombe sous la main. Au contraire, à l'époque classique, le poisson devient un mets de luxe, recherché par les plus fins gourmets et suscitant, à l'époque hellénistique, des traités spécialisés, comme celui de Lyncée de Samos sur L'Art d'acheter du poisson pour pas cher. Pour autant, tous les poissons ne se valent pas. Une stèle de la fin du IIIe siècle av. J.-C. provenant de la petite cité béotienne d'Akraiphia, sur le lac Copaïs, fournit une liste de poissons et de leurs prix respectifs, probablement pour protéger les consommateurs d'augmentations excessives : le moins cher est le skaren (sans doute du perroquet de mer), tandis que la ventrèche de thon coûte trois fois plus cher. Le poète Ériphe range les seiches avec la ventrèche de thon, la tête de loup et le congre au rang des mets dignes des dieux, et que les pauvres ne peuvent pas s'offrir. Les convives du banquet mis en scène par Athénée au IIe-IIIe siècleapr. J.-C. consacrent une grande partie de leur conversation à des considérations œnophiles et gastronomiques. Ils discutent des mérites comparés de tels vins, légumes ou viandes ; évoquent des plats renommés (seiches farcies, ventrèche de thon, écrevisses de mer, laitues arrosées de vin au miel) et grands cuisiniers — ainsi de Sotéridès, cuisinier du roi Nicomède Ier de Bithynie (IIIe siècle av. J.-C.). Alors que son maître, en pleines terres, se languit d'anchois, il lui en sert des imitations : des raves femelles soigneusement découpées en forme d'anchois, huilées, salées et saupoudrées de graines de pavot noires. Cet exploit de cuisinier, la Souda, encyclopédie byzantine, l'attribue par erreur au gourmet romain M. Gavius Apicius (Ier siècle av. J.-C.) — preuve qu'alors les Grecs n'ont plus rien à envier aux Romains. Au plus bas de l'échelle, les sardines, les anchois et autre menu fretin constituent l'ordinaire des citoyens athéniens. Parmi les autres poissons de mer courants, on peut citer le thon blanc, le rouget, la raie, l'espadon ou encore l'esturgeon, mets de choix consommé salé. Le lac Copaïs est lui-même fameux pour fournir des anguilles, renommées dans toute la Grèce et chantées par le héros des Acharniens. Parmi les autres poissons d'eau douce, on peut citer le brochet, la carpe ou le peu apprécié poisson-chat. Les Grecs apprécient également les œufs de poisson et fruits de mer : coquillages, seiches ( σηπία), poulpes ( πολύπους) et calmars ( τευθίς) sont frits ou grillés et servis comme amuse-gueule, comme accompagnements ou dans les banquets quand ils sont de petite taille ; des oursins ; les spécimens de grande taille relèvent du répertoire de la grande cuisine. Seiches et poulpes sont des cadeaux traditionnels lors de la fête des Amphidromies, lorsque les parents nomment leur enfant. S'agissant des coquillages, on peut probablement reconnaître dans ceux que citent les sources le bulot, la moule, la grande nacre, l'ormeau, la palourde, la patelle, le pétoncle ou praire ou encore le troque. Galien est le premier à mentionner la consommation de l'huître ( ὄστρεον) crue. Enfin, le crabe ( καρκίνος), le homard ( ἀστακός), la langoustine ( κάραϐος), la cigale de mer ( ἄρκτος) sont appréciés. L'oursin ( ἐχῖνος) est davantage connu le long des côtes. Le poisson est issu d'une pêche le plus souvent individuelle, très près des côtes et très artisanale, voire à la main. Si l'on peut supposer l'existence de criées, la plus grande partie de la pêche semble être vendue sur les marchés des cités, sur des étals spécialisés. Le poisson se présente souvent sous forme salée. Le procédé est surtout courant pour les petits poissons : l'expression « moins cher que le poisson saur » désigne un bien extrêmement commun et très bon marché. Il est également appliqué aux poissons gras — bonite, thon, maquereau, ange de mer, esturgeon — et même aux crabes et aux oursins. Œufs et fromage Les Grecs élèvent des canards, des oies, des cailles et des poules en partie pour leurs œufs. Certains auteurs louent également les œufs de faisan et d'oie. Les oiseaux dans le commerce, chez un boucher, sont vivants et tués à la demande, mais on peut supposer qu'ils étaient assez rares. Les œufs sont consommés durs ou à la coque en tant que hors-d'œuvre ou inversement, comme desserts, ou encore gobés. Ils sont également employés, sous forme de blancs, de jaunes ou entiers, dans la fabrication de certains plats. Le lait ( γάλα / gála) est bu par les paysans mais n'est quasiment pas employé en cuisine. Le beurre ( βούτυρον / boútyron) est connu mais lui aussi peu employé : les Grecs considèrent son usage comme une caractéristique des Thraces, qu'ils considèrent volontiers comme des rustres incultes, que le poète comique Anaxandridès surnomme les « mangeurs de beurre ». En revanche, ils apprécient les produits laitiers. On sert comme friandise ce qui devait ressembler à du yaourt, le πυριατή / pyriatế. Surtout, le fromage ( τυρός / tyrós), de chèvre ou de brebis, est un aliment de base. On le vend dans des boutiques distinctes suivant qu'il est frais ou non, le premier coûtant environ les deux tiers du prix du second. On le mange seul ou en mélange avec du miel ou des légumes. Il entre également, comme ingrédient, dans la préparation de bon nombre de plats, y compris de poisson. L'unique recette préservée du cuisinier sicilien Mithécos (Ve siècle av. J.-C.) indique ainsi : « cépole : videz, enlevez la tête, rincez et levez les filets ; ajoutez de l'huile et du fromage ». Cependant, cette utilisation du fromage est controversée : Archestrate avertit ses lecteurs que les cuisiniers siciliens gâchent le bon poisson en y ajoutant du fromage. Boissons La boisson la plus répandue est évidemment l'eau. Aller chercher de l'eau est la corvée quotidienne des femmes. Si le puits est inévitable, on préfère naturellement l'eau « d'une source toujours coulante et jaillissante, qui n'est pas trouble ». L'eau est reconnue comme nourrissante — elle fait grandir les arbres et les plantes — mais aussi comme désirable. Pindare juge ainsi « agréable comme le miel » l'eau d'une fontaine. Les Grecs peuvent qualifier une eau de lourde, sèche, acide, douce ou dure, vineuse, etc. Un personnage du poète comique Antiphane jure qu'il reconnaîtrait entre toutes l'eau de l'Attique par son bon goût. Enfin, Athénée cite un certain nombre de philosophes réputés pour ne boire que de l'eau, habitude conjuguée à une alimentation végétarienne (cfr. ci-dessous). On boit aussi couramment du lait de chèvre et de l'hydromel. L'ustensile habituel pour boire est le scyphos, ustensile en bois, en terre cuite ou en métal. Critias préservé par Plutarque mentionne ainsi le cothon, gobelet spartiate qui présente l'avantage, à l'armée, de cacher à la vue la couleur de l'eau et de retenir dans ses bords la boue qui peut s'y trouver. On utilise également la coupe à boire appelée kylix (à pied et large vasque), et dans les banquets, le canthare (coupe profonde à pieds) ou encore le rhyton (cornet à boire souvent plastique, c'est-à-dire à la panse moulée en forme de tête d'homme ou d'animal). Le vin La Grèce découvre probablement la viticulture au cours des IVe et IIIe millénaires av. J.-C. Elle est bien attestée par des tablettes écrites en linéaire A et en linéaire B, qui évoquent des vignobles, des vignes associées avec des arbres ou des céréales, et des vins doux, passerillés ou miellés. Homère et Hésiode décrivent les travaux de la vigne comme des pratiques traditionnelles. Les Travaux et les Jours montrent ainsi le viticulteur vendangeant des grappes bien mûres, qu'il laisse sécher au soleil pendant dix jours pour concentrer les sucres ; la technique est utilisée jusqu'à l'époque d'Hippocrate et de Dioscoride. Les grappes sont ensuite foulées dans des foulons portatifs puis pressées. Le moût est placé dans des pithoi, sorte de jarres rendues étanches à la poix, à demi-enterrées pour assurer une température stable, et laissées à fermenter pendant 10 à 30 jours. Les jarres sont ensuite bouchées jusqu'à la fin de l'hiver, ce qui correspond en Attique à la fête des Anthestéries. Théophraste, auteur d’un Traité de l'ivresse, montre au IIIe siècle av. J.-C. dans Histoire des Plantes que le « thériclée » utilisé pour consommer le vin est un calice, lorsqu'il parle du térébinthe, expliquant que l'on ne peut distinguer ceux de térébinthe de ceux de terre. Selon Théophraste, c’est le potier de terre corinthien Thériclès, contemporain d'Aristophane, qui imagina cette sorte de récipient. Le vin a été à une époque reculée, antérieure à son époque, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l’eau, afin d’user d’une boisson bien détrempée, de sorte qu’après en avoir bu, on fût moins avide de ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. Le vin est vinifié aussi bien en rouge qu'en rosé et en blanc. Les cépages employés sont très nombreux : Pramnos, Maronée, Phanaios de Chios, biblin de Phénicie, psithia, mersitis, etc On trouve toutes sortes de productions, des grands crus en provenance de Thasos, de Lesbos, Chios ou encore Rhodes au vin de table, et même une piquette légère, rinçage à l'eau du marc de raisin mêlé de lie, réservée à la consommation personnelle du producteur. Phanias, ami et condisciple de Théophraste, a décrit une préparation du vin dans laquelle il faut verser une partie d'eau de mer sur environ cinquante de vin doux ; il devient « anthosmias ». Il ajoute que l'anthosmias est beaucoup plus fort avec du vin de jeune plant, mais on faisait aussi de l'anthosmias en écrasant du raisin qui commençait à peine à tourner. Le vin doit être vendu pur. Vendre du vin coupé est une fraude contre laquelle les Géoponiques donnent des astuces : il suffit de jeter dans le vin un objet léger comme un morceau de pomme ou de poire, ou une cigale : si le vin est pur, l'objet flotte. Le vin est généralement consommé coupé d'eau ; pur, il n'est pas recommandé pour un usage courant : il semble en effet que son degré alcoolique ait été plus élevé que le vin actuel. Ceux de Santorin, de Crète, de Messénie, d'Arcadie et d'Attique varient entre 13° et 15°, voire atteignent 17° pour les plus forts. Le vin est mélangé dans un cratère et puisé par les esclaves à l'aide d'œnochoés (cruches) pour être servi dans les kylix (coupes) des buveurs. Le vin peut également aromatisé au miel, à la cannelle ou au thym. Élien mentionne également un vin mélangé de parfum. On connaît également le vin cuit et, à Thasos, un vin qualifié de « doux ». Certains vins sont salés, comme à Lesbos, en ajoutant de l'eau de mer ou en faisant tremper les grappes séchées au soleil dans de l'eau de mer ; si le goût semble avoir été apprécié, il peut également s'agir d'un moyen pour empêcher le vin de tourner. On connaît également, à l'époque romaine, un ancêtre du retsina (vin additionné de résine de pin) et du vermouth. Le vin pur peut être en revanche employé comme médicament ; de manière générale, on prête au vin des vertus médicales étonnantes. Élien mentionne ainsi que le vin d'Héraia en Arcadie rend fous les hommes et les femmes fertiles ; inversement, un vin achéen aide les femmes désirant avorter. Hors de ces applications thérapeutiques, la société grecque réprouve la consommation de vin par les femmes. S'il faut en croire Élien, une loi de Massalia l'interdit même et prescrit aux femmes de ne boire que de l'eau. Sparte est la seule cité où les femmes boivent couramment du vin. Les vins réservés à un usage local sont stockés dans des outres de peau. Ceux destinés à la vente sont versés dans des pithoi ( πίθοι / píthoi), grandes jarres en terre cuite. On les transvase ensuite dans des amphores enduites de poix, pour les vendre au détail. Les grands crus comportent des estampilles du producteur et/ou des magistrats de la cité afin de garantir leur origine (principe des appellations d'origine contemporaines). Cycéon et ptisane Les Grecs buvaient le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge allongé d'eau et additionné d'herbes et d'aromates. Dans l’Iliade, la boisson préparée pour Machaon par une servante est un cycéon comportant du fromage de chèvre râpé en plus de l'oignon. Dans l’Odyssée, Circé y ajoute du miel et un philtre magique. Dans l’Hymne homérique à Déméter, la déesse refuse du vin rouge mais accepte un cycéon composé d'eau, de farine et de menthe pouliot. Utilisé comme boisson sacrée dans les mystères d'Éleusis, le cycéon est aussi un breuvage populaire, surtout à la campagne : Théophraste montre dans ses Caractères un rustre ayant bu force cycéon et incommodant ses voisins par son haleine à l'Assemblée. La boisson est réputée pour ses vertus digestives : dans la comédie La Paix, le dieu Hermès la recommande au héros qui a abusé de fruits secs. Décoction d'orge, la ptisane est une décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de nourriture habituelle aux malades. Hippocrate la recommande plus particulièrement dans l'alimentation des patients atteints de maladies aiguës. Régimes alimentaires particuliers À l'époque archaïque et classique, la frugalité, imposée par les conditions physiques et climatiques grecques, est érigée en vertu. Les Grecs n'ignorent pas le plaisir que l'on peut prendre à se nourrir, mais celui-ci doit rester simple. Le campagnard Hésiode, cité plus haut, considère comme un festin de la viande grillée, du lait et des galettes, le tout à l'ombre par une belle journée. Encore le meilleur repas est-il celui qui est gratuit : « bombance sans écot n'est pas à laisser perdre », remarque le philosophe Chrysippe. La recherche culinaire et gastronomique est en revanche rejetée comme un signe de mollesse toute orientale : les Perses sont considérés comme décadents en raison de leur goût du luxe, qui se manifeste dans leur gastronomie. Les auteurs grecs se complaisent à décrire la table du Grand Roi achéménide et de sa cour : Hérodote, Cléarque de Soles, Strabon et plus encore Ctésias sont unanimes dans leurs descriptions. Au contraire, les Grecs se complaisent à souligner l'austérité de leur régime alimentaire. Plutarque raconte ainsi qu'un roi du Pont, curieux de goûter le fameux « brouet noir » spartiate, achète un cuisinier laconien. Il goûte le plat et le trouve très mauvais ; le cuisinier répond « Ô roi, pour goûter ce brouet, il faut s'être d'abord baigné dans l'Eurotas. » Selon Polyen, Alexandre le Grand, en découvrant la salle à manger du palais royal perse, se moque de leur goût pour la nourriture et y voit la cause de leur défaite. Pausanias de Sparte, en découvrant les habitudes alimentaires du Perse Mardonios, aurait pareillement ridiculisé les Perses qui « ayant le moyen de vivre [ainsi], est venu attaquer [les Grecs] pour [leur] ravir ce dont [ils] viv[ent] ainsi misérablement ». Conséquence de ce culte affiché de la frugalité, la cuisine reste longtemps le domaine des femmes, qu'elles soient libres ou esclaves. Malgré tout, dès la période classique, la réalité semble ne pas correspondre totalement au tableau peint par les Grecs : on voit déjà mentionner des spécialistes de l'art culinaire. Élien et Athénée mentionnent les mille cuisiniers accompagnant, à l'époque de Clisthène, Smindyridès de Sybaris dans son voyage à Athènes — même si c'est pour stigmatiser sa « mollesse ». Platon mentionne ainsi « Théarion le cuisinier, Mithécos, l'auteur d'un traité sur la cuisine sicilienne, et Sarambos, le marchand de vins, trois éminents connaisseurs en gâteaux, en cuisine et en vins. » Certains cuisiniers écrivent des traités de cuisine. Au fil du temps, de plus en plus de Grecs se présentent comme gourmets. Élien explique ainsi : « à Rhodes, celui qui fait grand cas des poissons et les apprécie et qui dépasse tout le monde en gourmandise est, dit-on, loué par ses concitoyens comme un noble esprit. » À la période hellénistique puis romaine, malgré les revendications de frugalité, les Grecs — du moins les riches — ne se montrent guère plus austères qu'ailleurs. Le végétarisme L'orphisme et le pythagorisme, deux courants religieux et philosophiques grecs, ont proposé un mode de vie différent, fondé sur l'idée de pureté et donc de purification ( κάθαρσις / kátharsis) — c'est au sens propre une ascèse : ἄσκησις / áskêsis signifie d'abord un exercice, puis un mode de vie particulier. Dans ce cadre, le végétarisme est un élément central de l'orphisme et d'un certain nombre de variantes du pythagorisme. L'enseignement de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) est plus difficile à cerner. Les auteurs de la Comédie moyenne, comme Alexis ou Aristophon, décrivent des pythagoriciens strictement végétariens, certains subsistant même au pain et à l'eau. Cependant, d'autres traditions se contentent d'interdire la consommation de certains légumes, comme la fève, d'animaux sacrés comme le coq blanc, ou même seulement certaines parties d'animaux. En outre, même des pythagoriciens mangent de la viande de temps à autre dans le cadre des banquets sacrificiels, afin d'obéir à leurs devoirs religieux : « c'est uniquement dans les animaux qu'il est permis de sacrifier que l'âme de l'homme ne peut pas pénétrer ; c'est pourquoi il faut manger les animaux du sacrifice, si nécessaire, et jamais les autres. » Empédocle condamne la consommation de viande et adopte une position proche du végétarisme moderne. On la justifie souvent par la croyance en la transmigration des âmes et la justice que l'on doit aux créatures : « Jeûnez de la méchanceté ! » L'âme de chacune des créatures, humaines, animales ou végétales, passe d'un corps à un autre, de la mort à la naissance et de la naissance à la mort, pour se purifier. On a fait observer qu'Empédocle aurait dû également refuser de manger des végétaux, puisqu'il croit que son âme s'est déjà incarnée en buisson : Dodds voit dans le végétarisme une conséquence de l'« antique horreur du sang versé » : Orphée enseigne de ne pas verser le sang. D'autres contestent l'attribution à Empédocle de la doctrine de la métempsycose, et lient son végétarisme à la doctrine suivant laquelle tous les êtres vivants sont parents : il faut donc ne manger que les fruits des plantes à maturité. Le sacrifice aux dieux devient symbolique : « Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût une vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il distribua à toute l'assemblée des jeux Olympiques. » Dans son Manger la chair, Plutarque (Ier-IIe siècles apr. J.-C.) reprend la thématique de la barbarie du sang versé et, renversant le débat habituel, somme l'homme zoophage de justifier son choix. Le néoplatonicien Porphyre de Tyr (IIIe siècle), dans son De l'abstinence, rattache le végétarisme aux Mystères crétois et recense les végétariens du passé en commençant par Épiménide, selon qui c'est Triptolème, à qui Déméter a confié le blé pour apprendre l'agriculture à l'humanité, qui est à l'origine du végétarisme : ses trois commandements sont « honore tes parents », « honore les dieux par des fruits » et « épargne les animaux ». La diète des malades Les médecins grecs s'accordent sur la nécessité d'une diète particulière pour les malades, mais le consensus s'arrête là. Dans son Régime des maladies aigües, Hippocrate rapporte que la ptisane est souvent utilisée, parce qu'elle est facile à absorber et qu'elle est réputée calmer la fièvre. Cependant, certains l'administrent épaisse, avec ses grains d'orge, tandis que d'autres la prescrivent filtrée des grains d'orge. D'autres encore n'autorisent que les boissons jusqu'au septième jour, puis passent à la ptisane et enfin, certains interdisent toute forme de nourriture solide tout au long de la maladie. Les prescriptions d'Hippocrate sont elles-mêmes évaluées de manière diverse : certains médecins accusent le grand médecin de faire jeûner les malades ; au contraire, d'autres lui reprochent de trop les nourrir. À l'époque hellénistique, l'alexandrin Érasistrate fait grief aux disciples d'Hippocrate de contraindre les malades à ne boire qu'un peu d'eau, sans prendre de nourriture : c'est en fait la doctrine des méthodistes, qui ordonnent une diète stricte pendant les 48 premières heures de la maladie. Inversement, un certain Pétronas recommande de manger du porc rôti et de boire du vin pur. Les régimes des athlètes S'il faut en croire Élien, le premier athlète à s'être soumis à un régime alimentaire particulier est Iccos de Tarente, un athlète du Ve siècle av. J.-C.. Platon confirme qu'il suit un régime très strict, l'expression « repas d'Iccos » devenant proverbiale. Pourtant, Milon de Crotone, champion olympique de lutte, est déjà réputé avaler 7,5 litres de vin, 9 kilos de pain et autant de viande par jour. Avant lui, les athlètes de l'époque classique observent un régime à base d'aliments secs ( ξηροφαγία / xêrophagía) composé de figues sèches, de fromage frais, de noix, et de pain. Le vin leur était interdit. Pythagore (soit le philosophe, soit un maître de gymnastique) est le premier à proscrire aux athlètes de manger de la viande. Par la suite, les entraîneurs appliquent une sorte de régime standard : pour prétendre au titre olympique « on doit suivre une diète particulière, ne pas prendre de desserts (…) ; on ne peut pas boire d'eau glacée ni prendre un verre de vin quand on veut. » Ce régime semble reposer sur une consommation importante de viande : Pausanias évoque un « régime carné. » Le médecin Galien reproche aux sportifs de son temps de « toujours se gaver de viandes saignantes. » Pour lui, ce régime alimentaire conduit à un épaississement de la chair et donc l'extinction de la chaleur innée du corps, à terme à la mort de l'athlète. Au contraire, il estime que le régime diététique doit être adapté à chaque sportif et prescrit par un médecin hygiéniste. Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. John Bean 2023-02-22T21:39:18.587000000 2023-02-22T22:03:19.724000000 John Bean PT21M17S 3 LibreOffice/7.5.0.3$Windows_X86_64 LibreOffice_project/c21113d003cd3efa8c53188764377a8272d9d6de Le bal des sceaux 56 LE BAL DE SCEAUX. Monsieur le comte de Fontaine, chef de l'une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant les longues guerres que les Vendéens firent à la république. Après avoir eu le bonheur d'échapper à la mort, en courant les dangers dont les soldats royalistes étaient menacés durant cette orageuse et salutaire époque de l'histoire contemporaine, il disait gaîment : Je suis un de ceux qui se sont fait tuer sur les marches du trône ! Mais cette plaisanterie n'était pas sans quelque vérité pour un homme laissé parmi les morts à la sanglante journée des Quatre-Chemins. Quoique ruiné par des confiscations, ce fidèle Vendéen refusa constamment de remplir les places lucratives qui lui furent offertes par l'empereur Napoléon. Invariable dans sa religion aristocratique, il en avait aveuglément suivi les maximes quand il jugea convenable de se choisir une compagne. Au mépris des séductions dont l'entourait la famille d'un riche parvenu de la révolution, l'ex-comte épousa une jeune fille sans fortune qui appartenait à la meilleure maison de la province. La restauration surprit M. de Fontaine chargé d'une nombreuse famille. Quoiqu'il n'entrât pas dans les idées du généreux gentilhomme de solliciter des grâces, il céda néanmoins aux désirs de sa femme, quitta la petite terre dont le revenu modique suffisait à peine aux besoins de ses enfants, et vint à Paris. Contristé de l'avidité avec laquelle ses anciens camarades convoitaient la curée des places et des dignités créées par l'empire, il allait retourner à sa terre, lorsqu'il reçut une lettre ministérielle, dans laquelle une Excellence assez connue lui annonçait sa nomination au grade de maréchal-de-camp, en vertu de l'ordonnance qui permettait aux officiers des armées catholiques de compter les vingt premières années du règne de. Louis XVIII comme années de service. Puis, quelques jours après, le Vendéen reçut, sans aucune sollicitation , et d'office, l'ordre de la Légion d'Honneur et celui de Saint-Louis. Ébranlé dans sa résolution par ces grâces successives, dont il se croyait redevable au souvenir du monarque , il pensa qu'il ne devait plus se contenter de mener sa famille, comme il l'avait pieusement fait chaque dimanche, crier vive lé Roi dans la salle des maréchaux, quand les princes se rendaient à la chapelle. Il sollicita la faveur d'une entrevue particulière. Cette audience lui fut gracieusement accordée, mais n'eut rien de particulier. Le salon royal était plein de vieux serviteurs dont les têtes poudrées, vues d'une certaine hauteur, ressemblaient à un tapis de neige. Le gentilhomme retrouva beaucoup d'anciens compagnons qui le reçurent d'un air un peu froid. Les princes lui parurent adorables. Cette expression d'enthousiasme lui échappa, quand le plus gracieux de ses maîtres, dont il ne se croyait connu que de nom, vint à lui, lui serra la main et le proclama à haute voix, le plus pur des Vendéens. Mais aucune de ces royales personnes n'eut l'idée de lui demander ni le compte des pertes qu'il avait subies, ni celui de l'argent qu'il avait versé dans les caisses de l'armée catholique. Il s'aperçut, un peu tard, qu'il avait fait la guerre à ses dépens. Vers la fin de la soirée, il hasarda une allusion fort spirituelle à l'état de ses affaires, état qui devait être celui de bien des gentilshommes. Sa majesté se prit à rire d'assez bon cœur, car tout ce qui était marqué au coin de l'esprit avait le don de lui plaire ; mais elle répliqua par une de ces royales plaisanteries dont la douceur est plus à craindre que la colère d'une réprimande. Un des plus intimes confidents du roi ne tarda pas à s'approcher du Vendéen calculateur, et fit entendre à M. de Fontaine, par une phrase fine et polie, que le moment n'était pas encore venu de compter avec les maîtres ; qu'il y avait sur le tapis des mémoires plus arriérés que le sien, et qui devaient sans doute servir à l'histoire de la révolution. Le comte sortit prudemment du groupe vénérable qui décrivait un respectueux demi- cercle devant l'auguste famille ; puis après avoir, non sans peine, dégagé son épée parmi les jambes grêles où elle était engagée, il regagna pédestrement, à travers la cour des Tuileries, le fiacre qu'il avait laissé en station sur le quai. Avec cet esprit rétif qui distingue la noblesse de vieille roche, chez laquelle le souvenir de la Ligue et des Barricades n'est pas encore éteint, il se plaignit dans le fiacre, à haute voix et de manière à se compromettre, sur le changement survenu à la cour. — Autrefois, se disait-il, chacun parlait librement ; au roi de ses petites affaires, et tous les seigneurs pouvaient à leur aise lui demander des grâces et de l'argent. Ne voilà-t-il pas qu'aujourd'hui l'on n'obtiendra pas, sans scandale, de se faire rembourser les sommes avancées pour son service ! Morbleu ! la croix de Saint-Louis et le grade de maréchal-de-camp ne valent pas six cent mille livres que j'ai bel et bien dépensées pour la cause royale. Je veux parler au roi, en face, et dans son cabinet. Cette scène refroidit d'autant plus le zèle de M. de Fontaine, que ses demandes d'audience restèrent constamment sans réponse, et qu'il vit les intrus de l'empire arriver à quelques-unes des charges réservées sous l'ancienne monarchie aux meilleures maisons. — Tout est perdu, dit-il un matin. Je crois, morbleu, que le roi s'est fait révolutionnaire. Sans Monsieur, qui au moins ne déroge pas, et console ses fidèles serviteurs, je ne sais en quelles mains irait un jour la couronne de France, si cela continuait. Décidément, ce qu'ils appellent le régime constitutionnel est le plus mauvais de tous les gouvernements, et ne pourra jamais convenir à la France. Louis XVIII a tout gâté à Saint-Ouen. Le comte, désespéré, se préparait à retourner à sa terre, en abandonnant avec noblesse ses prétentions à une indemnité. Tout à coup, les événements du vingt mars annoncèrent une nouvelle tempête qui menaça d'engloutir la légitimité et ses défenseurs. Semblable à ces gens généreux qui ne renvoient pas un serviteur par un temps de pluie, M. de Fontaine emprunta sur sa terre, pour suivre la monarchie en déroute, sans savoir si cette complicité d'émigration lui serait plus propice que son dévouement passé. Il avait, il est vrai, remarqué qu'à la cour les compagnons de l'exil étaient mieux reçus et plus avancés en faveur que les braves qui avaient protesté, les armes à la main, contre l'établissement de la république ; et peut-être espérait-il trouver dans ce voyage plus de profit que dans un service actif et périlleux à l'intérieur. Ses calculs de courtisanerie ne furent pas une de ces vaines spéculations qui, après avoir promis sur le papier des résultats superbes, ruinent par leur exécution. Il fut un des cinq cents fidèles, serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent. Pendant cette courte absence de la royauté, M. de Fontaine eut le bonheur d'être employé par Louis XVIII. Il eut plus d'une occasion de donner au roi des preuves d'une grande probité politique et d'un attachement sincère. Un soir, où le monarque n'avait rien de mieux à faire, il se souvint du bon mot dit par M. de Fontaine aux Tuileries. Le vieux Vendéen ne laissa pas échapper un tel à-propos, et raconta son histoire assez spirituellement pour que ce roi, qui n'oubliait rien, pût se la rappeler en temps utile. L'auguste littérateur remarqua la tournure fine donnée à quelques notes dont il avait confié la rédaction au discret gentilhomme, et cette dernière circonstance inscrivit M. de Fontaine, dans la mémoire du roi, parmi les plus loyaux serviteurs de sa couronne. Au second retour, le comte fut un de ces envoyés extraordinaires qui parcoururent les départements, avec la mission de juger souverainement les fauteurs de la rébellion. Il usa modérément du terrible pouvoir qui lui était confié ; puis, aussitôt que cette juridiction temporaire eut cessé, il s'assit dans un des fauteuils du conseil-d ‘état, devint député, parla peu, écouta beaucoup, et changea considérablement d'opinion. Quelques circonstances qui ont échappé à l'investigation des plus curieux biographes, le firent entrer assez avant dans l'intimité du prince, pour qu'un jour le malicieux monarque l'interpellât ainsi en le voyant entrer : — Mon ami Fontaine, je ne m'aviserais pas de vous nommer directeur général ni ministre ! Ni vous ni moi si nous étions employés ne resterions en place, à cause de nos opinions. Le gouvernement représentatif a cela de bon qu'il nous ôte la peine que nous avions jadis, de renvoyer nous-mêmes nos pauvres amis les secrétaires d'état. Notre conseil est une véritable hôtellerie, où l'opinion publique nous envoie souvent de singuliers voyageurs, mais enfin nous saurons toujours où placer nos fidèles serviteurs. Cette ouverture moqueuse fut suivie d'une ordonnance qui donnait à M. de Fontaine l'administration du domaine extraordinaire de la Couronne. Par suite de l'intelligente attention avec laquelle il écoutait les phrases sardoniques de son royal ami, son nom se trouva sur les lèvres du prince, toutes les fois qu'il fallut créer une commission dont les membres devaient être lucrativement appointés. Il eut le bon esprit de taire la faveur dont l'honorait le monarque, et sut l'entretenir par la manière piquante dont il racontait secrètement, dans une de ces causeries familières dont Louis XVIII était aussi avide que de billets agréablement écrits, toutes les anecdotes politiques, et, s'il est permis de se servir de cette expression, les cancans diplomatiques ou parlementaires dont l'époque était passablement féconde. On sait que les détails de sa gouvemementabilité, mot adopté par l'auguste railleur, l'amusaient infiniment. Grâces au bon sens, à l'esprit et à l'adresse de M. le comte de Fontaine, chaque membre de sa nombreuse famille, quelque jeune qu'il fût, finit, ainsi qu'il le disait plaisamment à son maître, par se poser comme un ver-à-soie sur les feuilles du budget. Ainsi, par les bontés du roi, l'aîné de ses fils parvint à une place fort éminente dans la magistrature inamovible. Le second, simple capitaine avant la restauration, obtint une légion immédiatement après son retour de Gand ; puis, à la faveur des mouvements de 1815, pendant lesquels on observa peu les règlements, il passa dans la garde royale, repassa dans les gardes-du-corps, revint dans la ligne, et se trouva lieutenant-général avec un commandement dans la Garde, après l'affaire du Trocadéro. Le dernier, nommé sous-préfet, ne tarda pas à devenir maître des requêtes et directeur d'une administration municipale de la Ville de Paris, où il était à l'abri des tempêtes législatives. Ces grâces sans éclat, secrètes comme la faveur du comte, passaient inaperçues. Quoique le père et les trois fils eussent chacun assez de sinécures pour jouir d'un revenu budgétif presque aussi considérable que celui d'un directeur-général, leur fortune politique n'excita l'envie de personne. Dans ces temps de premier établissement du système constitutionnel, peu de personnes avaient dès idées justes sur les régions paisibles du budget, dans lesquelles d'adroits favoris surent trouver l'équivalent des abbayes détruites. M. le comte de Fontaine, qui naguère encore se vantait de n'avoir pas lu la Charte, et se montrait si courroucé contre l'avidité des courtisans, ne tarda pas à faire voir à son auguste maître qu'il comprenait aussi bien que lui, l'esprit et les ressources du représentatif. Cependant, malgré la sécurité des carrières qu'il avait ouvertes à ses trois fils; malgré les avantages pécuniaires qui résultaient du cumul de quatre places, M. de Fontaine se trouvait à la tête d'une famille trop nombreuse pour pouvoir rétablir promptement et facilement sa fortune. Ses trois fils étaient riches d'avenir, de faveur et de talent ; mais il avait trois filles, et craignait de lasser la bonté du monarque. Il imagina de ne jamais lui parler que d'une seule de ces vierges pressées d'allumer leur flambeau. Le roi avait trop bon goût pour laisser son œuvre imparfaite, il aida au mariage de la première avec un receveur-général, par une de ces phrases royales qui ne coûtent rien et valent des millions. Un soir que le monarque était maussade, il se mit à sourire en apprenant qu'il existait encore une demoiselle de Fontaine, et lui trouva pour mari un jeune magistrat d'extraction bourgeoise, il est vrai, mais riche, plein de talent, et qu'il prit plaisir à créer baron. Mais lorsque le Vendéen parla de mademoiselle Emilie de Fontaine, le roi lui répondit, de sa petite voix aigrelette : — Amicus Plato, sed magis amica Natio. Puis, quelques jours après, il régala son ami Fontaine d'un quatrain assez innocent qu'il appelait une épigramme, et dans lequel il le plaisantait sur ses trois filles si habilement produites sous la forme d'une trinité ; c'était, s'il faut en croire la chronique, dans l'unité des trois personnes divines que le monarque avait été chercher son bon mot. — Si Votre Majesté daignait changer son épigramme en épithalame, dit le comte en essayant de faire tourner cette boutade à son profit. — Je n'en vois pas la rime, répondit aigrement le roi, qui ne goûta point cette plaisanterie faite sur sa poésie quelque douce qu'elle fût. Dès ce jour, son commerce avec M. de Fontaine eut moins d'aménité. Sans doute il s'était lassé de son favori. Comme presque tous les enfants venus les derniers, Emilie de Fontaine était un Benjamin gâté par tout le monde. Le refroidissement du monarque fit donc d'autant plus de peine au comte, que jamais mariage ne fut plus difficile à conclure que l'était celui de cette fille chérie. Pour concevoir tous ces obstacles, il faut pénétrer dans l'enceinte du bel hôtel où l'administrateur était logé aux dépens de la Liste Civile. Emilie, ayant passé son enfance à la terre de Fontaine, y avait joui de cette abondance qui suffit aux premiers plaisirs de la jeunesse. Ses moindres désirs y étaient des lois pour ses sœurs, pour ses frères, pour sa mère, et même pour son père. Tous ses parents en raffolaient. Arrivée à l'âge de raison, précisément au moment où sa famille fut comblée des faveurs de la fortune, l'enchantement de sa vie continua. Le luxe dont elle fut entourée lui sembla tout aussi naturel que l'étaient cette richesse de fleurs ou de fruits, et cette opulence champêtre qui avaient fait le bonheur de ses premières années. De même qu'elle n'avait éprouvé aucune contrariété dans son enfance, quand elle voulait satisfaire de joyeux désirs ; de même elle se vit encore obéie, lorsqu'à l'âge de quatorze ans elle se lança dans le tourbillon du monde. Comprenant ainsi, par degrés, les jouissances de la fortune, elle apprécia les avantages de la parure, devint amoureuse de l'élégance, s'habitua aux dorures des salons, au luxe des équipages, aux compliments flatteurs, aux recherches de la toilette, aux bijoux, aux parfums des fêtes, aux vanités de la cour. Tout lui souriait. Elle vit de la bienveillance pour elle, dans tous les yeux ; et comme la plupart des enfants gâtés, elle en profita pour tyranniser ceux qui l'aimaient, tandis qu'elle réservait ses coquetteries aux indifférents. Ses défauts ne firent que grandir avec elle. Son père et sa mère devaient tôt ou tard recueillir les fruits amers de cette éducation funeste. Mademoiselle Émilie de Fontaine était arrivée à l'âge de dix-neuf ans sans avoir voulu faire de choix parmi les nombreux jeunes gens dont la politique de M. de Fontaine peuplait ses fêtes. Cette jeune personne jouissait dans le monde de toute la liberté d'esprit que peut y avoir une femme mariée. Sa beauté était si remarquable, que, pour elle, paraître dans un salon, c'était y régner. Semblable aux rois, elle n'avait pas d'amis, et devenait partout l'objet d'une flatterie à laquelle un naturel meilleur que le sien n'eût peut-être pas résisté. Aucun homme, fût-ce même un vieillard, n'avait la force de contredire les opinions d'une jeune fille dont un seul regard ranimait l'amour dans un cœur froidi. Élevée avec des soins qui avaient manqué à ses sœurs, elle peignait assez bien et dessinait encore mieux. Elle était d'une force désespérante sur le piano, avait une voix délicieuse, et savait entretenir une conversation spirituelle sur toutes les littératures. Elle parlait l'italien et l'anglais. Enfin, elle aurait pu faire croire que, comme dit Mascarille, les gens de qualité viennent au monde en sachant tout. Elle éblouissait les gens superficiels ; quant aux gens profonds, son tact naturel l'aidait à les reconnaître, et pour eux elle déployait tant de coquetterie, qu'à la faveur de ses séductions, elle savait échapper à leur examen. Elle raisonnait facilement peinture, italienne, flamande, Moyen-âge, Renaissance, littérature anglaise, jugeait à tort et à travers, faisait ressortir avec une cruelle grâce d'esprit les défauts d'un ouvrage; et la plus simple de ses phrases était reçue par la foule idolâtre, comme par les Turcs un fefta du Sultan. Ce vernis séduisant, cette brillante écorce couvraient un cœur insouciant, l'opinion commune à beaucoup de jeunes filles que personne n'habitait une sphère assez élevée pour pouvoir comprendre l'excellence de son âme, et un orgueil qui s'appuyait autant sur sa naissance que sur sa beauté. En l'absence du sentiment violent qui règne tôt ou tard dans le cœur d'une femme, elle portait sa jeune ardeur dans un amour immodéré des distinctions, et témoignait le plus profond mépris pour tous les gens qui n'étaient pas nobles. Fort impertinente avec la nouvelle noblesse, elle faisait tous ses efforts pour que ses parents marchassent de pair au milieu des familles les plus anciennes du faubourg Saint Germain. Ces sentiments n'avaient pas échappé à l’œil observateur.de M. de Fontaine, qui plus d'une fois eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d’Émilie, lorsqu'il maria ses deux premières filles. Les gens logiques s'étonneront d'avoir vu le vieux Vendéen donner sa première fille à un receveur-général qui, à la vérité, possédait bien quelques anciennes terres seigneuriales, mais dont le nom n'était cependant pas précédé de cette particule à laquelle le trône dut tant de défenseurs, et la seconde à un magistrat baronnifié, mais trop récemment encore pour faire oublier que le père avait vendu des fagots. Ce notable changement dans les idées du noble Vendéen, et au moment où il atteignait sa soixantième année, époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances, n'était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat de l'amitié du roi et de ses conseils. Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le Vendéen aux idées qu'exigeaient la marche du dix-neuvième siècle et la rénovation de la monarchie. Louis XVIII voulait fondre les partis, comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes. Le roi légitime, peut-être aussi spirituel que son rival, agissait en sens contraire. Le chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers-état et les gens de l'empire, en contenant le clergé, que le premier des Napoléon avait été jaloux d'attirer auprès de lui les grands seigneurs ou à doter l'église. Confident des royales pensées, le conseiller d'état était insensiblement devenu l'un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement, au nom de l'intérêt national, la fusion de toutes les opinions. Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations de la révolution renaissante. Peut-être M. de Fontaine se flattait-il d'arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont il voyait des effets si bizarres ; car un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d'autre noblesse que la pairie, puisque les familles à manteau bleu étaient les seules qui eussent des privilèges. — En effet, disait-il, comment concevoir une noblesse sans privilèges ? c'est un manche sans outil. Aussi éloigné du parti de M. de Lafayette que du parti de M. de La Bourdonnaye, il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale, d'où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France. Il cherchait à convaincre toutes les familles chez lesquelles il avait accès, du peu de chances favorables qu'offraient désormais la carrière militaire et l'administration; il engageait les mères à lancer leurs enfants dans les professions indépendantes et industrielles, en leur donnant à entendre que les emplois militaires et les hautes fonctions du gouvernement finiraient par appartenir très constitutionnellement aux cadets des familles nobles de la pairie, et que la nation avait conquis une part assez large dans l'administration par son assemblée élective, par les places de la magistrature, et par celles de la finance qui seraient toujours l'apanage des notabilités du tiers-état. Les nouvelles idées du chef de la famille de Fontaine, et les sages alliances qui en étaient résultées pour ses deux premières filles avaient rencontré une forte opposition au sein de son ménage. La comtesse de Fontaine resta fidèle aux vieilles croyances aristocratiques, peut-être parce qu'elle appartenait aux Montmorency du côté de sa mère. Aussi s'opposa-t-elle un moment au bonheur et à la fortune qui attendaient ses deux filles aînées ; mais elle fut forcée de céder à ces considérations secrètes que les époux se confient le soir quand leurs têtes reposent sur le même oreiller. M. de Fontaine démontra froidement à sa femme par d'exacts calculs, que le séjour de Paris, l'obligation d'y représenter, la splendeur de sa maison (splendeur qu'il ne blâmait pas puisqu'elle les dédommageait, quoique tardive, des privations qu'ils avaient courageusement partagées au fond de la Vendée); les dépenses faites pour leurs fils absorbaient la plus grande partie de leur revenu budgétaire. Il fallait donc saisir, comme une faveur céleste, l'occasion qui se présentait pour eux d'établir leurs filles aussi richement ; elles devaient jouir un jour de soixante ou quatre-vingt mille livres de rente ; des mariages aussi avantageux ne se rencontraient pas tous les jours pour des filles sans dot; enfin, il était temps de penser à économiser, pour augmenter les revenus de la terre de Fontaine afin de reconstruire territorialement l'antique fortune de leur famille. Madame de Fontaine céda, comme toutes les mères l'auraient fait, à sa place, quoique de meilleure grâce peut-être, à des arguments aussi persuasifs ; mais elle déclara qu'au moins sa fille Émilie serait mariée au gré de l'orgueil qu'elle avait malheureusement contribué à développer dans cette jeune âme. Ainsi les événements qui auraient dû répandre la joie dans cette famille, y introduisirent un léger levain de discorde. Le receveur-général et le jeune président furent en butte aux froideurs d'un cérémonial tout particulier que la comtesse et sa fille Émilie eurent le talent de créer. Leur étiquette trouva bien plus amplement lieu d'exercer ses tyrannies domestiques, lorsque le lieutenant-général épousa la fille unique d'un banquier ; quand le magistrat se maria avec une demoiselle dont le père, tout millionnaire qu'il était, avait fait le commerce des toiles peintes ; et que le troisième frère se montra fidèle à ces doctrines roturières en prenant sa jeune épouse dans la famille d'un riche notaire de Paris. Les trois belles-sœurs et les deux beaux-frères trouvaient tant de charmes et d'avantages personnels à rester dans la haute sphère des puissances politiques, à parcourir les salons du faubourg Saint-Germain, qu'ils s'accordèrent tous, pour former une petite cour à la hautaine Émilie. Ce pacte d'intérêt et d'orgueil n'était cependant pas tellement bien cimenté que la jeune souveraine n'excitât souvent des révolutions dans son petit état. Des scènes que le bon ton ne pouvait entièrement désavouer entretenaient, entre tous les membres de cette puissante famille, une humeur moqueuse qui, sans altérer sensiblement l'amitié affichée en public, dégénérait quelquefois dans l'intérieur en sentimens peu charitables. Ainsi, la femme du lieutenant-général, devenue vicomtesse, se croyait tout aussi noble qu'une Rohan, et prétendait que cent bonnes mille livres de rente lui donnaient le droit d'être aussi impertinente que l'était sa belle-sœur Émilie, à laquelle elle souhaitait par fois avec ironie un mariage heureux, en annonçant que la fille de tel pair venait d'épouser monsieur un tel, tout court. La femme du baron de Fontaine s'amusait à éclipser Émilie, par le bon goût et la richesse qui se faisaient remarquer dans ses toilettes, ses ameublemens et ses équipages. L'air moqueur dont les belles-sœurs et les deux beaux-frères accueillaient quelquefois les prétentions avouées par mademoiselle de Fontaine excitait chez elle un courroux qui ne se calmait jamais que par une grêle d'épigrammes. Lorsque le chef de la famille éprouva quelque refroidissement dans la tacite et précaire amitié du monarque, il trembla d'autant plus, que, par suite des défis railleurs de ses sœurs, jamais sa fille chérie n'avait jeté ses vues si hautes. Ce fut au milieu de ces circonstances et au moment où cette petite lutte domestique était devenue fort grave, que le monarque auprès duquel M. de Fontaine croyait rentrer en grâce, fut attaqué de la maladie dont il devait périr. En effet, le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tardèrent pas à succomber. Incertain de la faveur à venir, le comte de Fontaine fit les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille, l'élite des jeunes gens à marier. Ceux qui ont été à même de chercher à résoudre le problème difficile de l'établissement d'une fille orgueilleuse et fantasque, comprendront peut-être les peines que se donna le pauvre Vendéen. Achevée au gré de son enfant chéri, cette dernière entreprise aurait couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris. Par la manière dont sa famille envahissait les traitemens de tous les ministères, elle pouvait se comparer à la maison d'Autriche, qui, par ses alliances, menace d'envahir l'Europe. Aussi le vieux Vendéen ne se rebutait-il pas dans ses présentations de prétendus, tant il avait à cœur le bonheur de sa fille. Mais rien n'était plus plaisant que la manière dont l'impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs. On eût dit que, semblable à l'une de ces princesses des Mille et un Jours, elle fût assez riche, assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde. Elle faisait mille objections plus bouffonnes les unes que les autres. Tantôt l'un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux, l'autre était myope ; celui-ci s'appelait Durand ; celui-là boitait; presque tous étaient trop gras. Et plus vive, plus charmante, plus gaie que jamais, après avoir rejeté deux ou trois prétendus, elle s'élançait vers les fêtes de l'hiver et courait au bal où ses yeux perçans examinaient les célébrités du jour ; où souvent, à l'aide de son ravissant babil, elle parvenait à deviner les secrets du cœur le plus dissimulé, où elle se plaisait à tourmenter tous les jeunes gens et à exciter avec une coquetterie instinctive des demandes qu'elle rejetait toujours. La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires au rôle qu'elle jouait. Grande et svelte, Émilie de Fontaine avait une démarche imposante ou folâtre, à son gré. Son cou un peu long lui permettait de prendre de merveilleuses attitudes de dédain et d'impertinence. Elle s'était faite un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi-mots et les sourires. De beaux cheveux noirs, des sourcils très fournis et fortement arqués prêtaient à sa physionomie une expression de fierté que la coquetterie autant que son miroir lui avaient appris à rendre terrible ou à tempérer par la fixité ou par la douceur de son regard, par l'immobilité ou par les légères inflexions de ses lèvres, par la froideur ou la grâce de son sourire. Quand Émilie voulait s'emparer d'un cœur, sa voix pure ne manquait pas de mélodie ; mais elle savait aussi lui imprimer une sorte de clarté brève, quand elle entreprenait de paralyser la langue indiscrète d'un cavalier. Sa figure blanche et son front de marbre étaient semblables à la surface limpide d'un lac qui tour à tour se ridait sous l'effort d'une brise on reprenait sa sérénité joyeuse. Plus d'un jeune homme en proie à ses dédains, l'accusait de jouer la comédie ; mais il y avait tant de feu et tant de promesses dans ses yeux noirs, qu'elle faisait bondir les cœurs de ses élégants danseurs, sous leurs fracs noirs. Parmi les jeunes filles à la mode, nulle ne savait mieux qu'elle prendre un air de hauteur en recevant le salut d'un homme qui n'avait que du talent, déployer cette politesse insultante pour les personnes qu'elle regardait comme ses inférieures, et déverser son impertinence sur tous ceux qui essayaient de marcher de pair avec elle. Elle semblait, partout où elle se trouvait, recevoir plutôt des hommages que des compliments ; et, même chez une princesse, sa tournure et ses airs eussent converti le fauteuil sur lequel elle se serait assise en un trône impérial. Alors, mais trop tard, M. de Fontaine découvrit combien l'éducation de la fille qu'il aimait le plus, avait été faussée par la tendresse dont elle était encore l'objet. L'admiration que le monde témoigne d'abord à une jeune personne, et dont il se venge plus tard, avait encore exalté l'orgueil d’Émilie et accru sa confiance en elle-même. Les bontés dont elle était comblée par tous ceux qui l'entouraient, développèrent dans son cœur l'égoïsme naturel aux enfants gâtés qui, semblables à des rois, s'amusent de tout ce qui les approche. En ce moment, la grâce de la jeunesse et le charme des talents cachaient à tous les yeux ces défauts, d'autant plus odieux chez une femme qu'elle ne peut plaire que par le dévouement et l'abnégation. Mais rien n'échappe à l’œil d'un bon père. M. de Fontaine voulut essayer d'expliquer à sa fille les principales pages du livre énigmatique de la vie, vaine entreprise. Il eut trop souvent à gémir sur l'indocilité capricieuse et la sagesse ironique de sa fille, pour persévérer dans une tâche aussi difficile que l'était celle de corriger un si pernicieux naturel. Il se contenta de donner de temps à autre des conseils pleins de douceur et de bonté; mais il avait la douleur de voir ses plus tendres paroles glisser sur le cœur de sa fille comme s'il eût été de marbre. Les yeux d'un père se dessillent si tard, qu'il fallut au vieux Vendéen plus d'une épreuve pour s'apercevoir de l'air de condescendance avec laquelle sa fille lui accordait de rares caresses. Elle ressemblait à ces jeunes enfants qui paraissent dire à leur mère : — Dépêche-toi de m'embrasser pour que j'aille jouer. Enfin, Émilie daignait avoir de la tendresse pour ses parents. Mais souvent par des caprices soudains qui semblent inexplicables chez les jeunes filles, elle s'isolait, et ne se montrait plus que rarement. Elle se plaignait d'avoir à partager avec trop de monde le cœur de son père et de sa mère. Elle devenait jalouse de tout, même de ses frères et de ses sœurs ; et après avoir pris bien de la peine à créer un désert autour d'elle, elle accusait la nature entière de ce qu'elle restait seule. Armée de son expérience de vingt ans, elle condamnait le sort, parce que, ne sachant pas que le premier principe du bonheur est en nous, elle demandait aux choses de la vie de le lui donner. Elle aurait fui au bout du globe, pour éviter des mariages semblables à ceux de ses deux sœurs ; et parfois, elle avait dans le cœur une affreuse jalousie de les voir mariées, riches et heureuses. Enfin, quelquefois elle donnait à penser à sa mère, victime de ses procédés tout autant que M. de Fontaine, qu'elle était en proie à quelque folie. Mais cette aberration était assez explicable. En effet, rien n'est plus commun que cette secrète fierté née au cœur des jeunes personnes que la nature a douées d'une grande beauté, et qui appartiennent à une famille un peu élevée sur l'échelle sociale. Puis elles sont presque toutes persuadées que leurs mères, arrivées à l'âge de quarante ou cinquante ans, ne peuvent plus ni sympathiser avec leurs jeunes âmes, ni en concevoir les fantaisies. Elles s'imaginent que la plupart des mères jalouses de leurs filles, veulent les habiller à leur mode dans le dessein prémédité de les éclipser et de leur ravir des hommages. De là, souvent, des larmes secrètes ou de sourdes révoltes contre la prétendue tyrannie maternelle. Au milieu de ces chagrins qui deviennent réels, quoique assis sur une base imaginaire, elles ont encore la manie de composer un thème pour leur existence, et se tirent à elles-mêmes leur horoscope, sans autre magie que celle de prendre leurs rêves pour des réalités. Ainsi elles résolvent secrètement dans leurs longues méditations de n'accorder leur cœur et leur main qu'à l'homme qui possédera tel ou tel avantage. Elles dessinent clans leur imagination un type auquel il faut, bon gré mal gré, que leur futur ressemble, et ce n'est qu'après avoir expérimenté la vie et fait les réflexions sérieuses qu'amènent les années, à force de voir le monde et son train prosaïque, à force d'exemples malheureux, que les brillantes couleurs de leur figure idéale s'abolissent, et qu'elles se trouvent un beau jour, au milieu du courant de la vie, tout étonnées d'être heureuses sans la nuptiale poésie de leurs rêves. Mademoiselle Émilie de Fontaine avait, suivant cette poétique, arrêté, dans sa fragile sagesse, un programme auquel devrait se conformer celui qu'elle aimerait. De là ses dédains et ses impertinents sarcasmes. — Avant tout, s'était-elle dit, il sera jeune, et de noblesse ancienne. Encore faut-il qu'il soit pair de France ou fils aîné d'un pair : il me serait insupportable de ne pas voir mes armes peintes sur les panneaux de ma voiture au milieu des plis flottants d'un manteau d'azur, et de ne pas courir comme les princes dans la grande allée des Champs-Élysées de Longchamp. Puis, mon père prétend que ce sera un jour la plus belle dignité de France. Je le veux militaire, en me réservant de lui faire donner sa démission ; mais je le veux décoré, pour que l'on nous porte les armes. Ces rares qualités n'étaient rien, si cet être de raison n'avait pas encore une grande amabilité, une jolie tournure, de l'esprit, enfin s'il n'était pas svelte. La maigreur, cette grâce du corps, quelque fugitive qu'elle pût être, surtout dans un gouvernement représentatif, était une qualité de rigueur. Mademoiselle de Fontaine avait une certaine mesure idéale qui lui servait de modèle, et le jeune homme qui, au premier coup d’œil, ne remplissait pas les conditions voulues par le prospectus, n'obtenait même pas un second regard. — O mon Dieu ! qu'il est gras, était chez elle la plus haute expression de son mépris. A l'entendre, les gens d'une honnête corpulence étaient incapables de sentiments, mauvais maris et indignes d'entrer dans une société civilisée. Quoique ce fût une beauté recherchée en Orient chez les femmes, l'embonpoint était un malheur ; mais, chez un homme, c'était un crime. Ces opinions paradoxales amusaient, grâces à une certaine gaîté d'élocution ; mais M. de Fontaine sentit que plus tard les prétentions de sa fille, dont certains esprits féminins, clairvoyants et peu charitables, commençaient à apercevoir le ridicule, deviendraient un fatal sujet de raillerie. Il craignit que les idées bizarres de sa fille ne se changeassent en mauvais ton. Il tremblait même que le monde impitoyable ne se moquât déjà d'une personne qui restait si longtemps en scène sans donner un dénouement au drame qu'elle y jouait. Plus d'un acteur, mécontent d'un refus, paraissait attendre le moindre incident malheureux pour se venger. Les indifférées, les oisifs, commençaient à se lasser, car l'admiration semble être une fatigue pour l'espèce humaine. Le vieux, Vendéen savait mieux que personne que s'il n'existe qu'un moment pour entrer sur les tréteaux du monde, sur ceux de la cour, dans un salon, ou sur la scène, il n'y en a non plus qu'un pour en sortir. Aussi, pendant le premier hiver qui suivit l'avènement de S. M. Charles X au trône, redoubla-t-il d'efforts, conjointement avec ses trois fils et ses gendres, pour réunir dans les brillants salons de son hôtel les meilleurs partis que Paris et les différentes députations des départements pouvaient présenter. L'éclat de ses fêtes, le luxe de sa salle à manger et ses dîners parfumés de truffes rivalisaient avec les célèbres repas par lesquels les ministres du temps s'assuraient le vote de leurs soldats parlementaires. L'honorable Vendéen fut signalé comme un des plus puissants corrupteurs de la probité législative de celte chambre qui sembla mourir d'indigestion. Chose bizarre! Les efforts qu'il faisait pour marier sa fille, le maintinrent dans une éclatante faveur. Peut-être trouva-t-il quelque avantage secret à vendre deux fois ses truffes. Cette accusation due à certains libéraux railleurs, qui se vengeaient, par l'abondance des paroles, de la rareté de leurs adhérents dans la chambre, n'eut aucun succès. La conduite du gentilhomme poitevin était en général si noble et si honorable, qu'il ne reçut pas une seule de ces épigrammes dont les malins journaux de cette époque assaillirent les trois cents votants du centre, les ministres, les cuisiniers, les directeurs généraux, les princes de la fourchette et les défenseurs d'office qui soutenaient l'administration-Villèle. A la fin de cette campagne, pendant laquelle M. de Fontaine avait, à plusieurs reprises, fait donner toutes ses troupes, il crut que son assemblée de prétendus ne serait pas, cette fois, une fantasmagorie pour sa fille, et qu'il était temps de la consulter. Il avait une certaine satisfaction intérieure d'avoir si bien rempli son devoir de père ; et, comme il avait fait flèche de tout bois, il espérait que, parmi tant de cœurs offerts à la capricieuse Émilie, il pouvait s'en rencontrer au moins un qu'elle eût distingué. Incapable de renouveler cet effort, il était comme lassé de la conduite de sa fille. Vers la fin du carême, un matin que la séance de la chambre ne réclamait pas trop impérieusement son vote, il résolut de faire un coup d'autorité. Pendant qu'un valet de chambre dessinait artistement, sur son crâne jaune, le delta de poudre qui complétait, avec des ailes de pigeon pendantes, sa coiffure vénérable, le père d’Émilie ordonna, non sans une secrète émotion, à un vieux serviteur d'aller avertir l'orgueilleuse demoiselle de comparaître immédiatement devant le chef de la famille. — Joseph, dit-il au valet de chambre qui avait achevé sa coiffure, ôtez cette serviette, tirez ces rideaux, mettez ces fauteuils en place, secouez le tapis de la cheminée, essuyez partout... Allons ! Donnez un peu d'air à mon cabinet en ouvrant la fenêtre. Le comte, en multipliant ses ordres, essouffla Joseph, qui devina les intentions de son maître, et restitua quelque fraîcheur à cette pièce naturellement la plus négligée de toute la maison. Il réussit à imprimer une sorte d'harmonie à des monceaux de compte, quelque symétrie aux cartons, aux livres et aux meubles de ce sanctuaire où se débattaient les intérêts du domaine de la couronne. Quand Joseph eut achevé de mettre un peu d'ordre dans ce chaos et de placer en évidence, comme dans un magasin de nouveautés, les choses qui pouvaient être les plus agréables à voir et produire par leurs couleurs une sorte de poésie bureaucratique, il s'arrêta au milieu du dédale des paperasses qui, en quelques endroits, étaient étalées même jusque sur le tapis, il s'admira lui-même un moment, hocha la tête et sortit. Mais le sinécuriste ne partagea pas la bonne opinion de son serviteur. Avant de s'asseoir dans son immense fauteuil à oreilles, il jeta un regard de méfiance autour de lui, examina d'un air hostile la blancheur de sa robe de chambre, en chassa quelques grains de tabac, s'essuya soigneusement le nez, rangea les pelles et les pincettes, attisa le feu, releva les quartiers de ses pantoufles, rejeta en arrière sa petite queue qui s'était horizontalement logée entre le col de son gilet et celui de sa robe de chambre ; puis, après lui avoir fait reprendre sa position perpendiculaire , il donna un coup de balai aux cendres d'un foyer qui pouvait attester l'obstination de son cathare. Enfin le vieux Vendéen ne s'assit qu'après avoir repassé une dernière fois en revue son cabinet, en espérant que rien n'y pourrait donner lieu à ces remarques aussi plaisantes qu'impertinentes par lesquelles sa fille avait coutume de répondre à ses sages avis. En cette occurrence, il ne voulait pas compromettre sa dignité paternelle. Il prit délicatement une prise de tabac, et toussa deux ou trois fois comme s'il se disposait à demander l'appel nominal ; car il entendait le pas léger de sa fille qui entra en fredonnant un air de l'opéra d'il Barbiere. — Bonjour, mon père. Que me voulez-vous donc si matin ? Et, après ces paroles jetées comme la ritournelle de l'air qu'elle chantait, elle embrassa le comte, non pas avec cette tendresse familière qui rend le sentiment filial chose si douce, mais avec l'insouciante légèreté d'une maîtresse sûre de toujours plaire, quoi qu'elle fasse. — Ma chère enfant, dit gravement M. de Fontaine, je t'ai fait venir pour causer très sérieusement avec toi, sur ton avenir. La nécessité où tu es en ce moment de choisir un mari de manière à assurer ton bonheur... — Mon bon père, répondit Émilie en employant les sons les plus caressants de sa voix pour l'interrompre, il me semble que l'armistice que nous avons conclu relativement à mes prétendus n'est pas encore expiré. — Émilie, cessons aujourd'hui de badiner sur un sujet aussi important. Depuis quelque temps les efforts de ceux qui t'aiment véritablement, ma chère enfant, se réunissent pour te procurer un établissement convenable, et ce serait te rendre coupable d'ingratitude que d'accueillir légèrement les marques d'intérêt que je ne suis pas seul à te prodiguer. En entendant ces paroles la jeune fille avait jeté un regard malicieusement investigateur sur les meubles du cabinet paternel. Elle alla prendre celui des fauteuils qui paraissait avoir le moins servi aux solliciteurs, l'apporta elle-même de l'autre côté de la cheminée, de manière à se placer en face de son père, prit une attitude si grave qu'il était impossible de n'y pas voir les traces d'une moquerie, et se croisa les bras sur la riche garniture d'une pèlerine à la neige dont elle froissa les nombreuses ruches de tulle. Après avoir regardé de côté, et en riant, la figure soucieuse de son vieux père, elle rompit le silence : — Je ne vous ai jamais entendu dire, mon bon père, que le gouvernement fit ses communications en robe de chambre. — Mais, ajouta-t-elle en souriant, n'importe, le peuple n'est pas difficile. Voyons donc vos projets de loi et vos présentations officielles... — Je n'aurai pas toujours la facilité de vous en faire, jeune folle ! Enfin, écoute Émilie ? mon intention n'est pas de compromettre plus longtemps mon caractère, qui est une partie de la fortune de mes enfants, à recruter ce régiment de danseurs que tu mets en déroute à chaque printemps. Déjà tu as été la cause innocente de bien des brouilleries dangereuses avec certaines familles, j'espère que tu comprendras mieux aujourd'hui les difficultés de ta position et de la nôtre. Tu as vingt ans, ma fille, et voici près de trois ans que tu devrais être mariée. Tes frères, tes deux sœurs sont tous établis richement et heureusement. Mais, mon enfant, les dépenses que nous ont suscitées ces mariages et le train de maison que tu fais tenir à ta mère ont absorbé tellement nos revenus, que c'est tout au plus si je pourrai te donner cent mille francs de dot. Dès aujourd'hui je veux m'occuper du sort à venir de ta mère qui ne doit pas être sacrifiée à ses enfants. Je veux, Émilie, si je venais à manquer à ma famille, que madame de Fontaine ne soit à la merci de personne, et continue à jouir de l'aisance dont j'ai récompensé trop tard son dévouement à mes malheurs. Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur... Encore sera-ce un sacrifice que je n'ai fait pour aucun autre de mes enfants ; mais ils se sont généreusement accordés à ne pas se prévaloir un jour de l'avantage que nous ferons, ta mère et moi, à un enfant trop chéri. — Dans leur position ! dit Emilie en agitant la tête avec ironie. — Ma fille, que je ne vous entende jamais déprécier ainsi ceux qui vous aiment. Sachez qu'il n'y a que les pauvres de généreux ! Les riches ont toujours d'excellentes raisons pour ne pas abandonner vingt mille francs à un parent... Eh bien! ne boude pas, mon enfant! et parlons raisonnablement : parmi les jeunes gens de notre société, n'as-tu pas remarqué M. de Montalant ? — Oh! il dit zeu au lieu de jeu, il regarde toujours son pied parce qu'il le croit petit, et il se mire! D'ailleurs, il est blond, je n'aime pas les blonds — Eh bien ! M. de Grosbois ? — Il n'est pas noble. Il est mal fait et gros. A la vérité il est brun. Il faudrait que ces deux messieurs s'entendissent pour réunir leurs fortunes, et que le premier donnât son corps et son nom au second, qui garderait ses cheveux, et alors... peut-être. — Qu'as-tu à dire contre M. de Saluces ? — Il s'est fait banquier. — M. de Comines ? — Il danse mal ; mais, mon père, tous ces gens-là n'ont pas de titres. Je veux être au moins comtesse comme l'est ma mère. — Tu n'as donc vu personne cet hiver qui... — Non, mon père. — Que veux-tu donc ? — Le fils d'un pair de France. — Ma fille, dit M. de Fontaine en se levant, vous êtes folle ! Mais tout à coup il leva les yeux au ciel, sembla puiser une dose plus forte de résignation dans une pensée religieuse ; puis, jetant un regard de pitié paternelle sur son enfant qui devint émue, il lui prit la main, la serra, et lui dit avec attendrissement : — Dieu m'est témoin ! pauvre créature égarée, que j'ai consciencieusement rempli mes devoirs de père envers toi, que dis-je, consciencieusement ! avec amour, mon Émilie. Oui, Dieu sait que, cet hiver, j'ai amené près de toi plus d'un honnête homme dont les qualités, les mœurs, le caractère m'étaient connus, et tous nous ont paru dignes de toi. Mon enfant, ma tâche est remplie. D'aujourd'hui je te rends l'arbitre de ton sort, me trouvant heureux et malheureux tout ensemble de me voir déchargé de la plus lourde des obligations paternelles. Je ne sais pas si longtemps encore tu entendras une voix qui, par malheur, n'a jamais été sévère; mais souviens-toi que le bonheur conjugal ne se fonde pas tant sur des qualités brillantes et sur la fortune, que sur une estime réciproque. Cette félicité est, de sa nature, modeste et sans éclat. Va, ma fille, mon aveu est acquis à celui que tu me présenteras pour gendre ; mais si tu devenais malheureuse, songe que tu n'auras pas le droit d'accuser ton père. Je ne me refuserai pas à faire des démarches et à t'aider ; seulement si tu fais un choix, qu'il soit définitif ; je ne compromettrai pas deux fois le respect dû à mes cheveux blancs. L'affection que lui témoignait son père, et l'accent solennel qu'il mit à son onctueuse allocution touchèrent vivement mademoiselle de Fontaine ; mais elle dissimula son attendrissement, sauta sur les genoux du comte qui s'était assis tout tremblant encore , lui fit les caresses les plus douces, et le câlina avec une grâce féminine si suave que le front du vieillard se dérida. Quand Émilie jugea que son père était remis de sa pénible émotion, elle lui dit à voix basse : — Je vous remercie bien de votre gracieuse attention, mon cher père. Vous avez arrangé votre appartement pour recevoir votre fille chérie. Vous ne saviez peut-être pas la trouver si folle et si rebelle. Mais, mon père , est-ce donc bien difficile d'épouser un pair de France ? Vous prétendiez qu'on en faisait par douzaines. Ah ! vous ne me refuserez pas des conseils au moins ! — Non ! pauvre enfant ! non ! et je te crierai plus d'une fois : Prends garde ! Songe donc que la pairie est un ressort trop nouveau dans notre gouvernementabilité, comme disait le feu roi, pour que les pairs puissent posséder de grandes fortunes. Ceux qui sont riches veulent le devenir encore plus. Le plus opulent de tous les membres de notre pairie n'a pas la moitié du revenu que possède le moins riche lord de la chambre haute du parlement anglais. Or, les pairs de France chercheront tous de riches héritières pour leurs fils, n'importe où elles se trouveront ; et la nécessité où ils sont tous de faire des mariages d'argent durera encore plus d'un siècle. Il est possible qu'en attendant l'heureux hasard que tu désires, recherche qui peut te coûter tes plus belles années, tes charmes (car on s'épouse considérablement par amour dans notre siècle), tes charmes, dis-je, opèrent un prodige. Lorsque l'expérience se cache sous un visage aussi frais que le tien, l'on peut en espérer des merveilles. N'as-tu pas d'abord la facilité de reconnaître les vertus dans le plus ou le moins de volume que prennent les corps. Ce n'est pas un petit mérite. Aussi n'ai-je pas besoin de prévenir une personne aussi sage que toi de toutes les difficultés de l'entreprise. Je suis certain que tu ne supposeras jamais à un inconnu du bon sens en lui voyant une figure flatteuse, ou des vertus, parce qu'il aura une jolie tournure. Enfin je suis parfaitement de ton avis sur l'obligation dans laquelle sont tous les fils de pair d'avoir un air à eux et une manière tout-à-fait distinctive. Quoiqu’aujourd’hui rien ne marque le haut rang, ces jeunes gens-là auront pour toi, peut-être, un je ne sais quoi qui te les révélera. D'ailleurs tu tiens ton cœur en bride comme un bon cavalier certain de ne pas laisser broncher son coursier. Ma fille ! Bonne chance. — Tu te moques de moi, mon père. Eh bien ! je te déclare que j'irai plutôt mourir au couvent de mademoiselle de Condé, que de ne pas être la femme d'un pair de France. Elle s'échappa des bras de son père, et, toute fière d'être sa maîtresse, elle s'en alla en chantant l'air de Cara non dubitare du Matrimonio secreto. Ce jour-là, le hasard fit que la famille se trouva réunie pour fêter l'anniversaire d'une fête domestique. Au dessert, madame Bonneval, la femme du receveur général et l'aînée d’Émilie, parla assez hautement d'un jeune Américain, possesseur d'une immense fortune, qui, devenu passionnément épris de sa sœur, lui avait fait des propositions extrêmement brillantes. — C'est un banquier, je crois, dit négligemment Émilie. Je n'aime pas les gens de finance. - Mais, Émilie, répondit le baron de Villaine, le mari de la seconde sœur de mademoiselle de Fontaine, vous n'aimez pas non plus la magistrature, de manière que je ne vois pas trop, si vous repoussez les propriétaires non titrés, dans quelle classe vous choisirez un mari. — Surtout, Émilie, avec ton système de maigreur, ajouta le lieutenant-général. — Je sais, répondit la jeune fille, ce qu'il me faut. — Ma sœur veut un grand nom, dit la baronne de Fontaine, et cent mille livres de rente. — Je sais, ma chère sœur, reprit Émilie, que je ne ferai pas un sot mariage comme j'en ai tant vu faire. D'ailleurs, pour éviter ces discussions nuptiales que j'exècre, je déclare que je regarderai comme les ennemis de mon repos ceux qui me parleront de mariage. Un oncle d’Émilie, dont la fortune venait de s'augmenter d'une vingtaine de mille livres de rente, par suite de la loi d'indemnité, vieillard septuagénaire qui était en possession de dire de dures vérités à sa petite-nièce dont il raffolait, s'écria, pour dissiper l'aigreur de cette conversation : — Ne tourmentez donc pas cette pauvre Émilie. Ne voyez-vous pas qu'elle attend la majorité du duc de Bordeaux ? Un rire universel accueillit la plaisanterie du vieillard. -Prenez garde que je ne vous épouse, vieux fou ! s'écria la jeune fille, dont heureusement les dernières paroles furent étouffées par le bruit. — Mes enfants, dit madame de Fontaine pour adoucir cette impertinence, Émilie ne prendra conseil que de sa mère, de même que vous avez tous pris conseil de votre père. — O mon Dieu ! je n'écouterai que moi dans une affaire qui ne regarde que moi ? dit fort distinctement mademoiselle de Fontaine. Tous les regards se portèrent alors sur le chef de la famille. Chacun semblait être curieux de voir comment il allait s'y prendre pour maintenir sa dignité. Non-seulement, le vénérable Vendéen jouissait d'une grande considération dans le monde, mais encore, plus heureux que bien des pères, il était apprécié par sa famille dont tous les membres avaient su reconnaître les qualités solides qui lui servirent à faire la fortune de tous ses parents. Aussi était-il entouré de ce profond respect qui règne dans les familles anglaises et dans quelques maisons aristocratiques du continent pour le représentant de l'arbre généalogique. Il s'établit un profond silence, et les yeux des convives se portèrent alternativement sur la figure boudeuse et altière de l'enfant gâté et sur les visages sévères de monsieur et de madame de Fontaine. — J'ai laissé ma fille Émilie maîtresse de son sort, fut la réponse que laissa tomber le comte d'un son de voix profond et agité. Tous les parents et les convives regardèrent mademoiselle de Fontaine avec une curiosité mêlée de pitié. Cette parole semblait annoncer que la bonté paternelle s'était lassée de lutter contre un caractère que toute la famille savait être incorrigible. Les gendres murmurèrent, et les frères lancèrent à leurs femmes des sourires moqueurs. Puis, dès ce moment, chacun cessa de s'intéresser au mariage de l'orgueilleuse fille. Son vieil oncle fut le seul qui, en sa qualité d'ancien marin, osât courir des bordées avec elle, et essuyer ses boutades, sans être jamais embarrassé de lui rendre feu pour feu. Quand la belle saison fut venue après le vote du budget, cette famille, véritable modèle des familles parlementaires de l'autre bord de la Manche, qui ont un pied dans toutes les administrations et dix voix aux Communes, s'envola, comme une nichée d'oiseaux, vers les beaux sites d'Aulnay, d'Antony et de Châtenay. L'opulent receveur général avait récemment acheté dans ces parages une maison de campagne pour sa femme, qui ne restait à Paris que pendant les sessions. Quoique la belle Émilie méprisât la roture, ce sentiment n'allait pas jusqu'à dédaigner les avantages de la fortune amassée par des bourgeois. Elle accompagna donc sa sœur à sa villa somptueuse, moins par amitié pour les personnes de sa famille qui s'y réfugièrent, que parce que le bon ton ordonne impérieusement à toute femme qui se respecte d'abandonner Paris pendant l'été. Les vertes campagnes de Sceaux remplissaient admirablement bien les conditions du compromis signé entre le bon ton et le devoir des charges publiques. Comme il est un peu douteux que la réputation du bal champêtre de Sceaux ait jamais dépassé la modeste enceinte du département de la Seine, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette fête hebdomadaire qui, par son importance, menace de devenir une institution. Les environs de la petite ville de Sceaux jouissent d'une renommée due à des sites qui passent pour être ravissants. Peut-être sont-ils fort ordinaires et ne doivent-ils leur célébrité qu'à la stupidité des bourgeois de Paris, qui, au sortir des abîmes de moellon où ils sont ensevelis, seraient disposés à admirer une plaine de la Beauce. Cependant les poétiques ombrageux d'Aulnay, les collines d'Antony et de Fontenay-aux-Roses étant habités par quelques artistes qui ont voyagé, par des étrangers, gens fort difficiles, et par nombre de jolies femmes qui ne manquent pas de goût, il est à croire que les Parisiens ont raison. Mais Sceaux possède un autre attrait non moins puissant pour le Parisien. Au milieu d'un jardin d'où la vue découvre de délicieux aspects, se trouve une immense rotonde, ouverte de toutes parts, dont le dôme aussi léger que vaste est soutenu par d'élégants piliers. Sous ce dais champêtre est une salle de danse célèbre. Il est rare que les propriétaires les plus collets-montés du voisinage n'émigrent pas une fois ou deux, pendant la saison, vers ce palais de la Terpsychore villageoise, soit en cavalcades brillantes, soit dans ces élégantes et légères voitures qui saupoudrent de poussière les piétons philosophes. L'espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d'en être vu, l'espoir moins souvent trompé d'y voir de jeûnes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d'avoués, de disciples d'Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l'air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois ont-ils commencé aux sons de l'orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d'amours ne raconterait-il pas ? Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d'incontestables avantages. Émilie fut la première à manifester le désir d'aller faire peuple à ce joyeux bal de l'arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. C'était la première fois qu'elle désirait errer au sein d'une telle cohue : l'incognito est, pour les grands, une très vive jouissance. Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer d'avance toutes ces tournures citadines ; elle se voyait laissant dans plus d'un cœur bourgeois le souvenir d'un regard et d'un sourire enchanteurs. Elle mit déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes dont elle comptait enrichir les pages de son album satyrique. Le dimanche n'arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Bonneval se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d'indiscrétion sur le rang des personnages qui allaient honorer le bal de leur présence. On avait dîné de bonne heure, et, pour comble de plaisir, le mois de mai favorisa cette escapade aristocratique par la plus belle de ses soirées. Mademoiselle de Fontaine fut toute surprise de trouver, sous la rotonde, quelques quadrilles composés de personnes qui paraissaient appartenir à la bonne compagnie. Elle vit bien, çà et là, quelques jeunes gens qui semblaient avoir employé les économies d'un mois pour briller pendant une journée, et reconnut plusieurs couples dont la joie trop franche n'accusait rien de conjugal ; mais elle n'eut qu'à glaner au lieu de récolter. Elle s'étonna de voir le plaisir habillé de percale ressembler si fort au plaisir vêtu de satin, et la bourgeoisie danser avec autant de grâce que la noblesse, quelquefois mieux. La plupart des toilettes étaient simples, mais bien portées. Enfin les députés qui, dans cette assemblée, représentaient les suzerains du territoire, c'est-à-dire les paysans, se tenaient dans leur coin avec une incroyable politesse. Il fallut même à mademoiselle Emilie une certaine étude des divers éléments qui composaient cette réunion avant qu'elle pût y trouver un sujet de plaisanterie. Mais elle n'eut ni le temps de se livrer à ses malicieuses critiques, ni le loisir d'entendre beaucoup de ces propos interrompus que les caricaturistes recueillent avec délices. L'orgueilleuse créature rencontra subitement dans ce vaste champ, une fleur, la métaphore est de saison, dont l'éclat et les couleurs agirent sur son imagination avec tout le prestige d'une nouveauté. Il nous arrive souvent de regarder une robe, une tenture, un papier blanc avec assez de distraction pour n'y pas apercevoir sur-le-champ une tache ou quelque point brillant, qui : plus tard frappent tout à coup notre œil comme s'ils y survenaient à l'instant seulement où nous les voyons. Mademoiselle de Fontaine reconnut, par une espèce de phénomène moral assez semblable à celui-là, dans un jeune homme qui s'offrit à ses regards, le type des perfections extérieures qu'elle rêvait depuis si longtemps. Elle était assise sur une de ces chaises grossières qui décrivaient l'enceinte obligée de la salle, et s'était placée à l'extrémité du groupe formé par sa famille, afin de pouvoir se lever ou s'avancer suivant ses fantaisies. Elle en agissait effectivement avec les tableaux offerts par cette salle, comme si c'eût été une exposition du musée. Elle braquait avec impertinence son lorgnon sur une figure qui se trouvait à deux pas d'elle, et faisait ses réflexions comme si elle eût critiqué ou loué une tête d'étude, une scène de genre. Ses regards, après avoir erré sur cette vaste toile animée, furent tout à coup saisis par une figure qui semblait avoir été mise exprès dans un coin du tableau, sous le plus beau jour, comme un personnage hors de toute proportion avec le reste. L'inconnu était rêveur et solitaire. Légèrement appuyé sur une des colonnes qui supportent le toit, il avait les bras croisés et se tenait penché comme s'il se fût placé là pour permettre à un peintre de faire son portrait. Mais cette attitude pleine d'élégance et de fierté, paraissait être une pose sans affectation. Aucun geste ne démontrait qu'il eût mis sa face de trois quarts et faiblement incliné sa tête à droite, comme Alexandre, lord Byron, et quelques autres grands génies, dans le seul but d'attirer sur lui l'attention. Son regard fixe et immobile qui suivait les mouvements d'une danseuse, prouvait qu'il était absorbé par quelque sentiment profond. Il avait une taille svelte et dégagée qui rappelait à la mémoire les belles proportions de l'Apollon. De beaux cheveux noirs se bouclaient naturellement sur son front élevé. D'un seul coup d’œil mademoiselle de Fontaine remarqua la finesse de son linge, la fraîcheur de ses gants de daim, évidemment pris chez le bon faiseur, et la petitesse d'un pied merveilleusement chaussé dans une botte en peau d'Irlande. Il n'avait sur lui aucun de ces ignobles brimborions dont se chargent les anciens petits-maîtres de la garde nationale, ou les Adonis de comptoir. Seulement un ruban noir auquel était suspendu son lorgnon flottait sur un gilet d'une blancheur irréprochable. Jamais la difficile Émilie n'avait vu les yeux d'un homme ombragés par des cils aussi longs et aussi recourbés. La mélancolie et la passion respiraient dans cette figure d'un teint olivâtre et mâle. Sa bouche semblait toujours prête à sourire et à relever les coins de deux lèvres éloquentes ; mais cette disposition n'annonçait pas de gaîté. C'était plutôt une sorte de grâce triste. L'observateur le plus rigide n'aurait pu s'empêcher, en voyant l'inconnu, de le prendre pour un homme de talent attiré par quelque intérêt puissant à celte fête de village. Il y avait trop d'avenir dans cette tête, trop de distinction dans sa personne, pour qu'on pût en dire : — Voilà un bel homme ou un joli homme. Il était un de ces personnages qu'on désire connaître. Cette masse d'observations ne coûta guère à Émilie qu'un moment d'attention, pendant lequel cet homme privilégié fut soumis à une analyse sévère, après laquelle il devint l'objet d'une secrète admiration. Elle ne se dit pas : — Il faut qu'il soit pair de France ! mais — Oh ! s'il est noble, et il doit l'être.... Sans achever sa pensée, elle se leva tout à coup, elle alla, suivie de son frère le lieutenant-général, vers cette colonne en paraissant regarder les joyeux quadrilles ; par un artifice d'optique familier à plus d'une dame, elle ne perdait pas un seul des mouvements du jeune homme dont elle s'approcha ; mais il s'éloigna poliment pour céder la place aux deux survenant, et s'appuya sur une autre colonne. Émilie fut aussi piquée de la politesse de l'étranger qu'elle l'eût été d'une impertinence, et se mit à causer avec son frère en élevant la voix beaucoup plus que le bon ton ne le voulait. Elle prit des airs de tête, fit des gestes gracieux, et rit sans trop en avoir sujet, moins pour amuser son frère, que pour attirer l'attention de l'imperturbable inconnu. Aucun de ces petits artifices ne réussit. Alors mademoiselle de Fontaine suivit la direction que prenaient les regards du jeune homme, et aperçut la cause de cette insouciance apparente. Au milieu du quadrille qui se trouvait devant elle, dansait une jeune personne simple, pâle, et semblable à ces déités écossaises que Gïrodet a placées dans son immense composition des guerriers français reçus par Ossian. Émilie crut reconnaître en elle une jeune vicomtesse anglaise qui était venue habiter depuis peu une campagne voisine. Elle avait pour cavalier un jeune homme de quinze ans, aux mains rouges, en pantalon de nankin, en habit bleu, en souliers blancs, qui prouvait que son amour pour la danse ne la rendait pas difficile sur le choix de ses partenaires. Ses mouvements ne se ressentaient pas de son apparente faiblesse, mais une rougeur légère colorait déjà ses joues blanches, et son teint commençait à s'animer. Mademoiselle de Fontaine s'approcha du quadrille pour pouvoir examiner l'étrangère au moment où elle reviendrait à sa place, pendant que les vis-à-vis répéteraient la figure qu'elle exécutait alors. Lorsque Emilie commença cet examen, elle vit l'inconnu s'avancer, se pencher vers la jolie danseuse, et put entendre distinctement ces paroles, quoique prononcées d'une voix à la fois impérieuse et douce : — Clara, je ne veux plus que vous dansiez. Clara fit une petite moue boudeuse, inclina la tête en signe d'obéissance et finit par sourire. Après la contredanse, le jeune homme eut les précautions, d'un amant, en mettant sur les épaules de la jeune fille un châle de cachemire, et la fit asseoir de manière à ce qu'elle fût à l'abri du vent. Puis bientôt mademoiselle de Fontaine les vit se lever et se promener autour de l'enceinte comme des gens disposés à partir ; elle trouva le moyen de les suivre sous prétexte d'admirer les points de vue du jardin, et son frère se prêta avec une malicieuse bonhomie aux caprices d'une marche assez vagabonde. Émilie put voir ce joli couple monter dans un élégant tilbury que gardait un domestique à cheval et en livrée. Au moment où le jeune homme fut assis et tâcha de rendre les guides égales, elle obtint d'abord de lui un de ces regards que l'on jette sans but sur les grandes foules, mais elle eut la faible satisfaction de le voir retourner la tête à deux reprises différentes, et la jeune inconnue l'imita. Était-ce jalousie ? — Je présume que tu as maintenant assez vu le jardin, lui dit son frère, nous pouvons retourner à la danse. — Je le veux bien, dit-elle. Je suis sûre que c'est la vicomtesse Abergaveny... J'ai reconnu sa livrée. Le lendemain, mademoiselle de Fontaine manifesta le désir de faire une promenade à cheval. Insensiblement elle accoutuma son vieil oncle et ses frères à l'accompagner dans certaines courses matinales, très salutaires, disait-elle, pour sa santé. Elle affectionnait singulièrement les maisons du village habité par la vicomtesse. Malgré ses manœuvres de cavalerie, elle ne rencontra pas l'inconnu aussi promptement que la joyeuse recherche à laquelle elle se livrait pouvait le lui faire espérer. Elle retourna plusieurs fois au bal de Sceaux, sans pouvoir y rencontrer le jeune homme qui était venu tout à coup dominer ses rêves et les embellir. Quoique rien n'aiguillonne plus le naissant amour d'une jeune fille qu'un obstacle, il y eut cependant un moment où mademoiselle Émilie de Fontaine fut sur le point d'abandonner son étrange et secrète poursuite, en désespérant presque du succès d'une entreprise dont la singularité peut donner une idée de la hardiesse de son caractère. Elle aurait pu en effet tourner longtemps autour du village de Châtenay sans revoir son inconnu. La jeune Clara, puisque tel est le nom que mademoiselle de Fontaine avait entendu, n'était ni vicomtesse, ni Anglaise, et l'étranger n'habitait pas plus qu'elle les bosquets fleuris et embaumés de Châtenay. Un soir, Émilie sortit à cheval avec son oncle, qui depuis les beaux jours avait obtenu de sa goutte une assez longue cessation d'hostilités, et rencontra la calèche de la vicomtesse Abergaveny. La véritable étrangère avait pour compagnon un gentlemen très prude et très élégant dont la fraîcheur et le coloris ; dignes d'une jeune fille, n'annonçaient pas plus la pureté du cœur qu'une brillante toilette n'est un indice de fortune. Hélas ! ces deux étrangers n'avaient rien dans leurs traits ni dans leur contenance qui pût ressembler aux deux séduisants portraits que l'amour et la jalousie avaient gravés dans la mémoire d’Émilie. Elle tourna bride sur-le-champ avec le dépit d'une femme frustrée dans son attente. Son oncle eut toutes les peines du monde à la suivre tant elle faisait galoper son petit cheval avec rapidité. — Apparemment que je suis devenu trop vieux pour comprendre ces esprits de vingt ans, se dit le marin en mettant son cheval au galop, ou peut-être la jeunesse d'aujourd'hui ne ressemble-t-elle plus à celle d'autrefois... J'étais cependant un fin voilier et j'ai toujours bien su prendre le vent. Mais qu'a donc ma nièce ? La voilà maintenant qui marche à petits pas comme un gendarme en patrouille dans les rues de Paris. Ne dirait-on pas qu'elle veut cerner ce brave bourgeois qui m'a l'air d'être un auteur rêvassant à ses poésies, car il a, je crois, un album en main. Je suis par ma foi un grand sot! Ne serait-ce pas le jeune homme en quête duquel nous sommes. A cette pensée le vieux marin fit marcher tout doucement son cheval sur le sable, de manière à pouvoir arriver sans bruit auprès de sa nièce. L'ancien voltigeur avait fait trop de noirceurs dans les années 1771 et suivantes, époque de nos annales où la galanterie était en honneur, pour ne pas deviner sur-le-champ qu’Émilie avait, par le plus grand hasard, rencontré l'inconnu du bal de Sceaux. Malgré le voile que l'âge répandait sur ses yeux gris, le comte de Kergarouët sut reconnaître les indices d'une agitation extraordinaire chez sa nièce, en dépit de l'immobilité qu'elle essayait d'imprimer à son visage. Les yeux perçants de la jeune demoiselle étaient fixés avec une sorte de stupeur sur l'étranger qui marchait paisiblement devant elle. — C'est bien cela ! se dit le marin, elle va le suivre comme un vaisseau marchand suit un corsaire dont il a peur. Puis, quand elle l'aura vu s'éloigner, elle sera au désespoir de ne pas savoir qui elle aime, et d'ignorer si c'est un marquis ou un bourgeois. Vraiment les jeunes têtes devraient toujours avoir une vieille perruque comme moi avec elles... Alors il poussa tout à coup son cheval à l'improviste, de manière à faire partir celui de sa nièce; passa si vite entre elle et le jeune promeneur, qu'il le força de se jeter sur le talus de verdure dont le chemin était encaissé. Arrêtant aussitôt son cheval, le comte, tout en colère, s'écria : — Ne pouvez-vous pas vous ranger ? — Ah ! pardon, monsieur ! répondit l'inconnu. J'oubliais que c'était à moi de vous faire des excuses de ce que vous avez failli me renverser. — Eh ! l'ami, reprit aigrement le marin en prenant un son de voix dont le ricanement avait quelque chose d'insultant, je suis un vieux loup de mer engravé par ici, ne vous émancipez pas avec moi, morbleu, j'ai la main légère ! En.même temps le comte leva plaisamment sa cravache comme pour fouetter son cheval, et toucha l'épaule de son interlocuteur. — Ainsi, blanc-bec, ajouta-t-il, que l'on soit sage en bas de la cale. Le jeune homme gravit le talus de la route en entendant ce sarcasme, il se croisa les bras et répondit d'un ton fort ému : — Monsieur, je ne puis croire en voyant vos cheveux blancs, que vous vous amusiez encore à chercher des duels. — Cheveux blancs ! s'écria le marin en l'interrompant, tu en as menti par ta gorge, ils ne sont que gris. Bourgeois ! si j'ai fait la cour à vos grand-mères, je n'en suis que plus habile à la faire à vos femmes, si elles en valent la peine toutefois... Une dispute aussi bien commencée devint en quelques secondes si chaude, que le jeune adversaire oublia le ton de modération qu'il s'était efforcé de conserver. Au moment où le comte de Kergarouët vit sa nièce arriver à eux avec toutes les marques d'une vive inquiétude, il donnait son nom à son antagoniste, en lui disant de garder le silence devant la jeune personne confiée à ses soins. L'inconnu ne put s'empêcher de sourire, et remit une carte au vieux marin, en lui faisant observer qu'il habitait une maison de campagne à Chevreuse ; après la lui avoir indiquée ; il s'éloigna rapidement. — Vous avez manqué blesser ce pauvre pékin, ma nièce ! dit le comte en s’empressant d’aller au-devant d’Émilie. Vous ne savez donc plus tenir votre cheval en bride ? Vous me laissez-là compromettre ma dignité pour couvrir vos folies ; tandis que si vous étiez restée, un seul de vos regards ou une de vos paroles polies, une de celles que vous dites si joliment quand vous n'êtes pas impertinente, aurait tout raccommodé, lui eussiez-vous cassé le bras. — Eh ! mon cher oncle ! c'est votre cheval, et non le mien, qui est cause de cet accident. Je crois en vérité que vous ne pouvez plus monter à cheval, vous n'êtes déjà plus si bon cavalier que vous l'étiez l'année dernière. Mais au lieu de dire des riens... — Diable ! des riens ! Ce n'est donc rien que de faire une impertinence à votre oncle ? — Ne devrions-nous pas aller savoir si ce jeune homme est blessé ? Il boite, mon oncle, voyez donc... — Non, il court ! Ah ! je l'ai rudement morigéné. — Ah! mon oncle, je vous reconnais là ! — Halte-là, ma nièce, dit le comte en arrêtant le cheval d’Émilie par la bride. Je ne vois pas la nécessité de faire des avances à quelque boutiquier trop heureux d'avoir été jeté à terre par une jeune fille ou par un vieux marin aussi noble que nous le sommes. — Pourquoi croyez-vous que ce soit un roturier, mon cher oncle ? Il me semble qu'il a des manières fort distinguées. — Tout le monde a des manières aujourd'hui, ma nièce. — Non, mon oncle, tout le monde n'a pas l'air et la tournure que donne l'habitude des salons, et je parierais avec vous volontiers que ce jeune homme est noble. — Vous n'avez pas trop eu le temps de l'examiner. — Mais ce n'est pas la première fois que je le vois. — Et ce n'est pas non plus la première fois que vous le cherchez, lui répliqua le comte en riant. Émilie rougit, et son oncle se plut à la laisser quelque temps dans l'embarras, puis il lui dit : — Émilie, vous savez que je vous aime comme mon enfant, précisément parce que vous êtes la seule de la famille qui ayez cet orgueil légitime que donne une haute naissance. Corbleu ! ma petite nièce, qui aurait cru que les bons principes deviendraient si rares ! Eh bien, je veux être votre confident. Ma chère petite, je vois que ce jeune gentilhomme ne vous est pas indifférent. Chut !... Ils se moqueraient de nous dans la famille, si nous nous embarquions sous un faux pavillon. Vous savez ce que cela veut dire. Ainsi, laissez-moi vous aider, ma nièce. Gardons-nous tous deux le secret, et je vous promets d'amener ce brick-là sous votre feu croisé, au milieu de notre salon. — Et quand, mon oncle ? — Demain. — Mais, mon cher oncle, je ne serai obligée à rien ? — A rien du tout, et vous pourrez le bombarder, l'incendier, et le laisser là comme une vieille caraque si cela vous plaît ! Ce ne sera pas le premier, n'est-ce pas ? — Êtes-vous bon ! mon oncle. Aussitôt que le comte fut rentré, il mit ses besicles, tira secrètement la carte de sa poche, et lut : M. MAXIMILIEN LONGUEVILLE , RUÉ DU SENTIER. — Soyez tranquille, ma chère nièce, dit-il à Emilie, vous pouvez le harponner en toute sécurité de conscience, il appartient à une de nos familles historiques, et s'il n'est pas pair de France, il le sera infailliblement. — D'où savez-vous cela ? — C'est mon secret. — Vous connaissez donc son nom ? Le comte inclina en silence sa tête grise, qui ressemblait assez à un vieux tronc de chêne autour duquel auraient voltigé quelques feuilles roulées par le froid de l'automne. A ce signe, sa nièce vint essayer sur lui le pouvoir toujours neuf de ses coquetteries. Instruite dans l'art de cajoler le vieux marin, elle lui prodigua les caresses les plus enfantines, les paroles les plus tendres ; elle alla même jusqu'à l'embrasser, afin d'obtenir de lui la révélation d'un secret aussi important. Le vieillard, qui passait sa vie à faire jouer à sa nièce de ces sortes de scènes, et qui les payait souvent par le prix d'une parure, où par l'abandon de sa loge aux Italiens, se complut cette fois à se laisser prier et surtout caresser. Mais, comme il faisait durer ses plaisirs trop longtemps, Emilie se fâcha, passa des caresses aux sarcasmes, et bouda. Elle revint dominée par la curiosité. Le marin diplomate obtint solennellement de sa nièce une promesse d'être à l'avenir plus réservée, plus douce, moins volontaire, de dépenser moins d'argent, et surtout de lui tout dire. Le traité conclu et signé par un baiser qu'il déposa sur le front blanc de sa nièce, il l'amena dans un coin du salon, l'assit sur ses genoux, plaça la carte sous ses deux pouces et ses doigts, de manière à la cacher, découvrit lettre à lettre le nom de Longueville, et refusa fort obstinément d'en laisser voir davantage. Cet événement rendit le sentiment secret de mademoiselle de Fontaine plus intense. Elle déroula pendant une grande partie de la nuit les tableaux les plus brillants des rêves dont elle avait nourri ses espérances. Enfin, grâces à ce hasard imploré si souvent, elle avait maintenant tout autre chose qu'un être de raison pour créer une source aux richesses imaginaires dont elle se plaisait à doter sa vie future. Ignorant, comme toutes les jeunes personnes, les dangers de l'amour et du mariage, elle se passionna pour les dehors trompeurs du mariage et de l'amour. N'est-ce pas dire que son sentiment naquit comme naissent presque tous ces caprices du premier âge, douces et cruelles erreurs qui exercent une si fatale influence sur l'existence des jeunes filles assez inexpérimentées pour ne s'en remettre qu'à elles-mêmes du soin de leur bonheur à venir. Le lendemain matin, avant qu’Émilie fût réveillée, son oncle avait couru à Chevreuse. En reconnaissant, dans la cour d'un élégant pavillon, le jeune homme qu'il avait si résolument insulté la veille, il alla vers lui avec cette affectueuse politesse des vieillards de l'ancienne cour. — Eh ! mon cher monsieur, qui aurait dit que je me ferais une affaire, à l'âge de soixante-treize ans, avec le fils pu le petit-fils d'un de mes meilleurs amis ? Je suis contre-amiral, monsieur, c'est vous dire que je m'embarrasse aussi peu d'un duel que de fumer un cigare de la Havane. Dans mon temps, deux jeunes gens ne pouvaient devenir intimes qu'après avoir vu la couleur de leur sang. Mais, ventre dieu, hier, j'avais, en ma qualité de marin , embarqué un peu trop de rhum à bord, et j'ai sombré sur vous. Touchez là ! J'aimerais mieux recevoir cent coups de cravache d'un Longueville que de causer la moindre peine à sa famille. Quelque froideur que le jeune homme s'efforçât de marquer au comte de Kergarouët, il ne put longtemps tenir à la franche bonté de ses manières, et se laissa serrer la main. Vous alliez monter à cheval, dit le comte, ne vous gênez pas. Mais venez avec moi, à moins que vous n'ayez des projets, je vous invite à dîner aujourd'hui au pavillon de Bonneval. Mon neveu, le comte de Fontaine, y sera, et c'est un homme essentiel à connaître! Ah! je prétends, morbleu! vous dédommager de ma brusquerie en vous présentant à cinq des plus jolies femmes de Paris. Hé ! hé ! jeune homme; votre front se déride ! J'aime les jeunes gens ! j'aime à les voir heureux. Leur bonheur me rappelle les bienfaisantes années de 1771, 1772 et autres, où les aventures ne manquaient pas plus que les duels ! On était gai, alors ! Aujourd'hui, vous raisonnez, et l'on s'inquiète de tout, comme s'il n'y avait eu ni XVe ni XVIe siècle. — Mais, monsieur, nous avons, je crois, raison, car le XVIe siècle n'a donné que la liberté religieuse à l'Europe, et le XIXe... — Ah ! ne parlons pas politique. Je suis une vieille ganache d'ultra, voyez-vous. Mais je n'empêche pas les jeunes gens d'être révolutionnaires, pourvu qu'ils me laissent la liberté de serrer ma petite queue dans son ruban noir. A quelques pas de là, lorsque le comte et son jeune compagnon furent au milieu des bois, le marin, avisant un jeune bouleau assez mince, arrêta son cheval, prit un de ses pistolets dont il logea la balle au milieu de l'arbre, à quinze pas de distance. — Vous voyez, mon brave, que je ne crains pas un duel ! dit-il avec une gravité comique, en regardant M. Longueville. — Ni moi non plus, reprit ce dernier, qui arma promptement son pistolet, visa le trou fait par la balle du comte, et ne plaça pas la sienne loin de ce but. — Voilà ce qui s'appelle un jeune homme bien élevé, s'écria le marin avec une sorte d'enthousiasme. Pendant la promenade qu'il fit avec celui qu'il regardait déjà comme son neveu, il trouva mille occasions de l'interroger sur toutes les bagatelles dont la parfaite connaissance constituait, selon son code particulier, un gentilhomme accompli. — Avez-vous des dettes ? demanda-t-il enfin à son compagnon après bien des questions. — Non, Monsieur. — Comment ! vous payez tout ce qui vous est fourni ? — Exactement, monsieur, autrement nous perdrions tout crédit et toute espèce de considération. — Mais au moins vous avez plus d'une maîtresse ? Ah vous rougissez ! Ventre-dieu, mon camarade, les mœurs ont bien changé ! Avec ces idées d'ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s'est gâtée. Vous n'avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason : mais, mon jeune ami, vous n'êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Mais ventre-dieu ! si j'ai eu quatre-vingt mille livres de rente à soixante-dix ans, c'est que j'en avais mangé le double à trente ans. Néanmoins vos imperfections ne m'empêcheront pas de vous annoncer au pavillon Bonneval. Songez que vous m'avez promis d'y venir, et je vous y attends... — Quel singulier petit vieillard ! se dit le jeune Longueville; il est vert comme un pré ; mais tout bon homme qu'il peut paraître, je ne m'y fierai pas. J'irai au pavillon Bonneval, parce qu'il y a de jolies femmes, dit-on; mais y rester à dîner, il faudrait être fou ! Le lendemain, sur les quatre heures, au moment où toute la compagnie était éparse dans les salons ou au billard, un domestique annonça aux habitants du pavillon de Bonneval : M. de Longueville. Au nom du personnage dont le vieux comte de Kergarouët avait entretenu la famille, tout le monde, jusqu'au joueur qui allait faire une bille, accourut, autant pour observer la contenance de mademoiselle de Fontaine, que pour juger le phénix humain qui avait mérité une mention honorable au détriment de tant de rivaux. Une mise aussi élégante que simple, des manières pleines d'aisance, des formes polies, une voix douce et d'un timbre qui faisait vibrer les cordes du cœur, concilièrent à M. Longueville la bienveillance de toute la famille. Il ne sembla pas étranger au luxe oriental de la demeure du fastueux receveur général. Quoique sa conversation fût celle d'un homme du monde, chacun put facilement deviner qu'il avait reçu la plus brillante éducation et que ses connaissances étaient aussi solides qu'étendues. Il trouva si bien le mot propre dans une discussion assez légère suscitée par le vieux marin, sur les constructions navales, qu'une dame lui fit observer qu'il semblait être sorti de l’École Polytechnique. — Je crois, madame, répondit-il, qu'on peut regarder comme un titre de gloire d'en avoir été l'élève. Malgré toutes les instances qui lui furent faites, il se refusa avec politesse, mais avec fermeté, au désir qu'on lui témoigna de le garder à dîner, et arrêta les observations des dames en disant qu'il était l'Hippocrate d'une jeune sœur dont la santé très délicate exigeait beaucoup de soins. — Monsieur est sans doute médecin ? demanda avec ironie une des belles-sœurs d’Émilie. — Monsieur est sorti de l’École Polytechnique, répondit avec bonté mademoiselle de Fontaine, dont la figure s'anima des teintes les plus riches, au moment où elle apprit que la jeune fille du bal était la sœur de M. Longueville. — Mais, ma chère, on peut être médecin et être allé à l’École Polytechnique, n'est-ce pas, monsieur ? — Madame, répondit le jeune homme, rien ne s'y oppose. Tous les yeux se portèrent sur Émilie, qui regardait alors avec une sorte de curiosité inquiète le séduisant inconnu. Elle respira plus librement quand elle l'entendit ajouter en souriant : — Je n'ai pas l'honneur d'être médecin, madame, et j'ai même renoncé à entrer dans le service des ponts-et-chaussées afin de conserver mon indépendance. — Et vous avez bien fait, dit le comte. Mais comment pouvez-vous regarder comme un honneur d'être médecin ? ajouta le noble Breton. Ah ! mon jeune ami, pour un homme comme vous ! — Monsieur le comte, je respecte infiniment toutes les professions qui ont un but d'utilité. — Eh ! nous sommes d'accord ! Vous respectez ces professions-là, j'imagine, comme un jeune homme respecte une douairière. La visite de M. Longueville ne fut ni trop longue, ni trop courte. Il se retira au moment où il s'aperçut qu'il avait plu à tout le monde, et que la curiosité de chacun s'était éveillée sur son compte. — C'est un rusé compère ! dit le comte en rentrant au salon, après l'avoir reconduit. Mademoiselle de Fontaine, qui seule était dans le secret de cette visite, avait fait une toilette assez recherchée pour attirer les regards du jeune homme ; mais elle eut le petit chagrin de voir qu'il ne fit pas à elle autant d'attention qu'elle croyait en mériter. La famille fut assez surprise du silence dans lequel elle se renferma. En effet, Émilie était habituée à déployer pour les nouveaux venus tous les trésors de sa coquetterie, toutes les ruses de son babil spirituel, et l'inépuisable éloquence de ses regards et de ses attitudes. Soit que la voix mélodieuse du jeune homme et l'attrait de ses manières l'eussent charmée, ou qu'elle aimât sérieusement, et que ce sentiment eût opéré en elle un changement, son maintien perdit en cette occasion toute affectation. Devenue simple et naturelle, elle dut sans doute paraître plus belle. Quelques-unes de ses sœurs et une vieille dame, amie de la famille, pensèrent que c'était un raffinement de coquetterie. Elles supposèrent que, jugeant le jeune homme digne d'elle, Émilie se proposait peut-être de ne montrer que lentement ses avantages, afin de l'éblouir tout à coup, au moment où elle lui aurait plu. Toutes les personnes de la famille étaient curieuses de savoir ce que cette capricieuse fille pensait du jeune homme. Mais lorsque, pendant le dîner, chacun prit plaisir à doter M. Longueville d'une qualité nouvelle, en prétendant l'avoir seul découverte, mademoiselle de Fontaine resta muette pendant quelque temps. Mais tout à coup un léger sarcasme de son oncle la réveilla de son apathie. Elle dit d'une manière assez épigrammatique que cette perfection céleste devait couvrir quelque grand défaut, et qu'elle se garderait bien de juger à la première vue un homme qui paraissait être aussi habile. Elle ajouta que ceux qui plaisaient ainsi à tout le monde ne plaisaient à personne, et que le pire de tous les défauts était de n'en avoir aucun. Comme toutes les jeunes filles qui aiment, elle caressait l'espérance de pouvoir cacher son sentiment au fond de son cœur en donnant le change aux Argus dont elle était entourée ; mais, au bout d'une quinzaine de jours, il n'y eut pas un des membres de cette nombreuse famille qui ne fût initié dans ce petit secret domestique. A la troisième visite que fit M. Longueville, Émilie crut en avoir été le sujet. Cette découverte lui causa un plaisir si enivrant qu'elle l'étonna quand elle put réfléchir. Il y avait là quelque chose de pénible pour son orgueil. Habituée à se faire le centre du monde, elle était obligée de reconnaître une force qui l'attirait hors d'elle-même. Elle essaya de se révolter, mais elle ne put chasser de son cœur l'élégante image du jeune homme. Puis vinrent bientôt des inquiétudes. En effet, deux qualités de M. Longueville, très contraires à la curiosité générale, et surtout à celle de mademoiselle de Fontaine, étaient une discrétion et une modestie incroyables. Il ne parlait jamais ni de lui, ni de ses occupations, ni de sa famille. Les finesses dont Emilie semait sa conversation et les pièges qu'elle y tendait pour se faire donner par ce jeune homme des détails sur lui-même étaient tous inutiles. Son amour-propre la rendait avide de révélations. Parlait-elle peinture ? M. Longueville répondait en connaisseur. Faisait-elle de la musique ? Le jeune homme prouvait sans fatuité qu'il était assez fort sur le piano. Un soir, il avait enchanté toute la compagnie, lorsque sa voix délicieuse s'unit à celle d’Émilie dans un des plus beaux duos de Cimarosa. Mais, quand on essaya de s'informer s'il était artiste, il plaisanta avec tant de grâce, qu'il ne laissa pas aux femmes, et même aux plus exercées dans l'art de deviner les sentiments, la possibilité de décider ce qu'il était réellement. Avec quelque courage que le vieil oncle jetât le grappin sur ce bâtiment, Longueville s'esquivait avec tant de souplesse, qu'il sut conserver tout le charme du mystère. Il lui fut d'autant plus facile de rester le bel inconnu au pavillon Bonneval, que la curiosité n'y excédait pas les bornes de la politesse. Émilie, tourmentée de cette réserve, espéra tirer meilleur parti de la sœur que du frère pour ces sortes de confidences. Secondée par son oncle, qui s'entendait aussi bien à cette manœuvre qu'à celle d'un bâtiment, elle essaya de mettre en scène le personnage jusqu'alors muet de mademoiselle Clara Longueville. La société du pavillon Bonneval manifesta bientôt le plus grand désir de connaître une aussi aimable, personne, et de lui procurer quelque distraction. Un bal sans cérémonie fut proposé et accepté. Les dames ne désespérèrent pas complètement de faire parler une jeune fille de seize ans. Malgré ces petits nuages amoncelés par ces mystères et créés par la curiosité, un jour éclatant éclairait la vie de mademoiselle de Fontaine qui jouissait délicieusement de l'existence en la rapportant à un autre qu'à elle. Elle commençait à concevoir les rapports sociaux. Soit que le bonheur nous rende meilleurs, soit qu'elle fût trop occupée pour tourmenter les autres, elle devint moins, caustique, plus indulgente, plus douce ; et le changement de son caractère enchanta sa famille étonnée. Peut-être, après tout, son amour allait-il être plus tard un égoïsme à deux. Attendre l'arrivée de son timide et secret adorateur, était une joie céleste. Sans qu'un Seul mot d'amour eût été prononcé entre eux, elle savait qu'elle était aimée, et avec quel art ne se plaisait-elle pas à faire déployer au jeune inconnu tous les trésors de son instruction ! Elle s'aperçut qu'elle en était observée avec soin, et alors elle essaya de vaincre tous les défauts que son éducation avait laissés croître en elle. C'était déjà un premier hommage rendu à l'amour, et un reproche cruel qu'elle s'adressait à elle-même. Elle voulait plaire, elle enchanta ; elle aimait, elle fut idolâtrée. Sa famille sachant qu'elle était gardée par son orgueil, lui donnait assez de liberté pour qu'elle pût savourer toutes ces petites félicités enfantines qui donnent tant de charme et de violence aux premières amours. Plus d'une fois le jeune homme et mademoiselle de Fontaine se mirent à errer dans les allées d'un parc assez vaste où la nature était parée comme une femme qui va au bal. Plus d'une fois, ils eurent de ces entretiens sans but et sans physionomie dont les phrases les plus vides de sens sont celles qui cachent le plus de sentiments. Ils admirèrent souvent ensemble le soleil couchant et ses riches couleurs ; cueillirent des marguerites, pour les effeuiller; et chantèrent les duos les plus passionnés, en se servant des notes rassemblées par Pergolèse ou par Rossini, comme de truchements fidèles pour exprimer leurs secrets. Le jour du bal arriva. Clara Longueville et son frère, que les valets s'obstinaient à décorer de la noble particule, en furent les héros ; et, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Fontaine vit le triomphe d'une jeune fille avec plaisir. Elle prodigua sincèrement à Clara ces caresses gracieuses et ces petits soins que les femmes ne se rendent ordinairement entre elles que pour exciter la jalousie des hommes. Mais Émilie avait un but, elle voulait surprendre des secrets. Mademoiselle Longueville montra plus de réserve encore que n'en avait montré son frère. Elle déploya même en sa qualité de fille, plus de finesse et d’esprit ; elle n'eut pas même l'air d'être discrète ; mais elle eut soin de tenir la conversation sur des sujets étrangers à tout intérêt individuel, et sut l'empreindre d'un si grand charme, que mademoiselle de Fontaine en conçut une sorte d'envie, et surnomma Clara la sirène. Émilie avait formé le dessein de faire causer Clara, ce fut Clara qui interrogea Émilie. Elle voulait la juger, elle en fut jugée. Elle se dépita souvent d'avoir laissé percer son caractère dans quelques réponses que lui arracha malicieusement Clara, dont l'air modeste et candide éloignait tout soupçon de perfidie. Il y eut un moment où mademoiselle de Fontaine parut fâchée d'avoir fait contre les roturiers une imprudente sortie provoquée par Clara. — Mademoiselle, lui dit cette charmante créature, j'ai tant entendu parler de vous par Maximilien, que j'avais le plus vif désir de vous connaître par attachement pour lui ; mais vouloir vous connaître, c'est vouloir vous aimer. - Ma chère Clara, j'avais peur de vous déplaire en parlant ainsi de ceux qui ne sont pas nobles. — Oh ! rassurez-vous. Aujourd'hui, ces sortes de discussions sont sans objet, et, quant à moi, elles ne m'atteignent pas. Je suis en dehors de la question. Quelque ambitieuse que fût cette réponse, mademoiselle de Fontaine en ressentit une joie profonde. Semblable à tous les gens passionnés, elle l'expliqua comme s'expliquent les oracles, dans le sens qui s'accordait avec ses désirs. Alors elle s'élança à la danse, plus joyeuse que jamais, et, en regardant M. Longueville, dont les formes et l'élégance surpassaient peut-être celles de son type imaginaire, elle ressentit une satisfaction de plus en songeant qu'il était noble. Ses yeux noirs scintillèrent, et elle dansa avec tout le plaisir qu'on trouve à ce mystérieux dédale de pas et de mouvements en présence de celui qu'on aime. Jamais les deux amants ne s'entendirent mieux qu'en ce moment ; et plus d'une fois ils sentirent, le bout de leurs doigts frémir et trembler, lorsque les lois de la contredanse leur imposèrent la douce tâche de les effleurer. Ils atteignirent le commencement de l'automne, au milieu des fêtes et des plaisirs de la campagne, en se laissant doucement abandonner au courant du sentiment le plus doux de la vie, en le fortifiant par mille petits accidents que chacun peut imaginer, car les amours se ressemblent toujours en quelques points. L'un et, l'autre s’étudiait autant que l'on peut s'étudier quand on aime. — Enfin, disait le vieil oncle qui suivait les deux jeunes gens de l’œil, comme un naturaliste examine un insecte au microscope, jamais amourette n'a si vite tourné en mariage d'inclination. Ce mot effraya M. et madame de Fontaine. Le vieux Vendéen cessa d'être aussi indifférent au mariage de sa fille qu'il avait naguère promis de l'être. Il alla chercher à Paris des renseignements qu'il n'y trouva pas. Inquiet de ce mystère, et ne sachant pas encore quel serait le résultat de l'enquête qu'il avait prié un administrateur parisien de lui faire sur la famille Longueville, il crut devoir avertir sa fille de se conduire prudemment. L'observation paternelle fut reçue avec une feinte obéissance pleine d'ironie. — Au moins, ma chère Émilie, si vous l'aimez, ne le lui avouez pas ! — Mon père, il est vrai que je l'aime, mais j'attendrai pour le lui dire que vous me le permettiez. — Cependant, Émilie, songez que vous ignorez encore quelle est sa famille, son état. — Si je l'ignore, c'est que je le veux bien. Mais, mon père, vous avez souhaité me voir mariée, vous m'avez donné la liberté de faire un choix ; le mien est fait irrévocablement. Que faut-il de plus ? — Il faut savoir, ma chère enfant, si celui que tu as choisi est fils d'un pair de France, répondit ironiquement le vénérable gentilhomme. Émilie resta un moment silencieux ; puis, elle releva bientôt la tête, regarda son père, et lui dit avec une sorte d'inquiétude : — Est-ce que les Longueville.... — Sont éteints en la personne du vieux duc qui a péri sur l'échafaud en 1793. Il était le dernier rejeton de la dernière branche cadette. — Mais, mon père, il y a de fort bonnes maisons issues de bâtards. L'histoire de France fourmille de princes qui mettaient des barres à leurs écus. — Tes idées ont bien changé ! dit le vieux gentilhomme en souriant. Le lendemain était le dernier jour que la famille Fontaine dût passer au pavillon Bonneval. Émilie, que l'avis de son père avait fortement inquiétée, attendit avec une vive impatience l'heure à laquelle M. Longueville avait l'habitude de venir, afin d'obtenir de lui une explication. Elle sortit après le dîner et alla errer dans le parc ; elle savait que l'empressé jeune homme viendrait la surprendre au sein du bosquet sombre où ils causaient souvent. Aussi fut-ce de ce côté qu'elle se dirigea en songeant à la manière dont elle s'y prendrait pour réussir à surprendre, sans se compromettre, un secret si important. C'était chose difficile ; car, jusqu'à présent, aucun aveu direct n'avait sanctionné le sentiment qui l'unissait à M. Longueville. Elle avait secrètement joui, comme lui, de la douceur d'un premier amour ; mais aussi fiers l'un que l’autre, il semblait que chacun d'eux craignît de s'avouer qu'il aimât. Maximilien Longueville, à qui Clara avait inspiré des soupçons qui n'étaient pas sans fondement sur le caractère d’Émilie, se trouvait à chaque instant emporté par la violence d'une passion de jeune homme, et retenu par le désir de connaître et d'éprouver la femme à laquelle il devait confier tout son avenir et le bonheur de sa vie. Il ne voulait essayer de combattre les préjugés qui gâtaient le caractère d’Émilie, préjugés que son amour ne l'avait pas empêché de reconnaître en elle, qu'après s'être assuré qu'il en était aimé, car il ne voulait pas plus hasarder le sort de son amour que celui de sa vie. Il s'était donc constamment tenu dans un silence que ses regards, son attitude et ses moindres actions démentaient. De l'autre côté, la fierté naturelle à une jeune fille, encore augmentée chez mademoiselle de Fontaine par la sotte vanité que lui donnaient sa naissance et sa beauté, l'empêchaient d'aller au-devant d'une déclaration qu'une passion croissante lui persuadait quelquefois de solliciter. Aussi les deux amants avaient-ils instinctivement compris leur situation sans s'expliquer leurs secrets motifs. Il est des moments de la vie où le vague plaît à de jeunes âmes ; et par cela même que l'un et l'autre avaient trop tardé de parler, ils semblaient tous deux se faire un jeu cruel de leur attente. L'un cherchait à découvrir s'il était aimé par l'effort que coûterait un aveu à son orgueilleuse maîtresse ; l'autre espérait voir rompre à tout moment un trop respectueux silence. Mademoiselle de Fontaine s'était assise sur un banc rustique, et songeait à tous les événements qui venaient de se passer. Chaque jour de ces trois mois lui semblait être le brillant pétale d'une fleur radieuse et embaumée. Les soupçons de son père étaient les dernières craintes dont son âme pouvait être atteinte. Elle en fit même justice par deux ou trois de ces réflexions de jeune fille inexpérimentée qui lui semblèrent victorieuses. Avant tout, elle convint avec elle-même qu'il était impossible qu'elle se trompât. Pendant toute une saison, elle n'avait pu apercevoir en M. Maximilien, ni un seul geste, ni une seule parole qui indiquassent une origine ou des occupations communes ; il avait dans la discussion une habitude qui décelait un homme occupé des hauts intérêts du pays. — D'ailleurs, se dit-elle, un homme de bureau, un financier où un commerçant n'aurait pas eu le loisir de rester une saison entière à me faire la cour au milieu des champs et des bois, en dispensant son temps aussi libéralement qu'un noble qui a devant lui toute une vie libre de soins. Elle était plongée dans une méditation beaucoup plus intéressante pour elle que ne l'étaient ces pensées préliminaires, quand un léger bruissement du feuillage lui annonça que depuis un moment elle était sans doute contemplée avec la plus profonde admiration. — Savez-vous que cela est fort mal, lui dit-elle en souriant, de surprendre ainsi les jeunes filles! — Surtout, répondit-il, lorsqu'elles sont occupées de leurs secrets. — Pourquoi n'aurais-je pas les miens, puisque vous avez les vôtres ? — Vous pensiez donc réellement à vos secrets ? reprit-il en riant. — Non, je songeais aux vôtres. Les miens ? je les connais. — Mais, s'écria doucement le jeune homme en saisissant le bras de mademoiselle de Fontaine et le mettant sous le sien, peut-être mes secrets sont-ils les vôtres, et vos secrets les miens. Ils avaient fait quelques pas et se trouvaient sous un massif d'arbres que les couleurs du couchant enveloppaient comme d'un nuage rouge et brun. Cette magie naturelle imprima une sorte de solennité à ce moment. L'action vive et libre du jeune homme, et surtout l'agitation de son cœur bouillant dont le bras d’Émilie sentait les pulsations précipitées, l'avaient jetée dans une exaltation d'autant plus pénétrante qu'elle n'était excitée que par les accidents les plus simples et les plus innocents. La réserve dans laquelle vivent les jeunes filles du grand monde donne une force incroyable aux explosions de leurs sentiments, et c'est un des plus grands dangers qui puisse les atteindre quand elles rencontrent un amant passionné. Jamais les yeux d’Émilie et de Maximilien n'avaient tant parlé. En proie à cette ivresse, ils oublièrent aisément les petites stipulations de l'orgueil, de la défiance, et les froides considérations de leur raison. Ils ne purent même s'exprimer d'abord que par un serrement de main qui servit d'interprète à leurs joyeuses pensées. — Monsieur, dit en tremblant et d'une voix émue mademoiselle de Fontaine après un long silence et après avoir fait quelques pas avec une certaine lenteur, j'ai une question à vous faire. Mais, songez, de grâce, qu'elle m'est en quelque sorte commandée par la situation assez étrange où je me trouve vis-à-vis de ma famille. Une pause effrayante pour Émilie succéda à ces phrases qu'elle avait presque bégayées. Pendant le moment que dura le silence, cette jeune fille si fière n'osa soutenir le regard éclatant de celui qu'elle aimait, car elle avait un secret sentiment de la bassesse des mots suivants qu'elle ajouta : — Êtes-vous noble ? Quand ces dernières paroles furent prononcées, elle aurait voulu être au fond d'un lac. — Mademoiselle, reprit gravement M. Longueville dont la figure altérée contracta une sorte de dignité sévère, je vous promets de répondre sans détour à cette demande quand vous aurez répondu avec sincérité à celle que je vais vous faire. Il quitta le bras de là jeune fille, qui, tout à coup, se crut seule dans la vie, et il lui dit : — Dans quelle intention me questionnez-vous sur ma naissance ? Elle demeura immobile, froide et muette. — Mademoiselle, reprit Maximilien, n'allons pas plus loin, si nous ne nous comprenons pas. — Je vous aime, ajouta-t-il d'un son de voix profond et attendri. Eh bien, reprit-il d'un air joyeux après avoir entendu l'exclamation de bonheur que ne put retenir la jeune fille, pourquoi me demander si je suis noble ? — Parlerait-il ainsi s'il ne l'était pas ? s'écria une voix intérieure qu’Émilie crut sortie du fond de son cœur. Elle releva gracieusement la tête, sembla puiser une nouvelle vie dans le regard du jeune homme, et lui tendit le bras comme pour faire une nouvelle alliance. — Vous avez cru que je tenais beaucoup à des dignités ? demanda-t-elle avec une finesse malicieuse. — Je n'ai pas de titres à offrir à ma femme, répondit-il d'un air moitié gai, moitié sérieux. Mais si je la prends dans un haut rang et parmi celles que leur fortune à habituées au luxe et aux plaisirs de l'opulence, je sais à quoi un tel choix m'oblige. L'amour donne tout, ajouta-t-il avec gaîté, mais aux amans seulement. Quant aux époux, il leur faut un peu plus que le dôme du ciel, des fruits et le tapis des prairies. — Il est riche, se dit-elle. Quant aux titres, il veut peut-être m'éprouver ! On lui aura dit que j'étais entichée de noblesse, et que je n'avais voulu épouser qu'un pair de France. Ce sont mes bégueules de sœurs qui m'auront joué ce jour-là. — Je vous assure, monsieur, que j'ai eu des idées bien exagérées sur la vie et le monde ; mais aujourd'hui, dit-elle en le regardant d'une manière à le rendre fou, je sais où sont nos véritables richesses. — J'ai besoin de croire que vous parlez à cœur ouvert, répondit-il avec une sorte de gravité douce. Mais cet hiver, ma chère Émilie, dans moins de deux mois peut-être, je serai fier de ce que je pourrai vous offrir, si vous tenez aux jouissances de la fortune. Ce sera le seul secret que je garderai là (il montra son cœur), car de sa réussite dépend mon bonheur, je n'ose dire le nôtre... — Oh ! dites, dites ! Ce fut au milieu des plus doux propos qu'ils revinrent à pas lents rejoindre la compagnie au salon. Jamais mademoiselle de Fontaine ne trouva son amant plus aimable, ni plus spirituel. Ses formes sveltes, ses manières engageantes lui semblèrent plus charmantes encore depuis une conversation qui venait en quelque sorte de lui confirmer la possession d'un cœur digne d'être envié par toutes les femmes. Ils chantèrent un duo italien avec une expression si ravissante, que l'assemblée les applaudit avec une sorte d'enthousiasme. Leur adieu eut un accent de convention qui cachait le sentiment le plus délicieux. Enfin cette journée devint pour la jeune fille comme une chaîne qui la lia pour toujours à la destinée de l'inconnu. La force et la dignité qu'il avait déployées dans la scène secrète pendant laquelle ils s'étaient révélé leurs sentiments, avaient peut-être aussi imposé à mademoiselle de Fontaine ce respect sans lequel il n'existe pas de véritable amour. Lorsque, restée seule avec son père dans le salon, le vénérable Vendéen s'avança vers elle, lui prit affectueusement les mains, et lui demanda si elle avait acquis quelque lumière sur la fortune, l'état et la famille de M. de Longueville, elle répondit : — Oui, mon cher et bien-aimé père, je suis plus heureuse que je ne pouvais le désirer, et M. de Longueville est le seul homme que je veuille épouser. — C'est bien, Émilie, reprit le comte, je sais ce qui me reste à faire. — Connaîtriez-vous quelque obstacle, demanda-t-elle avec une véritable anxiété. — Ma chère enfant, ce jeune homme est absolument inconnu ; mais, à moins que ce ne soit un malhonnête homme, du moment où tu l'aimes, il m'est aussi cher qu'un fils. — Un malhonnête homme ? reprit Émilie, je suis bien tranquille ! mon oncle peut vous répondre de lui, car c'est lui qui nous l'a présenté. Dites, cher oncle, a-t-il été flibustier, forban, corsaire ? — Bon ! je savais bien que j'allais me trouver là, s'écria le vieux marin en se réveillant. Il regarda dans le salon ; mais sa nièce avait disparu comme un feu Saint-Elme, pour se servir de son expression habituelle. — Eh bien ! mon oncle, reprit M. de Fontaine, comment avez-vous pu nous cacher tout ce que vous saviez sur ce jeune homme ? Vous avez cependant dû vous apercevoir de nos inquiétudes. Est-il de bonne famille ? — Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam ! s'écria le comte de Kergarouët. Me fiant au tact de cette petite folle, je lui ai amené son Adonis par un moyen à moi connu. Je sais qu'il tire le pistolet admirablement, chasse très bien, joue merveilleusement au billard, aux échecs, au trictrac, et qu'il fait des armes et monte à cheval comme feu le chevalier de Saint-Georges. Il a une érudition corsée relativement à nos vignobles. Il calcule comme Barème, dessine, danse et chante bien. Que diable avez-vous donc, vous autres ? Si ce n'est pas là un gentilhomme parfait, montrez-moi un bourgeois qui sache tout cela. Trouvez-moi un homme qui vive aussi noblement que lui ? Fait-il quelque chose ? Compromet-il sa dignité à aller dans des bureaux, à se courber devant de petits, gentillâtres que vous appelez des directeurs généraux ? Il marche droit. C'est un homme. Mais, au surplus, je viens de retrouver dans la poche de mon gilet la carte qu'il m'a donnée quand il croyait que je voulais lui couper la gorge ; pauvre innocent ! La jeunesse d'aujourd'hui n'est guère rusée ! Tenez, voici. — Rue du Sentier, n° 5, dit M. de Fontaine en cherchant à se rappeler, parmi tous les renseignements qu'on lui avait donnés, celui qui pouvait concerner le jeune inconnu. Que diable cela signifie-t-il ? MM. Georges Brummer, Schilken et compagnie, banquiers dont le principal commerce est celui des mousselines, calicots, toiles peintes, que sais-je ! demeurent là. Bon, j'y suis. Longueville, le député, a un intérêt dans leur maison. Oui, mais je ne connais à Longueville qu'un fils de trente-deux ans, qui ne ressemble pas du tout au nôtre, et auquel il donne cinquante mille livres de rente en mariage, afin de lui faire épouser la fille d'un ministre, il a envie d'être pair tout comme un autre. Jamais je ne lui ai entendu parler de ce Maximilien. A-t-il une fille ? Qu'est-ce que cette Clara. Au surplus, permis à plus d'un intrigant de s'appeler Longueville. Mais la maison Brummer, Schilken et compagnie, n'est-elle pas à moitié ruinée par une spéculation au Mexique ou aux Indes. J'éclaircirai tout cela. — Tu parles tout seul comme si tu étais sur un théâtre, et tu parais me compter pour zéro, dit tout-à-coup le vieux marin. Tu ne sais donc pas que s'il est gentilhomme, j'ai plus d'un sac dans mes écoutilles pour parer à son défaut de fortune ? — Quant à cela ! s'il est fils de Longueville, il n'a besoin de rien, dit M. de Fontaine en agitant la tête de droite à gauche, son père n'a même pas acheté de savonnette à vilain. Avant la révolution il était procureur. Le de qu'il a pris depuis la restauration lui appartient tout autant que la moitié de sa fortune. — Bah ! bah, s'écria gaîment le marin, heureux ceux dont les pères ont été pendus. Trois ou quatre jours après cette mémorable journée, et dans une de ces belles matinées du mois de novembre qui font voir aux Parisiens leurs boulevards nettoyés soudain, par le froid piquant d'une première gelée, mademoiselle de Fontaine, parée d'une fourrure nouvelle qu'elle voulait mettre à la mode, était sortie avec deux de ses belles-sœurs sur lesquelles elle avait jadis décoché le plus d'épigrammes. Ces trois dames étaient bien moins invitées à cette promenade parisienne par l'envie d'essayer une voiture très élégante et des robes qui devaient donner le ton aux modes de l'hiver, que par le désir de voir une merveilleuse pèlerine dont une de leurs amies avait remarqué la coupe élégante et originale, dans un riche magasin de lingerie situé au coin de la rue de la Paix. Quand les trois dames furent entrées dans la boutique, madame la baronne de Fontaine tira Émilie par la manche et lui montra M. Maximilien Longueville assis dans le comptoir, et occupé à rendre avec une grâce mercantile la monnaie d'une pièce d'or à la lingère avec laquelle il semblait en conférence. Le bel inconnu tenait à la main quelques échantillons qui ne laissaient aucun doute sur son honorable profession. Sans qu'on pût s'en apercevoir, Émilie fut saisie d'un frisson glacial. Cependant, grâces au savoir-vivre de la bonne compagnie, elle dissimula parfaitement la rage qu'elle avait dans le cœur ; et répondit à sa sœur un : — Je le savais ! dont la richesse d'intonation et l'accent inimitable eussent fait envie à la plus célèbre actrice de ce temps. Elle s'avança vers le comptoir. M. Longueville lova la tête, mit les échantillons dans sa poche avec une grâce et un sang-froid désespérant ; salua mademoiselle de Fontaine, et s'approcha d'elle en lui jetant un regard pénétrant. Mademoiselle, dit-il à la lingère qui l'avait suivi d'un air très inquiet, j'enverrai régler ce compte, ma maison le veut ainsi. Mais tenez, ajouta-t-il à l'oreille de la jeune femme en lui remettant un billet de mille francs, prenez ? Ce sera une affaire entre nous. — Vous me pardonnerez, j'espère, mademoiselle, dit-il en se retournant vers Émilie. Vous aurez la bonté d'excuser la tyrannie qu'exercent les affaires. — Mais il me semble, monsieur, que cela m'est fort indifférent, répondit mademoiselle de Fontaine en le regardant avec une assurance et un air d'insouciance moqueuse qui pouvaient faire croire qu'elle le voyait pour la première fois. — Parlez-vous sérieusement ? demanda Maximilien d'une voix altérée. Émilie lui avait tourné le dos avec une incroyable impertinence. Ce peu de mots, prononcés à voix basse, avaient échappé à la curiosité des deux belles-sœurs. Quand, après avoir pris la pélerine, les trois dames furent remontées en voiture, Émilie, qui se trouvait assise sur le devant, ne put s'empêcher d'embrasser, par son dernier regard, la profondeur de cette odieuse boutique, où elle vit M. Maximilien, qui resta debout et les bras croisés, dans l'attitude d'un homme supérieur au malheur dont il était si subitement atteint. Leurs yeux se rencontrèrent, et se lancèrent deux rayons d'une implacable rigueur. Chacun d'eux espéra qu'il blessait cruellement le cœur qu'il aimait, et en un moment, tous deux se trouvèrent aussi loin l'un de l'autre que s'ils eussent été, l'un à la Chine et l'autre au Groënland. La vanité a un souffle qui dessèche tout. En proie au plus violent combat qui puisse agiter le cœur d'une jeune fille, mademoiselle de Fontaine recueillit la plus ample moisson de douleurs que jamais les préjugés et les petitesses eussent semée dans une âme humaine. Son visage frais et velouté naguère, était sillonné de tons jaunes, de taches rouges, et parfois les teintes blanches de ses joues se verdissaient soudain. Dans l'espoir de dérober son trouble à ses sœurs, elle leur montrait en riant tantôt un passant, tantôt une toilette ridicule ; mais ce rire était convulsif, et intérieurement elle se sentait plus vivement blessée de la compassion silencieuse dont ses sœurs l'accablèrent à leur insu, que des épigrammes par lesquelles elles auraient pu se venger. Elle employa tout son esprit à les entraîner dans une conversation où elle essaya d'exhaler sa colère par des contradictions insensées, et accabla les négociants des injures les plus piquantes et d'épigrammes de mauvais ton. En rentrant, elle fut saisie d'une fièvre dont le caractère eut d'abord quelque chose de dangereux ; mais au bout de huit jours, les soins de ses parents, ceux du médecin, la rendirent aux vœux de sa famille. Chacun espéra que cette leçon pourrait servir à dompter le caractère d’Émilie, qui reprit insensiblement ses anciennes habitudes et s'élança de nouveau dans le monde. Elle prétendit qu'il n'y avait pas de honte à se tromper. Si elle avait, comme son père, quelque influence à la chambre, disait-elle, elle provoquerait une loi pour obtenir que les commerçants, surtout les marchands de calicot, fussent marqués au front comme les moutons du Berry, jusqu'à la troisième génération. Elle voulait que les nobles eussent seuls le droit de porter ces anciens habits français qui allaient si bien aux courtisans de Louis XV. C'était peut-être, à l'entendre, un malheur pour la monarchie, qu'il n'y eût aucune différence entre un marchand et un pair de France. Mille autres plaisanteries, faciles à deviner, se succédaient rapidement quand un incident imprévu la mettait sur ce sujet. Mais ceux qui aimaient Émilie remarquaient à travers ses railleries une teinte de mélancolie, qui leur fit croire que M. Maximilien Longueville régnait toujours au fond de ce cœur inexplicable. Parfois elle devenait douce comme pendant la saison fugitive qui vit naître son amour, et parfois aussi elle se montrait plus insupportable qu'elle ne l'avait jamais été. Chacun excusait en silence les inégalités d'une humeur qui prenait sa source dans une souffrance tout à la fois secrète et connue. Le comte de Kergarouët obtint un peu d'empire sur elle, grâces à un surcroît de prodigalités , genre de consolation qui manque rarement son effet sur les jeunes Parisiennes. La première fois que mademoiselle de Fontaine alla au bal, ce fut chez l'ambassadeur de Naples. Au moment où elle prit place au plus brillant des quadrilles, elle aperçut à quelques pas d'elle, M. Longueville, qui fit un léger signe de tête à son danseur. — Ce jeune homme est un de vos amis ? demanda-t-elle à son cavalier d'un air de dédain. — Je le crois, répondit-il, c'est mon frère. Émilie ne put s'empêcher de tressaillir. — Ah ! si vous le connaissiez, reprit-il d'un ton d'enthousiasme, c'est bien la plus belle âme qui soit au monde... — Savez-vous mon nom ? lui demanda Émilie en l'interrompant avec vivacité. — Non, mademoiselle. C'est un crime, je l'avoue, que de ne pas avoir retenu un nom qui est sur toutes les lèvres, je devrais dire dans tous les cœurs. Cependant, j'ai une excuse valable, j'arrive d'Allemagne. Mon ambassadeur, qui est à Paris en congé, m'a envoyé ce soir ici pour servir de chaperon à son aimable femme que vous pouvez voir là-bas dans un coin. — Mais c'est un masque tragique ! dit Émilie, après avoir examiné l'ambassadrice. — Voilà cependant sa figure de bal, reprit en riant le jeune homme. Il faudra bien que je la fasse danser ! Aussi, ai-je voulu avoir une compensation. Mademoiselle de Fontaine s'inclina. — J'ai été bien surpris, continua le babillard secrétaire d'ambassade, de trouver mon frère ici. En arrivant de Vienne, j'ai appris que le pauvre garçon était malade et au lit. Je comptais bien le voir avant d'aller au bal ; mais la politique ne nous laisse pas toujours le loisir d'avoir des affections de famille. La dona délla casa ne m'a pas permis de monter chez mon pauvre Maximilien. — Monsieur votre frère n'est pas comme vous dans la diplomatie? dit Émilie. — Non, le pauvre garçon, dit le secrétaire en soupirant. Il s'est sacrifié pour moi ! Lui et ma sœur Clara ont renoncé à la fortune de mon père, afin qu'il pût réunir sur ma tête un immense majorat. Mon père rêve la pairie, comme tous ceux qui votent pour le ministère. Il a la promesse d'être nommé, ajouta-t-il à voix basse. Alors mon frère, après avoir réuni quelques capitaux, s'est mis dans une maison de banque, où il a promptement réussi. Je sais qu'il vient de faire avec le Brésil une spéculation qui peut le rendre millionnaire, et suis tout joyeux d'avoir contribué par mes relations diplomatiques à lui en assurer le succès. J'attends même avec impatience une dépêche de la légation brésilienne qui sera de nature à lui dérider le front. Comment le trouvez-vous ? — Mais la figure de monsieur votre frère ne me semble pas être celle d'un homme occupé d'argent. Le jeune diplomate scruta par un seul regard la figure en apparence calme de sa danseuse. — Comment, dit-il en souriant, les demoiselles devinent donc aussi les pensées d'amour à travers les fronts muets ? — Monsieur votre frère est amoureux, demanda-t-elle en laissant échapper un geste de curiosité. — Oui. Ma sœur Clara, pour laquelle il a des soins maternels, m'a écrit qu'il s'était amouraché, cet été, d'une fort jolie personne ; mais depuis, je n'ai pas eu des nouvelles de ses amours. Croiriez-vous que le pauvre garçon se levait à cinq heures du matin, et allait expédier ses affaires afin de pouvoir se trouver à quatre heures à la campagne de la belle. Aussi a-t-il abîmé un charmant cheval de race pure dont je lui avais fait cadeau. Pardonnez-moi mon babil, mademoiselle, j'arrive d'Allemagne. Depuis un an, je n'ai pas entendu parler correctement le français ; je suis sevré de visages français et rassasié d'allemands, si bien que, dans ma rage patriotique, je parlerais, je crois, aux chimères d'un candélabre, pourvu qu'elles fussent faites en France. Puis si je cause avec un abandon peu convenable chez un diplomate, la faute en est à vous, mademoiselle. N'est-ce pas vous qui m'avez montré mon frère ? et, quand il est question de lui, je suis intarissable. Je voudrais pouvoir dire à la terre entière combien il est bon et généreux. Il ne s'agissait de rien moins que de cent vingt mille livres de rente que rapporte la terre de Longueville et dont il a laissé mon père disposer en ma faveur ! Si mademoiselle de Fontaine obtint des révélations aussi importantes, elle les dut en partie à l'adresse avec laquelle elle sut interroger son confiant cavalier, du moment où elle apprit qu'il était le frère de son amant dédaigné. Cette conversation tenue à voix basse et maintes fois interrompue, roula sur trop de sujets divers, pour être rapportée en entier. — Est-ce que vous avez pu, sans quelque peine, voir monsieur votre frère vendre des mousselines et des calicots ? demanda Émilie, après avoir accompli la troisième figure de la contredanse. — D'où savez-vous cela ? lui demanda le diplomate. Dieu merci ! tout en débitant un flux de paroles, j'ai déjà l'art de ne dire que ce que je veux, ainsi que tous les apprentis ambassadeurs de ma connaissance. — Vous me l'avez dit, je vous assure. M. de Longueville regarda mademoiselle de Fontaine avec un étonnement plein de perspicacité. Un soupçon entra dans son âme. Il interrogea successivement les yeux de son frère et de sa danseuse ; il devina tout, pressa ses mains l'une contre l'autre, leva les yeux au plafond, se mit à rire, et dit : — Je ne suis qu'un sot ! Vous êtes la plus belle personne du bal, mon frère vous regarde à la dérobée, il danse malgré la fièvre, et vous feignez de ne pas le voir. Faites son bonheur, dit-il, en la reconduisant auprès de son vieil oncle, je n'en serai pas jaloux ; mais je tressaillirai toujours un peu, en vous nommant ma sœur... Cependant les deux amants devaient être aussi inexorables l'un que l'autre pour eux-mêmes. Vers les deux heures du matin, l'on servit un ambigu dans une immense galerie où, pour laisser les personnes d'une même coterie libres de se réunir, les tables avaient été disposées comme elles le sont chez les restaurateurs. Par un de ces hasards qui arrivent toujours aux amans, mademoiselle de Fontaine se trouva placée à une table voisine de celle autour de laquelle se mirent les personnes les plus distinguées de la fête. Maximilien faisait partie de ce groupe. Émilie, qui prêta une oreille attentive aux discours tenus par ses voisins, put entendre une de ces conversations qui s'établissent si facilement entre les femmes de trente ans et les jeunes gens qui ont les grâces et la tournure de Maximilien Longueville. L'interlocutrice du jeune banquier était une duchesse napolitaine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la peau blanche avait l'éclat du satin. L'intimité que le jeune Longueville affectait d'avoir avec elle blessa d'autant plus mademoiselle de Fontaine qu'elle venait de rendre à son amant vingt fois plus de tendresse qu'elle ne lui en portait jadis. — Oui, monsieur, dans mon pays, le véritable amour sait faire toute espèce de sacrifices, disait la duchesse en minaudant. — Vous êtes plus passionnées que ne le sont les Françaises, dit Maximilien dont le regard enflammé tomba sur Émilie. Elles sont tout vanité. — Monsieur, reprit vivement la jeune fille, n'est - ce pas une mauvaise action que de calomnier sa patrie. Le dévouement est de tous les pays. — Croyez-vous, mademoiselle, reprit l'Italienne avec un sourire sardonique, qu'une Parisienne soit capable de suivre son amant partout ? — Ah ! entendons-nous, madame ? On va dans un désert y habiter une tente, on ne va pas s'asseoir dans une boutique ! Elle acheva sa pensée en laissant échapper un geste de dédain. Ainsi l'influence exercée sur Émilie par sa funeste éducation tua deux fois son bonheur naissant, et lui fit manquer son existence. La froideur apparente de Maximilien et le sourire d'une femme lui arrachèrent un de ces sarcasmes dont elle ne se refusait jamais la perfide jouissance. — Mademoiselle, lui dit à voix basse M. Longueville à la faveur du bruit que firent les femmes en se levant de table, personne ne formera pour votre bonheur des vœux plus ardents que ne le seront les miens. Permettez-moi de vous donner cette assurance en prenant congé de vous. Dans quelques jours, je partirai pour l'Italie. — Avec une duchesse, sans doute ? — Non, mademoiselle, mais avec une maladie mortelle peut-être. — N'est-ce pas une chimère, demanda Émilie en lui lançant un regard inquiet. — Non, dit-il, il est des blessures qui ne se cicatrisent jamais. — Vous ne partirez pas ! dit l'impérieuse jeune fille en souriant. — Je partirai, reprit gravement Maximilien. — Vous me trouverez mariée au retour, je vous en préviens ! dit-elle avec coquetterie. — Je le souhaite. — L'impertinent, s'écria-t-elle. Se venge-t-il assez cruellement. Quinze jours après, M. Maximilien Longueville partit avec sa sœur Clara pour les chaudes et poétiques contrées de la belle Italie, laissant mademoiselle de Fontaine en proie aux plus violents regrets. Le jeune et sémillant secrétaire d'ambassade épousa la querelle de son frère, et sut tirer une vengeance éclatante des dédains d’Émilie en publiant les motifs de la rupture des deux amants. Il rendit avec usure à sa danseuse les sarcasmes qu'elle avait jadis lancés sur Maximilien, et fit souvent sourire plus d'une Excellence, en peignant la belle ennemie des comptoirs, l'amazone qui prêchait une croisade contre les banquiers, la jeune fille dont l'amour s'était évaporé devant un demi-tiers de mousseline. Le comte de Fontaine fut obligé d'user de son crédit pour faire obtenir à M. Auguste Longueville une mission en Russie, afin de soustraire sa fille au ridicule que ce jeune et dangereux persécuteur versait sur elle à pleines mains. Bientôt le ministère, obligé de lever une conscription de pairs, pour soutenir les opinions aristocratiques qui chancelaient dans la noble chambre à la voix d'un illustre écrivain, nomma M. Longueville pair de France et vicomte. M. de Fontaine obtint aussi la pairie, récompense due autant à sa fidélité pendant les mauvais jours, qu'à son nom qui manquait à la chambre héréditaire. Vers cette époque, mademoiselle de Fontaine, âgée de vingt-deux ans, se mit à faire de sérieuses réflexions sur la vie, et changea sensiblement de ton et de manières. Au lieu de s'exercer à dire des méchancetés à son oncle, elle lui prodigua les soins les plus affectueux. Elle lui apportait sa béquille avec une persévérance de tendresse qui faisait rire les plaisants. Elle lui offrait le bras, allait dans sa voiture, et l'accompagnait dans toutes ses promenades. Elle lui persuada même qu'elle n'était point incommodée par l'odeur de la pipe, et lui lisait sa chère Quotidienne au milieu des bouffées de tabac que le malicieux marin lui envoyait à dessein. Elle apprit le piquet pour faire la partie du vieux comte. Enfin cette jeune personne si fantasque écoulait avec attention les récits que son oncle recommençait périodiquement, du combat de la Belle-Poule, des manœuvres de la Fille-de-Paris, de la première expédition de M. de Suffren , ou de la bataille d'Aboukir. Quoique le vieux marin eût souvent dit qu'il connaissait trop sa longitude et sa latitude pour se laisser capturer par une jeune corvette ; un beau matin, les salons de Paris apprirent que mademoiselle de Fontaine avait épousé le comte de Kergaroûet. La jeune comtesse donna des fêtes splendides pour s'étourdir ; mais elle trouva sans doute le néant au fond de ce tourbillon. Le luxe cachait imparfaitement le vide et le malheur de son ale souffrante, car, la plupart du temps, malgré les éclats d'une gaîté feinte, sa belle figure exprimait une sourde mélancolie. Émilie paraissait d'ailleurs pleine d'attentions et d'égards pour son vieux mari, qui, souvent, en s'en allant dans son appartement le soir au bruit d'un joyeux orchestre, disait à ses vieux camarades qu'il ne se reconnaissait plus, et qu'il ne croyait pas qu'à l'âge de soixante-quinze ans il dût s'embarquer comme pilote sur LA BELLE EMILIE. La conduite de la comtesse était empreinte d'une telle sévérité, que la critique la plus clairvoyante n'avait rien à y reprendre. Les observateurs pensaient que le contre-amiral s'était réservé le droit de disposer de sa fortune pour enchaîner plus fortement sa femme ; supposition qui faisait injure à l'oncle et à la nièce. L'attitude des deux époux fut d'ailleurs si savamment calculée, qu'il devint presque impossible aux jeunes gens intéressés à deviner le secret de ce ménage, de savoir si le vieux comte traitait sa femme en amant ou en père. On lui entendait dire souvent qu'il avait recueilli sa nièce comme une naufragée, et que, jadis, il n'avait jamais abusé de l'hospitalité quand il lui arrivait de sauver un ennemi de la fureur des orages. Bientôt la comtesse de Kergarouet rentra insensiblement dans une obscurité qu'elle semblait désirer, et Paris cessa de s'occuper d'elle. Deux ans après son mariage, elle se trouvait au milieu d'un des antiques salons du faubourg Saint-Germain où son caractère, digne des anciens temps, était admiré, lorsque tout à coup M. le vicomte de Longueville y fut annoncé. La comtesse était ensevelie dans un coin du salon où elle faisait le piquet de l'évêque de Persépolis, son émotion ne fut donc remarquée de personne. En tournant la tête, elle avait vu entrer Maximilien dans tout l'éclat de la jeunesse. La mort de son père et celle de son frère tué par l'inclémence du climat de Pétersbourg, avaient posé sur sa tête les plumes héréditaires du chapeau de la pairie. Sa fortune égalait ses connaissances et son mérite. La veille même, sa jeune et bouillante éloquence avait éclairé l'assemblée. En ce moment, il apparaissait à la triste comtesse, libre et paré de tous les dons qu'elle avait rêvés pour son idole. Le vicomte était l'orgueil des salons. Toutes les mères qui avaient des filles à marier lui faisaient de coquettes avances. Il était réellement doué des vertus qu'on lui supposait en admirant sa grâce ; mais Émilie savait, mieux que tout autre, qu'il possédait cette fermeté de caractère dans laquelle les femmes prudentes voient un gage de bonheur. Elle jeta les yeux sur l'amiral, qui, selon son expression familière, paraissait devoir tenir encore longtemps sur son bord, elle lança un regard de résignation douloureuse sur cette tête grise; puis, elle revit d'un coup d’œil les erreurs de son enfance pour les condamner, et maudit les lingères. En ce moment, M. de Persépolis lui dit avec une certaine grâce épiscopale : — Ma belle dame, vous avez écarté le roi de cœur, j'ai gagné ; mais ne regrettez pas votre argent, je le réserve pour mes petits séminaires. Paris, décembre 1829. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. nullnull//// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. ///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / / TD informatique Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850. Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Pablo Rodriguez 2023-01-21T15:52:52.437000000 3 PT10M23S LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Mise en page d'un texte long TD informatique 2023-01-21T17:50:51.821000000 Pablo Rodriguez TD informatique Pablo Rodriguez Mise en page d'un texte long 31 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. nullnull///// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. ////// / Pablo Rodriguez 2018-04-09T19:31:56.176000000 2020-04-30T10:12:23.151000000 Pablo Rodriguez PT4H42M47S 35 LibreOffice/6.3.5.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/dd0751754f11728f69b42ee2af66670068624673 Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Mise en page d'un texte long Alimentation en Grèce antique Votre prénom et votre nom 2018-04-10 Histoire ou Géographie Votre groupe de TD Alimentation en Grèce antique 9 / 27 Mise en page d'un texte long B -Régimes alimentaires particuliers Mise en page d'un texte long 10 / 27 / / Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Alimentation en Grèce antique Mise en page d'un texte long Histoire ou Géographie Votre prénom et votre nom Votre groupe de TD 10/04/2018 Sommaire Sommaire A - Alimentation en Grèce antique 2 B - Régimes alimentaires particuliers 20 Alimentation e n Grèce antique Repas Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin. Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches) [1]. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Le beurre est connu, mais on lui préfère l'huile d'olive. La nourriture s'accompagne de vin (rouge, blanc ou rosé) étendu d'eau et parfois aromatisé. L’alimentation des Grecs est connue par des sources à la fois littéraires et artistiques : les comédies d'Aristophane et les extraits d'œuvres préservées par le grammairien Athénée d'une part, les vases peints et les figurines en terre cuite d'autre part. En famille Les Grecs font trois repas par jour : Le premier, froid, est composé de pain d'orge trempé dans du vin pur, éventuellement agrémenté de figues entre autres fruits ; fromage et olives. Le second, sommaire, est pris vers midi ou au début de l'après-midi. Le troisième, le plus important de la journée, a généralement lieu à la nuit tombée. Il peut s'y ajouter un goûter en début de soirée ; littéralement un déjeuner dînatoire, peut être servi tard dans l'après-midi à la place du dîner. Les femmes sont rares lors des repas et des banquets, et elles s'y tenaient dans la plus grande réserve, et le silence. Il était d'usage qu'elles sortent lorsque les convives, ayant cessé de manger, se livrent à la conversation libre. Il semble que, dans la plupart des cas, les femmes prennent leurs repas à part. Si la taille de la maison ne le permet pas, les hommes mangent les premiers, les femmes passant à table une fois que ces derniers ont terminé leur repas. Les esclaves assurent le service. Dans les familles les plus pauvres, ce sont les femmes et les enfants, s'il faut en croire Aristote, qui pallient le manque d'esclaves. L'usage de déposer dans des tombes de petits modèles en terre cuite représentant des pièces du mobilier nous permet aujourd'hui d'avoir une bonne idée des meubles grecs. Les Grecs mangent assis, l'usage de banquettes étant réservé aux banquets ou aux aristocrates. Les tables, hautes pour les repas ordinaires et basses pour les banquets, sont d'abord de forme rectangulaire. Au IVe siècle av. J.-C., la table habituelle prend une forme ronde, souvent à pieds zoomorphes (par exemple en forme de pattes de lion). Les galettes de pain peuvent servir d'assiette, mais les écuelles en terre cuite ou en métal sont plus courantes. La vaisselle se raffine au fil du temps et l'on trouve des assiettes en matériaux précieux ou en verre pendant l'époque romaine. Les couverts sont peu utilisés à table : l'usage de la fourchette étant inconnu, on mange avec les doigts. On s'aide d'un couteau pour la viande et d'une cuillère semblable aux cuillères occidentales contemporaines pour manger soupes et bouillies. Des morceaux de pain ( ἀπομαγδαλία / apomagdalía) peuvent être utilisés pour se saisir de la nourriture ou, en guise de serviettes, pour s'essuyer les doigts. En société L'histoire des banquets publics (repas et symposion) montre de grandes différences entre, par exemple, le banquet aristocratique archaïque (du VIIIe au VIe siècle) et le banquet public organisé par la cité ou les évergètes dans les cités hellénistiques. Dans tous les cas, cependant, comme le dit J.-P. Vernant « il y a des formes et des degrés divers de sacré, plutôt qu'une polarité sacré-profane » et le religieux est présent autant dans le repas que dans le symposion. Enfin, le fait de manger et boire ensemble fonde la communauté civique. Le lieu le plus fréquent est le sanctuaire du dieu en l'honneur duquel se font les sacrifices, dans le hieron ou le temenos. La plupart des sanctuaires attiques, recevaient des banquets publics. Le lieu du symposion était aussi, souvent, situé au cœur de la cité : à Thasos sur un côté de l'agora archaïque, à Athènes le prytanée ne sert, au début du Ve siècle, qu'au banquet des prytanes, et la stoa sud comportait des salles de banquet pour 500 lits de table. Sur l'Acropole, la Pinacothèque pouvait être aménagée pour recevoir 17 lits (entre 440 et 430), tout ceci pour les « officiels ». Dans le quartier du Céramique, le Pompeion, de la fin du Ve siècle, et ses abords pouvaient recevoir les masses lors des banquets publics. Cependant d'autres espaces pouvaient convenir en certaines occasions. « Ainsi un bienfaiteur à Metropolis a fait lors des jours bachiques une hestiasis pour le dèmos « dans la montagne », ce qui n'est guère surprenant dans une fête en l'honneur de Dionysos. » Le συμπόσιον / sympósion — traditionnellement traduit par « banquet », plus littéralement « réunion de buveurs » — est l’un des « loisirs » préférés des Grecs. Il comprend deux parties : la première est consacrée à la nourriture, généralement assez simple, et la seconde à la boisson. En réalité, on consomme tragếmata également du vin avec le repas, et les boissons sont accompagnées des τραγήματα / tragếmata ou friandises à grignoter : châtaignes, fèves, grains de blé grillés ou encore gâteaux au miel, chargés d'absorber l'alcool et de prolonger la beuverie. Certains banquets font d'ailleurs partie de rituels qui en manifestent la dimension « sacrée ». La seconde partie est inaugurée par une ou plusieurs libations, un péan ou une simple prière, généralement en l’honneur de Dionysos. Puis l’on discute ou l’on joue à divers jeux de table, comme le cottabe — en effet, les convives sont allongés sur des banquettes. Des danseuses, des acrobates et des musiciens de location peuvent agrémenter la soirée. Le philosophe péripatéticien Théophraste montre dans ses Caractères le propriétaire d’un esclave qui a loué des filles, musiciennes et danseuses qui peuvent assurer tous les plaisirs des convives. Un « roi du banquet », tiré au sort, est chargé d'indiquer aux esclaves la proportion à observer entre le vin et l'eau dans la préparation de la boisson. Le chant ou la prière sont assez libres de composition ; la libation est composée d'une partie offerte à Zeus et aux dieux olympiens, une deuxième offerte au bon démon, et la troisième à Hermès [2]. Une coupe est remplie, qui passe de main en main chez les participants qui formulent une prière. Les libations obéissent à certaines règles : le nombre de libations par personne n'est pas limité, mais l'invocation ne va pas sans la libation. Après le repas et avant la beuverie, on couvre la tête des participants de bandelettes ou des couronnes de rubans. Théophraste montre dans ses Caractères un avare qui fait une petite libation, et de surcroît compte le nombre de coupes vidées, puis se plaint du prix des bandelettes et autres rubans (les objets rituels nécessaires s'échangeaient). Strictement réservé aux hommes — à l'exception des danseuses et des courtisanes, les femmes se devaient de rester entre elles dans Le Banquet de Platon, Aristodème prie la joueuse d'aulos de rejoindre les femmes de la maison dans la pièce qui leur est réservée ; celle qui se mêle aux hommes est vue comme une esclave, comme tout sauf de condition libre, passible d'attaque en justice — le banquet est un élément essentiel de la sociabilité grecque. Il peut être organisé à l'instigation d'un particulier conviant ses amis ou sa famille, à l'instar de modernes invitations à dîner. Il peut également rassembler, de manière régulière, les membres d'une association religieuse ou d'une hétairie (sorte de club aristocratique). Les grands banquets sont évidemment l'apanage des plus riches, mais dans la plupart des foyers grecs, les fêtes religieuses ou les événements familiaux sont l'occasion de banquets plus modestes. Le philosophe péripatéticien Hippoloque de Macédoine, ami et condisciple de Lyncée de Samos, lui a écrit une lettre au sujet d'un banquet de mariage auquel il a été convié : on servit du vin, puis un pain d'égale largeur, des poules, des canards, du pigeon (ramier), etc. Chacun ayant pris ce qu'on lui présentait, le donna avec le plat aux esclaves ; on présenta aussi à la ronde nombre d'autres différents mets. Ce service fut suivi d'un autre, dont faisait partie un grand pain, des oies, des lièvres, des chevreaux, des tourtereaux, des perdrix. Les mêmes mets furent aussi donnés aux esclaves. Ayant ainsi pris assez de nourriture, les invités se sont lavé les mains, et des joueuses de flûtes, des musiciens, et des harpistes rhodiennes couvertes d'un voile[style à revoir]. Elles se retirèrent après un court début : aussitôt il en parut d'autres, portant chacune deux pots de parfum. On servit ensuite à chacun, pour souper, un plat contenant un très gros cochon rôti. Hippoloque ** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK ** mentionne des grives rôties, des becfigues où l'on avait versé des jaunes d'œufs, des huîtres, des pétoncles. « Le cochon fut suivi d'un autre chevreau bouillant dans la sauce sur un autre plat. Dès que nous fûmes débarrassés de ce monde, nous nous mîmes à boire. » La dernière partie du banquet, celle consacrée à la beuverie, était également prétexte à la danse ; inviter une danseuse sans être au moins éméché est très mal vu en société ; l'ivresse doit servir de prétexte. Le banquet a servi de cadre à une littérature de genre : Le Banquet de Platon, Le Banquet de Xénophon, les Propos de table de Plutarque ou encore le Banquet des Deipnosophistes d’Athénée. Syssities Les syssities ( τὰ συσσίτια / tà syssítia) sont des repas obligatoires pris en commun dans le cadre de groupes sociaux ou religieux rassemblant hommes et jeunes gens. Ils concernent principalement la Crète et Sparte et prennent le nom d’hetairia, pheiditia, ou andreia. Ils fonctionnent comme des clubs aristocratiques et comme un mess militaire. Comme les banquets, les syssities sont le domaine exclusif des hommes ; quelques références décrivent également des syssities exclusivement féminines. Au contraire des banquets, cependant, les repas se caractérisent par la simplicité et la tempérance. Pain Les céréales ( σῖτος / sĩtos) constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur ( πύρος / pýros), d'épeautre ( ζειά / zeiá) et d'orge ( κριθαί / krithaí). Mondé par trempage, le blé peut être transformé de deux manières principales : réduit en gruau, il sera employé en bouillie ; moulu en farine ( ἀλείατα / aleíata) et pétri, il sert à fabriquer du pain ( ἄρτος / ártos) ou des galettes, simples ou mélangées à du fromage ou du miel. Le levain est connu ; à partir de l'époque romaine, les Grecs utilisent un composé alcalin ou de la levure de vin comme agent levant. Les pâtons sont cuits à la maison dans un four en argile (ἰπνός / ipnos) surélevé par des pieds. Une technique de cuisson plus rustique consiste à déposer des charbons ardents sur le sol en terre et de recouvrir le tas d'un couvercle en cloche ( πνιγεὐς / pnigeus) ; quand le sol est suffisamment chaud, on pousse les charbons sur le côté, on dépose les pâtons et le couvercle est remis en place, sous les charbons. Le four en pierre n'apparaît qu'à l'époque romaine. D'après une prescription de Solon, législateur athénien du VIe siècle av. J.-C., le pain de froment doit être réservé aux jours de fête. Cependant, dès l'époque classique et pour peu qu'on en ait les moyens, on le trouve tous les jours chez la boulangère, profession qui apparaît à Athènes au Ve siècle. L'orge est plus facile à produire mais peu panifiable. Elle donne des pains nourrissants mais très lourds. De ce fait, elle est plutôt grillée puis moulue pour donner une farine ( ἄλφιτα / álphita), laquelle sert à fabriquer (le plus souvent sans cuisson puisque les grains ont déjà été grillés) la μᾶζα / mãza, le plat de base grec, comme le souligne le surnom de « mangeurs d'orge » dont les Romains affublaient les Grecs. Dans la Paix, Aristophane emploie l'expression ἔσθειν κριθὰς μόνας, littéralement « ne manger que de l'orge », équivalent du français « être au pain sec et à l'eau ». Nous connaissons plusieurs recettes de la maza : elle peut être servie cuite ou crue, sous forme de bouillie, de boulettes ou de galettes. Là encore, la maza peut être agrémentée de fromage ou de miel. Fruits et légumes Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin La présence de figues carbonisées, près des restes de raisin, laisse supposer qu'elles ont servi d'adjuvant sucré pour camoufler l'amertume du jus des vignes sauvages. Les céréales sont souvent servies avec un accompagnement appelé génériquement ὄψον / ópson. Le mot désigne d'abord tout ce qui se prépare sur le feu, et par extension tout ce qui accompagne le pain. À partir de l'époque classique, il s'agit de poisson et de légumes : choux, oignons, lentilles, fèves, différentes espèce de gesses, vesces ou encore pois chiches. Ils sont servis en soupe, bouillis ou en purée ( ἔτνος / étnos), assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre, de γάρον / gáron — sauce de poisson proche du nuoc mam vietnamien — et d'herbes. S'il faut en croire Aristophane, la purée est l'un des plats favoris d'Héraclès, toujours représenté comme un goinfre dans la comédie. Les plus pauvres consomment couramment des glands de chêne ( βάλανοι / bálanoi). Les olives sont une garniture fréquente, qu'elles soient crues ou confites. En ville, les légumes frais sont chers et peu consommés : les citadins peu fortunés se rabattent sur les légumes secs. La soupe de lentilles ( φακῆ / phakễ) est le plat typique de l'ouvrier. Les rations militaires typiques contiennent de l'ail, des oignons et du fromage. Aristophane évoque ainsi le « rot de mangeur d'oignon » typique du soldat ; ailleurs, le chœur chante la paix et sa « joie d'être délivré du casque / du fromage et des oignons ». Les fruits, frais ou secs, sont mangés en dessert. Ce sont principalement les figues, les grenades, les noix et noisettes. Les figues sèches sont également consommées en apéritif, en buvant du vin. Dans ce cas, elles sont souvent accompagnées de graines de lupin, de châtaignes, de pois chiches ou de faines grillées. Viande Manger de la viande est chose rare, sauf aux fêtes ou autres banquets. La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée mais aussi son implantation : à la campagne, la chasse (principalement le piégeage pour les petites gens) permet de consommer du lièvre et des oiseaux. Les paysans possèdent également des basses-cours les fournissant en poulets et en oies ; les propriétaires un peu aisés ou riches pratiquent un élevage d'appoint de chèvres, porcs et moutons, et les chasseurs s'offrent le produit de leurs prises : sangliers, cerfs. À la ville, les viandes sont chères, à l'exception de la viande de porc : à l'époque d'Aristophane, un cochon de lait coûte trois drachmes, soit trois jours de travail d'un ouvrier de chantier public. Les riches comme les pauvres consomment des saucisses. Des boudins faits d'estomac de chèvre bourrés de graisse et de sang sont déjà mentionnés dans l'Odyssée. La civilisation mycénienne pratiquait l'élevage de bovins pour leur viande. Au VIIIe siècle av. J.-C. encore, Hésiode décrit son idéal de festin campagnard : « puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Byblos, une galette bien gonflée et du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée ». La viande est beaucoup moins mentionnée dans les textes de l'époque classique que dans la poésie archaïque ; il est possible que cette évolution ne reflète pas une évolution des habitudes de consommation, mais seulement les codes de chaque genre littéraire. La consommation de viande a principalement lieu à l'occasion des sacrifices religieux qui donnent lieu à des festins civiques : la part des dieux (graisse, fémurs et viscères) est brûlée alors que la part des hommes (viande) est grillée et distribuée aux participants. Il existe parallèlement un commerce florissant de viandes cuites ou salées, qui semblent elles aussi être issues de sacrifices. La technique bouchère grecque a ceci de particulier que l'animal n'est pas découpé suivant le type de morceau, mais en portions de poids égal : chacune d'entre elles peut donc être composée presque entièrement de graisse et d'os ou au contraire seulement de viande, et mêler morceaux à braiser, rôtir, bouillir ou griller. Un passage de comédie illustre les problèmes que la pratique suscite : « Chairéphon achetait un jour de la viande ; le boucher, dit-on, lui en coupa par hasard un morceau très osseux. Il lui dit : « Boucher, ne compte pas l'os », ce à quoi celui-ci répondit : « Mais la viande est tendre : on dit qu'elle l'est quand elle est près de l'os. » Et Chairéphon de dire : « Soit, cher ami, mais son poids supplémentaire me chagrine, où qu'il se trouve. » En Crète, les meilleures parts sont allouées aux citoyens particulièrement sages ou bons guerriers ; dans d'autres cités, comme Chéronée, les portions sont tirées au sort, ce qui donne à chacun une chance égale d'obtenir un bon ou un mauvais morceau. Par conséquent, un Grec achetant sa viande au marché ne peut guère choisir qu'entre les abats et la viande à proprement parler : aucune source n'en montre commandant une côtelette ou un gigot. Les Spartiates se nourrissent principalement d'un ragoût de porc, le brouet noir ( μέλας ζωμός / mélas zômós). Plutarque indique que « parmi les plats, celui qu'ils apprécient le plus est le brouet noir ; c'est au point que les vieillards ne demandent même pas de viande ; ils la laissent aux jeunes et font leur dîner du brouet qu'on leur verse. » C'est pour les Grecs un véritable sujet de curiosité. « Bien sûr que les Spartiates sont les plus courageux de tous les hommes », plaisante un Sybarite, « n'importe quel homme de bon sens préférerait mourir mille morts plutôt que de mener une si pauvre vie. » Le plat est composé de viandes rôties de chèvre et porc, de sel, de vinaigre et de sang. Il est complémenté de maza, de figues et de fromage et parfois gibier ou de poisson. Élien, auteur du IIe-IIIe siècle, prétend que Sparte défend à ses cuisiniers de savoir préparer autre chose que de la viande. Poisson L'attitude des Grecs face au poisson varie suivant l'époque. Comme le remarquent les Grecs eux-mêmes, on ne mange pas de poisson dans l’Iliade, mais seulement des viandes rôties. Platon l'explique par l'austérité des mœurs de l'époque mais il semble qu'au contraire, le poisson ait alors été perçu comme la nourriture des pauvres. L’Odyssée évoque bien que les compagnons d'Ulysse mangent du poisson, mais uniquement parce qu'ils sont affamés après être passés par Charybde et Scylla et parce qu'ils doivent se nourrir de ce qui leur tombe sous la main. Au contraire, à l'époque classique, le poisson devient un mets de luxe, recherché par les plus fins gourmets et suscitant, à l'époque hellénistique, des traités spécialisés, comme celui de Lyncée de Samos sur L'Art d'acheter du poisson pour pas cher. Pour autant, tous les poissons ne se valent pas. Une stèle de la fin du IIIe siècle av. J.-C. provenant de la petite cité béotienne d'Akraiphia, sur le lac Copaïs, fournit une liste de poissons et de leurs prix respectifs, probablement pour protéger les consommateurs d'augmentations excessives : le moins cher est le skaren (sans doute du perroquet de mer), tandis que la ventrèche de thon coûte trois fois plus cher. Le poète Ériphe range les seiches avec la ventrèche de thon, la tête de loup et le congre au rang des mets dignes des dieux, et que les pauvres ne peuvent pas s'offrir. Les convives du banquet mis en scène par Athénée au IIe-IIIe siècleapr. J.-C. consacrent une grande partie de leur conversation à des considérations œnophiles et gastronomiques. Ils discutent des mérites comparés de tels vins, légumes ou viandes ; évoquent des plats renommés (seiches farcies, ventrèche de thon, écrevisses de mer, laitues arrosées de vin au miel) et grands cuisiniers — ainsi de Sotéridès, cuisinier du roi Nicomède Ier de Bithynie (IIIe siècle av. J.-C.). Alors que son maître, en pleines terres, se languit d'anchois, il lui en sert des imitations : des raves femelles soigneusement découpées en forme d'anchois, huilées, salées et saupoudrées de graines de pavot noires. Cet exploit de cuisinier, la Souda, encyclopédie byzantine, l'attribue par erreur au gourmet romain M. Gavius Apicius (Ier siècle av. J.-C.) — preuve qu'alors les Grecs n'ont plus rien à envier aux Romains. Au plus bas de l'échelle, les sardines, les anchois et autre menu fretin constituent l'ordinaire des citoyens athéniens. Parmi les autres poissons de mer courants, on peut citer le thon blanc, le rouget, la raie, l'espadon ou encore l'esturgeon, mets de choix consommé salé. Le lac Copaïs est lui-même fameux pour fournir des anguilles, renommées dans toute la Grèce et chantées par le héros des Acharniens. Parmi les autres poissons d'eau douce, on peut citer le brochet, la carpe ou le peu apprécié poisson-chat. Les Grecs apprécient également les œufs de poisson et fruits de mer : coquillages, seiches ( σηπία), poulpes ( πολύπους) et calmars ( τευθίς) sont frits ou grillés et servis comme amuse-gueule, comme accompagnements ou dans les banquets quand ils sont de petite taille ; des oursins ; les spécimens de grande taille relèvent du répertoire de la grande cuisine. Seiches et poulpes sont des cadeaux traditionnels lors de la fête des Amphidromies, lorsque les parents nomment leur enfant. S'agissant des coquillages, on peut probablement reconnaître dans ceux que citent les sources le bulot, la moule, la grande nacre, l'ormeau, la palourde, la patelle, le pétoncle ou praire ou encore le troque. Galien est le premier à mentionner la consommation de l'huître ( ὄστρεον) crue. Enfin, le crabe ( καρκίνος), le homard ( ἀστακός), la langoustine ( κάραϐος), la cigale de mer ( ἄρκτος) sont appréciés. L'oursin ( ἐχῖνος) est davantage connu le long des côtes. Le poisson est issu d'une pêche le plus souvent individuelle, très près des côtes et très artisanale, voire à la main. Si l'on peut supposer l'existence de criées, la plus grande partie de la pêche semble être vendue sur les marchés des cités, sur des étals spécialisés. Le poisson se présente souvent sous forme salée. Le procédé est surtout courant pour les petits poissons : l'expression « moins cher que le poisson saur » désigne un bien extrêmement commun et très bon marché. Il est également appliqué aux poissons gras — bonite, thon, maquereau, ange de mer, esturgeon — et même aux crabes et aux oursins. Œufs et fromage Les Grecs élèvent des canards, des oies, des cailles et des poules en partie pour leurs œufs. Certains auteurs louent également les œufs de faisan et d'oie. Les oiseaux dans le commerce, chez un boucher, sont vivants et tués à la demande, mais on peut supposer qu'ils étaient assez rares. Les œufs sont consommés durs ou à la coque en tant que hors-d'œuvre ou inversement, comme desserts, ou encore gobés. Ils sont également employés, sous forme de blancs, de jaunes ou entiers, dans la fabrication de certains plats. Le lait ( γάλα / gála) est bu par les paysans mais n'est quasiment pas employé en cuisine. Le beurre ( βούτυρον / boútyron) est connu mais lui aussi peu employé : les Grecs considèrent son usage comme une caractéristique des Thraces, qu'ils considèrent volontiers comme des rustres incultes, que le poète comique Anaxandridès surnomme les « mangeurs de beurre ». En revanche, ils apprécient les produits laitiers. On sert comme friandise ce qui devait ressembler à du yaourt, le πυριατή / pyriatế. Surtout, le fromage ( τυρός / tyrós), de chèvre ou de brebis, est un aliment de base. On le vend dans des boutiques distinctes suivant qu'il est frais ou non, le premier coûtant environ les deux tiers du prix du second. On le mange seul ou en mélange avec du miel ou des légumes. Il entre également, comme ingrédient, dans la préparation de bon nombre de plats, y compris de poisson. L'unique recette préservée du cuisinier sicilien Mithécos (Ve siècle av. J.-C.) indique ainsi : « cépole : videz, enlevez la tête, rincez et levez les filets ; ajoutez de l'huile et du fromage ». Cependant, cette utilisation du fromage est controversée : Archestrate avertit ses lecteurs que les cuisiniers siciliens gâchent le bon poisson en y ajoutant du fromage. Boissons La boisson la plus répandue est évidemment l'eau. Aller chercher de l'eau est la corvée quotidienne des femmes. Si le puits est inévitable, on préfère naturellement l'eau « d'une source toujours coulante et jaillissante, qui n'est pas trouble ». L'eau est reconnue comme nourrissante — elle fait grandir les arbres et les plantes — mais aussi comme désirable. Pindare juge ainsi « agréable comme le miel » l'eau d'une fontaine. Les Grecs peuvent qualifier une eau de lourde, sèche, acide, douce ou dure, vineuse, etc. Un personnage du poète comique Antiphane jure qu'il reconnaîtrait entre toutes l'eau de l'Attique par son bon goût. Enfin, Athénée cite un certain nombre de philosophes réputés pour ne boire que de l'eau, habitude conjuguée à une alimentation végétarienne (cfr. ci-dessous). On boit aussi couramment du lait de chèvre et de l'hydromel. L'ustensile habituel pour boire est le scyphos, ustensile en bois, en terre cuite ou en métal. Critias préservé par Plutarque mentionne ainsi le cothon, gobelet spartiate qui présente l'avantage, à l'armée, de cacher à la vue la couleur de l'eau et de retenir dans ses bords la boue qui peut s'y trouver. On utilise également la coupe à boire appelée kylix (à pied et large vasque), et dans les banquets, le canthare (coupe profonde à pieds) ou encore le rhyton (cornet à boire souvent plastique, c'est-à-dire à la panse moulée en forme de tête d'homme ou d'animal). Le vin La Grèce découvre probablement la viticulture au cours des IVe et IIIe millénaires av. J.-C. Elle est bien attestée par des tablettes écrites en linéaire A et en linéaire B, qui évoquent des vignobles, des vignes associées avec des arbres ou des céréales, et des vins doux, passerillés ou miellés. Homère et Hésiode décrivent les travaux de la vigne comme des pratiques traditionnelles. Les Travaux et les Jours montrent ainsi le viticulteur vendangeant des grappes bien mûres, qu'il laisse sécher au soleil pendant dix jours pour concentrer les sucres ; la technique est utilisée jusqu'à l'époque d'Hippocrate et de Dioscoride. Les grappes sont ensuite foulées dans des foulons portatifs puis pressées. Le moût est placé dans des pithoi, sorte de jarres rendues étanches à la poix, à demi-enterrées pour assurer une température stable, et laissées à fermenter pendant 10 à 30 jours. Les jarres sont ensuite bouchées jusqu'à la fin de l'hiver, ce qui correspond en Attique à la fête des Anthestéries. Théophraste, auteur d’un Traité de l'ivresse, montre au IIIe siècle av. J.-C. dans Histoire des Plantes que le « thériclée » utilisé pour consommer le vin est un calice, lorsqu'il parle du térébinthe, expliquant que l'on ne peut distinguer ceux de térébinthe de ceux de terre. Selon Théophraste, c’est le potier de terre corinthien Thériclès, contemporain d'Aristophane, qui imagina cette sorte de récipient. Le vin a été à une époque reculée, antérieure à son époque, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l’eau, afin d’user d’une boisson bien détrempée, de sorte qu’après en avoir bu, on fût moins avide de ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. Le vin est vinifié aussi bien en rouge qu'en rosé et en blanc. Les cépages employés sont très nombreux : Pramnos, Maronée, Phanaios de Chios, biblin de Phénicie, psithia, mersitis, etc On trouve toutes sortes de productions, des grands crus en provenance de Thasos, de Lesbos, Chios ou encore Rhodes au vin de table, et même une piquette légère, rinçage à l'eau du marc de raisin mêlé de lie, réservée à la consommation personnelle du producteur. Phanias, ami et condisciple de Théophraste, a décrit une préparation du vin dans laquelle il faut verser une partie d'eau de mer sur environ cinquante de vin doux ; il devient « anthosmias ». Il ajoute que l'anthosmias est beaucoup plus fort avec du vin de jeune plant, mais on faisait aussi de l'anthosmias en écrasant du raisin qui commençait à peine à tourner. Le vin doit être vendu pur. Vendre du vin coupé est une fraude contre laquelle les Géoponiques donnent des astuces : il suffit de jeter dans le vin un objet léger comme un morceau de pomme ou de poire, ou une cigale : si le vin est pur, l'objet flotte. Le vin est généralement consommé coupé d'eau ; pur, il n'est pas recommandé pour un usage courant : il semble en effet que son degré alcoolique ait été plus élevé que le vin actuel. Ceux de Santorin, de Crète, de Messénie, d'Arcadie et d'Attique varient entre 13° et 15°, voire atteignent 17° pour les plus forts. Le vin est mélangé dans un cratère et puisé par les esclaves à l'aide d'œnochoés (cruches) pour être servi dans les kylix (coupes) des buveurs. Le vin peut également aromatisé au miel, à la cannelle ou au thym. Élien mentionne également un vin mélangé de parfum. On connaît également le vin cuit et, à Thasos, un vin qualifié de « doux ». Certains vins sont salés, comme à Lesbos, en ajoutant de l'eau de mer ou en faisant tremper les grappes séchées au soleil dans de l'eau de mer ; si le goût semble avoir été apprécié, il peut également s'agir d'un moyen pour empêcher le vin de tourner. On connaît également, à l'époque romaine, un ancêtre du retsina (vin additionné de résine de pin) et du vermouth. Le vin pur peut être en revanche employé comme médicament ; de manière générale, on prête au vin des vertus médicales étonnantes. Élien mentionne ainsi que le vin d'Héraia en Arcadie rend fous les hommes et les femmes fertiles ; inversement, un vin achéen aide les femmes désirant avorter. Hors de ces applications thérapeutiques, la société grecque réprouve la consommation de vin par les femmes. S'il faut en croire Élien, une loi de Massalia l'interdit même et prescrit aux femmes de ne boire que de l'eau. Sparte est la seule cité où les femmes boivent couramment du vin. Les vins réservés à un usage local sont stockés dans des outres de peau. Ceux destinés à la vente sont versés dans des pithoi ( πίθοι / píthoi), grandes jarres en terre cuite. On les transvase ensuite dans des amphores enduites de poix, pour les vendre au détail. Les grands crus comportent des estampilles du producteur et/ou des magistrats de la cité afin de garantir leur origine (principe des appellations d'origine contemporaines). Cycéon et ptisane Les Grecs buvaient le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge allongé d'eau et additionné d'herbes et d'aromates. Dans l’Iliade, la boisson préparée pour Machaon par une servante est un cycéon comportant du fromage de chèvre râpé en plus de l'oignon. Dans l’Odyssée, Circé y ajoute du miel et un philtre magique. Dans l’Hymne homérique à Déméter, la déesse refuse du vin rouge mais accepte un cycéon composé d'eau, de farine et de menthe pouliot. Utilisé comme boisson sacrée dans les mystères d'Éleusis, le cycéon est aussi un breuvage populaire, surtout à la campagne : Théophraste montre dans ses Caractères un rustre ayant bu force cycéon et incommodant ses voisins par son haleine à l'Assemblée. La boisson est réputée pour ses vertus digestives : dans la comédie La Paix, le dieu Hermès la recommande au héros qui a abusé de fruits secs. Décoction d'orge, la ptisane est une décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de nourriture habituelle aux malades. Hippocrate la recommande plus particulièrement dans l'alimentation des patients atteints de maladies aiguës. Régimes alimentaires particuliers À l'époque archaïque et classique, la frugalité, imposée par les conditions physiques et climatiques grecques, est érigée en vertu. Les Grecs n'ignorent pas le plaisir que l'on peut prendre à se nourrir, mais celui-ci doit rester simple. Le campagnard Hésiode, cité plus haut, considère comme un festin de la viande grillée, du lait et des galettes, le tout à l'ombre par une belle journée. Encore le meilleur repas est-il celui qui est gratuit : « bombance sans écot n'est pas à laisser perdre », remarque le philosophe Chrysippe. La recherche culinaire et gastronomique est en revanche rejetée comme un signe de mollesse toute orientale : les Perses sont considérés comme décadents en raison de leur goût du luxe, qui se manifeste dans leur gastronomie. Les auteurs grecs se complaisent à décrire la table du Grand Roi achéménide et de sa cour : Hérodote, Cléarque de Soles, Strabon et plus encore Ctésias sont unanimes dans leurs descriptions. Au contraire, les Grecs se complaisent à souligner l'austérité de leur régime alimentaire. Plutarque raconte ainsi qu'un roi du Pont, curieux de goûter le fameux « brouet noir » spartiate, achète un cuisinier laconien. Il goûte le plat et le trouve très mauvais ; le cuisinier répond « Ô roi, pour goûter ce brouet, il faut s'être d'abord baigné dans l'Eurotas. » Selon Polyen, Alexandre le Grand, en découvrant la salle à manger du palais royal perse, se moque de leur goût pour la nourriture et y voit la cause de leur défaite. Pausanias de Sparte, en découvrant les habitudes alimentaires du Perse Mardonios, aurait pareillement ridiculisé les Perses qui « ayant le moyen de vivre [ainsi], est venu attaquer [les Grecs] pour [leur] ravir ce dont [ils] viv[ent] ainsi misérablement ». Conséquence de ce culte affiché de la frugalité, la cuisine reste longtemps le domaine des femmes, qu'elles soient libres ou esclaves. Malgré tout, dès la période classique, la réalité semble ne pas correspondre totalement au tableau peint par les Grecs : on voit déjà mentionner des spécialistes de l'art culinaire. Élien et Athénée mentionnent les mille cuisiniers accompagnant, à l'époque de Clisthène, Smindyridès de Sybaris dans son voyage à Athènes — même si c'est pour stigmatiser sa « mollesse ». Platon mentionne ainsi « Théarion le cuisinier, Mithécos, l'auteur d'un traité sur la cuisine sicilienne, et Sarambos, le marchand de vins, trois éminents connaisseurs en gâteaux, en cuisine et en vins. » Certains cuisiniers écrivent des traités de cuisine. Au fil du temps, de plus en plus de Grecs se présentent comme gourmets. Élien explique ainsi : « à Rhodes, celui qui fait grand cas des poissons et les apprécie et qui dépasse tout le monde en gourmandise est, dit-on, loué par ses concitoyens comme un noble esprit. » À la période hellénistique puis romaine, malgré les revendications de frugalité, les Grecs — du moins les riches — ne se montrent guère plus austères qu'ailleurs. Le végétarisme L'orphisme et le pythagorisme, deux courants religieux et philosophiques grecs, ont proposé un mode de vie différent, fondé sur l'idée de pureté et donc de purification ( κάθαρσις / kátharsis) — c'est au sens propre une ascèse : ἄσκησις / áskêsis signifie d'abord un exercice, puis un mode de vie particulier. Dans ce cadre, le végétarisme est un élément central de l'orphisme et d'un certain nombre de variantes du pythagorisme. L'enseignement de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) est plus difficile à cerner. Les auteurs de la Comédie moyenne, comme Alexis ou Aristophon, décrivent des pythagoriciens strictement végétariens, certains subsistant même au pain et à l'eau. Cependant, d'autres traditions se contentent d'interdire la consommation de certains légumes, comme la fève, d'animaux sacrés comme le coq blanc, ou même seulement certaines parties d'animaux. En outre, même des pythagoriciens mangent de la viande de temps à autre dans le cadre des banquets sacrificiels, afin d'obéir à leurs devoirs religieux : « c'est uniquement dans les animaux qu'il est permis de sacrifier que l'âme de l'homme ne peut pas pénétrer ; c'est pourquoi il faut manger les animaux du sacrifice, si nécessaire, et jamais les autres. » Empédocle condamne la consommation de viande et adopte une position proche du végétarisme moderne. On la justifie souvent par la croyance en la transmigration des âmes et la justice que l'on doit aux créatures : « Jeûnez de la méchanceté ! » L'âme de chacune des créatures, humaines, animales ou végétales, passe d'un corps à un autre, de la mort à la naissance et de la naissance à la mort, pour se purifier. On a fait observer qu'Empédocle aurait dû également refuser de manger des végétaux, puisqu'il croit que son âme s'est déjà incarnée en buisson : Dodds voit dans le végétarisme une conséquence de l'« antique horreur du sang versé » : Orphée enseigne de ne pas verser le sang. D'autres contestent l'attribution à Empédocle de la doctrine de la métempsycose, et lient son végétarisme à la doctrine suivant laquelle tous les êtres vivants sont parents : il faut donc ne manger que les fruits des plantes à maturité. Le sacrifice aux dieux devient symbolique : « Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût une vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il distribua à toute l'assemblée des jeux Olympiques. » Dans son Manger la chair, Plutarque (Ier-IIe siècles apr. J.-C.) reprend la thématique de la barbarie du sang versé et, renversant le débat habituel, somme l'homme zoophage de justifier son choix. Le néoplatonicien Porphyre de Tyr (IIIe siècle), dans son De l'abstinence, rattache le végétarisme aux Mystères crétois et recense les végétariens du passé en commençant par Épiménide, selon qui c'est Triptolème, à qui Déméter a confié le blé pour apprendre l'agriculture à l'humanité, qui est à l'origine du végétarisme : ses trois commandements sont « honore tes parents », « honore les dieux par des fruits » et « épargne les animaux ». La diète des malades Les médecins grecs s'accordent sur la nécessité d'une diète particulière pour les malades, mais le consensus s'arrête là. Dans son Régime des maladies aigües, Hippocrate rapporte que la ptisane est souvent utilisée, parce qu'elle est facile à absorber et qu'elle est réputée calmer la fièvre. Cependant, certains l'administrent épaisse, avec ses grains d'orge, tandis que d'autres la prescrivent filtrée des grains d'orge. D'autres encore n'autorisent que les boissons jusqu'au septième jour, puis passent à la ptisane et enfin, certains interdisent toute forme de nourriture solide tout au long de la maladie. Les prescriptions d'Hippocrate sont elles-mêmes évaluées de manière diverse : certains médecins accusent le grand médecin de faire jeûner les malades ; au contraire, d'autres lui reprochent de trop les nourrir. À l'époque hellénistique, l'alexandrin Érasistrate fait grief aux disciples d'Hippocrate de contraindre les malades à ne boire qu'un peu d'eau, sans prendre de nourriture : c'est en fait la doctrine des méthodistes, qui ordonnent une diète stricte pendant les 48 premières heures de la maladie. Inversement, un certain Pétronas recommande de manger du porc rôti et de boire du vin pur. Les régimes des athlètes S'il faut en croire Élien, le premier athlète à s'être soumis à un régime alimentaire particulier est Iccos de Tarente, un athlète du Ve siècle av. J.-C.. Platon confirme qu'il suit un régime très strict, l'expression « repas d'Iccos » devenant proverbiale. Pourtant, Milon de Crotone, champion olympique de lutte, est déjà réputé avaler 7,5 litres de vin, 9 kilos de pain et autant de viande par jour. Avant lui, les athlètes de l'époque classique observent un régime à base d'aliments secs ( ξηροφαγία / xêrophagía) composé de figues sèches, de fromage frais, de noix, et de pain. Le vin leur était interdit. Pythagore (soit le philosophe, soit un maître de gymnastique) est le premier à proscrire aux athlètes de manger de la viande. Par la suite, les entraîneurs appliquent une sorte de régime standard : pour prétendre au titre olympique « on doit suivre une diète particulière, ne pas prendre de desserts (…) ; on ne peut pas boire d'eau glacée ni prendre un verre de vin quand on veut. » Ce régime semble reposer sur une consommation importante de viande : Pausanias évoque un « régime carné. » Le médecin Galien reproche aux sportifs de son temps de « toujours se gaver de viandes saignantes. » Pour lui, ce régime alimentaire conduit à un épaississement de la chair et donc l'extinction de la chaleur innée du corps, à terme à la mort de l'athlète. Au contraire, il estime que le régime diététique doit être adapté à chaque sportif et prescrit par un médecin hygiéniste. Table des matières Table des matières A - Alimentation en Grèce antique 2 § A.α - Repas 2 § A.β - En famille 3 § A.γ - En société 4 § A.δ - Syssities 7 § A.ε - Pain 8 § A.στ - Fruits et légumes 9 § A.ζ - Viande 10 § A.η - Poisson 12 § A.θ - Œufs et fromage 14 § A.ι - Boissons 15 § A.ια - Le vin 16 § A.ιβ - Cycéon et ptisane 18 B - Régimes alimentaires particuliers 20 § B.α - Le végétarisme 21 § B.β - La diète des malades 23 § B.γ - Les régimes des athlètes 23 Index des céramiques Index des céramiques Céramique 1: Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias 2 Céramique 2: Banqueteur puisant dans un cratère grâce à une œnochoé pour remplir son cylix de vin 9 Bibliographie : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , : , , , : , , : , , : , , : , , : , , Bibliographie 1: Janick Auberger, Manger en Grèce classique , 2: Philippe De Carbonnières , Olympie: La victoire pour les dieux., Résumé:Le régime alimentaire des Grecs antiques se caractérise par sa frugalité, reflet de conditions difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la « triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.Les céréales constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. //// / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Frédéric TEMPEZ 2023-02-27T13:15:55.305000000 2023-03-21T10:40:34.330000000 John Deer PT17M30S 5 LibreOffice/7.2.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/8d71d29d553c0f7dcbfa38fbfda25ee34cce99a2 2 John Deer The hum Killing Joke Revelations - 1981 Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 No mistake where they always emphasize security Draw the curtains, shut the door, the heater's on I couldn't ask for more I pull the sheets right overhead Snuggle, snuggle safe in bed Take the weight right off my shoulder Misery claims much too late Bow the head or grip the sabre Vernichten regenerate Bright eyed young inherit all Treading down upon the fallen They was drawn towards the Hum Plenty more where they come from Slowly, slowly all fall down A blindfold dance and a 1,2,3 Swarm upset the gentle lamb A hive don't hold no humble bee! Slowly, slowly, out it came Tendencies that weren't the same And they were drawn towards the Hum Plenty more where We come from choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct des cacartères-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Remonte jusqu'au premier héritage d'un style.-!br!-Si pas d'héritage alors c'est le nom du style. / Commentaire sur cet exercice.-NewLine-Seconde ligne de commentaire. Pablo Rodriguez 2022-12-10T10:20:49.293000000 100 P1DT3H57M56S 2023-01-05T11:48:06.549000000 Pablo Rodriguez LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Le sujet de mon document Le titre de mon document Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description null / Prénom Nom 2023-02-22T11:50:09.377000000 18 PT22M49S Le chocolat. Contrôle continu mise en page d'un texte long. LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f 2023-02-22T12:13:00.976000000 Prénom Nom Prénom Nom Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. 22 Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Contrôle continu mise en page d'un texte long. Le chocolat. Prénom Nom Le chocolat. Le chocolat, terme d'origine mésoaméricaine1, est un aliment plus ou moins sucré produit à partir de la fève de cacao. Celle-ci est fermentée, torréfiée, broyée jusqu'à former une pâte de cacao liquide dont est extraite la matière grasse appelée beurre de cacao. Le chocolat est constitué du mélange, dans des proportions variables, de pâte de cacao, de beurre de cacao et de sucre ; auxquels sont ajoutées éventuellement des épices, comme la vanille, ou des matières grasses végétales. Consommé initialement sous forme de xocoatl2 (boisson épicée) au Mexique et en Amérique centrale, le chocolat se démocratise avec la révolution industrielle. Au XXIe siècle, il est consommé sous forme solide (chocolat noir ou au lait) ou liquide (chocolat chaud). Le chocolat se retrouve dans de nombreux desserts tels que les confiseries, biscuits, gâteaux, glaces, tartes, boissons. Offrir du chocolat, moulé de différentes manières, est devenu traditionnel lors de certaines festivités : œufs, lapins, poules, cloches, et petites figurines de poissons ou fruits de mer à Pâques, pièces de monnaie pour Hanoucca3, truffes pour Noël, cœurs pour la Saint-Valentin, ou les traditionnelles marmites de la fête de l'Escalade en Suisse dans le canton de Genève 1 Passion chocolat : De la fève à la tablette, Dorling Kindersley, 2017, 224 p, ISBN 978-2-8104-2119-0. . Étymologie. Les Aztèques associaient le chocolat avec Xochiquetzal4, la déesse de la fertilité. Les Mayas5 l'associaient aussi à leur dieu de la fertilité (voir la section Effets non prouvés). Le philologue mexicain Ignacio Davila Garibi6 suggère que les Espagnols ont inventé ce mot en associant le terme chocol et en remplaçant le mot maya haa7 (signifiant eau) par le terme nahuatl atl8. Cependant, il semble plus probable que les Aztèques eux-mêmes inventèrent le mot, ayant adopté depuis longtemps en nahuatl le mot maya pour la fève de cacao. En effet, les Espagnols eurent peu de contact avec les Mayas avant que Cortés rapporte au roi d'Espagne une boisson chocolatée connue sous le nom de xocolatl9. Wiliam Bright relève que le mot xocoatl n'apparaît pas au début de la langue espagnole ou dans les sources coloniales Nahuatl. Le verbe maya chokola'j , qui signifie « boire du chocolat ensemble », a aussi été proposé comme origine possible. Dans une étude controversée, les linguistes Karen Dakin10 et Søren Wichmann11 remarquent que dans de nombreux dialectes nahuatl, le nom est plutôt chicolatl que chocolatl. De plus, de nombreuses langues parlées au Mexique (telles que le popoluca12, le mixtèque13, le zapotèque14) et même aux Philippines, ont emprunté cette version du mot. Le mot chicol-li fait référence à des ustensiles de cuisine (toujours utilisés dans certaines régions). Depuis que le chocolat a été servi, à l'origine dans des cérémonies, avec des fouets individuels, Dakin et Wichmann considèrent qu'il semble assez probable que la forme d'origine du mot était chicolatl, ce qui pourrait signifier « boisson battue ». Dans plusieurs régions du Mexique, en effet chicolear15 signifie « battre, remuer ». Histoire. Origines. Le livre de la Genèse Maya, le Popol Vuh16, attribue la découverte du chocolat aux dieux. Dans la légende, la tête du héros Hun Hunaphu17, décapité par les seigneurs de Xibalba18, est pendue à un arbre mort qui donna miraculeusement des fruits en forme de calebasse appelés cabosses de cacao. La tête crache dans la main d'une jeune fille de Xibalba, l'inframonde maya, assurant ainsi sa fécondation magique. C'est pourquoi le peuple maya se sert du chocolat comme préliminaires au mariage. Le cacao permet aussi de purifier les jeunes enfants mayas lors d'une cérémonie. De même, le défunt est accompagné de cacao pour son voyage vers l'au-delà. Originaire des plaines tropicales d'Amérique du Sud et centrale, le cacaoyer, produisant les fèves de cacao, est cultivé depuis au moins trois millénaires dans cette région et dans l'actuel Mexique. En novembre 2007, des archéologues affirment avoir trouvé la plus ancienne preuve de l'utilisation des fèves, la situant entre 1100 et 1400 av. J.-C. : l'analyse chimique de résidus de récipients trouvés sur le site de fouilles de Puerto Escondido19 (Honduras) indique qu'à cette époque, le mucilage entourant les fèves servait à la fabrication d'une boisson fermentée. L'invention de la boisson chocolatée non alcoolisée fabriquée par la majorité des peuples mésoaméricains (y compris mayas et aztèques) fut postérieure ; cette boisson était vraisemblablement d'abord utilisée à des fins thérapeutiques ou lors de certains rituels. Le chocolat est un produit de luxe dans toute la Mésoamérique durant la civilisation précolombienne et les fèves de cacao sont souvent utilisées comme monnaie d'échange pour faire du troc, payer des impôts et acheter des esclaves et ce, dès 1 000 ans av. J.-C.. Par exemple, un Zontli20 est égal à 400 fèves, tandis que 8 000 fèves sont égales à un Xiquipilli21. Dans les hiéroglyphes mexicains, un panier contenant 8 000 fèves symbolise le nombre 8 000. Plus tard, en 1576, il faut 1 200 fèves pour obtenir un peso mexicain. Les Aztèques utilisent un système dans lequel une dinde coûte cent fèves de cacao et un avocat frais trois fèves. Les Mayas cultivent des cacaoyers et utilisaient les fèves de cacao pour fabriquer une boisson chaude, mousseuse et amère, souvent aromatisée avec de la vanille, du piment et du roucou22 nommée xocoatl. Une tombe maya du début de la période classique (460-480 av. J.-C.), retrouvée sur le site de Rio Azul23 (au Guatemala), contenait des récipients sur lesquels est représenté le caractère maya symbolisant le cacao et comportant des restes de boisson chocolatée. Une poterie contenant des traces de cacao fut découverte au Belize, ce qui confirme l'existence d'une consommation de chocolat au VIe siècle. Des documents rédigés en caractères Maya attestent que le chocolat est utilisé aussi bien pour des cérémonies que pour la vie quotidienne. Les Aztèques associent le chocolat avec Xochiquetzal24, la déesse de la fertilité. Ils pensent que le Xocoatl permet de lutter contre la fatigue et cette croyance découle probablement de la teneur en théobromine du produit. Le roi et les notables accompagnent leur viande de mole poblano25, première recette salée associant le cacao comme épice, et consomment à la fin des repas ce xocoatl en tant que boisson froide. D'autres boissons et préparations chocolatées l'associent avec des aliments tels que le gruau de maïs (qui joue le rôle d'émulsifiant), ainsi le peuple épice son atole26 avec des fèves de cacao pour consommer une sorte de purée, le champurrado27, ou l'iztac ātōlli28 à base de jus d'agave fermenté. Durant plusieurs siècles, en Europe et en Amérique du Sud, on utilise les fèves de cacao pour soigner la diarrhée (voir la section Autres bénéfices). Tous les territoires conquis par les Aztèques où poussent des cacaoyers doivent leur verser les fèves de cacao comme taxe, ou, comme les Aztèques eux-mêmes le considéraient, comme un tribut 2 Tout sur le chocolat : le guide de l'épicurien, Odile Jacob, 372 p, ISBN 978-2-7381-2354-1. . Le chocolat traverse l'océan. Originaire d'Amérique, le cacaoyer est donc inconnu ailleurs dans le monde jusqu'au XVIe siècle. En 1494, Christophe Colomb jette par-dessus bord les fèves qu'il avait reçues des Amérindiens. Il les aurait prises pour des crottes de chèvre. C'est donc plus tard, en juillet 1502 sur l'île de Guanaja29, qu'il découvre pour la première fois la boisson chocolatée. José de Acosta30, un missionnaire jésuite espagnol qui vécut au Pérou puis au Mexique à la fin du XVIe siècle, écrit : « Détestable pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'en consommer, tout en ayant une mousse ou une écume qui a très mauvais goût. Oui, c'est une boisson très estimée parmi les Indiens, dont ils régalent les nobles qui traversent leur pays. Les Espagnols, hommes et femmes, qui sont habitués au pays, sont très friands de ce chocolat. Ils disent qu'ils en font différents types, certains chauds, certains froids, certains tempérés, et mettent dedans beaucoup de ce « piment » ; ils en font une pâte, laquelle, disent-ils, est bonne pour l'estomac et pour lutter contre le rhume. » Les colons espagnols n'apprécient cette boisson amère aux épices piquantes que lorsque les religieuses d’Oaxaca31 l'édulcorent et l'aromatisent avec du miel, du sucre de canne, du musc et de l’eau de fleur d'oranger. Ce n'est qu'à partir de la conquête des Aztèques par les Espagnols que le chocolat est importé en Europe où il devient rapidement très prisé à la cour d'Espagne. Hernán Cortés32 découvre le breuvage chocolaté en 1519. Il est le premier (en 1528) à en rapporter en Europe, à ses maîtres d'Espagne : mais ce n'est qu'en 1534 que cette boisson amère, écumeuse et poivrée retient l'attention lorsqu'on y ajouta de la vanille et du miel suivant une élaboration préparée à l'Abbaye de Piedra33. Dès le XVIIe siècle, le chocolat devient une ressource très appréciée de l'aristocratie et du clergé espagnol. Son commerce s'étend alors aux autres colonies espagnoles comme les Pays-Bas espagnols. L'arrivée du chocolat en France a commencé avec l'exil des juifs séfarades ou marranes d'Espagne en 1492 puis du Portugal vers 1536, fuyant l'Inquisition et venus se réfugier dans l'Hexagone en transportant le chocolat dans leurs valises. De nombreux marranes s'installent notamment dans le quartier Saint-Esprit de Bayonne après 1609, ces premiers entrepreneurs du chocolat au Pays basque sont à l'origine de l'introduction du chocolat en France. La première expédition commerciale pour l'Europe (entre Veracruz et Séville) daterait de 1585. Le chocolat est alors toujours servi comme boisson, mais les Européens ajoutent du sucre et du lait pour neutraliser l'amertume naturelle ; ils remplacent le piment par de la vanille. Pour faire face à la forte demande pour cette nouvelle boisson, les armées espagnoles commencent à réduire en esclavage les Mésoaméricains pour produire le cacao, une activité économique à part entière se développe. Cependant ce produit d'importation reste très cher, seuls les membres de la famille royale et les initiés peuvent en boire. En parallèle, dans le nouveau monde, la consommation de cacao est très répandue chez les missionnaires et conquistadores. Deux développements permettent de réduire encore le prix : la généralisation de la culture dans les colonies de la canne à sucre et l'utilisation de main-d'œuvre africaine dans ces exploitations. À la même époque, la situation est différente en Angleterre où n'importe qui, avec suffisamment d'argent, peut en acheter. À Londres, la première chocolaterie ouvre en 1657. En 1689, l'éminent médecin et collectionneur Hans Sloane34 développe une boisson lactée au chocolat en Jamaïque qui est dans un premier temps utilisée par les apothicaires, mais vendue plus tard aux frères Cadbury35. La boisson reçoit un encouragement officiel en France par les reines françaises, infantes d'Espagne, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse d'Autriche ou par les médecins qui après avoir jugé la boisson néfaste, en vantent les bienfaits, tel Nicolas de Blégny qui rédige en 1662 Le bon usage du thé, du café et du chocolat pour la preservation & pour la guérison des maladies. La France découvre en 1615 le chocolat à Bayonne à l'occasion du mariage d'Anne d'Autriche, fille du roi d'Espagne Philippe III avec le roi de France Louis XIII. Mais c'est Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse d'Autriche qui font entrer le chocolat dans les habitudes de la cour du château de Versailles, la reine se faisant préparer par ses servantes le chocolat « à l'espagnole ». La marquise de Sévigné dit du chocolat, dans ses Lettres, qu’« il vous flatte pour un temps, et puis il vous allume tout d'un coup une fièvre continue ». Le chocolat est alors consommé chaud sous forme de boisson comme le café. Seule la cour du roi avait accès à cette boisson. Comme pour les boissons exotiques que sont le thé ou le café, l'Église se pose la question de savoir s'il s'agit d'un aliment ou d'une source de plaisir. En 1662, la sentence du cardinal Francisco Maria Brancaccio Liquidum36 non frangit jejunum37 (la « boisson — y compris le chocolat — ne rompt pas le jeûne ») tranche les débats théologiques : le chocolat est déclaré maigre, pouvant même être consommé pendant le Carême. Développement de l'industrie chocolatière. Durant plusieurs siècles, le mode de fabrication du chocolat reste inchangé. Dans les années 1700, les moulins mécaniques servent à extraire le beurre de cacao ce qui aide à créer du chocolat qui reste dur. Il faut attendre l'arrivée de la révolution industrielle pour que ces moulins soient utilisés à plus grande échelle. Après que la révolution s'est essoufflée, peu à peu, des entreprises promeuvent cette nouvelle invention pour vendre le chocolat sous les formes que l'on connaît aujourd'hui. Lorsque les nouvelles machines sont produites, la population commence à tester et consommer du chocolat partout dans le monde. À Bristol, en 1780, Joseph Storrs Fry38 père ouvre une manufacture de pâte de chocolat : J.S.Fry & Sons. L'essentiel de sa production est vendu aux drogueries et aux pharmacies de la ville. En 1795, son fils (Joseph Storrs II Fry) se met à utiliser une machine à vapeur pour broyer les fèves de cacao. Cela permet de produire en grande quantité la pâte de chocolat pour fabriquer des boissons chocolatées, des pastilles, des gâteaux, des bonbons ainsi que des préparations médicales. En plus d'être vendu aux apothicaires et aux pharmaciens, le chocolat de la manufacture Fry approvisionne les confiseurs, les gérants de chocolate house et les cuisiniers réputés. Au début du XIXe siècle, les premières fabriques de chocolat apparaissent en Europe ; avec les futurs grands noms de ce qui va devenir, au milieu du siècle, l'industrie chocolatière. Le chocolat est de moins en moins consommé pour ses vertus médicinales supposées, et de plus en plus par plaisir. Les manufactures de chocolat se multiplient, puis les chocolateries industrielles, principalement en France, en Suisse et aux Pays-Bas. Une usine de fabrication de chocolat est ouverte aux États-Unis en 1780, par un apothicaire nommé James Baker39. La première fabrique suisse de chocolat est créée par François-Louis Cailler en 1819. Il est suivi six ans plus tard par Philippe Suchard40, puis par Charles-Amédée Kohler41 en 1830. La première fabrique de France est fondée par le chocolatier Jules Pares, en 1814, près de Perpignan (dans les Pyrénées-Orientales). En 1815, le Hollandais Coenraad42 Johannes van Houten43 crée une première usine. De nouvelles manufactures apparaissent aussi en Angleterre. C'est par exemple le cas de Cadbury45 en 1824. À l'origine, les fabricants de chocolat sont spécialisés dans la fabrication de la pâte de chocolat. Ils vont peu à peu diversifier leurs productions avec les confiseries et les gâteaux. La mécanisation ainsi que la concurrence des producteurs de chocolats vont entraîner une baisse continue du prix du chocolat. En 1821, l’Anglais Cadbury produit le premier chocolat noir à croquer. Pour répondre aux besoins de l'industrie, les cacaoyers sont introduits en Afrique et les premières plantations créées. En 1828, Coenraad Johannes van Houten réalise la première poudre de cacao. Grâce à une presse hydraulique de son invention, il réussit à durcir le beurre de cacao sous forme de pain qui peut ensuite être réduit en poudre. Van Houten est le premier à inventer un procédé pour séparer le cacao maigre (ou tourteau) et le beurre de cacao, permettant aux industriels de doser les quantités relatives de cacao maigre et de beurre de cacao dans la pâte de cacao. Le chocolat entre alors dans l'âge industriel. La mécanisation entraîne une baisse des prix, ce qui permet de conquérir un public plus large. Van Houten, à partir de sa fabrique de chocolat d'Amsterdam, vendra ses boîtes de chocolat en poudre dans toute l'Europe. L'année 1830 voit l'apparition du chocolat aux noisettes inventé par Kohler. Antoine Brutus Menier45 crée en 1836 en France le concept de la tablette de chocolat, plaquette composée de six barres semi-cylindriques enveloppées du célèbre papier jaune Menier. Joseph, Richard et Francis Fry46, qui dirigent la maison Fry & Sons depuis la mort de leur père (en 1835), découvrent en 1847 (ou 1846 selon les sources) qu'un mélange « sucre, beurre de cacao, chocolat en poudre » permet d'obtenir une pâte molle que l'on peut verser dans des moules. Cette invention permet de consommer le chocolat d'une nouvelle manière, en plaque, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ce produit est officiellement présenté lors d'une exposition à Birmingham en 1849 sous le nom de « Chocolat délicieux à manger », en français dans le texte. Vers 1860, la maison Fry & Sons devient une des principales chocolateries d'Angleterre. Francis Fry (1803-1886), resté seul à la tête de l'entreprise après la mort de ses frères en 1878 et 1879, est désigné fournisseur exclusif de chocolats pour la Royal Navy. Cela contribuera à la prospérité de la maison Fry & Sons qui devient, vers 1880, la première chocolaterie du monde. Elle emploie alors 1 500 salariés. Vers 1870, Émile Menier fait construire une usine moderne de production de chocolat à Noisiel en Seine-et-Marne. Cette usine fait fortement baisser le coût du chocolat en France. Elle est aujourd'hui en partie classée monument historique avec la cité ouvrière attenante. Plusieurs innovations (notamment en Suisse) vont bouleverser l'industrie du chocolat. En 1876, Daniel Peter crée dans sa fabrique de Vevey (Suisse) le premier chocolat au lait en utilisant du lait en poudre. En 1879, Daniel Peter s'associe avec Henri Nestlé (l'inventeur du lait concentré) pour fonder la firme Nestlé. En 1879, Rudolf Lindt47 met au point le conchage48. Ce nouveau procédé d'affinage permet de fabriquer des chocolats fondants. Sa technique consiste à laisser tourner le broyeur contenant le chocolat pendant longtemps afin de rendre la pâte de cacao plus onctueuse. Son secret ne fut rendu public qu'en 1901. Après la mort de Francis Fry en 1886, son fils Francis J. Fry lui succède. En 1919, il fusionne la maison Fry & Sons avec l'entreprise Cadbury Brothers49. Le Suisse Jean Tobler lance la barre triangulaire Toblerone52 en 1899. Philippe Suchard se met à commercialiser la tablette Milka. Au début des années 1900 apparaissent les premières barres chocolatées : le hollandais Kwatta53 invente les premières barres de chocolat de 30 grammes. L'américain Mars lance le Milky Way50 et le hollandais Nuts51, sa barre aux noisettes éponyme. Dernière grande innovation de l'industrie, le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, dans le but d'utiliser les surplus de beurre de cacao. La société ne précise pas qui est à la source de cette invention exactement. La domination de l'industrie chocolatière suisse, à la pointe de la technologie et du marketing, ne durera que la première moitié du XXe siècle jusqu'à l'arrivée des entreprises américaines Hershey's et Mars. Types de chocolats. Les trois grandes catégories. Le chocolat noir, aussi appelé chocolat fondant ou chocolat amer, est le chocolat à proprement parler. C'est un mélange de cacao et de sucre qui doit contenir au minimum 35 % de cacao. En dessous, les grandes marques utilisent « confiserie chocolatée » à défaut de terme légal. La quantité de sucre utilisée dépend de l'amertume de la variété de cacao utilisée. Le chocolat au lait est du chocolat qui est obtenu en ajoutant du lait en poudre ou du lait concentré. La loi américaine exige une concentration minimum de 10 % de cacao. Les réglementations européennes et suisse indiquent un minimum de 25 % de cacao. Il est aussi calorique que le chocolat noir - moins gras mais plus sucré. Typiquement, il contient un peu moins de 40 % de cacao. Cependant on peut trouver chez certaines enseignes de luxe des chocolats au lait à 45 % de cacao ou plus. Le chocolat au lait a été inventé par Daniel Peter. Le chocolat blanc est une préparation à base de beurre de cacao, additionné de sucre, de lait et d'arôme. Bien qu'il soit reconnu comme chocolat il n'est pas composé de cacao. Il est utilisé en confiserie pour jouer sur le contraste des couleurs, ou sous forme de plaques. Le chocolat de couverture est un chocolat de très bonne qualité utilisé par les chocolatiers et les pâtissiers comme matière première. Il peut être noir ou au lait, mais contient au moins 32 % de beurre de cacao, ce qui le rend très fluide pour réaliser un enrobage plus fin qu'un enrobage classique. Le chocolat sans sucre ajouté a connu une croissance de 30 % en volume par an entre 2002 et 2006. On le fabrique soit en supprimant le sucre, on obtient alors un chocolat à 99 % de cacao, soit en substituant le saccharose par du maltitol56. Les appellations. L'organisme mondial du commerce du cacao (International Cocoa Organization ou ICCO) a mis en place depuis 1994 une liste des pays producteurs de cacaos fins ou cacaos à saveurs remarquables par leur arôme et leur couleur. En France, l'Institut national de l'origine et de la qualité classifie les chocolats de qualité de la manière suivante : les « chocolats d'origine » doivent être produits à partir de cacao provenant d'un seul pays ; les « chocolats de crus » sont issus de cacao d'une région géographique identifiée voire d'une plantation unique ; les « chocolats grands crus » caractérisent les chocolats dont le cacao a un caractère particulier identifiable de façon unique ce qui justifie un prix élevé. Fabrication. La culture du cacao. Le chocolat est produit à partir de la fève de l'arbre appelé cacaoyer. On en trouve différentes espèces réparties dans les régions chaudes du monde. Sa culture est assez exigeante et le fruit produit, appelé cabosse, est récolté deux fois par an lorsqu'il est à maturité : de janvier à avril et de septembre à octobre. Le botaniste Ernest Entwistle Cheesman57 (en) met au point en 1944 une terminologie qui distingue trois principales variétés de cacaoyer : Forastero, la plus cultivée, Criollo, la moins cultivée et la plus recherchée, Trinitario58, un hybride des deux précédentes variétés. Aujourd'hui, on y ajoute le Nacional. Toutes ces variétés produisent des cacaos de différentes saveurs et arômes. Le cupuaçu59, une espèce proche du cacaoyer, permet également de produire un chocolat appelé cupulate60 au Brésil. Il faut en moyenne deux cabosses pour fabriquer une tablette de chocolat à 70 % de cacao. Aussi, un cacaoyer moyen produit chaque année de quoi fabriquer 20 tablettes de 100 g à 70 % de cacao. Les crus apportent des notes variées selon leur pays de culture. Le Forastero61 aux notes grillées de croûte de pain chaud et ses arômes de tête aux notes fleuries représente 80 à 90 % de la production. Le Criollo62 aux notes de fruits rouges ne représente que 1 à 5 % de la production. Les fèves Trinitario aux notes de fruits secs ou de torréfaction représentent 10 à 15 % de la production. Les fèves Nacional aux notes florales de jasmin et de fleur d'oranger sont produites essentiellement en Équateur. Le tableau suivant répertorie les principaux pays producteurs de fèves de cacao, les variétés qui y sont cultivées et les arômes correspondants, formés lors de la fermentation et le séchage de la fève de cacao. Les trois plus gros producteurs au monde (avec la variété Forastero) sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Indonésie. Écabossage67, fermentation et séchage. Juste après la récolte, la cabosse est généralement fendue avec une machette et vidée de ses fèves et de sa pulpe, le plus souvent à quelques mètres du lieu de récolte. Les fèves sont égrainées de l'axe central, triées, placées dans des bacs et recouvertes de feuilles de bananier. D'autres plantations laissent les graines en tas ou utilisent des paniers suivant les moyens qu'elles ont. La température varie de 40 °C à 50 °C. On les laisse reposer environ une semaine en les brassant régulièrement. Trois fermentations vont débarrasser les fèves de leur pulpe, réduire le goût amer en acidifiant le milieu, solubiliser la matière grasse formant un film autour de la phase hydrosoluble, ce qui permet l'hydrolyse enzymatique qui développe les précurseurs d’arôme (acides aminés et produits de dégradation des glucides). Une première fermentation alcoolique se déroule de façon anaérobie (= sans contact avec l'oxygène) sous les feuilles de bananiers. Des levures transforment la pulpe acide et sucrée des cabosses en éthanol durant cette phase. C'est la même fermentation que pour le moût de raisin. Une seconde fermentation, dite fermentation lactique, se déroule très rapidement pendant deux jours : les bactéries lactiques transforment l’alcool en acide lactique qui favorise la conservation naturelle du cacao. Une troisième fermentation, la fermentation acétique est favorisée par le développement de bactéries acétiques sur les jus qui s'écoulent et avec l'air qui pénètre dans les tas de fèves. La température élevée tue le germe de la fève de cacao. Durant cette phase, les fèves changent de couleur : pendant la récolte, elles sont blanches ou violettes et virent après la fermentation au violet-pourpre voire rouge à brun chocolat en profondeur. La fermentation acétique libère des hydrolases (notamment la protéase) transformant les protéines en acides aminés et les glucides complexes en glucides simples à l'origine des précurseurs d'arômes. À ce stade, elles contiennent encore 60 % d’humidité qu’il faut réduire à 7 % pour assurer une conservation et un transport optimaux. Les fèves sont alors séchées au soleil (séchage naturel) ou dans des séchoirs pendant 15 jours (ce séchage apporte une odeur de fumée au chocolat) et parfois lavées (Madagascar). Elles sont retournées de façon régulière afin d'assurer un séchage homogène. Le séchage comme la fermentation joue sur les arômes du cacao. Elles sont ensuite expédiées et le reste du traitement se déroule en chocolaterie. Le travail des fèves à la chocolaterie. Comme pour le café, les fèves sont torréfiées afin d'augmenter leur arôme. Cette phase se déroule après nettoyage des graines dans un torréfacteur. Les fèves sont cuites à cœur avec leur coque puis elles sont décortiquées. Elles sont ensuite broyées à l'aide d'une meule et transformées en éclats, que l'on appelle grué (nib en anglais). La torréfaction dure en général 40 minutes à 140 °C. Mais elle diffère suivant les variétés et les arômes que l'on désire obtenir. La torréfaction permet aussi de réduire l'humidité des fèves de 7 % à 2 %. Les grains de cacao sont broyés grossièrement (étape du décorticage séparant les cotylédons des coques et germes par un système de ventilation et de vibration) puis plus finement à chaud (50 à 60 °C) pour fondre et obtenir une pâte visqueuse malaxée : la masse de cacao (en). Chauffée à 100−110 °C, cette pâte devient liquide : c'est la liqueur de cacao. Le beurre de cacao est séparé de cette huile par pression dans une broyeuse hydraulique (constituée de plusieurs cylindres de plus en plus serrés et permettant d'affiner le broyage en réduisant la fève en grains très fins non décelables sur le palais de la bouche). Les résidus solides du broyage, les tourteaux, peuvent donner par pulvérisation le cacao en poudre. Ajout d'ingrédients et conchage. Les étapes précédentes ont permis d'obtenir une masse de cacao à laquelle on va ajouter différents ingrédients suivant le chocolat que l'on désire. Le chocolat noir est fabriqué en mélangeant beurre de cacao pour le fondant, cacao solide - également nommé « tourteau » - pour le goût, et sucre. Plus il y aura de sucre, moins le pourcentage de cacao sera élevé. Du lait en poudre est ajouté si on désire du chocolat au lait. Pour obtenir du chocolat noir, on ajoute à la pâte de cacao du sucre et éventuellement du beurre de cacao pour le fondant (ou une autre graisse végétale). Pour obtenir du chocolat au lait, on ajoute à la pâte de cacao du beurre de cacao (ou une autre graisse végétale), du lait en poudre et du sucre. Pour obtenir du chocolat blanc, on ne garde que le beurre de cacao, et on ajoute du lait en poudre et du sucre. Pour tous les chocolats, on ajoute souvent des arômes ou épices : très fréquemment de la vanille, mais aussi d'autres épices. Le conchage est le fait de chauffer le cacao afin d'augmenter l'homogénéité, l'arôme et l'onctuosité du futur chocolat. Il dure environ 12 heures et se déroule à environ 70 °C dans une mélangeuse qui brasse lentement le mélange de chocolat. Durant cette étape, on peut ajouter des émulsifiants. Les chocolats industriels contiennent presque tous un émulsifiant sous forme de lécithine de soja, qui prolonge l'homogénéité du mélange. Depuis le 23 juin 2000, une directive européenne permet d'utiliser d'autres matières grasses végétales (« MGV »), moins chères que le beurre de cacao pour la fabrication du chocolat, dans la limite de 5 % du poids total du produit fini. Sont considérés comme MGV : l'illipé, l'huile de palme, le sel, le beurre de karité, le kogum gurgi63 et les noyaux de mangue. Cette directive a été adoptée dans un souci d'harmonisation européenne pour ne pas déséquilibrer la concurrence d'une part, et d'encadrer certaines pratiques d'autre part. En effet, sous la pression des industriels du chocolat, plusieurs pays autorisaient déjà des matières végétales en proportion plus ou moins variable. Pour satisfaire la demande de certains consommateurs connaisseurs, des marques ont créé leur label « 100 % beurre de cacao » pour signaler sur certains chocolats que c'est un chocolat de dégustation qui respecte la composition traditionnelle du cacao. Techniques spécifiques. Tempérage. Le tempérage64 du chocolat consiste à amener le beurre de cacao dans sa forme cristalline la plus stable. Le beurre de cacao est composé de cinq molécules grasses différentes fondant chacune à des températures distinctes (comprises en 26 et 31 °C), et ce mélange donne au chocolat un haut degré de cristallinité : il peut cristalliser en six formes différentes. Parmi ces six états, le tempérage amène au plus stable : la forme dite bêta du beurre de cacao. Le tempérage donne au chocolat (une fois qu'il a été refroidi) un aspect brillant et lisse, une dureté et un fondant caractéristiques ainsi qu'une plus longue durée de conservation. Le chocolat fond à partir de 36 °C. La courbe de cristallisation varie selon la proportion du beurre de cacao : pour du chocolat noir, une fois que tout le chocolat est fondu il faut le refroidir jusqu'à environ 28 °C puis le réchauffer à 32 °C sans jamais dépasser cette température. Pour finir, il faut le refroidir le plus rapidement possible autour de 20 °C. Le chocolat est amené à l'état liquide au-delà de 36 °C. Il est ensuite ramené à l'état solide mais instable (température basse), stabilisé à la température haute et enfin, fixé lorsqu'il est complètement refroidi. La température basse permet d'amorcer la cristallisation, celle de travail permet aux cristaux de s'ordonner dans leur forme stable. Si le chocolat descend en dessous de la température basse ou dépasse celle de travail, il n'atteindra pas la forme bêta du beurre de cacao et des marbrures se formeront, il aura une texture pâteuse. Il suffit alors de refondre le chocolat et de recommencer autant de fois que nécessaire jusqu'à la réussite du tempérage, le chocolat ne perdant pas ses propriétés lors de l'opération. C'est le principe du cycle des tempéreuses. Différentes méthodes de tempérage. Même si le chocolat fond à 36 °C, on le chauffe à une plus haute température pour aller plus vite car c'est un mauvais conducteur de chaleur : à partir de 40 °C pour le chocolat blanc et jusqu'à 55 °C pour le chocolat noir ; au-delà il risque de brûler. Jusqu'à la dernière étape de chauffage, il est nécessaire de toujours remuer le chocolat afin que la température soit uniforme. Il faut le maintenir à la température haute exactement pendant toute la durée du travail. Il ne faut jamais faire tomber de l'eau dans le mélange, il ne pourra être tempéré. Dans la méthode industrielle, faire fondre le chocolat puis le refroidir jusqu'à la température basse : des cristaux se forment, il épaissit. Mélanger pour répartir les cristaux et réchauffer à 32 °C. Travailler et faire refroidir à 20 °C. Dans la méthode du marbre, faire fondre le chocolat, en étaler 2⁄3 sur un marbre et travailler à la spatule jusqu'à ce qu'il épaississe légèrement. Rajouter le 1⁄3 restant qui le fera remonter à 32 °C. La méthode dite d’ensemencement consiste à faire fondre 2⁄3 du chocolat, rajouter le tiers restant hors du feu et remuer jusqu'à la fonte complète. Pour une meilleure répartition de la chaleur, il est conseillé d'ajouter le chocolat solide sous forme de petits éclats, la semence. Attendre qu'il descende à la température basse et réchauffer à 32 °C. Il existe des machines qui chauffent et refroidissent le chocolat en respectant les courbes de cristallisation. Ces machines, appelées tempéreuses le mélangent en permanence et le maintiennent à la bonne température pendant toute la durée du travail. Chocolaterie. Une chocolaterie désigne, depuis le XIXe siècle, une fabrique de chocolats. Le terme est aussi plus récemment employé pour désigner un magasin spécialisé dans la vente de chocolats. La fabrique de chocolats. Bien que le chocolat soit travaillé et commercialisé à des fins médicinales dès 1780 (J.S.Fry & Sons), l'industrie chocolatière ne se développe véritablement qu'à partir du début du XIXe siècle. Les premières fabriques de chocolat apparaissent alors en Europe, notamment en Suisse (Cailler, Suchard et Kohler entre 1819 et 1830), aux Pays-Bas (Van Houten vers 1820) et en Angleterre (Cadbury, au début des années 1820 confectionne le premier chocolat noir à croquer). Ces fabriques font évoluer la pâte de cacao médicinale vers les premiers gâteaux et bonbons de chocolat de plus en plus populaires. Le concept de la tablette de chocolat (à six barres semi-cylindriques) est inventé en France par Menier en 1836. Les Anglais Fry & Sons utilisent un procédé semblable à partir de 1847 en utilisant un mélange de sucre, de beurre de cacao et de chocolat en poudre (inventé par le hollandais Van Houten) qu'ils versent dans des moules pour présenter un chocolat en plaque à partager. Le produit final est présenté au public lors d'une exposition à Birmingham en 1849 et la maison Fry & Sons devient l'une des principales chocolateries d'Angleterre dans les années 1860. Vers 1870, la famille Menier, de son côté, achète des terres au Nicaragua (l'un des principaux pays cultivateurs de cacao), ainsi que des navires permettant le transport des fèves de cacao vers leur usine moderne de production de chocolat, construite depuis peu à Noisiel en Seine-et-Marne. L’aménagement du site, avec la construction de plusieurs nouveaux bâtiments (dressage, magasins des cacaos, emballage, expédition, etc.5), suit un parcours logique de fabrication industrialisée du chocolat : chaque bâtiment est agencé en fonction de l’étape de fabrication qui le nécessite. La chocolaterie de Noisiel devient la plus importante du pays et est consacrée « Première chocolaterie du monde » lors de l’exposition universelle de Chicago en 1873. Fry & Sons, qui emploient 1 500 salariés vers 1880, acquièrent à leur tour le titre de première chocolaterie du monde, avant de fusionner, en 1919, avec Cadbury. En 1879 en Suisse, Peter, créateur du premier chocolat au lait à base de lait en poudre, s'associe avec l'inventeur du lait concentré, Henri Nestlé, pour fonder la firme Nestlé. Pendant ce temps, Lindt met au point le conchage, un procédé d'affinage permettant de fabriquer des chocolats plus fondants. Le chocolat blanc est produit pour la première fois en Suisse dans les années 1930 par Nestlé, en utilisant les surplus de beurre de cacao. Principales fabriques historiques. Cadbury (1824). John Cadbury, épicier, fonde sa chocolaterie en 1824 à Birmingham. Il achète un dépôt en 1831 pour installer son usine et commercialise seize sortes de boissons au chocolat différentes. En 1847, l'usine s'agrandit et se développe dans le centre de Birmingham. Cadbury fait également construire une cité ouvrière, la cité de Bournville (en), disposant notamment de son église et de son école. En 1905, après le départ à la retraite de John Cadbury, son fils George ouvre une usine importante à six kilomètres au sud de Bournville et crée un chocolat en barre. En 1919, Cadbury s'associe avec J. S. Fry & Sons. Le groupe est racheté par Kraft Foods en 2010. Callebaut (1911). La chocolaterie Callebaut a été fondée par Octaaf Callebaut en 1911, à Wieze. Entre 1911 et 1918 est créé le Finest Belgian Chocolate, qui a fait la renommée de l'entreprise. La famille invente ses premiers chocolats de couverture autour de 1920, en période d'entre-deux guerres, pour faire face au manque d'ingrédients. Callebaut exporte ses produits à partir des années 1960 et la maniabilité de son chocolat contribue à la renommée du chocolat belge. En 1996, la chocolaterie fusionne avec le français Cacao Barry. Le groupe Barry Callebaut est depuis considéré comme la « plus grande chocolaterie du monde » avec 900 tonnes de production journalière. Cemoi (1814). Il s’agit de l’une des toutes premières fabriques de chocolat en France. Elle est créée par Louis Parès à Arles-sur-Tech, dans les Pyrénées-Orientales. Cémoi Chocolatier, actuellement à Perpignan, a réalisé un chiffre d'affaires de 395 millions d'euros avec 702 salariés en 2018. Menier (1816). Antoine Brutus Menier fonde en 1816 l’entreprise Menier. Celle-ci, installée à l’origine dans le quartier du Marais à Paris, commence par produire et vendre des produits pharmaceutiques. La fabrique est créée quatre-vingt sept ans après la chocolaterie Pailhasson, la plus ancienne maison de chocolat de France,14. L'histoire de l'entreprise Menier est intimement liée à l'histoire de la ville de Noisiel, en Seine-et-Marne, où elle s'est installée à partir de 1825. En 1867, Emile-Justin Menier, le fils d'Antoine, décide de recentrer l'usine sur la fabrication de chocolat. C’est aussi le moment de l’essor de la production et des effectifs de l’entreprise, qui passent de 50 ouvriers en 1856 à plus de 320 en 1867, puis à plus de 2 000 en 1874. L'usine fait construire de nombreux bâtiments, ainsi qu'une cité ouvrière, à l'image de leur concurrent anglais Cadbury. En 1893, la chocolaterie est consacrée plus grande entreprise de production de chocolat au monde. Noisiel doit son industrialisation à l'installation de la chocolaterie, où travaille alors une grande partie de la population de la commune. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, un Noisélien sur trois y travaille. La chocolaterie ne parvient cependant pas à faire face à la concurrence après la guerre, et la famille liquide l’entreprise en 1959. Nestlé-France en devient propriétaire en 1988 et y installe son siège social en 1996. Poulain (1848). D'abord confiseur à Paris, Victor-Auguste Poulain y découvre le procédé de fabrication du chocolat vers l'âge de 14 ans. Il s'installe à Blois en tant que confiseur, puis fonde la chocolaterie Poulain dans la même ville en 1848. La première usine est construite en 1862. Albert Poulain, le fils de Victor-Auguste, fait construire un nouveau bâtiment en 1884, l'atelier sud (détruit en 1995), qui sera destiné aux activités de fabrication du chocolat, tandis que l'atelier nord déjà existant sera consacré au conditionnement. La fabrique s’étendait sur 4 hectares quand elle a fermé en 1992, à la suite de son transfert en périphérie. Lanvin (1921). Les Lanvin sont au tournant du XXe siècle une famille de fabricants de sucre du Nord de la France. Afin de fuir la concurrence, trop forte dans cette région, Auguste Lanvin prend la décision de délocaliser son usine en 1912 à Brazey-en-Plaine, près de Dijon. La « Sucrerie bourguignonne » nouvellement créée, la famille achète en 1921, une petite chocolaterie située à Dijon, rue Chabot Charny. Elle devient la « Sucrerie Bourguignonne et Chocolaterie Lanvin S.A. ». La chocolaterie se développe par la suite et prend de l'envergure en 1930 et créait en 1934 ce qui deviendra l'emblème de la marque : l'Escargot de Lanvin. Les années 1950 marquent l'essor industriel de la marque et en 1970, Lanvin tourne une publicité qui marquera les esprits : elle met en scène Salvador Dalí qu s'exclame : « Je suis fou... du chocolat Lanvin ! ». Cette époque marque l'apogée de la marque: elle détient 6 à 8 % du marché français du chocolat, et près de 20 % au moment de Noël. Aujourd'hui, la marque commerciale de chocolat Lanvin appartient à la société Helvétique Nestlé,20. L'usine est toujours basée à Dijon, dans la zone industrielle Cap Nord, sous le nom de « Chocolaterie de Bourgogne ». Cailler (1819). En 1819, François-Louis Cailler, un épicier, fonde à Vevey la chocolaterie Cailler. En 1920, il acquiert ses connaissances de la production de chocolat lors d’un voyage en Italie et loue des bâtiments pour y fabriquer du chocolat à grande échelle. Dans les années 1820, il fabrique du chocolat de manière industrielle dans le moulin Chenaux Ziegler à Corsier-sur-Vevey grâce à la force hydraulique. La chocolaterie devient la première fabrique moderne de chocolat de Suisse, et la première à automatiser sa fabrication. À partir de 1867, l'un des gendres de Cailler, Daniel Peter, fabrique du chocolat sous le nom Peter-Cailler et invente le chocolat au lait en 1875. Alexandre-Louis Cailler, petit-fils de Cailler, agrandit la chocolaterie en 1899, dans la région de Broc tandis que Daniel Peter et Charles-Amédée Kohler deviennent partenaires en 1904, créant la Société générale de chocolats. Peter & Kohler réunis. Peter et Kohler s’associent à l’entreprise Cailler en 1911 afin de faire connaître au monde entier « la qualité du chocolat suisse ». La chocolaterie devient Peter, Cailler, Kohler Chocolats Suisses S.A. avant de fusionner à Vevey avec le groupe Nestlé en 1929 pour se nommer Chocolats Peter, Cailler, Kohler, Nestlé. Suchard (1826). La chocolaterie Suchard est fondée en 1826 à Neuchâtel par le confiseur Philippe Suchard. L'année suivante, ce dernier met au point une nouvelle machine permettant un meilleur mélange du sucre avec la poudre de cacao. Sa fille Eugénie et son gendre Carl Russ reprennent l'usine en 1884, qui compte alors 200 employés,22. La chocolaterie produit du chocolat au lait sous le nom de Milka à partir de 1901. Elle appartient désormais au groupe Mondelez (Kraft Foods) et la production a été transférée à l’usine Toblerone de Berne. Lindt (1879). La chocolaterie Lindt est fondée en 1879 à Berne par Rudolf Lindt, fils de pharmacien. Il s’installe à l'époque dans une usine vétuste où il tente de mettre au point la recette de son chocolat idéal, plus fin. Il y serait parvenu en oubliant, un soir, d'éteindre les mélangeuses. En 1899, Lindt s'associe ensuite à Johann Rudolf Sprüngli-Schifferli, propriétaire de la chocolaterie de Kilchberg, au bord du lac de Zurich. En 1905, Rodolphe Lindt prend sa retraite et la société de Berne est liquidée en 1928. Kilchberg devient par conséquent le siège de Lindt & Sprüngli. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la chocolaterie doit remplacer les installations obsolètes qui ont été mises à rude épreuve pendant les périodes de crise, et agrandir les locaux pour faire face à l'explosion de la demande. Le groupe dispose aujourd'hui de ses propres sites de production en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, aux États-Unis et en Autriche. Table des matières Table des matières Le chocolat. 1 Étymologie. 1 Histoire. 3 Origines. 3 Le chocolat traverse l'océan. 4 Développement de l'industrie chocolatière. 7 Types de chocolats. 10 Les trois grandes catégories. 10 Les appellations. 11 Fabrication. 12 La culture du cacao. 12 Le travail des fèves à la chocolaterie. 14 Ajout d'ingrédients et conchage. 14 Techniques spécifiques. 16 Tempérage. 16 Différentes méthodes de tempérage. 17 Chocolaterie. 18 La fabrique de chocolats. 18 Principales fabriques historiques. 19 Cadbury (1824). 19 Callebaut (1911). 20 Cemoi (1814). 20 Menier (1816). 20 Poulain (1848). 21 Lanvin (1921). 21 Cailler (1819). 21 Suchard (1826). 22 Lindt (1879). 22 / Exercice - TD 2 - Fables de Jean de La Fontaine Pierre Rodriguez 2023-01-14T16:41:53.156000000 7 PT41M7S 2023-01-14T17:54:02.916000000 Pierre Rodriguez LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Le corbeau et le renardLe lièvre et la tortue Mise en forme textuelle Fable de Jean de La Fontaine Fable de Jean de La Fontaine Le corbeau et le renard Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard par l’odeur alléché Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie : Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Gravure du 17ième siècle par Chauveau. Cette gravure représente le corbeau et le renard. Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Le Lièvre et la Tortue Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ? Repartit l’animal léger. Ma commère, il vous faut purger Avec quatre grains d’ellébore. – Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux : Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire, Ni de quel juge l’on convint. Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ; J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D’où vient le vent, il laisse la Tortue Aller son train de Sénateur. Elle part, elle s’évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu’il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s’amuse à toute autre chose Qu’à la gageure. A la fin quand il vit Que l’autre touchait presque au bout de la carrière, Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi, l’emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ? Fable de Jean de La Fontaine Pierre Rodriguez Mise en forme textuelle 2 Gravure du 17ième siècle par Chauveau. Cette gravure représente le corbeau et le renard. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / TD informatique Deuxième République. La Deuxième République, ou Seconde République, est le régime républicain de la France du 24 février 1848, date de la proclamation provisoire de la République à Paris, jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852, amorcée — jour pour jour l’année précédente — par un coup d’État. Elle fait suite à la monarchie de Juillet et est remplacée par le Second Empire. La Deuxième République se distingue des autres régimes politiques de l’histoire de France d’abord par sa brièveté, ensuite parce que c’est le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution. C’est enfin le régime qui applique pour la première fois le suffrage universel masculin en France et abolit définitivement l’esclavage dans les colonies françaises. Après une période transitoire où un gouvernement relativement unanime prend des mesures sociales demandées par la frange ouvrière des révolutionnaires, le régime se stabilise et évince les socialistes, puis se dote d’une constitution. Dès décembre 1848, la République a un président, Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour quatre ans comme champion (jugé manipulable) du parti de l’Ordre. S’ensuivent plusieurs années de politique conservatrice, marquées notamment par la loi Falloux qui implique plus fortement l’Église catholique dans le domaine de l’éducation et la nette restriction du suffrage universel pour freiner le retour de la gauche, incarnée par la Montagne. Les conceptions sociales de Bonaparte l’éloignent du parti qui l’a amené au pouvoir, et il rassemble progressivement autour de sa personne une nouvelle sphère bonapartiste, tandis que le parti de l’Ordre espère faire arriver à la présidence, en 1852, un candidat monarchiste. Bonaparte, à qui la Constitution interdit de se représenter au terme de son mandat, fait pression pour obtenir qu’elle soit amendée, mais en vain. Il orchestre donc avec ses proches le coup d’État du 2 décembre 1851 qui lui permet par la suite d’instaurer un régime autoritaire, approuvé par le peuple par le biais d’un plébiscite. L’année suivante, Bonaparte reçoit la dignité impériale, mettant fin au régime au profit du Second Empire. Le souvenir de la fin agitée de la Deuxième République marque durablement la classe politique française, qui refusera pendant plus de cent ans que le président de la République puisse à nouveau être élu au suffrage universel. Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. Le milieu des années 1840 est marqué par une crise à la fois économique, sociale et politique qui touche la monarchie de Juillet et conduit le régime à sa fin. Les mauvaises récoltes de 1845 et 1846 et la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une crise économique marquée par une hausse des prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). Cette crise cumule par ailleurs des aspects anciens et modernes : il s'agit notamment de la dernière grande crise de subsistance en France, mais aussi de la première véritable crise capitaliste de surproduction. En effet, si la crise est d'abord agricole, elle s'amplifie par la suite dans d'autres secteurs. La bonne récolte de 1847 fait baisser les prix, ce qui gêne les gros producteurs céréaliers comme les petits, qui ont du mal à écouler leur production. L'exode rural s'amplifie. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est fortement développé depuis 1840. La crise économique et monétaire conduit des entreprises à la faillite, notamment dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant à la fin de 1847 près de 700 000 ouvriers au chômage. Ce climat de crise fait baisser la natalité, augmenter la mortalité, et crée un important sentiment de peur sociale. La perte de confiance ne favorise pas la reprise, et nombre des victimes de la crise recherchent des responsables à leur situation, se retournant donc contre un pouvoir déjà fragilisé. Une crise plus ancienne touche en effet le régime. Divers scandales impliquant des notables d'influence locale et nationale ruinent leur prestige aux yeux de la petite bourgeoisie, et inquiètent certains dirigeants quant à leur légitimité. À cela s'ajoute le débat croissant sur la réforme électorale : en 1848, le pays ne compte que 241 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de l'« opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l'introduction de plus de « capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l'impossibilité pour un fonctionnaire d'accéder à un mandat législatif. L'opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l'importance de François Guizot, à la tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l'abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage. Conscients de la nécessité d'une réforme pour arriver au pouvoir, et de l'impossibilité de cette réforme avec la majorité au pouvoir, les monarchistes de l'« opposition dynastique » organisent partout une vaste campagne de banquets par laquelle, Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. en contournant l'interdiction de réunions politiques, ils tentent de convaincre Guizot d'élargir les conditions d'accès au vote en sollicitant l'opinion. Le premier banquet a lieu à Paris le 9 juillet 1847 avec 1 200 personnes, dont 85 députés. D'autres s'enchaînent en province, souvent dirigés par des opposants de renom. Pour contourner l'interdiction de réunions politiques, les participants portent des toasts à connotation politique, par exemple : « à la fin de la corruption », et parfois plus sociale comme « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ». Cependant, malgré l'importante mobilisation, qui pousse un conservateur à proposer à la Chambre et à Guizot des réformes « sages, modérées, parlementaires », le chef du gouvernement reste inflexible. La révolution de 1848. Face à ce refus, l'opposition décide d'organiser à nouveau un banquet d'importance à Paris, en février 1848, dans un quartier populaire. La crainte de dérives insurrectionnelles pousse les chefs de l'opposition dynastique, comme Odilon Barrot, à faire machine arrière, mais il est trop tard. Pour limiter les risques, le banquet est déplacé aux Champs-Élysées et reporté au mardi 22 février au lieu du dimanche initialement prévu, mais l'arrivée du peuple dans la rue semble inévitable. De fait, si le banquet est officiellement interdit, une manifestation survient. Dès le 23, des barricades sont dressées et le maintien de Guizot semble un obstacle à l'apaisement 1 André Jardin et André-Jean Tudesq 1973, p. 247. . De plus, la garde nationale, chargée de maintenir l'ordre, n'est guère favorable au ministre. Sa démission le jour même n'empêche pas un drame : dans la soirée, des manifestants venus se féliciter de son départ devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, sont fusillés dans la confusion. Seize d'entre eux sont tués, donnant un nouveau tour à la révolution. Le roi Louis-Philippe met alors en œuvre plusieurs solutions successives, faisant appel en l'espace de quelques heures à deux de ses anciens ministres, Mathieu Molé et Adolphe Thiers, qui ne satisfont pas les manifestants, puis à Odilon Barrot, l'un des chefs de l'opposition dynastique, qui ne parvient pas non plus à rétablir la situation. Le 24, la marche des insurgés vers le palais des Tuileries pousse le roi vieillissant à abdiquer rapidement en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans. Il s'empresse ensuite de fuir en Angleterre, signant dans le même geste la fin de la monarchie de Juillet. La Chambre démissionne dans la foulée. Le pouvoir tend alors à se regrouper dans les mains des chefs républicains à la tête des insurgés, mais aussi autour des journaux d'opinion que sont Le National (républicain modéré) et La Réforme (socialiste). Le nouveau roi désigné étant trop jeune, une régence s'annonce pour la duchesse d'Orléans qui, selon ses principes libéraux, choisit de se faire investir par les députés et se rend au palais Bourbon, où la salle des séances est déjà envahie par les insurgés. Les indécis les plus influents, qui auraient pu permettre au régime de perdurer (comme Lamartine), penchent finalement dans le sens de l'insurrection — et donc de la République — et préparent un gouvernement provisoire. Des manœuvres semblables ayant lieu à l'hôtel de ville, les députés s'y précipitent. C'est là qu'est finalement mis au point le gouvernement provisoire, autour de cadres des courants de La Réforme et du National, ce dernier étant prépondérant. La République est proclamée dans la foulée, pour éviter une nouvelle hésitation comme en 1830. Histoire du régime. Gouvernement provisoire et tentatives sociales. Le gouvernement provisoire de 1848 réunit donc deux tendances, démocrates et libéraux. La tendance majoritaire est celle des libéraux non socialistes, représentée par les députés Dupont de l'Eure (qui en a la présidence symbolique, pour sa participation à la Révolution française), Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Marie, auxquels se joint Marrast du National. Si les démocrates se reconnaissent en Ledru-Rollin, ainsi qu'en Flocon, du journal La Réforme, ils demandent une plus grande représentation de leurs idées au gouvernement. S'y ajoutent donc Louis Blanc et Alexandre Martin, dit « l'ouvrier Albert ». Cependant, ces trois derniers ne bénéficient d'aucune fonction de ministre, signe de l'inégalité des forces entre les deux partis. Décidés à revendiquer l'héritage de la Révolution, mais pas de la Terreur, les représentants de la République, notamment Lamartine, souhaitent une conciliation des classes, une amélioration des conditions de travail, et rejettent le drapeau rouge que veut imposer la foule au profit du drapeau tricolore déjà adopté. Leurs premières mesures sont révélatrices de la tonalité qu'ils souhaitent donner au nouveau régime. Le 25 février, ils instituent le suffrage universel masculin. La peine de mort pour raisons politiques est également abolie, comme désaveu de cette Terreur. Les « principes de 1789 », comme la liberté individuelle, sont mis en application : le 27 avril un décret annoncé dès le début du régime met définitivement fin à l'esclavage dans les colonies françaises. Se réclamant de la Révolution française, ils souhaitent que les peuples puissent librement choisir leur destin et ils souhaitent que la République soutienne les Polonais et les Italiens de Milan et de Sicile insurgés contre leurs souverains, ou les Autrichiens, mais certains, comme Lamartine, prônent la prudence en ce domaine. Ce dernier, chef de la diplomatie, définit la politique de la France en ce domaine comme un équilibre entre les principes qu'elle défend et l'étendue de ses forces. Aussi la nouvelle République ne s'engage-t-elle pas à soutenir toutes les révolutions, et renonce aux guerres de conquête qui avaient marqué la Première République. Pour satisfaire la frange de gauche de ce gouvernement provisoire très hétérogène, l'État se dote de moyens de lutter contre le chômage qui touche de nombreux Français. Un compromis entre les ateliers sociaux gérés par les ouvriers voulu par Louis Blanc et la défense de la propriété défendue par ses opposants est trouvé avec la création des ateliers nationaux le 27 février. Ces grands travaux ont le double avantage de diminuer le chômage et d'éloigner les ouvriers de possibles révoltes. Faute d'obtenir la création d'un ministère du Travail, les socialistes bénéficient de la création de la commission du Luxembourg, où l'on réfléchit sous la présidence de Louis Blanc et d'Albert à une nouvelle organisation du travail en vue d'améliorer le sort des « classes populaires ». Cette commission permet aux ouvriers d'obtenir, le 2 mars, que le gouvernement diminue d'une heure la durée de la journée de travail, qui passe de onze à dix heures à Paris et de douze à onze heures en province 2 Maurice Agulhon 1973, p. 45-46. . En province, l'information circule vite et de nouveaux fonctionnaires favorables au régime sont mis en place. De nombreux notables légitimistes, heureux de l'éviction de Louis-Philippe, et même des orléanistes, rallient la République, tandis que les républicains, censurés sous la monarchie de Juillet, manifestent leur enthousiasme. Aux républicains « de la veille » se joignent donc les républicains « du lendemain », gagnés au nouveau régime : les légitimistes, notamment, profitent de cette occasion pour se débarrasser des Orléans. Nombre de catholiques se rallient également. Les populations de province profitent cependant dans un premier temps de la désorganisation suscitée par le changement de régime pour laisser exploser des tensions plus anciennes, et certains règlements de compte ont lieu, sous forme de pillages et destructions, avant que la majorité de la population ne rejoigne la République. Les paysans, oubliés par les réformes, restent en revanche distants vis-à-vis du nouveau régime. Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. L'unanimisme « républicain » est de mise pendant quelques semaines : les prêtres bénissent les arbres de la liberté qui sont plantés dans de nombreuses communes, dans l'illusion de l'avènement d'une « ère nouvelle », celle de la fraternité universelle. La situation change avec l'approche d'élections en vue de former l'Assemblée constituante, qui doit poser les bases d'un nouveau régime politique. Les républicains avancés, conscients du contrôle des ruraux par les notables, redoutent les résultats du suffrage universel. Afin d'avoir le temps de développer leur propagande en province, ils demandent, sous la direction de Blanqui, un report des élections. Ils obtiennent maigrement satisfaction, les élections étant décalées du 9 au 23 avril. Déçu, Blanqui s'obstine et mène des ouvriers dans la rue le 16 avril. Ils font face à la garde nationale devant l'hôtel de ville, mais la journée se termine sans effusion de sang, et sans modification du calendrier électoral. Un front de l'ordre se forme, décidé à contrer les revendications des ouvriers en passant dans un premier temps par les urnes. Les élections du 23 avril confirment les craintes des républicains avancés. Au début du mois, Ledru-Rollin avait demandé à ses commissaires d'éclairer le peuple provincial pour l'inciter à voter pour des républicains de la veille. Ainsi, si on cherche à contrer le courant socialiste à Paris, c'est le courant monarchiste qui est craint en province. Les élections mobilisent 84 % de l'électorat, qui doit souvent marcher longuement jusqu'au chef-lieu de canton dans ce qui est parfois une véritable procession civique guidée par le maire et quelques fois par le curé. La nouvelle Assemblée, d'environ 900 membres, est dominée par les républicains modérés (environ 500 élus). Mais les monarchistes, qui vont former le parti de l'Ordre, représentent 200 députés. Le courant socialiste occupe alors moins du quart de l'Assemblée et ses chefs ne sont pas élus, à l'exception d'Armand Barbès. Les membres du gouvernement provisoire sont réinvestis pour leur part, en particulier Lamartine qui est élu dans 17 départements. Par crainte de la fermeture des ateliers nationaux, seul moyen de subsistance d'une partie de la population ouvrière, une émeute survient à Rouen, première effusion de sang entre républicains sous ce régime. Le 4 mai, l'Assemblée proclame à nouveau la République, à une date qui devient symboliquement sa fête. La commission exécutive et les journées de juin. L'élection de l'Assemblée constituante permet de mettre en place un système de gouvernement moins confus. En s'inspirant du Directoire, il est décidé de créer une commission exécutive de cinq membres, choisis parmi l'ancien gouvernement provisoire. Les socialistes en sont exclus, et elle est composée de François Arago (qui la préside), ainsi que Louis-Antoine Garnier-Pagès, Pierre Marie de Saint-Georges, Alphonse de Lamartine et Alexandre Ledru-Rollin. Ce dernier, jugé par certains comme le responsable des tumultes parisiens, ne doit son entrée à la commission qu'à Lamartine, qui en fait une condition de sa propre participation. À la suite de la création de la commission, un gouvernement est formé dans la même tendance, proche du National, malgré deux concessions aux socialistes : le maintien d'Hippolyte Carnot à l’Instruction, et l'arrivée de Ferdinand Flocon à l’Agriculture et au Commerce. Des troubles se produisent rapidement. Le 15 mai 1848, à la suite d'une manifestation en faveur de la Pologne, Barbès, Blanqui, Raspail et l'ouvrier Albert rentrent de force dans l'assemblée élue trois semaines plus tôt. Aloysius Huber la déclare dissoute et acclame les noms des dirigeants révolutionnaires susceptibles de former un nouveau gouvernement, mais ils sont finalement arrêtés. L'historien Henri Guillemin y voit pour sa part un « piège », dans la mesure où Huber aurait pu être un provocateur de la police, rôle qu'il avait rempli sous Louis-Philippe. Sa personnalité douteuse entretient dans tous les cas la confusion sur l'origine réelle de l'événement. Qu'il s'agisse d'une provocation ou non, le résultat est la décapitation de l'extrême-gauche et les premières arrestations politiques du régime. L'élection en plusieurs lieux de certains des députés (notamment Lamartine, qui l'est 17 fois), laisse de nombreux sièges libres, et entraîne de nouvelles élections, le 4 juin. Arrivent ainsi de nouveaux venus, notamment Victor Hugo, mais aussi Louis-Napoléon Bonaparte (qui démissionne aussitôt), et pour l'extrême gauche, Marc Caussidière, Pierre-Joseph Proudhon et Pierre Leroux. Cela n'est pas sans danger pour le gouvernement, d'autant que les idées socialistes, mais aussi la popularité croissante de Bonaparte, ont trouvé un puissant moteur dans les ateliers nationaux dont la majorité craint qu'ils ne suscitent des mouvements insurrectionnels. Leur fort coût accroit encore la motivation de la majorité des constituants pour les détruire. Le 21 juin, sous la pression de l'Assemblée, la Commission exécutive prend un décret obligeant les hommes de moins de 25 ans à rejoindre l'armée, et les autres ouvriers à se disperser en province. Il s'agit de fait d'une dissolution des ateliers nationaux. Une partie du Paris populaire entre en insurrection le 22 pour protester contre cette fermeture. Ce sont les journées de Juin, qui durent jusqu'au 28. L'armée, commandée par le général républicain Cavaignac (à qui l'assemblée confie tous les pouvoirs le 24), réprime durement les insurgés avec ses 50 000 soldats, rejoints par 100 000 gardes nationaux de province. Plusieurs milliers d'insurgés sont tués, 1 500 fusillés, tandis que l'on compte plus de dix mille prisonniers. Outre l'agitation, qui marque aussi un certain recul de la domination de Paris sur la province (recul symbolisé par le suffrage universel), les journées de Juin marquent aussi l'avènement du gouvernement Cavaignac, et le retrait des cinq de la Commission. La peur bourgeoise face à ces événements est très forte, et les conséquences de ces violences sont durables dans les esprits. Le régime en sort affaibli et est désormais marqué par une forte peur sociale, renforcée par les rumeurs souvent infondées sur les atrocités commises par les insurgés. La République conservatrice. L'hypothèse d'une république sociale étant brutalement levée, la majorité de l'Assemblée (républicains modérés et monarchistes) soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain mais conservateur et autoritaire. Le gouvernement perd ses derniers éléments socialistes avec le départ de Flocon, mais aussi d'Hippolyte Carnot qui doit quitter l’Instruction publique le 5 juillet à la suite d'un vote de défiance, pour satisfaire notamment la droite cléricale qui apprécie peu d'avoir un tel libre penseur à ce poste. Le gouvernement annule les mesures sociales prises au printemps 1848 (limitation du temps de travail, notamment), il limite drastiquement la liberté d'expression (loi sur la presse et censure des théâtres), et poursuit certains des derniers socialistes, comme Louis Blanc, qui préfère s'exiler. Lorsque Proudhon propose son projet socialiste à l'Assemblée, il ne reçoit que 2 voix, contre 600. L'élimination de l'extrême gauche semble accroître les chances d'une république bourgeoise et modérée, sous l'égide de Cavaignac. C'est pourtant rapidement un échec. Pendant l'été 1848, les élections municipales du 3 juillet, et les cantonales des 27 août et 3 septembre, montrent une évolution de l'électorat. Les ruraux sont mécontents de la baisse des prix, liée à une bonne récolte, et ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l’impôt des 45 centimes, et désavouent par conséquent la République. Plus de 35 000 maires et adjoints élus (sur 65 000) occupaient déjà ces fonctions sous la monarchie de Juillet. Les élections législatives des 17 et 18 septembre confirment l'évolution : dans treize départements, sur dix-sept députés élus, quinze sont monarchistes. Le 4 novembre, l'Assemblée vote le texte d'une Constitution élaborée par une commission depuis le 17 mai. À côté d'un président de la République, chef de l'exécutif, élu pour quatre ans au suffrage universel masculin et non rééligible immédiatement, siège une Assemblée législative élue pour trois ans au suffrage universel toujours masculin, qui vote les lois et contrôle le gouvernement. Rien n'est prévu pour régler pacifiquement un possible conflit durable entre le président et l’assemblée. À gauche, certains, comme Jules Grévy, se sont opposés à cette fonction suprême, jugeant que l'exécutif devait revenir au chef de gouvernement, révocable par l'assemblée ; mais leur proposition a été très nettement rejetée. La Constitution annonce les grandes valeurs de la République : « Elle a pour principes la Liberté, l’Égalité, la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public ». En revanche, l'extrême-gauche ne parvient pas à y faire exprimer le principe de « droit au travail ». L'élection du président par le peuple suscite des craintes de retour à la monarchie, et un amendement supprimant cette élection est proposé, sans succès. Des dispositions sont cependant prises pour garantir la non-rééligibilité du président, et des mesures en cas de coup d’État de sa part. L'élection présidentielle de décembre 1848. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire, Cavaignac fait entrer deux orléanistes au gouvernement, et propose d'accueillir le pape Pie IX, chassé de ses États par la révolution et la proclamation de la République romaine. Cela lui fait perdre une partie du soutien des modérés, tandis que la gauche lui est opposée depuis les événements de juin. De leur côté, les chefs du « parti de l'Ordre », peu convaincus, se rabattent sur Bonaparte, dont Adolphe Thiers juge qu'il sera ensuite facile à manipuler. À gauche, Alexandre Ledru-Rollin propose sa candidature, afin de rassembler les déçus de Cavaignac et les socialistes modérés, tandis que les socialistes intransigeants présentent Raspail, alors emprisonné. Comptant sur sa popularité démontrée par ses succès aux législatives, Lamartine se présente également. Quelques légitimistes portent pour leur part la candidature du général Nicolas Changarnier. Le résultat est sans appel : Bonaparte obtient plus de 5 millions de voix, soit 74,2 % des suffrages exprimés, alors que Cavaignac, arrivé second, ne récolte qu'un million et demi de voix. Ledru-Rollin en obtient moins de 400 000, Raspail 37 000, et Lamartine moins de 18 000 tandis que Changarnier, bon dernier, est encore nettement derrière. Il est alors évident que l'assemblée élue en avril n'est plus représentative de l'électorat. Les campagnes, notamment, ont plébiscité Bonaparte car, chose rare, il leur est possible de voter pour un nom qu'ils connaissent. Ce jour de vote fait donc figure d'entrée en scène du monde rural sur la scène politique française. Les élections législatives de 1849. Le président nomme Odilon Barrot à la tête d'un gouvernement à forte coloration monarchiste. Très représentatif des visées du parti de l'Ordre, ce gouvernement ne compte aucun républicain. La nouvelle tendance est clairement affichée et, rapidement, certains préfets républicains sont remplacés par des anciens de la monarchie de Juillet ou des bonapartistes. Le gouvernement œuvre pour affaiblir le camp républicain en vue des élections législatives que l'Assemblée, à majorité républicaine, est contrainte d'accepter le 29 janvier sous pression militaire (l'armée étant mobilisée au vague prétexte d'émeutes). Elles doivent avoir lieu le 13 mai 1849. Le ministre de I'Intérieur, Léon Faucher, obtient difficilement le 24 mars l'interdiction des clubs politiques. L'expression publique des républicains démocrates-socialistes regroupés au sein de la Solidarité républicaine (créée pour Ledru-Rollin lors de l'élection présidentielle), est ainsi rendue plus difficile. Cette nouvelle Montagne (dont le nom fait référence à la Montagne de 1793) se retrouve être la seule opposition conséquente face au parti de l'Ordre, puisque les quelques républicains modérés ne parviennent pas à créer une faction centrale conséquente après la défaite de Cavaignac. Si le parti de l'Ordre remporte ces élections (53 % des voix, 64 % des élus), les démocrates-socialistes progressent (25 % des voix), alors que les républicains modérés sont laminés (11 % des voix). La géographie politique de la France à cette époque pose les foyers durables de l'extrême-gauche dans le pays. L'espoir est alors grand pour les démocrates-socialistes (qui voient fortement progresser le vote paysan en leur faveur depuis l'élection présidentielle) d’une plus forte progression à l’avenir, ce qui est symétriquement une crainte pour les conservateurs effrayés par le « spectre rouge ». Cependant, le pouvoir est aux mains du parti de l'Ordre, et c'est donc dans le sens d'une politique conservatrice et catholique qu’agit le gouvernement. C'est notamment le cas lors de l'expédition de Rome, où le corps envoyé pour défendre la jeune République romaine contre les Autrichiens est détourné de sa mission pour rétablir le pape Pie IX dans ses prérogatives temporelles. Certains républicains sont choqués que la République française s'attaque à une autre république pour restaurer une monarchie, et Ledru-Rollin appelle à des manifestations le 13 juin. Cependant, il n’est pas suivi, une partie des chefs sont arrêtés, et Ledru-Rollin lui-même s'exile pour vingt ans en Angleterre. Des manifestations ont lieu en province, notamment à Lyon où des barricades sont dressées : on compte des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Crépuscule d'une République avortée. La reprise des hostilités contre la République romaine permet au gouvernement de se débarrasser des chefs républicains qui s'y opposent après le fiasco de leur manifestation du 13 juin 1849 : 34 députés sont suspendus de leur mandat, la plupart se trouvent sur le chemin de l'exil. L’état de siège est déclaré dans les départements qui se sont révoltés, et de nouveaux délits sont créés, notamment celui d'offense au président dans la presse. Peu à peu, une répression des idées républicaines se met en place, servant les intérêts communs de Bonaparte et du parti de l'Ordre. Afin d'éviter de nouvelles révoltes, notamment à Paris, et suivant le courant du catholicisme social, le gouvernement entreprend de lutter contre la misère. Les conservateurs innovent dans leur démarche en reconnaissant que l’État doit intervenir dans la question sociale. Ainsi apparaît le 13 avril 1850 une loi sur les logements insalubres ; en juillet de la même année, une loi encadre les sociétés de secours mutuels, en février 1851, une loi est adoptée sur l'apprentissage, et le 30 juin, une autre concerne les caisses d'épargne. Ces innovations n'ont qu'un impact limité, et ne parviennent à combler les attentes de 1848, tout en créant le débat entre les députés. D'autre part, les catholiques effrayés par le socialisme et, notamment, les projets d'Hippolyte Carnot sur l'éducation, renforcent leur lutte contre le monopole de l'Université. La loi Falloux votée en mars 1850 donne une plus grande place à l’Église dans l'enseignement, et une plus grande liberté aux préfets concernant la nomination et l'éviction des instituteurs. Cela a également pour effet d'entraîner une poussée d'anticléricalisme chez les intellectuels et l'effacement du courant socialiste chrétien par rapport à la défense de l'ordre. Cependant, l'harmonie n'est pas parfaite entre le président et la majorité qui l'a porté au pouvoir. Le 31 octobre 1849, il renvoie le gouvernement Barrot pour former à la place un ministère de partisans qui dépend davantage de son autorité. Sa politique restant la même, le parti de l'Ordre finit par s'en accommoder. Face à lui, l'opinion républicaine poursuit sa résistance, notamment lors des élections législatives complémentaires du 10 mars et du 28 avril 1850. Les républicains parviennent à faire élire vingt-et-un des leurs pour remplacer trente-et-un de leurs chefs, déchus de leur mandat par la Haute Cour. Cette persistance d'une faction montagnarde qu'elle croyait avoir éliminée effraie la majorité, qui décide d'agir. La loi électorale du 31 mai 1850 réduit ainsi l'électorat de 30 % sans pour autant remettre en cause le principe du suffrage universel : elle s'assure notamment que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d'autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi suscite des critiques pour son hypocrisie, et réduit de 9 600 000 à 6 800 000 le nombre des électeurs, laissant penser au pouvoir que la menace montagnarde est définitivement passée. De nouvelles perspectives apparaissent donc pour l'élection présidentielle de 1852. Une nouvelle loi réduit la liberté d'expression dans la presse (16 juillet 1850). Les républicains se scindent : la majorité opte pour une action légale, la minorité, soutenue par les chefs en exil, préconise l'action de sociétés secrètes, qui sont particulièrement nombreuses dans la vallée du Rhône. Cette mise au silence de la faction républicaine n'est pas sans conséquences sur les relations entre le président et le parti de l'Ordre, qui se sentent désormais libre d'afficher des désaccords croissants avec Bonaparte, notamment en ce qui concerne ses idées sociales. Ce dernier rend également les conservateurs responsables de la mutilation du suffrage universel, qu'il condamne. Peu à peu, un « parti de l’Élysée » se crée. Fin du régime. Ayant jugulé l'opposition républicaine, le parti de l'Ordre prépare l'avenir et tente la fusion des courants monarchistes légitimiste et orléaniste en vue d'établir une monarchie constitutionnelle. La mort de Louis-Philippe en 1850 semble en effet permettre d'établir une voie commune entre les deux factions. Cependant, l'intransigeance du comte de Chambord et de ses partisans légitimistes (notamment au sujet du drapeau tricolore et de l'idée d'une constitution libérale) ainsi que la perspective probable pour les orléanistes de voir l'un des héritiers de Louis-Philippe se présenter à l'élection en 1852 font échouer cette fusion. La position de Bonaparte en sort renforcée. Pendant ce temps, le président se rend populaire auprès des militaires et effectue une tournée en province, séduisant tour à tour les républicains (en critiquant à mots voilés la loi électorale de mai 1850) et les conservateurs. Il se retrouve cependant confronté à un obstacle de taille : la Constitution lui interdit de se représenter en 1852. Au printemps 1851, il lance par l'entremise des préfets une campagne visant à populariser l'idée d'une révision de cette Constitution, mais il n'obtient pas les trois quarts des voix nécessaires à l'Assemblée le 19 juillet suivant. Envisageant alors un coup d’État, Bonaparte place ses fidèles à des positions stratégiques, notamment Saint-Arnaud au ministère de la Guerre. Ce dernier venant de rappeler aux soldats de Paris qu'ils lui doivent une totale obéissance, une partie de l'Assemblée prend peur, et rédige (principalement sous la plume des royalistes) la « proposition des questeurs », qui cherche à rappeler à l'armée que la Constitution prime sur toute hiérarchie militaire. Cependant, une grande partie de la Montagne rejoint les bonapartistes pour voter contre cette proposition, voyant dans les orléanistes le plus grand danger. Le coup d’État survient le 2 décembre 1851, date symbolique, anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz. Au matin, une double proclamation à l'armée et au peuple est placardée dans Paris. La proclamation au peuple tient une ligne démagogique plus à gauche que l'Assemblée, promettant notamment le retour du suffrage universel et la fin des lentes délibérations. L'Assemblée est dissoute, le palais Bourbon envahi, les chefs républicains et orléanistes arrêtés. Lorsque 200 députés se réunissent dans un édifice voisin pour délibérer de la marche à suivre, tous sont arrêtés. Quelques élus ayant échappé aux rafles, comme Victor Hugo et Victor Schœlcher, tentent de mobiliser la population de Paris, qui n'a pas oublié les massacres de juin 1848 et reste donc plutôt en retrait. Le député Baudin est tué sur une barricade, ce qui suscite une amplification de l'insurrection. Dans le même temps, Saint-Arnaud demande que quiconque participe à la construction ou la défense de barricades soit exécuté. Une fusillade éclate également sur les boulevards, créant ensuite une certaine panique. Le 4 décembre au soir, la situation est calmée dans une ville de Paris terrorisée. La marche vers l'Empire. Alors que la province avait jusqu'à présent la réputation de toujours suivre les changements parisiens, elle marque son indépendance en décembre 1851. C'est en effet hors de Paris qu'une réelle résistance républicaine apparaît, originalité de ce coup d’État. Cette résistance républicaine en province, dans le Centre, le Sud-Ouest, en Languedoc et dans le Var, terrorise les notables par son ampleur en certains lieux où le sang coule. Certaines villes et même des départements tombent aux mains des insurgés, puis sont reconquis. Cependant, une grande majorité des régions ne bouge pas, et la répression importante permet au régime de rassurer les notables. Des proscriptions touchent de nombreux républicains, et les condamnations contre ceux qui se sont insurgés sont souvent dures. Cependant, Louis-Napoléon Bonaparte est gêné par cet état de fait : il ne souhaitait pas que son régime naquît dans un bain de sang, et prononce donc un certain nombre de grâces. Malgré cela, le prince-président s'est aliéné une grande partie des intellectuels français : beaucoup émigrent lorsqu'un serment de fidélité à Bonaparte est rendu obligatoire pour occuper certaines fonctions. Les 21 et 22 décembre, après avoir rétabli le suffrage universel, le chef de l’État fait valider par la population son coup d’État, sous la forme d'un plébiscite. Avec 7,5 millions de « oui », contre 640 000 « non » et un million et demi d'abstentions, le changement est approuvé. Les rares villes où le « non » recueille la majorité des suffrages ne s'étaient pas insurgées : les villes révoltées, en revanche, ne se sont pas opposées par leur vote, trop effrayées par la répression. À la suite de ce vote, Bonaparte met en place une nouvelle Constitution en 1852. Celle-ci prévoit que Bonaparte demeure président de la République, pendant dix ans. Le parlement est divisé en deux chambres, Corps législatif et Sénat, contrairement à l'unique assemblée de 1848. Le Sénat, dont les membres sont nommés à vie par le prince, est chargé de contrôler les lois votées par rapport à la constitution et à certains principes fondamentaux, et il peut seul proposer une modification de la constitution. Le Corps législatif, qui ne peut ni proposer ni amender les lois, est pour sa part élu au suffrage universel. Cependant, le régime use fortement de candidatures officielles pour garantir un corps législatif docile. De même, la liberté de la presse est limitée. Si le régime n'a pas officiellement recours à la censure, il envoie des « avertissements » lorsqu'un article lui déplait, qui peuvent aboutir à la fin de la publication. Les journaux sont donc poussés à s'autocensurer. De fait, les élections de 1852 ne font sortir des urnes qu'une poignée d'opposants qui, refusant de prêter serment, n'entrent pas en exercice. La transition de la Deuxième République vers le Second Empire est alors presque terminée. Le prince-président entreprend une tournée officielle en province, au cours de laquelle il prononce à Bordeaux en octobre : « L'Empire, c'est la paix ». Peu à peu, la nouvelle du changement de régime annoncé se répand. Le 7 novembre 1852, ce changement est proposé par le biais d'un sénatus-consulte. Le 20 novembre, un nouveau plébiscite appelle le peuple à se prononcer sur ce choix. On compte 7 824 000 « oui » contre 253 000 « non ». Après cette validation populaire, Louis-Napoléon Bonaparte se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an jour pour jour après le coup d’État, mais, avec une volonté plus symbolique, quarante-huit ans après le sacre de Napoléon Ier. La culture politique sous la Deuxième République. Les forces politiques. Plusieurs courants de pensée coexistent durant la Deuxième République, dont l'évolution se révèle très forte. Ainsi, lors des débuts du régime, la polarisation se fait principalement entre les partisans d'une république sociale et les républicains plus modérés, ces derniers regroupant également des royalistes opportunément ralliés, provisoirement, au nouveau régime. L'entente est d'abord bonne entre les deux factions, organisées autour des journaux La Réforme et Le National. Si ce dernier domine très nettement, les deux courants sont représentés au sein du gouvernement provisoire. C’est à l’époque de cette union républicaine que sont adoptées un certain nombre de mesures progressistes et sociales (abolition de l'esclavage, fin de la peine de mort politique, baisse du temps de travail, ateliers nationaux). Les élections législatives de mai 1848 marquant une nette faiblesse du courant socialiste, celui-ci est progressivement exclu de la vie politique. Le « danger rouge » étant provisoirement écarté, les monarchistes et conservateurs s'éloignent peu à peu des républicains modérés pour former le parti de l'Ordre, réuni autour des valeurs du catholicisme et du conservatisme, qui favorise l'accession de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir. Aux élections législatives de mai 1849, les modérés sont marginalisés, leur courant étant dépassé à sa droite par le parti de l'Ordre, et à sa gauche par l’émergence du courant démocrate-socialiste, la Montagne. S'il est en partie décapité en juin, ce courant parvient à se maintenir à l'Assemblée jusqu'à la fin de 1851 malgré les persécutions. À l'opposé, le parti de l'Ordre voit émerger un nouveau concurrent qu'il a contribué à créer. Bonaparte s'émancipe en effet peu à peu des conservateurs, et rallie à lui des partisans attirés notamment par ses idées sociales. Un « parti de l’Élysée », bonapartiste, se forme, permettant la marche vers le coup d’État. Une politisation progressive de la population. La Deuxième République favorise, par le biais du suffrage universel, la politisation de la population. Dès le début du régime, la fin de la censure permet une circulation plus facile des idées, notamment au sein des milieux ouvriers. De très nombreux journaux, souvent éphémères, se créent : plus de 300 titres à Paris et quasiment autant en province. Les ateliers nationaux deviennent également un biais pour la propagation de la pensée socialiste chez les ouvriers, ce qui est un des motifs de leur fermeture. Cependant, au début de la République, cette circulation est surtout aisée dans la capitale, ce qui explique la crainte des socialistes face à des élections législatives qu'ils jugent prématurées, mais aussi la différence des cibles de la propagande gouvernementale lors de ces mêmes élections : alors que les idées socialistes sont combattues à Paris, c'est la monarchie qui est crainte en province, où la population pourrait être amenée à suivre les notables. En province, les idées de la Montagne circulent aussi par le biais du folklore, des danses et des chansons. Les clubs et associations sont également un moyen important pour cette propagation au sein de la gauche, ce qui conduit le parti de l'Ordre à en faire interdire plusieurs. Ses propres idées, pour leur part, circulent surtout par le biais de l’Église, de ses missions et processions, et plus généralement par le rôle d'encadrement qu'il juge avoir sur la population. Une division provinciale se crée (notamment visible lors des élections de 1849) avec une France conservatrice au nord et à l'ouest, et une France montagnarde au centre et à l'est : cette carte politique qui se révèle en 1849 s'avère durable. La réaction au coup d’État du 2 décembre est représentative de l'évolution de l'engagement des populations. Alors que la population ouvrière parisienne, encore marquée par les journées de juin 1848, rechigne à défendre un régime qui l’a combattue, la province se mobilise fortement en plusieurs endroits. Cette insurrection de province suscite un long débat entre les conservateurs, qui y voient avant tout une jacquerie tant redoutée avec son lot de destructions et de pillages, et, au contraire, les républicains qui y voient un mouvement de défense de la République. Il est en effet difficile d'évaluer avec précision la limite entre l'engagement politique des paysans et les exactions aux causes plus locales, mais aussi la part d'implication des paysans dans ces mouvements. Le rôle des femmes dans la vie politique. La révolution de 1848 et la Deuxième République marquent une étape importante dans l'émergence politique des femmes, à l'époque encore considérées aux yeux de la loi comme mineures. Certaines femmes de lettres se manifestent ainsi politiquement, comme George Sand qui s'engage au côté du gouvernement provisoire. Plus encore, les libertés nouvellement acquises, notamment en ce qui concerne les droits de réunion et les publications, entrainent la naissance de plusieurs journaux féministes comme La Voix des femmes, La Politique des femmes ou encore L'Opinion des femmes. Au sein de ces journaux émergent des personnalités de premier plan, telles qu'Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay. Il est cependant difficile de quantifier cette implication des femmes dans la révolution. Bien que les femmes restent exclues du suffrage universel mis en place à l'époque, elles s'expriment notamment par divers types de publications. Le fond de leur propos varie sans réelle unité. Certaines s'engagent pour le droit au travail, ce qui leur permet d'obtenir des ateliers nationaux qui leur sont destinés. Le désir d'égalité sur des sujets sociaux est également présent, et certaines s'engagent pour le rétablissement du divorce. Enfin, la question politique est importante, et des comités sont créés pour obtenir auprès du gouvernement un réel suffrage universel. Niboyet tente même d'obtenir la candidature de George Sand aux élections législatives, ce que celle-ci refuse. Elles bénéficient d'une certaine audience : ainsi, Armand Marrast, alors maire de Paris, reçoit une délégation de femmes et promet de rapporter leur parole à l'Assemblée. Après les journées de Juin et le tournant conservateur, une vague d'antiféminisme déferle. Les femmes sont en effet soupçonnées d'avoir contribué aux soulèvements, et leur présence au sein des clubs est interdite dès le mois de juillet. Peu à peu, également, l'image d'une femme mal éduquée et trop soumise à la volonté du clergé émerge chez les républicains. Cette image, durable, reste longtemps leur argument rejetant le suffrage des femmes. Arts et politique. Les arts reflètent l'ambiance politique de l'époque. Les peintres se font l'écho de l'évolution du régime : L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848 de François-Auguste Biard illustre bien l'utopie quarante-huitarde, tandis que le célèbre tableau Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet, crée la polémique en étant perçu comme une illustration de la déception du peintre après la victoire des conservateurs en 1849. Si on ne peut parler d'une peinture révolutionnaire, un tournant décisif s'amorce néanmoins, avec l'émergence d'une peinture davantage empreinte d'émotion et la naissance de la peinture de reportage, qui anticipe l'avènement de la photographie. Cette dernière est quant à elle utilisée comme source documentaire. L'Illustration emploie ainsi des photos des personnalités ou des événements, comme la barricade de la rue Saint-Maur-Popincourt du 26 juin 1848, pour en tirer des gravures qu'elle publie. Le théâtre, pour séduire un public que la crise politique et l'épidémie de choléra pourraient détourner, brocarde le régime à partir de la fin de l'année 1848, présentant la République comme l'héritière de la Terreur. Il s'en prend aussi violemment aux femmes qui militent pour leurs droits. Héritage de la Deuxième République. Influence du régime sur la pensée politique. Bien qu'il s'agisse d'une période particulièrement courte, la Deuxième République fait figure de « laboratoire » et d'expérience dans la pratique républicaine en France. Dès 1852, Victor Hugo écrit dans Napoléon le Petit que, désormais, l'idée de République ne sera plus liée à celle de Terreur, car le régime n'a pas vécu dans le sang. Les journées de Juin contribuent pour leur part à la théorie de lutte des classes que définissent Karl Marx et Friedrich Engels à la même époque. L'enthousiasme des premiers mois de 1848 est également une période fondatrice pour les socialistes, et fait naître chez eux l'idée que le socialisme est l'aboutissement de l'idéal républicain. C'est une idée que reprend notamment Jean Jaurès dans son discours d'Albi, en 1903. Les années conservatrices de 1849 et 1850, avec notamment la loi Falloux, ont également un effet sur la mentalité républicaine en accroissant leur anticléricalisme. C'est ainsi que le combat pour la laïcité sera un des grands enjeux de la Troisième République. Cependant, cette période républicaine ne donne pas d'héritage qu'à la gauche. Cette période sans monarque permet en effet à certains conservateurs, qu'ils soient légitimistes ou orléanistes, de voir que le concept de république ne remet pas forcément en cause ni leurs biens, ni leurs principes. C'est ainsi qu'un homme comme Adolphe Thiers, qui a accepté la Deuxième République comme une contrainte temporaire, deviendra l'un des fondateurs de la Troisième. C'est donc de cette période que la gauche et la droite contemporaines tirent une partie de leurs racines communes. La fin de la Deuxième République et le coup d’État de Bonaparte ont également durablement marqué la vie politique française, en donnant naissance à une certaine peur du suffrage universel. La dérive du régime fait apparaître la nécessité d'éduquer le peuple pour lui permettre de voter : l'éducation des masses sera un enjeu de la Troisième République. L'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 a prouvé que le suffrage universel pouvait devenir un danger pour la démocratie lorsqu'il sert à plébisciter un nom célèbre suscitant des espérances diverses et contradictoires. Cette élection du président de la République au suffrage universel est donc durablement rejetée. Lors de l'établissement des lois constitutionnelles de 1875, les radicaux vont jusqu'à demander la suppression de la fonction présidentielle, et son élection est finalement l’œuvre des chambres législatives. Il en va de même au début de la Quatrième République où le souvenir de Bonaparte, mêlé à celui, plus récent, de Pétain, pousse à rejeter à nouveau le suffrage universel pour l'élection présidentielle. De même, lorsque Charles de Gaulle propose un référendum pour que le président soit de nouveau élu au suffrage universel, le tollé de la part de la classe politique (à l'exception des gaullistes de l'UNR) est général, sans pour autant empêcher une nette majorité du « oui » de l'emporter. Persistance de la Deuxième République dans la culture. Après sa chute, le régime reste très présent dans la littérature, sous la plume d'écrivains comme Gustave Flaubert, qui le met en scène en 1869 dans L'Éducation sentimentale, ou encore de Victor Hugo qui en dresse un portrait élogieux en opposition tranchée avec le Second Empire. D'autres témoins de l'époque ont laissé de précieuses sources, qu'il s'agisse des mémoires de Charles de Rémusat, d'Alexis de Tocqueville, ou de la correspondance de George Sand. Karl Marx a également analysé cette époque sous l'optique de la "lutte des classes". Par la suite, le cinéma aussi s'inspire de la période, par exemple avec le documentaire 1848 commenté par Bernard Blier, qui est, en 1950, nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire. Historiographie. L'historiographie de la Deuxième République a longtemps été principalement limitée aux mois de 1848 suivant la révolution : ceux qui ont traité cette période ont souvent été guidés par leurs opinions politiques lorsqu'ils ont mis en place, tantôt la « légende rose » d'une République progressiste apportant la fin de l'esclavage, le suffrage universel et le début de la résolution de la question sociale, traîtreusement abattue par « Badinguet » ; tantôt la « légende noire » d'une République idéaliste, sombrant dans l'improvisation stérile et dangereuse. Cela s'est longtemps traduit par une opposition entre historiens spécialistes de la Seconde République et du Second Empire, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'une trop grande complaisance à l'égard de leur sujet d'étude. Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les historiens se penchent de plus en plus sur la période de 1849 à 1851, qui voit le centre de la vie politique française se déplacer de Paris vers la province par le biais du suffrage universel. Cette dynamique trouve son origine dans le paradigme labroussien alors en vogue, qui privilégie les études à l'échelle régionale ou départementale. Par ailleurs des historiens étrangers se sont penchés sur le xixe siècle français, avec une approche plus culturelle que politique, contribuant à un renouvellement historiographique. Tous ces travaux entraînent une meilleure compréhension, moins politisée, du régime. Toutefois les recherches sur les années 1849 et 1850 restent trop peu nombreuses par rapport à celles sur le début et la fin du régime. Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Pablo Rodriguez 2023-01-21T15:52:52.437000000 3 PT10M23S LibreOffice/7.3.7.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/e114eadc50a9ff8d8c8a0567d6da8f454beeb84f Mise en page d'un texte long TD informatique 2023-01-21T17:50:51.821000000 Pablo Rodriguez TD informatique Pablo Rodriguez Mise en page d'un texte long 31 Table des matières Table des matières Deuxième République. 1 Crise économique et impossible réforme de la monarchie de Juillet. 2 La révolution de 1848. 5 Histoire du régime. 7 Gouvernement provisoire et tentatives sociales. 7 Les élections d'avril 1848 et l'Assemblée constituante. 9 La commission exécutive et les journées de juin. 10 La République conservatrice. 12 L'élection présidentielle de décembre 1848. 14 Les élections législatives de 1849. 15 Crépuscule d'une République avortée. 17 Fin du régime. 19 La marche vers l'Empire. 20 La culture politique sous la Deuxième République. 23 Les forces politiques. 23 Une politisation progressive de la population. 24 Le rôle des femmes dans la vie politique. 25 Arts et politique. 26 Héritage de la Deuxième République. 28 Influence du régime sur la pensée politique. 28 Persistance de la Deuxième République dans la culture. 29 Historiographie. 30 Image représentant napoléon debout, la main sur son ventre et dans sa veste. choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Groupe-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données. Le style de paragraphe doit insérer un saut de page. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Les padding sont des marges intérieures. Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. Ne tapez pas de guillemet, etc. Pour insérer le champ "-!b!-Commentaires-!/b!-".-!br!-Sélectionner le menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!--!br!-Dans la boite de dialogue "Champ"-!br!-Onglet "Info document" Dans les -!b!-Propriétés-!/b!- du style de page-!br!-Onglet -!b!-Page-!/b!--!br!--!b!-Mise en page-!/b!- -!b!--!u!-Attention formatage local:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type d'élément, ici un formatage local.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce formatage local soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel, ou vérifier que vous avez formaté localement ce text.-!br!-N'oubliez pas d'effacer le format avant de reformater le texte. -!b!--!u!-Attention paragraphe de texte:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte de ce paragraphe n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le paragraphe par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un paragraphe.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un paragraphe.-!br!- -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier guillemet du texte.-!br!-Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère de votre condition. Menu Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-" Pour légender une image, il faut un clic droite sur l'image et sélectionner -!b!-Insérer une légende...-!/b!--!br!-Cependant, il faut retirer la protection du contenu. Dans la boite de dialogue -!b!-Propriétés-!/b!--!br!-Onglet Option-!br!-Vou devez cocher les protections (case à cocher) -!b!--!u!-Attention :-!/u!--!/b!--!br!-Il peut y avoir devant la numération un espace.-!br!--!br!-Par exemple : -!b!-§[espace]-!/b!- Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitres"-!br!-Onglet Position-!br!-Numerotation suivi par. Dans la boite de dialogue "Numérotation des chapitre"-!br!-Afficher les sous-niveaux. Le texte du lien qui permet d'atteindre le paragraphe. Ne tapez pas d'espace à la fin du nom de la colonne, Sinon Null. La variable de séquence permet de légender et de créer des index.-!br!-Pour ajouter une variable de séquence, vous devez sélectionner le menu-!br!-Insertion/Champ/Autres champs...-!br!-Onglet "-!b!-Variables-!/b!-". -!b!--!u!-Attention retour à la ligne:-!/u!--!/b!--!br!-Si le texte n'a pas été trouvé.-!br!-Vous devez savoir que l'application recherche le texte par son contenu.-!br!-Mais aussi par le type de l'élément, ici un retour à la ligne.-!br!-Il est probable que tous les autres attributs (propriétés) de ce paragraphe soient "null".-!br!-Vérifier le contenu textuel de votre paragraphe, ou vérifier que c'est bien un retour à la ligne.-!br!- Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion d'un caractère tabulation Insertion du champ numéro de page Insertion du champ nombre de page Insertion du champ nombre de révision Paragraphe de texte-!br!-Un paragraphe de texte est créé avec la touche-!br!--!b!-ENTRÉE-!/b!- Le formatage direct-!br!-Lorsque l'on modifie localement les attributs d'un texte (Gras, italic, taille, soulignage, etc.) Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. // / Monsieur Albert Dupuis, Rue des fleurs coupées, 75016 PARIS LETTRE D E DESISTEMENT Madame, Monsieur, Suite à notre conversation téléphonique du 15 courant, j'ai le regret de vous confirmer mon désistement à la réunion du 23 décembre 2016 suite à une convocation à la préfecture du nord. Salutations respectueuses, Albert Dupuis, Traducteur 1 choose the encoding from this list : UTF-8 US-ASCII ISO-8859-1 UTF-16BE UTF-16LE UTF-16 Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Auteur2-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Clique sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Date du contrôle-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Propriétés personnalisées-!br!-Cliquez sur le bouton "Ajouter une propriété" pour ajouter une méta données.-!br!--!br!--!b!--!u!-ATTENTION-!/u!--!/b!-: Vous devez tapez comme nom de la méta donnée -!b!-Département-!b!--!br!-Exactement ces caractères, ne tapez pas d'espace après le dernier caractère.-!br!-Sinon vous aurez une valeur -!b!-null-!/b!-. 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Exemple : #808080 0.176cm 0.176cm-!br!-La couleur : #808080-!br!-0.176cm : décalage X-!br!-0.176cm : décalage Y C'est l'ordre d'apparition de la page lorsque le mode "-!b!-Livre-!/b!-" est utilisé.-!br!-Dans le mode d'affichage "-!b!-Livre-!/b!-" toutes les pages s'affichent, y compris les pages vides. Si l'objet ne se nomme pas -!b!--!u!-EXACTEMENT-!/u!--!/b!- comme indiqué dans la consigne.-!br!--!br!-L'algorithme d'analyse ne pourra pas trouver l'objet.Vous aurez que des valeurs -!b!--!u!-NULL-!/u!--!/b!--!br!--!br!-Faites attention à la case (majuscule et minuscule). Ne tapez pas d'espace après le dernier caractère. 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Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. Le paragraphe juste avant doit être le même que celui indiqué dans la consigne. Menu Fichier/Propriétés-!br!-Onglet Description Retour à la ligne-!br!-Un retour à la ligne est différent d'un paragraphe.-!br!-Pour réaliser un retour à la ligne vous devez taper-!br!--!b!-SHIFT (majuscule) + ENTRÉE-!/b!- Insertion du champ numéro de page Un espace est inséré lorsque vous souhaitez un séparateur de mots à un endroit où un saut de ligne est acceptable. pierre louis 2022-06-23T17:17:22.653000000 6 PT4H57M16S 2022-06-26T11:09:54.406000000 pierre louis LibreOffice/7.3.3.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/d1d0ea68f081ee2800a922cac8f79445e4603348 null/// //////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// \ No newline at end of file diff --git a/bin/MEPTL/commandes.class b/bin/MEPTL/commandes.class index 9109723..a9ed3e5 100644 Binary files a/bin/MEPTL/commandes.class and b/bin/MEPTL/commandes.class differ diff --git a/bin/MEPTL/meptl.class b/bin/MEPTL/meptl.class 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files a/bin/fenetres/evaluate$13.class and b/bin/fenetres/evaluate$13.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate$2.class b/bin/fenetres/evaluate$2.class index e762436..7b07556 100644 Binary files a/bin/fenetres/evaluate$2.class and b/bin/fenetres/evaluate$2.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate$24.class b/bin/fenetres/evaluate$24.class index aceb05d..8942658 100644 Binary files a/bin/fenetres/evaluate$24.class and b/bin/fenetres/evaluate$24.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate$25.class b/bin/fenetres/evaluate$25.class index 9bad877..6e9f357 100644 Binary files a/bin/fenetres/evaluate$25.class and b/bin/fenetres/evaluate$25.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate$26.class b/bin/fenetres/evaluate$26.class index 6ec1d94..b9466e2 100644 Binary files a/bin/fenetres/evaluate$26.class and b/bin/fenetres/evaluate$26.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate$27.class b/bin/fenetres/evaluate$27.class index 24b0076..6dfb062 100644 Binary files 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b/bin/fenetres/evaluate$9.class differ diff --git a/bin/fenetres/evaluate.class b/bin/fenetres/evaluate.class index 069a15d..23be60e 100644 Binary files a/bin/fenetres/evaluate.class and b/bin/fenetres/evaluate.class differ diff --git a/bin/fichierCSV.png b/bin/fichierCSV.png index 5b8413b..c853665 100644 Binary files a/bin/fichierCSV.png and b/bin/fichierCSV.png differ diff --git a/bin/fichierCSVInfo.png b/bin/fichierCSVInfo.png index 6a2ac6f..40b9645 100644 Binary files a/bin/fichierCSVInfo.png and b/bin/fichierCSVInfo.png differ diff --git a/bin/fichier_csv_student.svg b/bin/fichier_csv_student.svg index a01a9a8..c328a57 100644 --- a/bin/fichier_csv_student.svg +++ b/bin/fichier_csv_student.svg @@ -2,9 +2,9 @@ + + + + inkscape:snap-global="false" + inkscape:showpageshadow="2" + inkscape:deskcolor="#d1d1d1"> + position="-2.471617e-08,4.4381936" + inkscape:locked="false" /> + id="guide5772" + inkscape:locked="false" /> @@ -263,6 +287,15 @@ 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inkscape:snap-midpoints="true" inkscape:object-paths="true" - inkscape:snap-global="false"> + inkscape:snap-global="false" + inkscape:showpageshadow="2" + inkscape:deskcolor="#d1d1d1"> + position="-2.471617e-08,4.4381936" + inkscape:locked="false" /> + id="guide5772" + inkscape:locked="false" /> @@ -267,15 +271,19 @@ id="g6608" transform="matrix(13.490989,0,0,13.200666,-17.319663,-52.327875)" style="stroke-width:1.21708"> - - + + + + diff --git a/icons/fichierCSV.png b/icons/fichierCSV.png index 5b8413b..c853665 100644 Binary files a/icons/fichierCSV.png and b/icons/fichierCSV.png differ diff --git a/icons/fichierCSVInfo.png b/icons/fichierCSVInfo.png index 6a2ac6f..40b9645 100644 Binary files a/icons/fichierCSVInfo.png and b/icons/fichierCSVInfo.png differ diff --git a/icons/fichierCSV_delete.png b/icons/fichierCSV_delete.png new file mode 100644 index 0000000..158c732 Binary files /dev/null and b/icons/fichierCSV_delete.png differ diff --git a/icons/fichier_csv_studen_delete.svg b/icons/fichier_csv_studen_delete.svg new file mode 100644 index 0000000..a6ac931 --- /dev/null +++ b/icons/fichier_csv_studen_delete.svg @@ -0,0 +1,281 @@ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + image/svg+xml + + + + + + + + + + + + + CSV + + + + + + diff --git a/icons/fichier_csv_studen_suppr.svg b/icons/fichier_csv_studen_suppr.svg new file mode 100644 index 0000000..c597258 --- /dev/null +++ b/icons/fichier_csv_studen_suppr.svg @@ -0,0 +1,281 @@ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + image/svg+xml + + + + + + + + + + + + + CSV + + + + + + diff --git a/icons/fichier_csv_student.svg b/icons/fichier_csv_student.svg index a01a9a8..c328a57 100644 --- a/icons/fichier_csv_student.svg +++ b/icons/fichier_csv_student.svg @@ -2,9 +2,9 @@ + + + + inkscape:snap-global="false" + inkscape:showpageshadow="2" + inkscape:deskcolor="#d1d1d1"> + position="-2.471617e-08,4.4381936" + inkscape:locked="false" /> + id="guide5772" + inkscape:locked="false" /> @@ -263,6 +287,15 @@ style="font-style:normal;font-variant:normal;font-weight:normal;font-stretch:normal;font-family:arial;-inkscape-font-specification:arial;fill:#ffffff;stroke-width:3.0916" x="88.898773" y="96.537178">CSV + + diff --git a/icons/fichier_csv_student_info.svg b/icons/fichier_csv_student_info.svg index 214aa04..99beceb 100644 --- a/icons/fichier_csv_student_info.svg +++ b/icons/fichier_csv_student_info.svg @@ -4,7 +4,7 @@ inkscape:export-xdpi="96" inkscape:export-filename="C:\Users\pabr6\git\analyseWriter\MEPTL\icons\fichierCSVInfo.png" sodipodi:docname="fichier_csv_student_info.svg" - inkscape:version="1.1.2 (b8e25be833, 2022-02-05)" + inkscape:version="1.3 (0e150ed6c4, 2023-07-21)" id="svg8" version="1.1" viewBox="0 0 12.7 12.7" @@ -180,7 +180,7 @@ units="px" showgrid="false" inkscape:document-rotation="0" - inkscape:current-layer="g4208" + inkscape:current-layer="g1" inkscape:document-units="mm" inkscape:cy="14.965968" inkscape:cx="15.921243" @@ -201,15 +201,19 @@ inkscape:bbox-nodes="true" inkscape:snap-midpoints="true" inkscape:object-paths="true" - inkscape:snap-global="false"> + inkscape:snap-global="false" + inkscape:showpageshadow="2" + inkscape:deskcolor="#d1d1d1"> + position="-2.471617e-08,4.4381936" + inkscape:locked="false" /> + id="guide5772" + inkscape:locked="false" /> @@ -267,15 +271,19 @@ id="g6608" transform="matrix(13.490989,0,0,13.200666,-17.319663,-52.327875)" style="stroke-width:1.21708"> - - + + + + diff --git a/src/MEPTL/commandes.java b/src/MEPTL/commandes.java index 2ad8b60..2b29d39 100644 --- a/src/MEPTL/commandes.java +++ b/src/MEPTL/commandes.java @@ -34,7 +34,7 @@ public class commandes { public static node nodeCSV = null; //** Version - public static String version ="V4.4.7"; // La version actuelle + public static String version ="V4.4.8"; // La version actuelle public static String branch = "Origin"; public static String Annee ="2023"; diff --git a/src/MEPTL/meptl.java b/src/MEPTL/meptl.java index 7bcbb84..97312ef 100644 --- a/src/MEPTL/meptl.java +++ b/src/MEPTL/meptl.java @@ -28,7 +28,6 @@ import cXML.node; import calcul.formatDateWriter; import evaluer.analyseFichier; import evaluer.evaluation; -import fenetres.evaluate; import net.lingala.zip4j.exception.ZipException; @@ -445,15 +444,17 @@ public class meptl { for(int u = 0; u < nods1.size() ; u++) { for(int v = 0 ; v <= indexBreak[u]; v++) { - if(nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v)!=null) { - if(ContenusVidesAvantBreak[u]) { - if(!nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v).isEmpty()) { - ContenusVidesAvantBreak[u]=false; + if(nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().size()>=1) { + if(nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v)!=null) { + if(ContenusVidesAvantBreak[u]) { + if(!nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v).isEmpty()) { + ContenusVidesAvantBreak[u]=false; + } + } + if(v==indexBreak[u] && !ContenusVidesAvantBreak[u]) { + nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().set( + v,nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v) + "** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK **"); } - } - if(v==indexBreak[u] && !ContenusVidesAvantBreak[u]) { - nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().set( - v,nodstructure.getNodes().get(j).getContenu().get(v) + "** TEXT:SOFT-PAGE-BREAK **"); } } } @@ -2340,6 +2341,8 @@ public class meptl { sb.append(""); + sb.append("

Liste des étudiants

"); + sb.append("

Cette liste permettra de réaliser l'importation des notes dans le canet de note sur Moodle.

"); sb.append(""); sb.append(""); sb.append(""); diff --git a/src/evaluer/evaluerLesFichiersEtudiants.java b/src/evaluer/evaluerLesFichiersEtudiants.java index 302eef5..60241d8 100644 --- a/src/evaluer/evaluerLesFichiersEtudiants.java +++ b/src/evaluer/evaluerLesFichiersEtudiants.java @@ -74,10 +74,10 @@ public class evaluerLesFichiersEtudiants implements Runnable{ //********************************************** //** Chargement et verification du CVS fourni ** //********************************************** - if(commandes.fourniCSV) { - node A = meptl.chargementFichierCSV(); - if(A!=null) commandes.nodeCSV = A; - } +// if(commandes.fourniCSV) { +// node A = meptl.chargementFichierCSV(); +// if(A!=null) commandes.nodeCSV = A; +// } //***************************************** diff --git a/src/fenetres/evaluate.java b/src/fenetres/evaluate.java index 3b558cc..1a7edbf 100644 --- a/src/fenetres/evaluate.java +++ b/src/fenetres/evaluate.java @@ -509,7 +509,10 @@ public class evaluate extends JFrame { menuBar.add(mnMenu_Liste_Etudiant); mnMenu_Liste_Etudiant.add(actChargeListeEtudiantCSV); mnMenu_Liste_Etudiant.addSeparator(); + mnMenu_Liste_Etudiant.add(actDeleteListeEtudiantCSV); + mnMenu_Liste_Etudiant.addSeparator(); mnMenu_Liste_Etudiant.add(actAfficheListeEtudiant ); + mnMenu_Liste_Etudiant.addSeparator(); mnMenu_Liste_Etudiant.add(actVerifCSV ); @@ -974,7 +977,7 @@ private AbstractAction actOpen = new AbstractAction() { String name = "inconnu"; String firstname = "inconnu"; String id = "inconnu"; - txtpnmessages.setContentType("text/plain"); + txtpnmessages.setContentType("text/html"); boolean avertissement = false; if(settingCSV.getAttributs().get("email")!=null) { email = settingCSV.getAttributs().get("email"); @@ -989,33 +992,33 @@ private AbstractAction actOpen = new AbstractAction() { id = settingCSV.getAttributs().get("id"); } if(commandes.nodeCSV.getNodes().get(0).getAttributs().get(firstname)==null) { - txtpnmessages.setText("*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + firstname + " dans le fichier CSV. ***"); + txtpnmessages.setText("

*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + firstname + " dans le fichier CSV. ***

"); avertissement=true; } if(commandes.nodeCSV.getNodes().get(0).getAttributs().get(name)==null) { - txtpnmessages.setText("*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + name + " dans le fichier CSV. ***"); + txtpnmessages.setText("

*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + name + " dans le fichier CSV. ***

"); avertissement=true; } if(commandes.nodeCSV.getNodes().get(0).getAttributs().get(id)==null) { - txtpnmessages.setText("*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + id + " dans le fichier CSV. ***"); + txtpnmessages.setText("

*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + id + " dans le fichier CSV. ***

"); avertissement=true; } if(commandes.nodeCSV.getNodes().get(0).getAttributs().get(email)==null) { - txtpnmessages.setText("*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + email + " dans le fichier CSV. ***"); + txtpnmessages.setText("

*** AVERTISSEMENT - Il n'y a pas le champ " + email + " dans le fichier CSV. ***

"); avertissement=true; } if(!avertissement) { - txtpnmessages.setText("*** Le fichier CSV contenant la liste des étudiants peut être utilisé avec les paramètres du fichier d'analyse ***"); + txtpnmessages.setText("

*** Le fichier CSV contenant la liste des étudiants peut être utilisé avec les paramètres du fichier d'analyse ***

"); } }else { - txtpnmessages.setText("*** Le fichier CSV contenant la liste des étudiants est vide ***"); + txtpnmessages.setText("

*** Le fichier CSV contenant la liste des étudiants est vide ***

"); } }else { - txtpnmessages.setText("*** Veuillez charger un fichier CSV contenant la liste des étudiants ***"); + txtpnmessages.setText("

*** Veuillez charger un fichier CSV contenant la liste des étudiants ***

"); new msgBox("Le fichier CSV contenant la liste des étudiants n'est pas chargé.",true,false,"Avertissement"); } }else { - txtpnmessages.setText("*** Veuillez charger une évaluation ***"); + txtpnmessages.setText("

*** Veuillez charger une évaluation ***

"); new msgBox("Le fichier d'analyse n'est pas valide.",true,false,"Avertissement"); } } @@ -1259,10 +1262,7 @@ private AbstractAction actOpen = new AbstractAction() { txtpnmessages.setText("

*** Veuillez sélectionner un fichier CSV contenant la liste des étudiants. ***

"); } } - System.out.println( "Charge la liste des étudiants." ); - - } if(commandes.fourniCSV) { @@ -1289,6 +1289,7 @@ private AbstractAction actOpen = new AbstractAction() { { putValue( Action.NAME, "Supprime la liste des étudiants" ); + putValue( Action.SMALL_ICON, new ImageIcon(evaluate.class.getResource("/resources/fichierCSV_deletemini.png")) ); putValue( Action.LARGE_ICON_KEY, new ImageIcon(evaluate.class.getResource("/resources/fichierCSV_delete.png")) ); putValue( Action.MNEMONIC_KEY, KeyEvent.VK_L ); putValue( Action.SHORT_DESCRIPTION, "Supprime la liste des étudiants" ); diff --git a/src/resources/fichierCSV_deletemini.png b/src/resources/fichierCSV_deletemini.png new file mode 100644 index 0000000..9a868a8 Binary files /dev/null and b/src/resources/fichierCSV_deletemini.png differ
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